Le blé pousse sous la neige

Le format mensuel du journal est devenu massif avec le temps — à lire, j’imagine, mais aussi à écrire. Cela me décourage un peu parfois de ne pas en voir le bout, j’aimerais partager plus souvent, plus léger. Alors j’ai pensé aux 72 micro-saisons japonaises et, en faisant quelques rapides recherches, me suis aperçue que les 72 micro-climats sont regroupés en 24 souffles saisonniers sekki aux noms plus poétiques. C’est donc ceux-ci que je vais adopter cette année pour un rythme de publication bi-mensuel : 24 billets-sekki, eux-mêmes divisés-datés par les . Ne parlant pas un mot de japonais, j’emprunterai les traductions ici ou .

Comme les sekki enjambent les mois, je vais exceptionnellement commencer par un (le dernier du sekki Solstice d’hiver) pour le début de janvier. Du premier au quatre janvier, le blé pousse sous la neige. Peu importe qu’il n’y ait pas de neige dans le jardin.

…

Chez le boyfriend, ce sont des gestes d’un autre quotidien : je me gribouille un bonhomme bâton sur le corps avec le savon plutôt que de revenir sans cesse au gel douche, arrête le chauffage d’appoint avant d’aérer le soir, vais aux toilettes dans l’obscurité pour ne pas déclencher l’aération liée à la lumière et chier tranquille, déroule et renroule le tapis de yoga (pas tous les jours), utilise les restes de la recette des truffes pour agrémenter mes flocons d’avoine (le mélange noix de coco – poudre de cacao est adopté) et me mets chaque soir les pieds sous la table (basse) — sauf la fois où je teste une première recette issue du livre de cuisine que m’a offert le boyfriend. Haricots blancs à la provençale : son et lumière.

On passe notre vie à regarder le chat, à nous dire à tout instant l’un à l’autre qu’il est mignon là, quand même, comme s’il ne l’était pas à peu près tout le temps. On le regarde sniffer tout ce qu’on mange, sans jamais rien chaparder ni même lécher, sauf le plastique du panettone, c’est vraiment très bon le plastique du panettone, ce chat a bon goût. Il a aussi ses quarts d’heure de folie, en pleine cacaphorie, et se lance dans la chasse au mauvais bonbon glissé dans la commande des sushis du réveillon : plastique qui crisse et croque sous la patte comme sous la dent, la papillote fait les délices du chat, qui bondit contre cet ennemi d’exception.

…

Le boyfriend regarde des YouTuber jouer à coin pusher, un jeu vidéo qui reprend ce classique de jeu d’arcane où il faut insérer des jetons au fond pour que jamais ne tombe le jackpot devant. Puis il y joue, ayant lui-même acheté le jeu. Et l’ayant acheté, il regarde encore d’autres joueurs y jouer en vidéo, et je ne comprends pas, et je comprends malgré moi, fascinée par le va-et-vient du plateau comme un papillon de nuit par la lumière, comme je l’étais petite par la télé allumée chez mon père, méprisant des programmes auxquels je ne parvenais pas à m’arracher. Les pièces sont au bord de tomber, j’attends qu’elles tombent pour ensuite — mais ensuite il y a la pile de jetons derrière, et rhaaaa, la frustration finit par me faire décrocher, quand elle se mue en satisfaction pour le boyfriend qui tire sur sa vapoteuse, en arrache un sourire.

On s’ajuste comme on peut l’un à l’autre, lui qui vit dans le son, moi dans le silence. Lui qui aime regarder des vidéos emmitouflé dans la couette, se rendormir à toute heure du jour, monter le chauffage, cuisiner, jouer encore et encore sur l’ordinateur ; moi qui aime lire et traîner puis soudain ne supporte plus mon inertie, ce gâchis. Lui qui m’invite à me reposer ; moi qui ne goûte plus ce temps de latence d’où je ne tire aucun renouveau d’énergie, où je perds celle qui me reste — impression de gâcher mon temps, mon repos même.

À force de fouiller le catalogue de Netflix et Amazon, l’intersection de notre diagramme de Venn s’amenuise. Se mettre d’accord sur un film ou une série devient de plus en plus difficile. Chernobyl nous sauve quelques soirées, et ensuite ? Le boyfriend préfère revoir un film qu’il a déjà vu plutôt que d’en tenter un qui m’attire et lui moins. J’acquiesce à Beetlejuice par dépit, suis agréablement surprise.

