Quel que soit le prix que vous mettez dans votre logement, ce sera trop cher pour ce que c’est : d’une part, tout est cher en Norvège, et d’autre part, l’hôtellerie n’est pas d’un très bon standing. Mais comme il n’y a pas pléthore de choix en haute saison et que les AirBnB sont globalement calés sur les prix des hôtels, ça se remplit vite.
Si on exclut la folie de l’hôtel à Geiranger, nous en avons eu pour 150 euros par nuit en moyenne, pour des chambres confortables sans être luxueuses (sauf la dernière nuit à Bergen ★) ni toujours particulièrement jolies (sauf à Gaupne ♥). Il faut souvent aller à la réception pour demander une bouilloire, un sèche-cheveux ou un tapis de bain. L’absence par défaut de ce dernier s’explique probablement par les évacuations bizarres des baignoires : le tuyau plonge dans une grille comme celles des douches à l’italienne ; une fois sur deux, ça déborde, et on a l’impression que des gamins ont joué un match de waterpolo dans la baignoire. Pour compenser le pédiluve involontaire, cependant, on peut souvent mettre en route un chauffage au sol et ça, c’est le grand luxe (même si là, juste après la canicule, vous avez sans doute du mal à imaginer).
À noter : les volets n’existent pas en Norvège, et les rideaux ne sont pas toujours occultant (euphémisme inside). Comme la nuit ne tombe pas en été, remplacée par un long crépuscule qui bascule directement dans l’aube, mieux vaut prévoir un masque pour les yeux – voire de la mélatonine pour s’endormir plus facilement.
Les bonnes adresses du séjour
Thon Hotel Orion à Bergen, le meilleur rapport qualité/prix : le bâtiment est moche de l’extérieur, mais extrêmement bien situé, dans le quartier historique de Bryggen. La chambre était moins glamour que sur les photos de démo, mais c’est confortable et silencieux (l’isolation phonique n’est pas une évidence dans l’hôtellerie norvégienne). Un buffet froid est compris dans le prix pour le dîner : sachant qu’en ville, la moindre pizza est à 18 €, c’est un argument économique non négligeable. Sans compter que c’est simple mais bon : les produits sont frais, et le pain délicieux (probablement le meilleur du séjour, la mie moelleuse comme un carrot cake, la croûte croustillante roulée dans les graines de courge et de tournesol avant d’être enfourné, en somme : du gâteau). Bref, ça a tartiné dans les chaumières.
Scandic Ornen à Bergen, le plus luxueux sur un standard international. Il faut demander une chambre donnant sur l’atrium pour éviter le bruit de la circulation et la vue glauque sur la gare routière et un parking à plusieurs étages. Prévoyez du temps pour le petit-déjeuner : le buffet est FOU.
Nes Gard à Gaupne, le plus choupinet-nordique (cf. photos). La chambre de princesse tout en bois blanc donnait sur le fjord, église elle aussi en bois blanc au premier plan, cascade en arrière-plan. En revanche, masque et bouchons d’oreille obligatoires pour dormir après 6h : il n’y a pas de rideaux occultant et l’hôtel est au bord de la route.
AirBnB à Aurland, une cabane à soi : la douche est tiédasse, mais c’est le seul reproche qu’on peut faire à cette petite cabine rouge typique, entièrement rénovée il y a quelques années, où nous nous sommes senties comme chez nous. C’est à 5 minutes en voiture d’Undredal, petit village classé par l’Unesco dans les méandres d’Aurlandsfjord, et à 15 minutes de Flåm, d’où part le célèbre train touristique mais où il vaut mieux éviter de séjourner, car la plateforme touristique est plutôt moche.
Découvrir la région des fjords de Bergen à Ålesund sans aller au pas de course, en prenant le temps de savoureux les paysages : ça, c’est le brief qu’on a donné à l’agence de voyage (après avoir renoncé à Stavanger, qui aurait rajouté 10h de route A/R ou nécessité un vol intérieur). La conseillère est revenue vers nous avec un voyage écourté (une petite semaine seulement) et rabougri (on n’allait pas plus au Nord que Flåm, adieu Geiranger et Ålesund) pour la modique somme de plus de 2000 € par personne. Du coup, nous avons décidé de prendre les choses en main et nous avons concocté notre propre itinéraire en brodant par-dessus le programme de l’agence à coup de Lonely Planet.
Cela n’a pas été sans difficulté, la contrainte majeure, de taille, étant de trouver comme boucler le parcours. Au début, nous pensions laisser la voiture à Ålesund et prendre un vol intérieur pour revenir à Bergen : quand on s’est aperçu que nous avions mal fait la conversion et que les frais d’abandon étaient non pas de 50 mais 500 €, on a vite cherché une autre solution. J’ai alors lorgné sur Hurtigruten, compagnie de ferry qui propose des croisières sur toute la côte… et entend bien vous faire payer la totale : les informations sur les trajets ponctuels ne sont pas traduites. Quand j’ai enfin réussi à obtenir les informations en anglais par mail, j’ai découvert qu’il n’y avait qu’un seul trajet par jour… et qu’il était de nuit. Il fallait prendre une cabine en plus des frais pour la voiture, et payer cher pour ne rien voir. Nous avons fini par décréter que 500 € valaient bien 8h de route ; on a ajouté deux jours / une nuit au séjour et roule ma poule.
