Journal d’août 2/4

Lundi 7 août

Qu’il m’est étrange désormais d’arriver Gare du Nord sans monter dans un TGV pour Lille ! Je monte à la place sur la plateforme d’embarquement de l’Eurostar. La volée d’escaliers me projette quelques années en arrière, cinq, six, quand la virée londonienne était annuelle. L’excitation est intacte.

Dans le train, je regrette que les enfants d’à côté ne soient pas rivés à quelque écran. Même le père flegmatique finit par craquer et demande à ce que le vroum vroum cesse ; la figurine en plastique rouge quitte alors le circuit automobile pour se lancer dans une aventure imprécise, à mi-chemin entre la guerre et les travaux de voirie. Are we gonna scuba-diving? demande l’un ou l’autre enfant avant que le train s’engouffre dans le tunnel sous la manche. C’est à présent une mini-tour Eiffel scintillante qui nage devant la vitre obscurcie. What is the name of the fish who is friend with the mermaids? J’ai l’impression d’une colle, mais la mère renverse la tête sur l’appui-tête, ferme un instant ses yeux globuleux et les rouvre aussitôt avec la réponse : Flounder. Aussi évident que Londres est la capitale du Royaume-Uni. Flounder. Je me demande sur le moment si la mère a inventé une réponse pour avoir la paix ou si elle a revu 23 fois un dessin animé que je ne connais pas. Douze jours plus tard, alors que je rédige cette entrée, Wikipédia tranche : il s’agit du nom original de Polochon dans La Petite Sirène de Disney. J’aurai gagné Flounder en plus d’un mal de crâne.

Je n’ai pas encore vu les bus rouges, les bandes jaunes et les taxis noirs que déjà je suis dans l’exaltation d’être à Londres. Je suis à Londres ! Je suis dans la file d’attente pour recharger mon Oyster Card, et je vis ma meilleure vie en dévorant sans attendre un sandwich triangle au chutney de carotte. Ce sera mon obsession du week-end : les sandwichs triangle. Pickles, chutney, cresson… Dix ans plus tard — littéralement —, l’Oyster Card de Mum a conservé 0.28 £. Un refill et c’est parti. J’avais oublié les cercles rouges sur le tissu des sièges dans le métro, logo du tube et London Eye fusionnés et répétés à loisir en un même motif. Mind the gap!

Arche décorée de flamands roses entre des immeubles
Décoration à The Yards, près de Covent Garden

Notre première journée, première après-midi, est dédiée à ce qui s’apparente à un pèlerinage : il faut passer par Covent Garden et la boutique du Royal Opera House, rallier Piccadilly, faire le plein de thé et fureter dans les étages de Forntum & Mason avant de repartir en traversant Saint James Park. À la fin de la journée, nous sommes crevées : dîner pic-nique de sandwichs triangles à l’hôtel. Les chips au vinaigre ont un tout autre goût à Londres.

Une PLV du lapin d'Alice au pays des merveilles, installé à une table avec la vaisselle assortie

Candélabre laissant deviner dans la pénombre une nuée de tasses ailées (comme le vif or dans Harry Potter)

Jolis pots de lemon curd en enfilage

Saint James Park dans une lumière dorée

Un écureuil traverse le bitume du parc avec une noisette dans la gueule, dans la lumière dorée

Un écureuil avec sa noisette dans la fourche de deux branches

Un parterre de fleurs hyper coloré

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Mardi 8 août

C’est un 6 août à Londres que j’ai découvert le maquereau fumé, et le buffet de l’hôtel me permet de célébrer cet anniversaire. J’observe pour voir qui d’autre que moi mange du maquereau fumé froid au petit-déjeuner. Personne ne semble y toucher, et je vois passer beaucoup d’English Breakfast fumant avant de repérer qui se sert un monsieur absolument fade à l’exception de ses lunettes noires rectangulaires. Bartelby prend donc du smoked mackerel au petit-déjeuner.

Immeubles londoniens

Le temps est pluvieux, mais j’ai dans l’idée de faire découvrir Canary Wharf à Mum. À notre arrivée, les hommes d’affaire sont en pause déjeuner, ça téléphone, sandwich et latte dans les recoins du jardin central. Costumes bien coupés… I’ll get back to you… oreillettes en place… of course… tous professionnels, imperméables à la pluie. En s’extrayant des buildings, je retrouve l’esplanade qui marque le début de la promenade le long de la Tamise, et de l’autre côté de la rive, l’hôtel où j’avais passé un autre anniversaire (et découvert le maquereau fumé) avec Palpatine. Londres est un palimpseste de souvenirs avec lui, quand bien même cette promenade, je l’avais faite seule, pendant qu’il assistait à une journée de présentation de MBA. J’avais gardé le souvenir d’être repassée régulièrement du front de rivière à la rue derrière les immeubles lors de certains tronçons privés  — des travaux interrompent encore un peu plus la déambulation. Mais je parviens à retrouver l’improbable petit port entre les immeubles en briques, qui achèvera de ravir Mum.