…

Un, deux, trois janvier, je vois une copine chaque jour. Tout comme la déprime et les encouragements, l’écoute et la parlotte s’équilibrent sinon au sein d’une même rencontre, d’un jour sur l’autre. Des échos se tissent entre les conversations sans qu’il y paraisse, la psy par exemple, comme un pas à franchir / une pratique à retrouver dans la genèse d’un nouvel être / un horizon amorcé.

Dessin d'une boîte-maison à livres, une chocolat chaud froid sur un sous-verre en forme de vinyle et une délicieuse soupe au maïs

C. ferait plutôt exception aux amitiés féminines cantonnées aux espaces intérieurs, ramassées-déployées autour d’une table. Avec elle, on marche plus volontiers et nos pas rythment la conversation, la délient presque. Cette fois-ci mon genou me force à écourter la déambulation urbaine, à nous rabattre sur une librairie – coffee shop japonais qui a la bonne idée d’être ouvert un jour férié. Le chocolat est tiède, mais posé sur un adorable sous-verre à l’allure de mini-vinyle. Autour d’une table qui donne l’impression de jouer à un jeu d’enfant ou d’être des géantes, on parle de nos boulots (j’ai envie de parler de mon boulot maintenant !), de l’anxiété qui, on a beau la mettre en mot, la cerner, l’analyser, n’est jamais vraiment rationnelle et trouvera toujours un autre prétexte, de toutes les choses que l’on aimerait faire, mais que sans raison souvent, on ne fait pas, pourquoi, on en parle tant et si bien que C. retrouve la myriade de petites choses qu’elle ne voit plus au quotidien, des pensées, des joies, des projets, c’est vrai qu’il se passe tout ça. L’effet miroir lui redonne ça, et je le sais mais ne le sens pas, le sent en décalé le lendemain face à ma princesse.

Ma princesse qui m’avait tant manqué, belle au possible. Il y a dans sa physoniomie et notre conversation toute la chaleur et le mœlleux de son pull bordeaux, boucles d’oreille assorties. Elle est douce avec moi quand je raconte un peu n’importe quoi, me ramène doucement là où on est bien, calfeutrées dans le bruit du café bobo où nous déjeunons, où la cuisine est dans la salle et les bruits de machine avec les conversations. Ce qui entre dans ma bouche m’enchante autant que ce qui sort de la sienne, accord mets et paroles, délicieuse soupe de maïs avec des croûtons, du paprika, de la feta et des tomates séchées comme fumées, que j’essayerais bien de reproduire chez moi. Il y a des films d’amour qui ne finissent pas bien mais qui sont beaux, la frustration qu’on ressent soi en tentant de l’enseigner à son enfant, une étymologie de prénom lourde à porter, des mouvements tectoniques familiaux. On passe bien un quart d’heure debout dans le hall de son immeuble à ne pas se séparer.

L. a les joues roses vif quand elle me retrouve, le vélo tout juste plié. On noisette toutes les deux, concassées sur cookie pour moi, pralinées sur brownie pour elle. Et on discute au chaud jusqu’à avoir de nouveau froid près de la vitre, et on continue quand même, autour de menues indignations, d’enthousiasmes plus conséquents et de souvenirs qui ressurgissent jamais confiés, du moins pas l’une à l’autre. Je découvre pourquoi L. a cessé de bloguer intime et apprends en retour que j’ai par le passé raconté certaines choses avec une distance qui ne correspondait pas à la manière dont j’en étais affectée. Le tout disséminé dans le quotidien : ce n’est pas parce qu’on n’a pas de nouvelles à se donner qu’on n’a pas notre monde à refaire.

Le quatre, il n’y a plus d’amie à retrouver, il n’y a plus que l’anticipation de devoir m’éloigner du boyfriend et l’anxiété qui grimpe grimpe j’en pleurerais j’en pleure dans ses bras, cet homme est d’une patience, d’un amour quand bien même je ne suis plus toujours capable de l’incarner cet amour, ces derniers temps, l’amour toujours trop carné (c’est lui qui le dit) qui me donne l’impression d’être assaillie (c’est moi qui le dis ou le tais), et pourtant l’amour qui déborde de l’un à l’autre, nous arrime l’un à l’autre.