Le parcours réalisé
Bergen (jour 1 à 3)
👁️ Visite de la ville : le quartier historique de Brygge, avec ses toits alignés, mais aussi les hauteurs huppées (ambiance villa au-dessus de Brygge, londonienne posh sur l’autre versant).
Église en bois debout de Fantoft : sympa si vous n’en avez jamais vu, dispensable si vous prévoyez de passer par Borgund par exemple.
Randonnée sur le mont Fløyen avec panorama sur les fjords ❤️ : snobez le funiculaire si vous voulez faire un peu de prospection immobilière au départ ; chaussures de rando indispensables passé le belvédère.
Visite de la villa d’Edvard Grieg ❤️ ❤️ : la villa proprement dite et ses trésors racontés en français par un monsieur délicieux à l’œil qui pétille, un auditorium super bien camouflé dans la végétation (vérifiez les heures pour le mini-concert que nous avons manqué), le cabanon où composait Grieg et l’avancée qui donne sur les îles du fjord (on a même vu une étoile de mer)
Bergen ➡️ Ulvik (jour 3)
Route avec vues le long du Hardangerfjord et pause-goûter à Nordheimsum
Pédalo sur le fjord à Ulvik ❤️ ❤️ (possibilité de rando à pieds ou à vélo)
Ulvik ➡️ Undredal (jour 4)
Vue d’Aurlandsfjord (bras du Sognefjord) depuis la vallée de Flåm (et découverte de sa boulangerie)
👁️ Vue panoramique à couper le souffle d’Aurlandsfjord depuis Stegastein ❤️ ❤️ ❤️
Undredal (jour 5)
Visite du village d’Undredal, classé par l’Unesco : tout petit mais mignon, dans les méandres d’Aurlandsfjord
👁️ Flåmsbana : train touristique avec de beaux panoramas. Comptez 2 heures pour l’aller-retour ou 4 heures pour randonner sur le retour en descente de Myrdal à Flåm – le plan initial, tombé aux oubliettes vu la météo. En haute saison, il est préférable de réserver son billet à l’avance et/ou de se pointer un jour où il n’y a pas de bateau de croisière (le mercredi fonctionne bien, apparemment).
Undredal ➡️ Gaupne (jour 6)
👁️ Détour par Borgund pour visiter l’église en bois debout et son musée
Paysages le long de la route
Gaupne ➡️ Geiranger (jour 7)
Route touristique qui vaut clairement le détour avec ses montagnes et ses glaciers sublimes ❤️ ❤️ ❤️
Église en bois debout de Lom
Point de vue en hauteur sur Geiranger
Geiranger (jour 8)
👁️ Croisière d’1h30 sur le Geirangerfjord (puis réchauffement et papotage intense à la chocolaterie)
Geiranger ➡️Ålesund (jour 9)
👁️ Route des trolls en lacets, avec vue sur la vallée
👁️ Montée au belvédère d’Ålesund pour la vue sur tout l’archipel
Ålesund (jour 10)
Visite du musée Jugendstil, installé dans une ancienne pharmacie Art Nouveau (rien que la caisse enregistreuse vaut le détour) et papotage parfait au café ❤️ ❤️
👁️ Safari-photo des façades Art nouveau de la ville
Découverte en voiture et promenade à pieds sur les îles voisines (reliées par des tunnels), avec une grotte préhistorique en bonus
Ålesund ➡️ Floro (jour 11) –> Bergen (jour 12)
Trajet retour pour éviter les frais d’abandon, avec de beaux paysages en bonus (même si moins mis en valeur que pendant le reste du séjour)
Bergen (jour 13)
Dernier tour en ville avant de reprendre l’avion
A posteriori
Ce qu’on changerait a posteriori ? Eh bien, pas grand-chose. Le rythme était bon pour nous, nous avons pu paresser, profiter des délicieux buffets de petit-déjeuner et digérer avant de partir explorer les fjords vers 11h-12h. Nous avons avalé les kilomètres sans faire d’overdose, avec un maximum de 4h30 de route dans la journée. Un rythme de vacances donc, qui pourrait tout à fait être compressé pour des questions de préférence ou de budget.
Il y a cependant quelques éléments que l’on aurait aimé savoir avant :
les villes de Flåm et Geiranger sont moches. Aucun urbanisme, du pur pragmatisme, avec des baraquements sans charme, des hôtels étoilés avec vue sur les campings, et des parkings au bord de l’eau. Ce sont des plateformes purement fonctionnelles pour prendre le Flåmsbana ou faire une croisière ; le mieux est d’y passer rapidement (1h30 est la croisière la plus longue que vous pourrez faire sur le Geirangerfjord) ou de séjourner dans les alentours (coup de chance : le remplissage des hôtels à Flåm nous a conduites à Undredal, autrement plus pittoresque).
le train touristique Flåmsbana est très sympathique, mais ce n’est pas l’expérience indépassable dont tous les guides se gaussent. Clairement, cela a été pensé comme un aperçu de la Norvège pour les touristes ne disposant pas de moyen de locomotion propre : Flåm peut être rallié en train depuis Bergen, ce qui permet de faire un tour en train et une croisière sans avoir à louer de voiture.
