(the return of the native)
La mauvaise conscience. J’avais du la coincer dans les anneaux d’un classeur, celle-là. Du coup, en les rouvrant, elle m’a sauté à la figure, encore plus furax d’avoir été pincée. Le conditionnel passé qui dormait tranquillement dans ma grammaire a ressurgi. J’aurais du travailler. Il aurait fallu que je lise ma bibliographie de philosophie et il aurait été si beau d’avoir véritablement entamé la dissertation. On aurait pu s’avancer. Le futur est à présent bien trop proche, et cette satanée mauvaise conscience applaudit au feu d’artifice des khôlles annoncées.
C’est une sorte de toon miniature qui tient du démon pour ses méthodes et du petit ange qui secoue la tête d’un air affligé pour l’idéal qu’elle représente. Oui, oui, comme dans Tom et Jerry : une petite souris à droite, blanche et impassible, une petite souris à gauche, rouge et déchaînée. La mauvaise conscience, c’est du deux en un. Vous ne pouvez pas l’écarter d’un coup de patte pour mauvaises manières, parce que vous savez qu’elle vous dit ce qu’il est bon de faire, mais vous ne pouvez pas non plus lui sourire béatement et avancer dans le droit chemin, guidé par la lumière phosphorescente de son auréole, sans être agacé par le titillement de son trident infernal*.
Le seul moyen de lui échapper, c’est de courir plus vite qu’elle dans la direction qu’elle vous indique. De l’épuiser par votre enthousiasme à faire ce que vous devez faire. La mauvaise conscience toonesque trébuche, halète, s’arrête, mange un bout de gruyère sur le pouce, et avec un peu de chance, se fait écraser par un rouleau compresseur égaré d’un dessin animé voisin. La paix (avec vous-même) pour un moment. Mais cet échappatoire est en réalité illusoire puisque pour lui échapper, vous courrez droit où elle vous poussait. On se fatigue assez vite. Et même si ce n’est pas le cas… il est bien connu que le toon est d’une résistance à toute épreuve : garanti 100% étanche, vous ne pouvez pas le noyer, il est compressible à loisir, résiste à tous les chocs, babille incessamment – et comble de la malchance, il dure encore plus longtemps que le lapin Duracell, puisqu’il fonctionne à l’énergie solaire (avec adaptateur lumière électrique ; vous n’avez la paix que lorsque vous dormez). Vous pouvez toujours jouer au freesbee avec son auréole, mais je doute que le procédé soit couronné de succès. Heureusement que la mauvaise conscience toonesque a ses bons côtés, parce que le seul moyen de s’en débarrasser, c’est ou bien de lui donner raison ou bien d’atteindre la fin de l’épisode. Et mes amis, je ne suis pas pressée de voir « That’s all folks ! ». Quant à la bibliographie post-mortem… pfff, il n’y a rien de plus ennuyeux que le générique.
* Si Nietzsche avait séjourné dans la trempette à toon et qu’elle lui avait ramolli le cerveau, il vous aurait très certainement dit que, la mauvaise conscience étant le retournement contre soi des instincts de liberté lorsqu’ils ne peuvent pas s’exprimer, il n’est en rien surprenant que votre toon soit un emmerdeur fini. Il se tourne vers vous pour ne pas virer fou. Devenez schizo et soyons heureux d’être le créditeur se sacrifiant pour son débiteur. **
** (la note de la note, on ne vous l’avez pas fait celle-là, si ?) Il est bien entendu que je raconte n’importe quoi. En ce soir de rentrée, ma tête est un vaste mixeur qui mélange, écrabouille et dénature tout. Aucune prétention philosophique – de la prétention tout court.