Revue de blogs #1

Inspirée par les citations des Carnets Web de La Grange, déçue d’avoir vu disparaître des blogs que j’aimais et doutant de la pérennité de mes partages sur Twitter, j’inaugure une revue de blogs (où il y aura aussi des newsletters, ces posts de blog qui s’ignorent). Comme pour mes lectures publiées sur papier, je vais conserver les extraits qui m’ont interpelée. C’est parti pour une première cuvée récoltée en décembre 2024.

…

« She was an artist, like you. With a —I don’t know how to say this well— an ego that is large but self-esteem that is small? » Cleopatra & Frankenstein de Coco Mellors. 

Citation trouvée dans la newsletter de Sophie Gliocas

This hurts.

…

Amélie Charcosset a interviewé Christie Vanbremeersch sur la place de la créativité dans sa vie et ça (re)donne du peps.

…

« Seule mais pas triste seule et confiante en ma présence à moi. Ma propre main dans la mienne. Avec toutes les moi que j’ai été. »

Blog de Meredith B.

…

« Aujourd’hui, j’étais bien avec les gens, et j’étais bien avec moi-même. Ce n’est pas si fréquent. »

Journal de Guillaume Vissac

…

« Est-ce que les applications comme ChatGPT et les rapides progrès dans le domaine vont renforcer les relations humaines directes comme testament d’authenticité. Les examens oraux, les rencontres physiques, les performances artistiques ? »

Les Carnets Web de La Grange

…

« … je n’ai jamais essayé d’écrire. Je ne sais même pas, par exemple, s’il existe une technique qu’on puisse apprendre pour ordonner la succession de faits extérieurs, avec la répercursion simultanée qu’ils ont dans notre âme.
La Nuit fantastique, Stefan Zweig »

Citation trouvée dans Les Carnets Web de La Grange

…

« • Hyperstimulée comme une enfant de 5 ans qui aurait du se coucher depuis bien longtemps •  »

« • Soudain, entre deux magasins de vêtements, un mini temple sauvage apparaît ! •  »

Allez voir et lire les photographies et captures mentales d’Eli pendant trois jours à Osaka. <3

…

« Quand j’écris, je me fiche des autres, je ne veux même pas les voir pour rester dans mon affaire, mais, dès que j’ai terminé un projet, je me sens éjecté, hors du coup, abandonné. » « Je suis un spécialiste du suicide social. Un récidiviste du suicide réussi. »

« Je mène une intense vie artistique à laquelle il manque le regard des autres. C’est d’une banalité à laquelle l’époque n’a rien changé, et que les réseaux sociaux n’ont fait qu’aggraver alors qu’ils promettaient la lumière à tous. »

Blog de Thierry Crouzet

Il est rare de lire à propos de cette frustration avec autant d’honnêteté (et même tout court ; on préfère la mettre sous le tapis).

…

« L’amitié est une longue marche de quelques heures autour d’un parc, d’un quartier, sans définition de la direction, sans l’importance du lieu, si ce n’est parfois l’île d’une mémoire que l’on amarre au flot des mots qui ne cessent de diverger et reconverger vers un non but si ce n’est de déplier le monde et son humanité, leurs intimités, notre intimité dans d’innombrables plans chiffonnés éveillant tant les questions qui nous donnent l’existence et ouvrent les chemins déjà parcourus de nombreuses fois, mais que l’on redécouvre avec plaisir. »

Les Carnets Web de La Grange

<3 Voilà qui est écrire sur l’amitié.

…

« Au milieu des colonnes de Buren, deux touristes amoureux vivent Paris. »

Il faut voir la photo qui va avec sur Les Carnets Web de La Grange.

…

« Cette période des « fêtes », c’est un peu ça, aussi. Dès que tu refuses un peu explicitement de jouer le jeu, il se peut que tu te sentes un peu seul(e) au monde. »

Blog de Sacrip’anne

J’ai eu l’impression d’accéder un peu à ce que pouvait ressentir le boyfriend.