Les guides de Lonely Planet essaient de trouver du bon partout : au lieu de vous dire que Florø n’a aucun intérêt, par exemple, ils écrivent qu’on peut y avoir des bâtisses du XIXe siècle et un petit port mignon, occultant la dominante centre commerciale et port industriel. Cela ne nous a pas dérangées outre mesure parce qu’on cherchait surtout un endroit où dormir et que notre location donnait sur un bout de fjord stylé, mais il faut savoir que c’est une non-destination, quand bien même c’est l’un des arrêts des croisières d’Hurtigruten.
Vous avez déjà voulu manger une salade dans un aéroport, et décidé en voyant le prix que vous n’aviez finalement pas si faim ? Bienvenue en Norvège : votre porte-monnaie et vous allez vivre dans un aéroport pendant toute la durée de votre séjour. Après avoir mangé des sandwich à 8 €, vous trouverez au retour que, même chez Paul, c’est donné. (Je parle en euros pour plus de facilité ; évidemment les prix sont en NOK, la couronne norvégienne.)
Certes, vous pouvez trouver de la junk-food qui coûte que dalle, hot-dogs à vous retourner le cœur dans le café des ferrys, frites en zigzag surgelées ranimées au micro-ondes, hamburgers semelles express à la station service, mais il faut avoir des enzymes spéciales pour digérer ce genre de choses ; seuls les Allemands habitués à la Wurst peuvent s’y risquer. Entre ces spécialités internationales tout juste comestibles et les bons plats hors de prix, il n’y a rien. Pas même dans les supermarchés, qui n’ont pas les rayons de produits transformés bobo qui fleurissent chez nous chez Carrefour ou Franprix. Une ou deux fois, dans les coins les plus touristiques, on a mis la main sur une petite salade avec de l’houmous, mais le reste du temps, nada, pas même des carottes râpées.
Comme la pizza végétarienne est à 18 €, le fish & chips dans une baraque qui pue le graillon à 20 € et le poisson dans un resto un peu sympa à 35€ (sans entrée ni dessert), on a vite adopté notre rythme de croisière : gavage au petit-déjeuner, de manière à tenir jusqu’au goûter, puis pique-nique à l’hôtel. Dîner type : soupe instantanée dans des mugs, carottes pré-épluchées quoi-de-neuf-docteur et fromage en tranches carrées avec du pain industriel. Parce qu’il y a des pains absolument délicieux en Norvège, mais très peu de boulangeries. Quant au tombe dessus, en revanche, c’est jackpot : pour les pains donc, sombres, savoureux, plein de graines, de croustillant et de moelleux, mais aussi les viennoiseries, surtout celles à la cannelle.
Cinammon rolls, cinammon buns…
Spécialités et bizarreries
Nous n’avons mangé qu’une seule fois au restaurant en quinze jours, mais les buffets du petit-déjeuner nous ont permis de goûter aux spécialités locales (enfin surtout moi, parce que Mum ne mange pas de salé le matin).
De haut en bas et de gauche à droite : tube de pâte aux œufs de poisson ; gaufre à la cannelle et au sirop d’érable ; le bocal de pickles de concombre rapporté à Paris ; des Wasa à la cannelle, conseillées par Benoît depuis Oslo (dommage qu’on n’ait pas cette variété en France) ; une tranche de brunost, avec un ajout peu académique de confiture.
Les poissons : le saumon est évidemment une star, frais, fumé, gravlax, mais comme on l’importe de Norvège en France, pas de révélation majeure. J’en ai plutôt profité pour revoir mon a priori des harengs, même si je leur préfère définitivement le maquereau : grillé, froid, au poivre, le péché mignon des mes petits-déjeuners (quitte à puer un peu de la gueule après).
Les pickles : clairement la révélation du séjour. Le pickle, je voyais ça comme un cornichon vinaigré ajouté pour donner un peu de croquant, un truc à peine moins dispensable que la feuille de salade sous un steak-frite. Pas du tout : c’est du concombre mariné dans tout un tas de saveurs qui chatoient en bouche. Les Norvégiens le servent avec le saumon, mais on les a boulottés tels quels et on a demandé en cuisine où ils venaient pour aller faire des provisions au supermarché.
Le brunost : forcément, j’ai goûté à ce qu’on présentait comme la spécialité fromagère locale. Verdict : pas mauvais, mais pas savoureux non plus, et surtout, ce n’est pas vraiment du fromage, plutôt une sorte de confiture de lait compacte. C’est encore avec de la confiture que ça passait le mieux, façon peanut butter and jelly (de fait, ils en mettent dans leurs gaufres).
Les tubes de dentifrice comestible aux œufs de poisson (kaviar mon cul) : drôle mais dégueulasse.