Jolie maison près de la Tamise, décorée avec des bouées de sauvetage

Une jolie porte bleue-violetteTransmutation de la pluie en thé en nous réfugiant chez Richoux. Le Richoux blend n’existe plus, la vaisselle n’a plus de liseré rouge ni les scones de raisins secs, ceux-ci sont servis dans une corbeille à pains (de fait, c’est accurate, ils partent comme des petits pains), et la vitrine de gâteaux variés tous plus riches les uns que les autres a été remplacée par moult parfums de cruffins en apparences identiques (une brioche feuilletée fourrée, désignée par un mot-valise associant la hype du croissant à la forme du muffin). Ce qui ne change pas, en revanche, c’est la sainte-trinité scone – clotted cream – confiture de fraise dans nos assiettes. Plus les années passent, plus je vide avec plaisir le petit pot de clotted cream.

Clotted cream, confiture et demi-scène tartiné

Mum m’a fait découvrir Londres, les scones, l’Earl Grey, Big Ben, Westminster, les bijoux de la reine, Liberty, Camden Market. Je continue à lui faire découvrir ce que, de la ville, j’ai cartographié sans elle : après le quartier récent de Canary Wharf, ce sont les librairies anciennes Hatchard’s et Daunt Books. Je redécouvre la seconde : j’ai toujours aimé son architecture, ses galeries, ses boiseries, sa verrière, mais j’avais aussi toujours considéré cette librairie de voyage comme n’étant pas pour moi, passant à côté de ce qu’il peut y avoir de poétique à regrouper les ouvrages par origine géographique, faisant dialoguer guides et récits de voyages avec la fiction évoquant ou écrite depuis les mêmes contrées. Les fauteuils en osier du sous-sol, où l’on dépose notre fatigue feutrée, ne sont peut-être pas pour rien dans cette ouverture tardive. Au rez-de-chaussée, Mum s’attarde devant un ouvrage richement illustré de Lonely Planet (je ne savais pas qu’ils faisaient des beaux livres !), que l’on feuillette à deux, et j’embarque le premier tome de l’autobiographie de Deborah Levy. La libraire à la caisse fait une drôle de tête quand j’étale mes piécettes pour qu’elle m’aide à trouver l’appoint ; elle m’en rend une qui me semblait pourtant avoir le bon chiffre : c’étaient des centimes hong-kongais.

Photo floue où un monsieur bien habillé avec une pochette lit dans une magnifique librairie avec un vitrail

Marylebone, le quartier de Daunt Books, plaît beaucoup à Mum, déjà en train de repérer les hôtels dans le coin pour un prochain séjour. À un croisement de ce coin chic, sur un banc, un homme en fin de carrière éructe au téléphone, se replie un peu plus sur sa pochette en cuir à chaque occurrence de « Stop this shit! » — he’s clearly loosing his’. Une poussette tourne la tête, et tout le monde au carrefour. En France, l’homme continuerait plus fort pour donner la mesure de son énervement. Ici, il parait encore plus en colère (contre lui ou son interlocuteur) d’être vu en train de perdre son flegme, tente de murmurer ses cris. Et bientôt se détourne ou se lève, je n’ai pas osé lui imposer plus longtemps un regard supplémentaire.

Ambiance du restaurant Pachamama

Glazed aubergine, heritage carrot, fried plantain, peruvian chocolate

Pour finir la journée, mieux que le triple-A, le quadruple-A du Pachamama. J’y avais brunché il y a une éternité avec JoPrincesse, et c’est la seule adresse qui m’est revenue lorsque Mum m’a demandé où l’on pourrait réserver pour dîner. J’y ai retrouvé le yaourt fumé qui m’avait marquée, ici pour adoucir des aubergines cuisinées dans une sauce fort piquante, mais fort goûtues. C’est ce qu’ont en commun les plats végétariens que nous commandons, tous relevés, avec des saveurs inhabituelles, très travaillées. Le dîner en devient festif : on s’esbaudit de chaque bouchée, chaque saveur goûtée du bord de la fourchette puis ravitaillée, ravivée à pleines fourchettées. Entre la salle sombre et les ingréidents grillés, fumés, on ne voit le voit pas très très bien ce que l’on mange, mais le dîner monopolise la conversation, on ne parle que de ça, on goûte, re-goûte de-ci de-là, les sauces séparément, ensemble, et bientôt en croisant les plats, qui se succèdent de plus en plus rapidement, au point de se juxtaposer par cuillères entières dans nos assiettes, carottes rôties au miso, aubergines façon barbecue ribs et bananes plantains. Le dessert arrive avec une bougie plantée dessus (de la glace au quinoa fumé, imaginez !) et on nous offre deux shots de liqueur, pas très fort nous assure la serveuse — Mum, qui se ne laisse pas démonter maintenant qu’elle carbure au prosecco, begs to differ.

