Élisabeth Louise Vigée Le Brun, dans son autoportrait, brille d’une beauté que seule une vive intelligence peut donner. Coincés derrière un groupe dès l’entrée (où il a été accroché), Palpatine et moi recommençons à poireauter. Nous apprenons en vrac que l’artiste est autodidacte (avec un père pastelliste, tout de même), que c’est une reine du marketing (la silhouette que le personnage de son autoportrait est en train de peindre se charge de rappeler qu’elle compte Marie-Antoinette parmi ses modèles), qu’elle est une des première à montrer les dents et que cela est pour beaucoup dans l’impression de naturel que dégagent ses portraits (avec le maquillage réduit), que les portraits coûtent plus chers s’ils figurent un bras, plus chers encore s’ils figurent les deux bras et que ceux en pied en coûtent un (de bras), ou encore que la transparence du turban est obtenue en appliquant plus ou moins de vernis noir sur un fond blanc (cela me donne envie d’essayer la turban comme coiffure). Mais les commentaires importent finalement moins que le temps qu’ils ménagent devant l’œuvre, permettant au tableau de se lever devant nous. Il cesse d’être un objet accroché dans un cadre, que l’on regarde par-dessus des épaules, comme si l’on n’avait pas l’âge d’aller au musée ; il se lève et vient à notre rencontre, nous invitant dans son univers, fascinant comme celui des miroirs, parce qu’autre – et identique à la fois.
Pendant deux heures, dans le moment même où l’on joue des coudes dans la mêlée, on se prélasse dans la douceur des étoffes, gagné par la sensualité qui s’en dégage. Parfois, les tissus sont plus éclatants que le modèle, qu’on imagine alors d’une personnalité assez terne ; mais parfois aussi, tout n’est plus que teint de pêche velouté, lèvres soyeuses, cheveux duveteux, yeux satinés et l’on est irrésistiblement intrigué, attiré par ces portraits lumineux, incroyablement vivants. Ils me laissent apaisée, délassée. Le XVIIIe siècle n’est pas ma période de prédilection en peinture, mais comment ne pas soupirer d’aise lorsque les pinceaux nous caressent dans le sens du poil ?
(On passera sur les cartels, toujours écrits en police 12, qui vantent l’œuvre plutôt que d’en donner des clés, et les commentaires pédants de certains visiteurs – dont un qui ne m’a plus fait voir que les coussins, parce qu’effectivement, la peintre fait souvent poser ses modèles le coude sur un coussin et je commençais à avoir mal au dos.)