Les fraises : Palpatine en avait un souvenir ému. Je ne suis pas une grande amatrice, mais Mum s’est régalée.
Les gaufres : en forme de cœurs-fleur. C’est une religion en Norvège ; on en trouve même dans la buvette des ferrys. A l’hôtel d’Alesund, un pichet de pâte était à disposition pour s’en faire soi-même au petit-déjeuner : je ne m’en suis pas privée !
Les cinammon buns / rolls : le goûter-qui-tue (et se conserve mieux qu’une gaufre, pour servir de dessert au pique-nique du dîner).
Bonnes adresses
Boulangeries
Flåm Bakery, à Flåm comme son nom l’indique : un petit miracle que cette boulangerie dans un endroit truffé de restaurants attrape-touristes. Non seulement vous pourrez y trouver un sandwich à la truite qui vous réconciliera avec la vie après avoir erré dans tout le complexe touristique en quête d’un plat qui fasse un minimum envie, mais vous aurez envie de revenir goûter toutes les propositions sucrées. Les cookies au chocolat et les biscottis sont pas mal, mais un cran en-dessous des brioches tressées à la cannelle, qui sont à tomber, et du cookie dit à la pistache (aux fruits secs, en réalité) qu’il faut à tout prix prendre en format géant : non seulement il y en a plus (obviously), mais il est juste de le bonne taille pour que l’intérieur reste moelleux tout en étant croustillant-émoustillant sur les bords. Et vous ai-je dit que les brioches tressées à la cannelle étaient à tomber ? D’accord. Vous pouvez zapper les boissons, en revanche ; elles sont à prendre à la machine.
Lustrabui, à Luster : certes, ce village qui se traverse comme un rien est un peu au milieu de nulle part, mais comme ce nulle part se trouve donner sur un fjord (pas dégueu, comme d’habitude), il n’est pas impossible que tu y passes, toi lecteur futur touriste en Norvège. Dans ce cas, un arrêt à la boulangerie de Lustrabui est tout indiqué pour faire un refill de cinammon rolls (moi, obsessionnelle ?).
Restaurant de poisson
Lokalt & Lekkert, dans la halle aux poissons de Bergen : notre unique dîner au restaurant du séjour, pour terminer en beauté. Après avoir fait le tour des étals où toute la mer semble exposée, fumée, grillée, marinée, assaisonnée de mille manière, nous avons choisi le restaurant du milieu parmi les trois abrités par la halle. Les nappes blanches et la carte épurée auguraient mieux que les zillions de plateaux de fruits de mer différents proposés par le concurrent plus populaire. Bien nous en a pris : Mum s’est régalée avec un saumon goûté in extremis (elle peut confirmer l’association bienheureuse avec les pickles, qui lui ouvre des horizons) ; je n’ai pas laissé au chat ma part conséquente de flétan (choisi il est vrai pour sa sauce au beurre et pour changer, ayant goûté tous les saumons de tous les buffets de petit-déjeuner pendant quinze jours). À la place du dessert inexistant, nous avons observé les cuisiniers travailler dans leur enclos ouvert : la chef qui s’active, un commis qui semble adolescent à dépasser tous ses collègues de deux têtes et ne chôme pas, tous en train de remuer, sortir, couper, essuyer un front,le bord d’une assiette bien dressée, toutes actions qui raffermissent a posteriori la saveur du repas et l’inscrivent en mémoire comme une bonne expérience.
Cafés / salons de thé
Y’a pas que les humains pour se refiler les bonnes adresses…
Godt Brød Fløyen, à Bergen : c’est le genre d’endroit où tout est oh my Godt, une boulangerie-café très bobo-compatible. J’y ai goûté un délicieux gâteau coco-noix de cajou et suis revenue pour leurs bouchées à la noisette grillée (ce n’est pas pour rien qu’ils font des prix dégressifs en fonction du nombre de bouchées ; ne faites pas comme moi, prenez-en plusieurs d’un coup). Le chocolat chaud maison de Mum était lui aussi délicieux, tout comme la ginger beer (en bouteille) qui me faisait fantasmer depuis plusieurs heures. Nous avons découvert ensuite en nous promenant dans la ville que c’était une chaîne – la nôtre était près du départ du funiculaire (que l’on n’a pas pris, pour pouvoir manger encore plus de viennoiseries à la cannelle).
Geiranger Sjokolade, à Geiranger donc : la chocolaterie fait à la fois boutique et café. Si vous n’êtes pas allergique au turquoise et que vous n’arrivez pas au moment où un paquebot débarque en ville, c’est un endroit sympathique pour goûter et papoter. Le chocolat est de qualité, même si la (non-)préparation du chocolat chaud nous a laissées perplexes : nous avons eu beau touiller, les pistoles ajoutées après coup au mug de lait ne se sont pas bien dissoutes, préférant coaguler en vermicelles. Il aurait fallu faire l’inverse et verser en cuisine le lait encore brûlant sur les pistoles, ou bien apporter un pot de chocolat déjà fondu. Qu’importe, nous étions trop occupées à goûter des alliances originales : notre curiosité a été récompensée avec le bonbon au chocolat à l’huile d’olive et au sel, et… hum… fouettée avec celui au bleu. Oui, oui, au fromage. J’ai découvert à cette occasion qu’on pouvait faire du bleu avec du lait de chèvre. Autant vous dire que l’enrobage au chocolat n’est pas détecté par les papilles. C’était amusant, mais m’a passé l’envie de poursuivre l’expérience avec la glace au même bleu.