Le quadruple A du Pachamama

Saint Christopher's place, éclairage violet de nuit

Lumières nocturnes

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Mercredi 9 août

Tout comme les chips au vinaigre, c’est à Londres que les toasts à la marmelade d’orange amère s’apprécient vraiment. Re-enactment au petit-déjeuner.

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Sous la douche, je constate avoir le corps couvert de boutons, et reprenant la notice de l’antibiotique (une infection du conduit auditif interne), je fais soudain le rapprochement avec la tension des nerfs oculaires que j’ai notée depuis plusieurs jours et la démangeaison des muqueuses ressentie dans la nuit (dénomination pudique pour dire que tu as envie de te gratter l’entrejambe comme un vieux kangourou). Mes symptômes sont en gras dans la liste des effets secondaires potentiels, et la notice exhorte à consulter un pharmacien ou un pharmacien sans tarder, l’allergie pouvant être dans de rares cas mortelle. Lorsque j’explique mon cas à la pharmacienne la plus proche, celle-ci répond que ce n’est certes pas ce qu’on a envie d’entendre lorsqu’on est en vacances, mais qu’il faut aller vérifier aux urgences, une piqûre pourrait être nécessaire — l’hôpital est juste derrière.

Long story short, on a beaucoup poireauté, Mum à la limite de faire un malaise à force de rester debout (mais refusant mordicus d’aller s’assoir plus loin dans un coin de verdure), jusqu’à ce que l’infirmière de triage, très patiente avec mon vocabulaire médical limité (les muqueuses ont été remplacées par lips et down there), prenne ma température, ma tension et estime qu’il n’y a pas besoin de piqûre. Je décline auprès de la dame censée m’enregistrer les trois heures d’attente pour voir un médecin (I can’t tell you what you do, but I would do the same) et retourne à la pharmacie acheter les mêmes anti-histaminiques que j’aurais pu me procurer trois heures plus tôt.

La pharmacienne me reconnait, me vend ce qu’il faut et me rattrape alors que m’apprête à sortir pour m’expliquer que je peux augmenter légèrement la posologie indiquée, vu qu’il s’agit d’un médicament sans ordonnance. Sa voix est douce mais ferme, posée ; on la sent compétente, d’une compétence qui ne l’a pas départie de son empathie. Mum a la même impression : cette femme inspire confiance ; si elle habitait ici, c’est elle qu’elle choisirait comme pharmacienne. C’est probablement ce que je garderai de positif de toute cette précaution inutile : l’image discrètement chaleureuse de cette professionnelle de santé, cheveux noirs, peau mate, blouse blanche, probablement d’origine indienne ou pakistanaise.

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La journée est bien entamée, le programme compromis. On tente tout de même les Kew Gardens, chaudement recommandés par Melendili et repoussés au jour du départ pour cause de météo. C’est tout de suite (après 45 minutes de métro) un émerveillement et un regret : j’aurais dû prendre les anti-histaminiques de suite pour profiter plus longtemps de cet endroit qui mérite d’y passer la journée, nonobstant les avions qui rasent le site à intervalles réguliers. Même la portion de ville qui sépare la station de métro des jardins botaniques est mignonne à s’y attarder.

Détail de l'architecture e la serre, en forme de fleur

Au milieu de jardins à la française que nous n’aurons pas vraiment le temps de parcourir, une serre de palmiers nous propulse en pleine jungle. On peut en admirer la canopée en accédant à une galerie surchauffée par des escaliers irrésistiblement coloniaux avec leur peinture blanche écaillée autour d’ornementations métalliques. Pour un peu, on pourrait nourrir un tyrannosaurus depuis cette position en surplomb.

Serre des palmiers aux Kew gardens, vu d'en haut

Merci de ne pas monter si vous avez des problèmes de santé, c’est l’aventure tropicale par 38 degrés. Une plante tente l’évasion, a trouvé une ouverture où déployer une racine téléphonique. De retour à une hydrométrie et des températures plus clémentes, on se dévisse la tête, on compare la forme des feuilles, de toutes ces essences exotiques. Je découvre comment pousse le poivre et m’amuse d’un petit tronc qui ressemble à une asperge géante — mais pas autant que de la statue d’une licorne altière dehors, que je ne peux m’empêcher de légender proud unicorn.

Mum la tête renversée pour admirer les palmiers

Une deuxième serre est consacrée aux moules à tarte flottants nénuphars, dont certaines variétés géantes, et une troisième à toutes sortes de plantes grasses et cactus. C’est déjà l’heure de repartir, sans peluche radis ni carte postale splendide — la boutique est elle aussi un lieu de perdition.