…

« C’est l’une de mes nombreuses névroses, j’ai besoin de créer du sens. »

Prof en scène

+1

…

« On ne peut pas jardiner tous les souvenirs en même temps. »

Lieux fanés, Les Carnets Web de la Grange

…

« […] all I can think about is this bed of elbows.
It’s what a friend once called the act of sleeping with someone for the first time and realising you have no physical chemistry. »

Un lit de coudes. Pardon mais cette expression est extra.

« They say that Americans are very friendly and I don’t think that’s entirely true. What they are is all or nothing: strangers can welcome you in with the warm smile of someone who has known you for half a lifetime, but they can also snap, seemingly out of nowhere, over the most minor infraction. […] They looked like they’d just encountered the stupidest person in the entire world and maybe I just didn’t deserve to be alive.
It made me long for Europe and for the fact that we’re never quite as friendly as they are but also rarely as rude. »

« On this note, I just don’t trust the American base of niceness, is the problem. It may seem pleasant at first but it means that people are often impossible to read. »

« I worry that there’s a fundamental lack of passion at the heart of the American soul. »

« […] I can’t imagine wanting to spend endless hours in the office or at the very least at a desk at home and not even being especially fascinated by what you do, or willing to discuss it with enthusiastic strangers. I actually enjoy hearing about what people do for a living! My job isn’t a real job so I love it when actual grown-ups tell me what happens in all those office buildings. »

(Sur ce coup, je pense qu’il s’agit moins d’une différence entre Européens et Américains qu’entre employé de bullshit job et indépendant.)

Out of the Way, de Tocqueville 
Marie Le Conte dans sa newsletter The Young Vulgarian

Bonus pour la découverte du terme flaking : si j’ai bien compris, annuler (et prendre plaisir à annuler) un événement prévu.

…

« Ma vie personnelle et professionnelle n’est pas forcément plus facile en ce moment. Mais qu’elle est riche. De gens, de moments totalement fous. »

Prof en scène

…

[l’enseignement] « C’est comme une suite d’embranchements, et il faut sans cesse choisir le bon. »
[…] C’est vraiment l’impression que j’ai. Selon leurs réactions, leurs questions, le temps qu’il me reste et l’importance du sujet, se déploie sous mes tempes un arbre d’infinies possibilités. Répondre à la question ou continuer le cours ? Recourir à une anecdote, expliciter chaque mot ? […] Une sorte de Livre dont vous êtes l’enseignant, voguer de paragraphe en paragraphe, à ceci près que l’on a que quelques secondes pour faire un choix, et qu’on ne peut revenir en arrière ou relancer les dés. »

Prof en scène

C’est fou comme je trouve chez Monsieur Samovar, professeur expérimenté qui roule sa bosse de collège en collège, l’expression de situations que je vis de manière très floue comme professeure de danse débutante. Les embranchements, la pensée qui explore les ramifications les plus proches à toute allure pour se décider, découvre et analyse les suivantes dans la foulée, c’est tellement ça !

…

« I guess it is entirely reasonable to struggle in these conditions, and I foresee more struggling, but perhaps there is a way I can struggle with grace. »

