Il y a le second degré et il y a l’alcool à brûler : Ma Loute. La bande-annonce promettait certes du what the fuck, mais la rapidité de l’enchaînement ne laissait rien soupçonner de son rythme benêt. Chaque saillie, chute ou bourde est suivie d’un temps de suspension strictement égal au temps qu’il faut pour se tourner au ralenti vers son voisin, échanger un regard exorbité, narines dilatées, et rediriger la tête vers l’écran avec la raideur entendue de qui porte une minerve. Vous n’avez rien loupé : à l’écran, Luchini est toujours sur le dos, les pattes en l’air comme un cafard gazé ou l’enquêteur coi sous son chapeau melon. Cet état d’hébétude tue le rire dans l’œuf, pour éventuellement – mais pas toujours, loin s’en faut – le faire renaître plus tard sur le mode du fou rire nerveux. Sur le moment, c’est peu de dire que cela tombe à plat : ça tombe et ça creuse, ça creuse… On ne sait plus ce qui est le pire : la famille d’idiots du village, d’une crétinerie crasse, ou la famille de bourgeois névrosés au dernier degré. Ni l’un ni l’autre : les deux, mon capitaine. Comme le dit si bien Mélanie Klein, chacun est le monstre de l’autre.
La seule respiration du film est offerte par la beauté aristocratique de Billie (une fille qui se déguise en garçon ou un garçon qui se déguise en fille qui se déguise en garçon, allez savoir) et son amour pour Ma Loute, l’aîné des benêts (le charme des oreilles décollées ou du pull marin, là aussi, allez savoir). Pour un court instant, l’hébétude se mue en fascination : on se sent léger, léger, à s’envoler comme un cerveau lent, puis c’est la chute, tout redevient lourd et dingue, pire que mes pires jeux de mots.
Mit Palpatine