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Il n’y a pas que la Circle line et la District line qui circule aux Kew Gardens : nous l’apprenons à nos dépends, nous découvrant égarées sur une ligne orange. Entre ce pseudo-RER et un arrêt en pleine voie, notre avance fond comme neige au soleil. Le trajet retour inclut ainsi : une longue station assise sous tension, des instants de panique, un sprint entrecoupé de longues foulées essoufflées pour récupérer les valises à l’hôtel et moi qui en ressort en courant de guingois une valise cabine à chaque main (Mum me confiera dans l’Eurostar avoir du réprimer un fou rire à cet instant), le tout culminant par du slalom et des petites roues à grande vitesse dans les couloirs du tube. À l’embarquement de l’Eurostar, Mum bipe et passe, je reste coincée : l’heure maximale d’embarquement est passée entre nous deux, c’est dire si nous étions juste. Heureusement, Mum a invoqué ses anges gardiens et un employé bien luné me laisse passer, nous épargnant le supplément de 160£ par personne pour n’importe quel train ultérieur de la soirée. Moralité de cette journée : ayez toujours des anti-histaminiques et de l’avance en voyage.

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Jeudi 10 août

Canapé intensif.

Relecture d’un nouveau chapitre du roman de M. C’est de mieux en mieux de chapitre en chapitre. Préparez-vous à ce que je vous harcèle avec à sa sortie. J’hésite encore sur la punchline que Télérama lui accolerait si c’était un film dans son programme TV. Ma première take était : chick-litt de transfuge de classe ; mais quid d’intrigue en open-space ? Start-up perverse narcissique ? Le diable s’habille en sneakers ? My Little Vanity Fair?

Londres à pleins poumons

Week-end à Londres, tant attendue d’avoir été désertée pendant deux ans. Le jeudi qui précède, je me réveille la gorge en feu, furax de constater que le cours de danse climatisé de la veille va me ruiner mon weekendenamoureux. Rage et fumigations. Deux jours plus tard, le jour J, je suis épuisée par le rhume et le sommeil en apnée. L’Eurostar a trente minutes de retard, qui n’auraient pas été gâchées au lit. À l’arrivée, on erre autour de l’hébergement banalisé. L’impression d’enchaîner les coups de pas de chance est telle que j’abandonne – l’optimisme, les plans sur la comète, l’enthousiasme, any expectation, really. J’abandonne le récit, nécessairement plombé dans ces conditions de départ, et accueille toute éclaircie comme un bonus inattendu. Le renversement de perspective me fait passer un excellent week-end – les trois premiers jours, du moins, où l’on a une chance de homard cocu.

La chambre comporte une fenêtre guillotine laxiste avec le bruit, mais aussi un lustre en plastique hype et des moulures blanches. La jardinière à la fenêtre est un plaisir que ne parviennent pas à gâcher les fleurs artificielles, auxquelles reste assortie pendant les trois jours de notre séjour une voiture rose garée en contrebas.

 

On y dort, trop peu. On y baise, pas du tout. Rhume vaut quarantaine. On y pique-nique en revanche en grande pompe, sandwich triangles et San Pellegrino dans des verres à pieds.

Dehors, la ville à plein poumons, je m’enivre de son absence dérobée, de ses discrètes idiosyncrasies retrouvées : les double bandes jaunes sur le bitume des routes, les écussons sur les poubelles et les lampadaires, les briques, les briques, les briques. Les briques et les moulures : devant le blanc du plâtre et le rouge de tube à essai, Palpatine trouve la formule londonienne. Les briques et les moulures. Les briques et les bow windows. Les briques et les colonnes, aussi ;  les rues blanches en décalé, avec des porches copiés-collés en enfilade ; les mews à la dérobée ; et les portes, parfois, qui semblent ouvrir sur l’ultime niveau d’un jeu vidéo. Il n’y a probablement que Londres pour me faire aimer les quartiers résidentiels autant que le centre-ville. Peut-être même plus s’il est vrai que le centre demeure identique à lui-même tandis que chacun des quartiers alentours transforme l’image que l’on a de la ville. À chaque hébergement se découvre yet another Londres.

Trois jours passent sans passer par Picadilly. Chelsea, Holland Park, Hyde Park, Notting Hill. On rêve, on flâne, on envie. Les vies dans les grandes maisons de briques et de blanc. Palpatine compte les Tesla, les Ferrari, les Porsche (et les Fiat, en sens inverse), et s’arrête devant toutes les agences immobilières (il faudrait qu’un mois ne fasse que trois semaines pour qu’on puisse louer le moindre studio). On flâne, on rêve.

Hyde Park, Hyde Park, Battersea Park. On se fait agresser par le pollen qui nous tombe dessus. Palpatine salue chaque averse en sifflotant les premières mesures de la valse des flocons, promue jingle officiel du séjour. Yet another thème sur notre partition commune. Je souris de me figurer la chance que c’est, et râle deux minutes après quand je me prends le sens littéral en pleine figure – le pollen me semble primer sur l’amour comme danger oculaire.