Winnie Lim, looking back at 2024

Lectures 2024

Janvier : Deux vies, d’Emanuele Trevi / Février : La Danseuse, de Patrick Modiano / L’Été où tout a fondu, de Tiffany McDaniel 🧡 / Mars : Naissance des fantômes, de Marie Darrieussecq / À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie, d’Hervé Guibert / Odyssée des filles de l’Est, d’Elitza Gueorguieva ! 💜 / Le Nom secret des choses, de Blandine Rinkel / Vigile, de Hyam Zaytoun / Les cosmonautes ne font que passer, d’Elitza Gueorguieva / Avril : Le Sel de la vie, de Françoise Héritier / La Révolution du no sex, de Magali Croset-Calisto / Bleu de travail, de Thomas Vinau / Grapefruit, de Yoko Ono / Dune, de Frank Herbert (de mars à mai, en réalité) / Mai : Les Furtifs, d’Alain Damasio 🖤 / Nuits de noces, de Violaine Bérot 💛 / Le désir est un sport de combat, de Rébecca Lévy-Guillain / Nos puissantes amitiés, d’Alice Raybaud / Les artistes ont-ils vraiment besoin de manger ? ouvrage collectif 🩵 / Juin : L’Apiculture selon Samuel Beckett, de Martin Page / Hêtre pourpre, de Kim de L’Horizon / L’Odeur des pierres mouillées, de Léa Rivière / L’échec. Comment échouer mieux, de Claro / N’oublie pas pourquoi tu danses, d’Aurélie Dupont / L’Art d’être distrait, de Marina van Zuylen / Juillet : Tombée des nues, de Violaine Bérot / Sortir au jour, d’Amandine Dhée / À mains nues, d’Amandine Dhée / Éloge de la fadeur, de François Jullien / Dès que sa bouche fut pleine, de Juliette Oury 💛 / Et puis ça fait bête d’être triste en maillot de bain, d’Amandine Dhée / Ça nous apprendra à naître dans le Nord, d’Amandine Dhée et Carole Fives / La Petite Communiste qui ne souriait jamais, de Lola Lafon ❤️  / Août : Passagère du silence, de Fabienne Verdier 🖤 / Septembre : Les gens ordinaires ne portent pas de mitraillettes, d’Artem Chapeye 💙 / Utopies féministes sur nos écrans, de Pauline Le Gall / Octobre : Je souhaite seulement que tu fasses quelque chose de toi, d’Hollie McNish ❤️ / Dehors, la tempête, de Clémentine Mélois / L’exil n’a pas d’ombre, de Jeanne Benameur 💛  / Novembre : Profanes, de Jeanne Benameur 💛 / Tout brûler, de Lucile de Pesloüan / Elles vécurent heureuses, l’amitié entre femmes comme idéal de vie, de Johanna Cincinatis / Décembre : D’images et d’eau fraîche, de Mona Chollet / Le Cœur sur la table, de Victoire Tuaillon / Les Falaises, de Virginie DeChamplain 🩵  / Une trajectoire exemplaire, de Nagui Zinet / Triste tigre, de Neige Sinno / Le passé est ma saison préférée, de Julia Kerninon

J’ai consacré un article à part aux bandes-dessinées. Quelques tendances de l’année pour tous les textes au noir :

  • des autrices que j’ai découvertes cette année et dont j’ai lu au moins deux livres : Elitza Gueorguieva, au ton décapant ; Amandine Dhée que j’ai lue en série comme si chaque ouvrage était un gros post de blog ; et surtout Violaine Bérot, que j’ai direct inscrite dans la lignée de Jeanne Benameur et Claude Pujade-Renaud (Nuits de noces m’a wow) ;
  • des autrices dont je continue à lire l’œuvre : Jeanne Benameur (même si je commence à repérer des motifs et systématiques, cette narration de l’intime…), Lola Lafon (son roman autour de Nadia Comăneci ne pouvait que me plaire, il m’a plu), Mona Chollet, Blandine Rinkel ;
  • une thématique amitié : Nos puissantes amitiés, Utopies féministes sur nos écrans, Elles vécurent heureuses ;
  • une thématique sexe/amour : La Révolution du no sex, Le désir est un sport de combat, Le Cœur sur la table ;
  • une timide incursion dans l’univers queer : Hêtre pourpre de Kim de L’Horizon & L’Odeur des pierres mouillées de Léa Rivière ;
  • une plongée dans la SF : peu de titres mais beaucoup de pages puisque Dune et Les Furtifs sont deux pavés (qui ont des raisons de l’être) ;
  • seulement deux erreurs de castings Si j’avais su, j’aurais pas lu : Naissance des fantômes de Marie Darrieussecq et Danseuse de Modiano.

Hors catégorie :

  • L’Été où tout a fondu de Tiffany McDaniel, incroyable de maîtrise narrative ;
  • Dès que sa bouche fut pleine de Juliette Oury, complètement improbable, complètement réussi ;
  • Passagère du silence, autobiographie de Fabienne Verdier qui a étudié la calligraphie en Chine pendant dix ans auprès de maîtres écartés par la Révolution culturelle ; son parcours est ahurissant de dureté et de ténacité ;
  • Les gens ordinaires ne portent pas de mitraillettes d’Artem Chapeye, témoignage de première main sur la guerre en Ukraine par un intellectuel pacifiste qui s’est engagé dans l’armée ;
  • Je souhaite seulement que tu fasses quelque chose de toi, recueil d’Hollie McNish qui a la poésie prosaïque.
  • Les Falaises de Virginie DeChamplain, récit intime transgénérationnel.

