Le surréalisme et… objection, votre horreur
Quand j’entends surréalisme, je pense Dali, Magritte, Man Ray. Chirico ? Je l’oublie volontiers. Giacometti ? J’ignorais totalement qu’il avait eu une phase surréaliste et je pense que je continuerai à l’ignorer, même si sa Boule suspendue (fendue comme une pêche, en amazone sur une pirogue-banane) a mis du monde en émoi. Duchamp ? Un peu surréaliste, comme classement. Le surréalisme n’était manifestement pas à entendre au strict sens du mouvement artistique (pour autant qu’un mouvement artistique puisse être strictement défini – ça ne marche généralement que dans les manifestes, ce genre de choses). Le centre Pompidou en a profité pour nous sortir tout un tas d’artistes contemporains, qui ont pour certains pris le désir, l’inconscient, le mystère et l’humour des artistes surréalistes au premier degré : bites, couilles, n’en jetez plus, je mouille. S’il y a à boire et à manger, cela n’a pas la même classe qu’à l’exposition internationale du surréalisme de 1960 où des figurants banquetaient autour d’un corps fort appétissant.
Le surréalisme, cet obscur objet du désir
Il y a quelques années, je me serais lancée sur l’objectivation du sujet (souvent morcelé, parfois entier sous forme de poupée), le sujet de l’œuvre et l’objet de l’art mais, mes tics khâgneux s’estompant, je me suis bornée à observer que les objets qui m’ont plus dans cette exposition se situent quelque part entre la sculpture et les ready-made de Duchamp : ce ne sont pas des produits traditionnels de l’art mais ce ne sont pas non plus des objets du quotidien introduits au forceps dans le monde de l’art – l’intérêt desquels s’évanouit sitôt qu’on a admis leur présence. Ce ne sont pas davantage des échantillons de brocante, ficelés à la va-vite par un discours qui détourne l’attention au lieu de détourner l’objet. Aucun déballage, ni marchand ni un anatomique : ces objets n’ont aucune théorie à nous vendre et ne cherchent pas à choquer car ils sont là pour surprendre (ce qu’ont justement manqué quelques artistes contemporains). Le surréalisme surprend le réel – dans ce qu’il a de moins réaliste. C’est une des plus belles manières qu’a l’art de désirer la réalité, l’éloignant constamment pour pouvoir à nouveau la prendre de plein fouet (parce que bon, un porte-bouteille, même étiqueté art par Duchamp, ça redevient rapidement un bout de ferraille sans intérêt).
Sur les étagères de mon musée imaginaire
Man Ray, Ce qui nous manque à tous : inspirer une dose quotidienne de poésie (ou juste faire des bulles de savon).
Qui de Picasso ou de Marcel Duchamp a eu l’idée ? Le premier l’inscrit dans la lignée de ses épures de taureau, le second (vu en premier) m’a davantage fait rire : dans les petits carrés, on voit bien le futur maillot jaune prendre le taureau par les cornes et enlever la dernière montée.
Comment se fait-il que je n’ai jamais cette magnifique lavallière sur une couverture de Maupassant ? (Un collier en perles de cheveux confirme la tendance des cheveux autour du cou.) Photo empruntée ici.
Oscar Dominguez, Pérégrinations de Georges Hugnet. J’aime bien cette concaténation d’hier et d’aujourd’hui d’avant-hier.
Ceci est un fromage. De l’humour de souris.
Meret Oppenhaim, Ma gouvernante (est une dinde). C’est bon, très bon. Je ne peux pas m’empêcher de me demander si le choix de cette œuvre pour l’affiche a un quelconque rapport avec le fait que le parvis du musée nique les talons comme peu d’endroits à Paris. Mais je dois être trop bourgeoise : le bobo, lui, n’a pas ce problème, il vient en Converse. Quant au touriste, sauf bobo, il ne vient pas du tout (c’est le seul musée, je crois, où je ne vois jamais de groupes de Japonais).
Dali, La Vénus aux tiroirs. Ça, c’est de l’épithète homérique.
Man Ray, La Vénus restaurée ou la restauration comme prétexte au bondage.
Un visiteur qui a fait plein de photos.
Le dossier (pédagogique) de l’exposition