Gondry et Chomsky : voilà une association qui a aiguisé ma curiosité. Je ne voyais pas trop ce qui pouvait inciter le réalisateur-bricoleur à traîner avec le célèbre linguiste – dont je ne savais pas qu’il était aussi un militant anarchiste. C’était oublier la curiosité du cinéaste touche-à-tout pour les processus psychiques, qui donne sa trame à The Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Gondry questionne Chomsky tous azimuts, moins avide de comprendre que de donner du grain à moudre à sa créativité. En effet, si la conversation est animée, c’est surtout parce que Gondry a tout mis en image, interview et apartés plus ou moins méta compris (les extraits filmés, rares, sont mis en scène par le bruit d’une vieille caméra et intégrés à l’animation). Le résultat requiert une grande force de concentration, moins à cause de la complexité du propos (qui devient simple lorsque l’on ferme les yeux quelques secondes) que du foisonnement visuel à travers lequel il est abordé1. Gondry a clairement horreur du vide : les lignes de ses dessins ne cessent de sillonner l’écran, et l’illustration des concepts tourne rapidement à l’ornementation. Pourtant, dans le moment même où il empêche d’aborder réellement la complexité d’une pensée, ce fourbi témoigne d’un tel enthousiasme qu’il donne envie de s’y pencher et de se mettre à fouille, en quête de nouvelles idées pour alimenter la machine à rêver et à penser. Conversation animée avec Noam Chomsky : on a rêvé qu’on se mettait à penser… un joli rêve, dont on essayera de se souvenir une fois éveillé.
Mit Palpatine
1 Et, il faut bien le dire, de l’accent horriblement franchouillard de Michel Gondry, malgré plusieurs tournages anglophones.