Le café du Jugendstil Museum à Ålesund : contrairement à la collection du musée, le café n’a rien d’Art Nouveau, mais tout y est délicieux, les serveurs-serveuses sont adorables et on s’y sent comme chez soi (en imaginant avoir une déco bobo-green-cooconing-nordique chez soi – j’ai été un peu déçue en rentrant de me rappeler que l’aménagement de mon studio s’est fait par une sédimentation mobilière pragmatique et fainéante, sans plante-paravent ni mobilier design). Nous sommes restées là un temps infini à discuter, bien après avoir picoré de l’index les miettes du scone géant (aux écorces d’orange) et raclé avec la fourchette en biais les traces de chocolat d’une tarte cacaotée jusque dans sa pâte. Avec de la clotted cream et de la chantilly, parce qu’on n’allait pas dire non au serveur, qui nous l’a proposé si gentiment. Sa collègue, tout aussi aimable, m’a gracieusement rempli la théière pour une seconde tournée – c’est dire si on avait envie de s’en aller.
Tache de Rorschach au Lustrafjorden, bras du Sognefjord
Un bras d’eau encadré de montagnes : un fjord. C’est l’idée vague que j’en avais, sans soupçonner que l’érosion d’une montagne par un glacier peut donner à la mer des paysages assez divers dans lesquels s’insérer lors de la montée des eaux. Il y a les montagnes telles qu’on les connaît, un sommet, des pans, parfois des névés, mais aussi des flans plus abrupts, plus proches de falaises, la roche à nue, d’autres au contraire comme tapissés de mousse verte, et des souvenirs de montagnes devenues des collines, avec de l’herbe si verte si tendre qu’on dirait du gazon, des maisons proprettes, des vergers, des cultures, la Suisse supplantant alors l’Écosse comme référentiel vallonné.
Et parfois, c’est carrément la Méditerranée (oui, l’eau est turquoise, oui, c’est un fjord)
À force de les longer et de les traverser, à force de confondre puis d’identifier les bras principaux des secondaires, les paysages traversés se sont mis à coaguler et à se singulariser : on a compris le pourquoi des fjords au pluriel, on a commencé à voir ce qui unifiait les métamorphoses subtiles opérant sur des kilomètres, jusqu’à déboucher sur un paysage d’une toute autre atmosphère, qui légitime un autre nom. On le découvre en écartant les doigts sur les cartes de Waze, un quelque-chose-fjord, le plus souvent un préfixe que je n’ai même pas croisé dans le guide, ou pas mémorisé. Ce sont des flans moins enchevêtrés, une eau turquoise, des brumes de sapins, des roches de lichens ou encore des rives plus écartées jusqu’à donner l’illusion d’un lac – il y en a aussi, qui grignotent les terres de partout, jusqu’à ce qu’on ne sache plus lequel, de la terre ou de l’eau, est le référent, et si l’on doit parler d’île, de presqu’île, de lac, de rivière ou de mer – on dépose vite son vocabulaire au pied des éléments. Souvent, pourtant, c’est encore un fjord, souvent le même qu’on longeait depuis un moment, sous un autre nom, comme ces routes qu’on ne voit pas changer de dénomination parce qu’elles sont dans l’exact prolongement l’une de l’autre, le carrefour toponymique passant pour un croisement mineur.
Carte des fjords que nous avons visités, avec nos principaux arrêts. Les fjords principaux sont en capitales, et les bras secondaires en minuscules.
Il a fallu que je recrée une carte à mon retour pour que les bras se raccordent et se ramifient : le si célèbre Geiranger n’est pas le tout d’un fjord comme je le croyais, mais seulement l’un de ses bras, quelques kilomètres sélectionnés par l’Unesco comme un échantillon par des scientifiques – la partie pour le tout, qui s’en trouve occulté : le Storfjord, pour ne pas le nommer. Par une similaire métonymie patrimoniale, je n’ai pas compris que nous passions à côté de l’autre fjord classé : le Nærøyfjord, tout près de l’Aurlandsfjord que nous avons visité sous toutes les coutures. Je m’en suis voulue d’avoir loupé le bras à valeur d’exemplum, d’autant que le Sognefjord (de son nom principal, auquel se raccordent Aurlandsfjord et Nærøyfjord) s’est rétrospectivement imposé comme notre fjord favori, à Mum et moi.