Dans Hyde Park, nous nous arrêtons pour observer à distance un improbable cours de danse sur rollers, l’élève un peu plus raide que l’instructeur. Pas très loin patine un papi à moustache grise qui a grave le groove – un ancien champion de patinage artistique, je serais prête à parier. Il s’approche parfois d’eux pour mieux repartir dans son monde, casque sur les oreilles. C’est un autre patineur du dimanche qui se joint-s’incruste à la fête, cette fois-ci avec des patins à l’ancienne, deux roues devant, deux roues derrière et roule du cul ma poule – bonheur intense que d’avoir le loisir de rester plantée là, à les regarder. Nous sommes quelques-uns, pas nombreux et éparpillés à regarder ce roller band ; un groupe installé sur la pelouse à côté de nous les encourage de loin. J’aime tellement ces gens, leur naturel, l’absence de regards comme jugements – de retour à Paris, c’est flagrant. Dans le métro, on se dévisage ou on s’évite en détournant le regard ; dans le tube, on ne fait pas semblant de ne pas avoir vu pour la simple et bonne raison qu’on ne s’observe pas. On ne s’ignore pas non plus, notez ; chacun vit sa vie.

Sur les bords de la Tamise, le long de Battersea Park, Palpatine me raconte l’histoire du véritable Dumbo, racheté pour une bouchée de pain alors qu’une espèce de goudron lui coule des oreilles – une maladie qui rend les éléphants fous. J’aime l’écouter, me raconter cette histoire improbable. Cela me donne envie de me nourrir d’histoires comme ça, moi aussi, pour pouvoir à mon tour les lui raconter. Dans un aparté, il est question de raton-laveur et de Japonaises, je crois. Je me souviens juste que je m’arrête un instant pour rire, pliée en deux comme un enfant qui a envie de faire pipi. Ces pauses fou rire sont récurrents dans nos promenades ; nous sommes l’un l’autre notre meilleur public. Le rhume aidant, un observateur extérieur aurait également eu l’occasion assez unique de nous surprendre en plein remake de Pépé the Pew, une souris poursuivant de baisers sonores un Palpatine bondissant pour échapper aux microbes de l’amour empoisonné.

Un soir, après avoir hésité entre deux restaurants italiens, nous nous installons dans le plus chic des deux, attirée que je suis par le plat éponyme : cacio et pepe. Servi dans un panier de parmesan croustillant, s’il vous plaît. Palpatine prend les orecchiette, la serveuse se trompe, it’s on the house : Palpatine mange deux plats de pâtes et la serveuse, une grande maigre décoiffée (et trilingue, coucou @odette9), joue le débordement théâtral pour donner le change. Elle se trompe à nouveau peu de temps après ; le reste de l’équipe râle et ça s’engueule en italien : pas de doute, c’est vraiment un italien.

Coup de chaud à Notting Hill.  Je n’en ramènerai pas une paire de Derby-méduses en plastique transparent, l’absence de pointure assez grande suppléant la maturité.

Il y a plus de Ben’s cookies que de jours pendant ce séjour, et des scones chez Richoux, of course – pas dans le salon de thé de Picadilly, qui a refait sa déco en vert Ladurée (déception), mais dans un autre, où se trouvent : trois puis quatre business men pour un brunch d’affaires un jour de bank holliday (serviette en cuir et veste un peu froissée mais bien ajustée, on sait d’instinct que le quatrième va les rejoindre) ; une famille ; un homme qui lit le journal ; un autre un peu âgé qui, rejoint par sa femme, en profite pour prendre un second déjeuner (le serveur repart avec une coupe glacé aux fraises et revient avec une salade de fraises fraîches, avec chantilly) ; deux puis trois yo-men en sweat ou T-shirt oversize, dont un qui cherche à confirmer le bien-fondé de sa réclamation : il a bien précisé *deux* waffles, là, c’est une waffle coupée en deux, trop abusé. J’adore, je finis toute la clotted cream.

 

 

Une expo Alaïa… un Lac des cygnes à Covent Garden, et une course pour attraper le bus à mi-chemin et ne pas avoir à remonter tout Hyde Park à pieds (le premier soir, nous nous sommes faits avoir par la fermeture à la tombée de la nuit, et avons dû serpenter le long de la route automobile)…

Mardi pluie et valise. Palpatine est parti à son rendez-vous professionnel avec un podcast dans les oreilles – je ne savais pas qu’il écoutait des podcasts ; cela me surprend plus que cela ne devrait. Je traîne mon vague à l’âme dans les librairies que je me faisais une joie de dévaliser – écoeurée par le trop-plein, déçue de ne pas trouver les titres que j’avais en tête, ou en un unique exemplaire, abimé. Il doit exister un mot japonais pour décrire cela. Je n’achète rien chez Hatchard’s ; seulement Gastrophysics chez Waterstones, dont je n’ai pas arrêté de monter et descendre les escaliers (toujours je me fais avoir par le classement et cherche dans la non-fiction ce qui est rangé au rayon biography, où l’on trouve des biographies et des autobiographies, certes, mais aussi des essais à la première personne)(non-fiction : ce mot est un délice à prononcer, un peu comme non-anniversaire).

