Appelez-moi Rouletabille

There are some days, you tell yourself it’s good, there’s gonna be other days.Different other days.

      C’est officiel, je hais non cordialement les marches du lycée. Le contentieux est particulièrement fort avec celles de la cantine, que je considérais pourtant jusqu’à présent avec une relative clémence au regard de leur position antérieure à celles du bâtiment scientifique qui m’achèvent chaque jour.
      Alors que je descendais ces fameuses marches, je n’ai même pas glissé mais je me suis retrouvée à faire un roulé-boulé sur les marches, un peu comme les gamelles effet boule de neige au ski. Surtout que dans ces cas là, on se voit tomber. On voit la marche qui se rapproche au ralenti, comme dans les films –sauf qu’en général c’est pour une cascade héroïque ou un baiser, ce qui est autrement plus attractif. On a le temps de se dire Oh non, non, je veux pme casser la gueule. Surtout qu’en tombant en avant, tu ne retombes pas sur ton postérieur. (Douée en anatomie, je sais.) D’ailleurs fait étrange, j’aurais du tomber sur l’arrière-train, vu que le sac à dos aurait du jouer en corrélation avec la pesanteur. M’en fous, après-demain, je ramène mon Gaffiot. Un peu d’ordre dans ce monde de brutalité *chuis une vraie adepte de Lindt oui. Leur chocolat pâtissier est autrement meilleur que le Nestlé* Résultat des courses du riz au lait au chocolat : un avant-bras éraflé malgré la couche de protection pull-manteau <presque aussi poétique qu’une couche de sédiment de géologie africaine, non ?> et une bosse qui selon le point de vue apparaît soit comme un deuxième genou, soit comme une ébauche de mollet de l’autre côté de l’axe du tibia.
       Heureusement, voyons le point positif de la chose, ce n’était pas une heure d’affluence, donc pas de regard moqueur pour cette cascade de haut bas vol – <dash power !> juste un visage effaré. Et d’avoir la tremblote jusqu’à poser mon séant sur une chaise de la cantine. Réjouissons-nous, les carottes rendent aimables, peut-être un jour arrêterai-je de ma plaindre. Ou peut-être pas.

 

[Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas.]
[Encore heureux.]

Pause – tableau historique.

Avance rapide. Les copies tournent autour des anneaux du classeur, comme soufflées par une bourrasque de vent. 25 copies doubles où se balance une petite écriture serrée, fine, dense, noire. 4 chapitres d’histoire. Tout un quart de programme. 

Rembobiner.

Lecture. Action ! Ca tourne, ça mouline. Ca dérape ; je patine :

Ralenti. Idée par idée. On est loin du 24 images à la seconde.

Lecture. Relecture. Récapitulation… c’est re-parti : capitulation. Je dépose les armes.

Pause. Goûter [à l’image suspendue ; Blanqui bien au chaud derrière les barreaux]. Je repars à la charge.

Lecture. La bande est raillée. Un trou de date.

Retour arrière. Lecture. Avance rapide. Lecture. Je change mon fusil d’épaule.

Pause. C’est de bonne guerre.  

[Lecture (du dernier chapitre) : futur.] [Arrêt. Fin des hostilités.] [Eject. L’armistice]

 

On a perdu pied, c’est à y perdre son latin

    J. de son ton le plus docte nous fait l’explication du texte d’Ovide*
Le poète des métamorphoses de l’amour est en exil et envoie son livre pour le représenter dans les lieux qui lui sont chers (l’amour du prochain, c’est pour une prochaine fois) : « Contigam certe quo licet illa pede. » = « J’y penetrerai au moins du pied qu’il m’est permis » Immanqueblement, ça devait mal finir, et pas que pour Ovide qui est mort en exil.
[…] et puis vers 16, il y a le jeu de mot sur « pede« . Ca suffit à ce qu’une partie de la classe le prenne, son pied. Après un coup d’oeil vers ses pairs, J. se mors la langue et poursuit. A son tour de s’emmêler les pieds. Non, on ne lui donnera pas de coup de main, trop heureux de rire les doigts de pied en éventail. C’est vraiment bête comme ses pieds un hypokhâgneux ! *heureusement que je fais de la danse*

* Les références pour les amoureux du Gaffiot : Ovide, Tristes, I, 1, vers 1-22 [je suis déjà morte de rire à l’idée de la mine déconfite que risque de faire celui qui aura tapé ces références pour obtenir bien tranquillou une petite traduction en tombant  sur cet article affligeant.]