Geiranger, le fjord qui a la plus grosse
Nous nous le sommes avoué à demi-mots, avec moult précautions d’abord, puis avec de plus en plus d’aplomb jusqu’à le fanfaronner en snobs provocatrices, sûres de leurs goûts : le Geiranger, prétendument roi des fjords, s’est retrouvé en bas de notre top 3 (sur 3). Certes, il a des dimensions imposantes, mais c’est un peu comme le mec qui a la plus grosse et tient à le faire savoir : pas hyper emballant. Les montagnes massives qui encadrent l’eau sombre sont trop touffues, trop vertes, d’un vert bouteille qui suinte l’humidité, une moiteur froide, envahissante comme de la mousse.
Geirangerfjord, vu d’Ørnesvingen
Les chutes d’eau qui rythment l’excursion en bateau sont impressionnantes, mais à ce stade du voyage, nous nous y sommes presque habituées : on les perçoit de moins en moins comme des cascades, rares, identifiables ; on les oublie dans le ruissellement continue des glaciers qui doivent bien trouver à s’épancher ici et là, de tous côtés – il faut voir les touristes que nous sommes isoler ou rassembler les fils d’eau à plusieurs reprises pour essayer d’arriver à sept, et retrouver l’appellation des Sept sœurs, comme on relie les étoiles pour retrouver les constellations canoniques, quand notre imaginaire les auraient volontiers reliées en d’autres dessins.
Le Geiranger doit déployer des trésors de brume pour apparaître en majesté. C’est ainsi que je lui trouve du panache, avec un nuage de brume bas qui tarde à disparaître au virage, un Magritte au coin de la rue, touche d’humour et de poésie. La grandiloquence ainsi évacuée, la brume accrochée aux crêtes peut faire son œuvre et découvrir ce qui, seul, s’impose sans mystère. Le double effet d’escamotage et dévoilement joue beaucoup dans l’appréciation des fjords, me suis-je aperçue. À ce jeu-là, le Geiranger n’est pas hyper bien loti, car les montagnes font bloc et n’opposent que peu de résistance à la curiosité. Contrairement à d’autres fjords, il n’y a pas pléthore de virages au coin desquels les nuages peuvent tourner ; nous avons eu de la chance que notre hôtel donne sur le premier et l’un des rares d’envergure.
Nous avons eu beaucoup de chance d’une manière générale ; le kairos était avec nous (ou la paresse, qui nous faisait débuter les visites à l’heure où les cars s’arrêtaient pour déjeuner) : à Bergen puis à Borgund, les groupes sont arrivés alors que nous nous éloignions de l’église en bois debout ; à Ulvik, nous avons découvert le matin de notre départ un paquebot là où nous avions fait seules du pédalo ; au moment de quitter Geiranger, la brume s’est transformée en brouillard et a avalé le fjord que nous avions visité, dégagé, la veille ; ainsi de suite, souvent, de la pluie et des giboulées de touristes. Il n’y a que la route des trolls qui a été en partie mangée par le brouillard ; il a fallu descendre sous le couvercle nuageux et découvrir la vallée dessinée par les pans-toboggans des montagnes pour imaginer le panorama qu’offrait le point de vue d’où l’on ne voyait rien, ponton que nous avons croisé sans nous y arrêter, suspendu dans le vide du paysage, entièrement comblé de coton comme un coussin nouvellement rembourré.
Hardanger, le fjord qui se soustrait à l’image d’Épinal
En deuxième place de notre top 3, nous avons placé le Hardangerfjord que nous avons longé sur la partie nommée Eidfjorden. À certains endroits, il est bordé de montagnes, qu’il faut bien requalifier à d’autres de collines, parsemées de pelouses, habitations, moutons et vergers (nous n’avons pas trouvé de cidre malgré notre arrêt à une ferme fruitière bien peu pittoresque, recommandée par le guide). J’ai même noté quelques serres discrètes à Ulvik, alors que nous faisions du pédalo seules sur notre bras de fjord – un vieux rafiot lourd aux sièges mal moulés, qui ruine jambes et dos, mais magique en ce qu’il permet de prendre possession des lieux, au ras de l’eau : on réagence les rives et l’émerveillement attenant d’un coup de gouvernail, on rôde autour de la petite île mystérieuse peuplée de chèvres (et de nids d’oiseaux, apprend-t-on en rendant l’engin) et on rit d’essuyer ou d’avoir un grain, continuant à pédaler sous la pluie.
Depuis notre hôtel à Ulvik
La cible d’un jeu de fléchettes est suspendue dans l’une des salles communes de l’hôtel, de plain pied ou presque, les chambres réparties sur deux étages qui suivent la pente douce du terrain, desservies par un long corridor où j’entendrais presque les cavalcades d’enfants fantômes, forcément passés là pour des vacances de quelques jours, à faire du kayak, du VTT, du pédalo, du tir à l’arc, tandis que les parents envient le temps qu’ont pour eux les aînés, à contempler la vue entre deux chapitres ou mots croisés. Le balcon de notre chambre, qui comme les autres donne sur le fjord, répète à sa manière le syndrome du banc vide : vous ne vous y assiérez probablement jamais (si vous le faisiez, le charme disparaîtrait, il cesserait d’être un banc vide pour redevenir un banal soutien à votre séant) mais, du simple fait qu’il soit là et vide, vous vous mettez à rêver, l’envie vous prend de contempler les environs ou mieux encore, de vous absorber dans une lecture qui, en vous y soustrayant, les rendrait évidents, présents à chaque fois que vous relevez la tête, sans avoir à vérifier, à douter un seul moment de leur fidélité ou de votre présence. Le paysage cesserait d’en être un pour devenir environnement, et la question de comment voir et retenir s’évanouirait dans le vivre.