Le coeur serré n’est pas à l’ouvrage, et je n’ai pas l’esprit tranquille : j’ai la crainte absurde, mais que je ne parviens pas à faire taire, que les trombes d’eau finissent par inonder la National Portrait Gallery et que le musée ferme avant l’heure, avec ma valise à l’intérieur. Conversion des scrupules en crainte : You’re not supposed to leave the museum without your luggage. Je reviens vite au musée, avec mes boîtes de thé Fortnum & Mason, mon livre et ma mauvaise conscience. Les Tudors m’ennuient, malgré l’accroche géniale du musée – Drop by. Meet the locals. (Les musées londoniens ont la meilleure comm’ qui soit : j’ai passé trois jours à faire des Helloooooo whale, après avoir vu la banderole du musée d’histoire naturelle.) Je traîne dans la boutique et les salles les plus récentes : Ed Sheeran est accroché aux côtés de la famille royale ; ça me fait ma journée. Quand je lui raconte, Palpatine n’a pas le début de la plus petite idée de qui est le chanteur ; ça me fait la matinée suivante.

Baignant dans la musique classique de chez Fortnum & Mason, un improbable havre de paix à Saint Pancras, nous dégustons notre carrot cake rituel (à une couche de glaçage près) avant de reprendre l’Eurostar. Heureux les ignorants.

Parfois et ces jours-ci, jours-là, à Londres, je me rends compte de ma chance, de ces moments parfaits de détente et de non-attente, dans le flot discret des heures désencombrées. L’observation des patineurs à Hyde Park. Le visage de Palpatine endormi dans la lumière sans heure que je crois celle de l’aube, prête à me rendormir, alors que le réveil va bientôt sonner. La chance que j’ai de ne pas la mesurer : quelqu’un à ses côtés, au point de ne plus y penser. Ça efface tout le reste, ou presque : l’attente de 2h30 dans le hall bondé de l’Eurostar, suffocant, toutes les rambardes et les piliers colonisés pour poser son dos, une fesse ; l’annulation et l’attente à nouveau, cette fois-ci dans le froid, d’un hôtel, d’un e-mail qui ne vient pas. C’est dans un hôtel réservé par nos soins que je me retourne le lendemain sur son visage endormi – et m’en détourne pour somnoler de mon côté. (L’hôtel a ouvert quinze jours plus tôt ; à l’arrivée, la déco geek-ludique-SM-chic me ravigote : je joue avec les lanières en cuir style bagagerie de la tête de lit et envoie à Gohu une photo du lapin rose à collier de cuir dans l’entrée. Fatigue momentanément oubliée.)

Dernier demi-jour bonus, si l’on peut dire : pas de temps pour autre chose qu’une visite éclair chez un chausseur pour Palpatine, après un brunch dans une boulangerie danoise qui m’avait fait de l’oeil. À raison : l’open sandwich au haddock et aux câpres ! …  l’adorable petite théière en grès ! … le serveur blond avec autant d’accent que nous … non, non, pas no drink : Dar-jee-ling ! (L’Earl Grey fut fort bon.) Sauf le froid, tout me plaît ; j’ai envie que tout me plaise, pour finir de laver la fatigue et la lassitude de la veille. Et ça marche plus ou moins, entre les cookies M&S aux pistaches et aux amandes dans l’Eurostar et le môme qui vomit autre chose à mi-trajet.

 

Je viens de comprendre que ne me suis pas subitement mise à aimer la vaisselle ; il s’agit seulement d’un bonbon mémoriel : j’ai mangé une bonne partie de mes petits-déjeuners d’enfance dans des assiettes en grès…

Reprenons, récitons : le soleil, les colonnes blanches, les lignes jaunes, les briques rouges, Londres.

Nota bene : ne pas laisser passer à nouveau deux ans avant d’y retourner.

Londres, début novembre

Logo doré de la République française sur le carnet que je tends au douanier britannique, béret fuchsia.

– You look very French.
– …
– (smile)
– Oh, because of the hat!

Son collègue britannique et leurs homologues français tirent la tronche. On imagine policier comme un métier de terrain, arme au poing, et on se retrouve enfermé dans une cage en verre à longueur de journée, à faire coulisser des passeports dans la fente d’une machine  à peu près le même mouvement que pour obtenir un billet avec la carte UGC. Je suis, quoi ? la trois cents-cinquante-deuxième personne de la journée, à même pas 10h ? On n’arrive pas à imaginer la répétition. Bonjour, merci, bonjour, merci, Ctrl C, Ctrl V, Ctrl V, Ctrl, contrôle, contrôler, ne plus dire bonjour ni merci, devenir un automate qui prend, glisse, tend, et augmenter la pénibilité en cherchant à l’oublier. Ou s’amuser des bérets fuchsia et faire sourire ceux qui les portent, pour sourire par réverbération.

À peine installée dans l’Eurostar, je reçois un DM de @parisbroadway me souhaitant bon voyage. Mais… ? À Saint-Pancras, brève rencontre sur le quai, je comprends mieux ma distraction parisienne : lunettes et veste zippée constituent presque un déguisement pour un éternel costumé !