D’Hegel : le dégel

           Dire que je ne suis plus en froid avec ce philosophe… peut-être pas. Mais la glace à été brisée et c’est en plein hiver que s’amorce le dégel. 

 

         Relu un peu de Hegel, conscience oblige. Je n’irai pas jusqu’à dire que j’ai compris, mais j’ai suivi. Le fil du raisonnement m’est entre apparu, alors je me suis précipitée dessus et je l’ai agrippé. Surtout ne pas le lacher ; c’est mon fil d’Ariane, sans lui, perdue. Alors il reste toujours une petite hésitation, une fébrilité, à tourner la page, ou simplement à récapituler mentalement ce que l’on a parcouru : même en ayant trouvé le fil, on n’est jamais à l’abri de le laisser s’emberlificoter en pelote de laine. Vive les nœuds (au cerveau) ! C’est à s’arracher les cheveux de la tête ! 

       Plongée dans les méandres d’Hegel, c’est en ressortant que je suis en apnée. Surprise de m’apercevoir dans cet aquarium qu’est le miroir rectangulaire de l’entrée, je me coule à nouveau dans l’obscurité des profondeurs abyssales. Se laisser couler dans la fluidité de la pensée… *c’est le plaisir de se noyer dans un verre d’eau*.

De l’art de dormir en cours

         Puisque nous sommes dans la thématique de l’oreiller, autant continuer et se lover dans les bras de Morphée. Nous avons pu observer au cours de ces dernières semaines –et particulièrement dans les périodes de pointe que sont les dissertations- diverses façons de dormir en cours.

La plus classique consiste bien entendu à croiser les bras et y enfouir sa tête ; méthode répandue mais toujours efficace, à utiliser à l’aide de voisins plutôt dissimulateurs grands.

La plus culottée est le reprise de la recette classique, appliquée au premier rang. La prof de latin balaie la classe du regard pour trouver sa prochaine victime élève à interroger : « Hum… LadyLust, je l’ai déjà interrogée en grec, Incitatus est passée hier, J. ce n’est visiblement pas la peine de lui demander quoi que ce soit… » J. n’a pas sursauté d’un demi millimètre à son nom et une vérification express de son voisin de table nous a autorisé un petit rire… qui n’a toujours été suivi d’aucune réaction.

La plus rapide s’intercale très bien entre deux private stale jokes du prof d’histoire ou deux phrases assassines de notre flingueur d’anges. Il suffit de caler sa tête dans sa main, coude sur la table et de reposer ses paupières quelques instants. Particulièrement appréciable si vous avez les cheveux longs. Ne pas oublier de se placer à la droite du professeur si vous gaucher, à sa gauche si vous êtes droitier (ce qui permet de ne pas lâcher son stylo- à vous de vous entraîner aux assoupissements éclairs afin que le bruit du stylo qui vous échappe ne vous fasse pas remarquer.)

La plus tordue a été observée en la personne de l’as de cœur. De trois-quarts à tendance profil sur sa chaise ; le bras gauche sur le dossier, tenu par la main droite, la tête posée sur le tout, comme un cheveu sur la soupe une cerise sur le gâteau.

La plus spectaculaire qui serait aussi la plus discrète sans le reste de la classe. Le dos est calé contre le dossier, bien droit, presque plus que nos attitudes avachies. Les deux avant-bras sont appuyés sur la table, comme un enfant bien éduqué à table qui attendrait sagement le prochain plat. Et comble du chic, le plume est décapuchonné, maintenu à un centimètre de la copie déjà barbouillée de quelques lignes. L’illusion serait parfaite si la rumeur ne se propageait pas de table en table… admirez un peu la technique de la demoiselle à l’oreiller !