Il fait un peu frais pour s’attarder sur le balcon, mais je profite de la vue depuis mon lit d’une nuit, où je ne reste guère, me levant à tout instant pour voir mieux ou reprendre une photo car la lumière a encore un peu changé et c’est tellement beau, je ne tiens pas en place. Malgré ma frénésie, le paysage infuse lentement en moi, comme ont infusé les montagnes de Sapa, en novembre, lorsque Palpatine et moi avions coupé court à la visite disneylandisée du village pour nous poser à une terrasse à la vue imprenable, prise à tout instant par des brumes, des lumières différentes. J’avais parcouru le paysage à petites gorgées de gingembre brûlant jusqu’à ce qu’il devienne vivant – non pas comme une carte postale qui s’anime, mais comme une pièce dans laquelle on commencerait à vivre, identique et différente à chaque heure du jour. Je sais depuis que c’est l’une des plus belles manières d’accéder aux paysages, que c’est ainsi qu’ils cessent d’être des décors ; quand j’en ai le loisir, j’aime rester dans les parages jusqu’à percevoir une familiarité sous la singularité de chaque lumière. C’est ainsi que j’ai vu la lumière varier sur Ulvik, les montagnes lointaines masquées ou redonnées par le déplacement des nuages, le relief modulé par les rares rayons de soleil qui tombent comme sur d’heureux élus (pas un peuple, non, une parcelle : une ferme ou un pré, quelques maisons tout au plus), puis le crépuscule s’installer sans jamais permettre à la nuit de le déloger. Il reste là, en suspends, toute la nuit entre chien et loup ; après quelques ultimes photos, il faut se résoudre à tirer les rideaux et aller se coucher.
Ulvik de nuit- crépuscule (la prise de vue fonce la lumière) On dirait presque les formes abstraites d’un lecteur de musique…
Depuis que j’ai pris à conscience à Yosemite qu’un paysage est essentiellement une carte postale, qu’on ne peut le constituer comme tel que depuis un point de vue qui nous le rend extérieur, je cherche à chacun de mes voyages à réduire l’écart entre le monde et moi. Je sais bien que la coïncidence totale est impossible, intenable plus d’un instant de vertige, mais j’ai compris depuis peu que cette quête de l’ici et là rejoue celle de l’ici et maintenant, que chercher à habiter un lieu et vivre dans l’instant présent sont une seule et même chose, envisagée depuis une perspective tantôt spatiale tantôt temporelle.
Pour vivre dans l’instant présent, il faut accepter à chaque instant que l’instant disparaisse et bascule dans un autre – l’accepter : pas seulement s’y résigner, mais le vouloir, accompagner voire anticiper légèrement le mouvement comme un danseur qui anticipe la musique d’une fraction de seconde pour donner le sens de l’allegro (je veux l’allégresse de l’allegro). De même, pour habiter un lieu, il faut accepter de le traverser, d’en faire varier les angles morts, l’occulter et le raviver par le mouvement – par la danse, pourquoi pas. La variation peut venir du mouvement immobile des heures ou des saisons sur un paysage (les lumières changeantes captées par Monet en de multiples tableaux sur une même meule de foin) ou bien de la multiplication des points de vue, le paysage s’appréciant alors diffracté (dans une perspective cubiste).
Spontanément, la méthode impressionniste m’attire davantage, mais je connais ma tendance volontiers obsessionnelle et j’aurais tôt fait de perdre le sens du passage dans la collection maniaque de chaque état présent anticipé comme passé. J’aurais tout intérêt à embrasser davantage la méthode cubiste, aussi peu naturelle soit-elle pour moi : je synthétise spontanément par accumulation et juxtaposition progressive, non par croisement et concaténation subite (je n’ai compris qu’à la fin de ma prépa que j’aurais eu tout intérêt à multiplier et croiser des lectures variées, plutôt que de ressasser mes cours jusqu’à l’écœurement du par cœur).
Laisser infuser les paysages est une belle expérience, mais ne saurait constituer le tout d’un voyage – il faudrait séjourner partout sans se déplacer nulle part. C’est là, lorsque la pause s’étire tant qu’elle risque de se transformer en paralysie, qu’il faut se faire cubiste (comme Rimbaud se faisait voyant) : multiplier et superposer les points de vue pour que l’enthousiasme de ce qui vient supplante le regret de ce qu’on laisse derrière soi ; traverser les paysages plus d’une fois, pour ne plus les traverser (comme on traverse un fantôme dans le monde d’Harry Potter) mais les parcourir, en trois dimensions et profondeur. C’est ainsi que surgit Aurlandsfjord, des perspectives croisées de Flåm, à la source, de Stegastein, spectaculaire point de vue en hauteur, et d’Undredral, dans les méandres.