Ballet, expositions et librairies sont au programme, mais en arrivant, j’avoue avoir surtout envie de faire du shopping. Ce que je n’avais pas anticipé, c’est que pour ma princesse préférée, faire du shopping est une activité à part entière, comme faire du sport ou faire du sexe (expression de JoPrincesse, que je trouve toujours aussi incongrue : baiser peut certes être sportif, mais je ne me vois pas faire du sexe  tout juste l’amour, comme mise en branle d’une fabrique d’endorphines).

Alors que je pensais compulser les cintres de LK Bennett, en rangeant de-ci de-là une étiquette trop optimistement sortie, je me retrouve à prendre la pause dans une robe moulante argentée avec un décolleté résille en V, devant le smartphone de la princesse en robe lamée dorée. Le pire, c’est que cela nous va bien. Moins qu’aux deux gamines qui font deux tête de moins et deux bonnets de plus que nous, mais suffisamment pour flatter mon goût pour la fringue-de-pétasse-matez-moi-ce-petit-cul (que j’entretiens et tempère en passant de temps à autres chez Morgan). Devant la profusion de velours, de paillettes et de lamé, pas certaine de bien comprendre les règles d’un jeu auquel je n’ai jamais vraiment joué en étant adolescente, ni de savoir exactement quand le sexy bascule dans le vulgaire (même si la composition sur l’étiquette est un bon indice), je repars prudemment avec une robe-salopette violette. New Look… aux z’oubliettes !

Le meilleur du shopping, en fait, c’est de se laisser porter dans une Oxford street pleine de bonnets en grignotant des Ben’s cookies aux saveurs de Noël, et de bifurquer, raisin-cannelle, gingembre confit, dans une rue désencombrée.

Le meilleur du shopping, on y revient toujours, c’est de tirer à soi les couvertures hyper lookées chez Foyles. Arrivée devant le rayon danse comme devant une vitrine de jouet, je tire à un à un les dos prometteurs, retourne, feuillette, et les réinsère de travers pour leur faire récupérer par un effet de mini-levier leur place sur l’étagère. Une Bible du jeune danseur… une histoire queer du ballet (!)… la biographie de Misty Copland et Dancers among us en couverture souple, qui me font oublier le peu de place sur mes étagères. Après quelques années à m’enthousiasmer sur Twitter et Instagram, je devais bien cet achat à Jordan Matter. (Dans les autres rayons, une couverture élégamment pailletée-pointillée pour un essai sérieux et une Roaring mouse pour une histoire de Disney déconseillée aux enfants.)(Et tous ces livres de data visualization… je pourrai emporter le rayon en entier.)

Les courbatures du froid, de la danse et du pilates se mélangent dans une même fatigue musculaire. Ce sont les premières journées de vrai froid. J’hésite, au dernier entracte d’Anastasia, entre somnoler sur place et me dégourdir les jambes pour me réveiller. Ensuite, il faut encore rentrer, et c’est la tisane près de l’Holy Bible de rigueur et trop d’amusement pour écouter la fatigue. Le lendemain, dans un rayon de soleil inespéré en ce week-end déclaré de pluie, j’agite les oreilles de mon bonnet nounours sans vraiment réussir à me réchauffer. On traverse Regent’s Park, lac, canards, gamins et saule pleureur avec leur ombre, pris dans la beauté de la lumière d’hiver, cette lumière qui, dès le matin, ressemble à la lumière d’été en fin de journée, le sens de ce qui ne durera pas, qui est presque trop beau, trop éphémère pour être vrai et en profiter sans nostalgie anticipée. (Quand on ressort du brunch en sous-sol, il fait gris ; du métro pour aller à la British Library, je sors le parapluie.)

Bien énoncé, sans trop de généricité ni d’origines mystifiantes dans les ingrédients, un menu peut me faire rêver, comme petite les catalogues de jouet. 

Prononcez cela doucement en détachant le goût de chaque syllabe : 
gaufre
de patate douce,
rondelles de banane plantain,
peanut butter léger léger aérien,
sirop de yacon ombrant les creux,
saupoudré de noix de coco tant qu’on y est.

En bouche, les saveurs se fondent les unes dans les autres, se rehaussent et s’oublient dans une simple sensation de bien-être. Rien à voir avec la gaufre de à la châtaigne de la veille, dont les accompagnements restaient cloisonnés en bouche comme dans leur coin du damier.

Il faudra que je revienne au Pachamama pour goûter la gaufre de quinoa-chocolat-péruvien-glace-au-quinoa-grillé. Et tirer les vers du nez au cuistot concernant le yoghurt fumé qui enveloppait les aubergines grillées, saupoudrées de noix de pécan (et de chili non annoncé, comme la veille dans une ratatouille trop relevée).

