You’d better stop ! pour que les Don Quichotteries sur le toit de l’Opéra ne se transforment pas en sketchs toonesques.
Vienne et surtout Londres ont confirmé ce que Berlin avait annoncé : Palpatine est un spot-addict. Dès qu’un bâtiment remarquable ou une vue surplombante pointe le bout de son museau sur une carte ou au bout d’une rue, il faut approcher la curiosité, et s’assurer qu’elle ne nous prenne pas de court en la prenant en photo.
Au début, je trouvais irritante cette manie touristique qui nous rapprochait sans cesse des lieux communs, i.e. banals et surpeuplés, quand bien même désertés par les populations indigènes. Videndum est ; comme s’il était besoin de s’embarrasser d’adjectifs verbaux en vacances… Impératif d’autant plus pressant qu’il est pressé : les photos sont arrachées au spot, c’est à peine si l’on prend le temps de cadrer.
Tout à l’heure au téléphone, Melendili me racontait son voyage à Londres et notamment le premier jour où, G. et elles ont joué à Où est Charlie devant Big Ben, Où est Charlie devant Tower Bridge, Où est Charlie à Westminster Abbey etc. parce que G. s’était fait payer le voyage par sa tante et qu’il fallait bien une caution de visite avant de se lancer dans le shopping, de flâner dans les parcs et d’écrémer les salons de thé. Mais Palpatine n’a de comptes à rendre à personne (hormis son banquier après avoir descendu Savile), aucune souris n’a été volontairement cadrée dans le viseur (sauf une dont je me passerais et dont j’interdis la diffusion), et on serait bien en peine de trouver un autoportrait dans la memory stick de son appareil.
Moment de flottement, donc, sur le beau Danube parfois bleu.
Et puis, en le voyant étudier la carte de Londres pendant une bonne vingtaine de minutes dans l’Eurostar, j’ai compris que sa manie de spotter n’était pas superficielle mais plane. Les points remarquables deviennent autant de repères qui organisent l’espace, et l’absence de cadrage, des plans larges qui replacent le lieu dans son espace – ce que signifie en réalité l’envie de « montrer comment c’est réellement ». Bref, zoom out. Le spot n’a d’intérêt que par rapport au non-spot. Il s’ensuit que :
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le spot en lui-même, on s’en colle un peu (agaçant quand on a marché des kilomètres pour le trouver, agréable lorsque cela m’évite de visiter à nouveau le palais de Schönbrunn en lui-même, et permet une plus longue promenade dans le parc). Un clic-clac et ça repart ; pas besoin d’aller sur Mars.
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Vienne a mis le spotteur dans l’embarras. Dans les rues d’immeubles massifs et meringues, tout est spottable, et rien ne l’est. Rien en particulier, pas plus le mastodonte jaune sur la droite que l’archi-ouvragé blanc sur la gauche ; c’est le Ring, Palpatine tourne en rond et shoot ses adversaires au hasard. Il s’est alors trouvé dans l’obligation, pour conserver son concept, d’en inventer une nouvelle variante : le spot homéopathique, dilué dans la ville.
Au pas de course, Mimy se prend pour Cortex
(et je déteins, parce que ce n’est pas moi qui ai ensuite eu l’idée de cadrer les touristes sous les sabots du cheval pour les écraser)
Vu ainsi, tout en participant au safari-photo, je peux moi aussi jouer à Où est Charlie ? Œil pour œil, sans aucune dent, je préfère poursuivre ma spécialisation ès cadrages bizarres ; les détails qu’ils découpent trouveront toujours dans ses photos les plans panoramiques dans lesquels ils se réinscrivent. Conclusion : j’ai épuisé les piles de mon appareil en réglage de zoom, Palpatine a grave spotté, et ce verbe barbare (ou barbarisme verbeux) m’a collé une affreuse ritournelle dans la tête, « on va spotter ! sur une étoile ou sur un oreiller… ».