Et quand les points de vue ne sont pas prévus, à nous de les créer, en jouant sur les moyens de locomotion et la vitesse de défilement :
randonner dans un mont près de Bergen (on voit peu mais on embrasse beaucoup, rendu présent au panorama par l’effort pour atteindre le point culminant) ;
faire du pédalo à Ulvik (on fait corps avec le bras du fjord, déroulant lentement les rives autour de nous) ;
prendre le train à Flåm (l’excitation de ce qui se découvre dans la vitesse compense ce quelle oblitère) ;
faire une excursion en bateau à Geiranger (les montagnes avancent, vitesse de croisière) ;
et rouler en voiture pour rallier tous ces lieux (je savoure mon avantage en tant que passager).
Bateau d’excursion à Geiranger
En Norvège, les trajets en voiture font partie intégrante du voyage. Je pensais que la conseillère de l’agence de voyage essayait de minimiser le temps que la route grignoterait sur les visites, sa place dans le planning, mais elle disait vrai : les trajets en voiture font partie du plaisir. De toutes les routes que l’on a empruntées, certaines étaient évidemment plus belles que d’autres, mais aucune n’était coupée du paysage comme les autoroutes que l’on enfouit parfois chez nous dans les terres, grandes diagonales dans le vide. En Norvège, si vous repérez une route droite sur la carte, c’est à coup sûr un tunnel, creusé dans la roche. À l’air libre, on sinue dans les montagnes, en montée, en lacet, en descente, en épingle à cheveux ; on contourne le relief ou on longe les fjords, tout au bord de l’eau (parfois au-dessus, terre-pleins étroits gagnés sur l’eau à en croire les cartes de Waze, leur bleu de part et d’autre de la route alors que nous sommes collés à la montagne). Avec ses tours et détours, la route met en scène le paysage, le dérobe pour mieux le représenter, dans une vision sans cesse renouvelée ; à chaque virage, il est encore là, à nouveau. Pour faire face à ce perpétuel surgissement, j’ai essayé les jurons (putain, c’est beau !) et les euphémismes (c’est pas dégueu par ici), mais à la longue, ce sont les antiphrases ironiques qui se sont imposées (encore un coin moche).
Mum a ralenti à chaque fois que c’était possible (plus souvent qu’on pourrait le croire), quand il n’y avait personne derrière nous ; et nous nous sommes arrêtées, très souvent au début, puis un peu moins : on avait un peu de route à faire, quand même, et on s’habituait. La beauté des paysages est peu à peu devenue le cadre normal de nos conversations, qui se sont remises à nous absorber, entre deux exclamations sur ce coin pas moche quand même putain que c’est beau. Les deux derniers jours, d’Ålesund à Bergen par la côte, nous nous sommes encore moins arrêtées parce qu’il y avait tout simplement moins d’endroits pour le faire : autant, à la naissance des fjords, les routes sont très bien aménagées, pleines de recoins (et de toilettes publiques gratuites !) où s’arrêter sans gêner la circulation, autant les aménagements sont rares près de la côte, moins visitée (ou alors par bateau). La nature y est toujours aussi belle pourtant, mais se voit ponctuée d’une certain nombre d’usines, de câbles et de centrales électriques – cause ou conséquence d’une circulation touristique concentrée à la source des fjords plutôt qu’à l’embouchure.
Le Sognefjord, qui parle à nos petits cœurs
On le soupçonnait à l’aller ; on a eu confirmation au retour : notre fjord préféré, en première place de notre top 3, c’est le Sognefjord. Le Geirangerfjord est vert bouteille ; le Hardengerfjord, vert pomme-pelouse ; le Sognefjord, lui, est bleuté, de la couleur des lointains qui s’estompent dans les estampes.
Depuis Stegastein
Il est impressionnant mais semble paradoxalement à taille humaine : ses rives sont éloignées ce qu’il faut pour faire de l’effet (ce n’est pas un lac) sans étouffer (on ne s’y sent pas encastré comme à Geiranger). Surtout, ses montagnes s’étagent à l’horizontale, coulissent les unes derrière les autres comme des éléments de décor décalés pour créer un effet de profondeur ; il y a toujours un virage à prendre sur l’eau, un obstacle dans l’enfilade qui ravive la curiosité. Non seulement le Sognefjord a ce sens inné de la mise en scène, mais il dégage une sérénité à l’opposé de toute dramatisation ; le traverser en ferry fait croire un instant que la vie peut être un long fjord tranquille. Les lieux exaltent sans (trop) exciter, on y respire bellement, plus profondément.
Depuis Lavik
J’ai été heureuse de recroiser ce fjord au terme de notre voyage (à l’embouchure, cette fois). Pique-niquer devant son décor de carte postale, vivante néanmoins de ses bruits d’oiseau, fleurs et pins, a été un moment parfait – complètement improvisé : nous avions faim, le lieu était beau ; nous nous sommes garées à l’entrée d’une propriété privée et nous avons rouleauté des tranches de fromage installée sur les roches-muret.