Au-delà des bonnes choses dans le gosier et de la chaleur qui désengourdit, être posé, c’est donner une occasion à la conversation de s’épanouir, doucement. On n’a pas arrêté de causer du week-end, mais, comme souvent, la parole s’est dénouée à la fin. Au Fortnum & Mason de St Pancras, les valises taille cabine entre les tables, l’eau demandée à part pour ne pas finir une fois de plus avec un thé trop infusé, on verse et la parole pours, reprend et dévide, brûlant, ce qui avait achoppé quelques jours plus tôt, lorsque l’on n’était pas en phase, pas en face. On reprend comme on plonge à nouveau la petite passoire de thé déjà infusée, et ça reprend, plus doux, plus doucement, jusqu’à satiété de la curiosité et de la vessie. La fatigue de soi, de l’autre, de la violence qu’il faut se faire pour ne pas risquer de blesser, ni se vexer, la fatigue est noyée dans le thé. Retour à la normale : on se retrouve à parler avec verve de verges au milieu de la porcelaine. Le St Pancras blend n’est pas mauvais, mais ne vaut pas un bon Earl ou Countess Grey ; j’essayerai de ne pas l’oublier.

Portraits féminins

Depuis que j’ai découvert par hasard le BP Portrait Award à la National Potrait Gallery, je vérifie à chaque week-end à Londres si l’édition annuelle ne se tiendrait pas par hasard à ce moment-là. Certaines fournées sont plus épatantes que d’autres, mais je suis à chaque fois enthousiasmée par la vitalité qui émane d’un genre que je pensais par ignorance un peu plan-plan : assis-toi là, je vais te tirer le portrait.

Cette année, parmi les coups de cœur immédiats se trouve un portrait à la Sargent (l’inspiration est revendiquée, et moi, forcément, j’aime) :

Alessandra, by Daisy Sims-Hilditch 

J’aime bien le sourcil qui, plus éclairé que l’autre, semble levé : l’interrogation est gommée par la posture des mains et le gilet très sage, mais elle est suffisante pour animer le portrait. On sent que ça doit dépoter.
Palpatine ajoute une Alessandra à sa collection. Et une Laura, tant qu’à faire :

Laura in Black, by Joshua LaRock

Tout est dans la main, je crois, la bouche entrouverte et le fond esquissé contre lequel cette Laura ressort plus incarnée que jamais. Les photographies en millions de pixels et les techniques de projection d’image sur la toile aidant, on trouve dans l’exposition un certain nombre de tableaux hyperréalistes, mais je peine à les apprécier autant, soit que la haute fidélité se fasse au détriment de la composition et de l’expression, soit que mon œil, éduqué à l’impressionnisme, goûte davantage les traits de pinceaux visibles…

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Le public peut voter pour décerner un prix à son tableau préféré, à côté de ceux remis par un jury de professionnels. J’ai hésité avec les deux tableaux que je viens de vous montrer, mais j’ai finalement donné ma voix à celui-ci :

Karina In Her Raincoat, by Brian Sayers

Un portrait sans visage, ou presque, qui engage davantage le corps, forcément, cela devait m’arrêter. Sans compter que les plis du ciré le rendent dansant. Tête baissé, vêtement ample, personnalité à la fois enjouée et en retrait… vous pourrez appeler ce portrait Karina autant que vous voulez, je n’en démordrai pas : c’est @odette9.

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Top 3, trois femmes… et d’autres encore :

Portrait of Katrina, by William Neukomm

J’aime beaucoup le port de tête de la modèle, son air très digne, très déterminé.

 

Sophie in the Gallery, by Ivan Franco Fraga

Là, c’est le visage fatigué, mais pas dur, grâce au flou, à l’absence de décor qui caractérise la modèle… galériste. (Impression d’un entre-soi artistique.)

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Je me demande dans quelle mesure je ne reporte pas dans l’expérience esthétique un comportement social, habitué que l’on est, dans la rue, dans les médias, à chercher la beauté du côté de la femme (tandis que l’homme le sera secondairement, d’abord pertinent, attirant, etc.). Il serait intéressant de trouver des statistiques sur la proportion de chaque sexe dans les tableaux présentés… et primés. Idem avec l’âge : dans mon top 3, les modèles ont toutes à vue de nez entre 25 et 35 ans… ce qui m’interroge à nouveau : entrerait-il en ligne de compte un mécanisme d’identification ? Au fond, les portraits que l’on aime, ne sont-ce pas d’abord des modèles que l’on désire (être) ?

Du coup, je suis contente que le jury ait primé celui de cette grand-mère mourante. On pourrait y voir un prix moral pour bon sentiment, mais je crois que son regard arrête cette idée :

Silence, by Boo Wang

 

À l’autre bout de la vie, les enfants ont la part belle. Ma sympathie va aux airs butés…

Francesca, by Daniele Vezzani

Mila, by Simon Richardson

Evaporar-se (Fenómeno Del Niño), by Jorge Federico Fernandez Gartner

Seul portrait de ma sélection à représenter un garçon. Exit la beauté ou l’émotion, c’est davantage une expérience sensorielle qu’il reproduit, celle de se dissoudre dans le soleil. Le titre et le laïus font référence à l’écologie, mais je reste sur l’impression poétique que l’enfant va lui aussi s’évaporer, comme la peinture du mur auquel il s’adosse.

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Pour retrouver tous les tableaux, rendez-vous sur le site de l’exposition. Pour qui auriez-vous voté ?