Comme souvent, j’ai du mal à chroniqueter les lectures qui m’ont le plus plu. De peur de ne pas leur rendre justice, les longs extraits recopiés restent en brouillon. J’espère en sortir quelques-uns de là dans un futur proche. En attendant, je n’attends plus, et je publie ce bilan annuel de lecture. Sans statistiques sur la part des autrices, sans calcul des sommes astronomiques que mon abonnement en médiathèque m’a fait économisé, et surtout sans le diagramme pieuvre que j’avais commencé sur les liens explicites ou souterrains entre toutes ces lectures. J’ai à lire.

Bulles de BD 2024

Janvier
Comme un oiseau dans un bocal de Lou Lubie, toujours géniale dans la bichromie et le mélange de récit et d’essai.

Février
Coming in d’Élodie Font et Carole Maurel, récit d’un coming out à soi-même.

Mars-avril
Un trou de trois mois sans lire de bande-dessinées, puis c’est revenu.

Juin
Céleste (seconde partie) de Chloé Cruchaudet 💜
Proust depuis le point de vue de sa femme de chambre. J’avais déjà beaucoup aimé la première partie.

Juillet
Au-dedans de Will McPhail 💚
La vie gourmande d’Aurélia Aurita

Août
Amalia d’Aude Picault

Septembre
Brontëana de Paulina Spucches
La jeune femme et la mer, de Catherine Meurisse : j’aime toujours autant le trait et l’humour, mais le récit pour moi ne fonctionne pas cette fois.

Octobre
Peau d’homme d’Hubert et Zanzim 🧡
Blanc autour de Wilfried Lupano et Stéphane Fert

Novembre
Un si grand amour, histoire d’une rupture de Pauline Aubry 💛
Plusieurs fois, je me dis qu’il faudrait mettre en récit ce qui se trame d’enquête chez le psy, et cette BD est un peu ça, en partie. Cela m’a fait l’effet que Liv Strömquist semble faire autour de moi (mais pas sur moi).

Décembre
La Mer verticale de Brian Fresch et Ilari Urbinati
L’été du vertige d’Adlynn Fischer

(Les quatre dernières BD n’ont pas été empruntées mais lues sur place, entre les cours que je prends et ceux que je donne.)
(J’essayerai de mettre en forme les planches capturées en souvenir qu’il reste encore dans mon téléphone…)

Bulles de BD : Comme un oiseau dans un bocal

Lou Lubie confirme avec Comme un oiseau dans un bocal qu’elle est toujours géniale dans la palette restreinte et le mélange de récit et d’essai.

Seul bémol à cette bande-dessinée : l’animalisation / anthropomorphisme des personnages m’a parfois dérangée. Autant ça fonctionne bien pour le drôle d’oiseau, autant le poisson à l’étroit dans sa tête-bocal m’a perturbée par moments (mais si elle est le poisson, alors quid de corps avec bras et jambes ? elle n’est que son cerveau ?). Et globalement, les animaux avec des seins (qui ne peuvent pas s’apparenter à des mamelles), ça me eww depuis les pubs Orangina.

…

Cette dimension animal anthropomorphisé mise à part, j’adore les métaphores graphiques de Lou Lubie, comme ici les idées qui brindillent et arborescent quand on voudrait dormir.

Et j’aime son humour. Notamment quand il est question de bouffe :

Et pas que de bouffe.

Bonus pour avoir décorrélé l’intrigue principale de la sous-intrigue amoureuse et développé pour les deux personnages principaux une relation d’intimité qui ne soit pas romantique.

…

J’ai gardé essentiellement trace de ce que m’a fait sourire, mais la dimension didactique est toujours aussi bien amenée. Sur le fond, pas mal de choses m’ont parlé, comme l’hypersensibilité au bruit, bien rendue ici sur la case du milieu, avec un lissage et une disparition de toute hiérarchie visuelle qui correspond bien aux superpositions sonores qui assaillent de toutes parts :

Ou encore cette envie de tout faire, soulignée avec cet humour que j’aime tant :