Je me jette à l’eau (douce)

             Pas de grand secret à vous avouez, ni aucune tentation de concurrencer l’inconnue de la Seine. Je me suis simplement jetée dans l’étude ô combien passionnante de l’eau douce. Douce mais pas tendre ; me le rappelle la liste des ouvrages à étudier, réduite à son minimum il va sans dire. Quinze livres. Non mais, est-ce que j’ai une gueule d’assoiffée ? Décidant qu’il n’était plus temps de me noyer dans un verre d’eau en envisageant l’addition salée que représenterait une absence de sueur étudiante, je suis allée à la bibliothèque pour emprunter quelques-uns de ces ouvrages, et les lire, le cas échéant. Pas de cas de conscience à avoir dans le choix, il n’en reste plus que trois. Je me suis plongée dans la lecture de celui qui paraissait le moins effrayant. Un folio ne saurait être totalement mauvais. Titré d’un subtile jeu de mot comme je les aime : La ruée vers l’or, de Roger Cans. En collaboration avec le Monde ; ça fait tout de suite plus sérieux. Mais c’est surtout la promesse (tenue) d’une écriture journalistique, assez éloignée du jargon des géographes [ mais pourtant, la reproduction sociale et le périproductif, ça a tellement de charme ! De la poésie à l’état pure… et vous la reniez ? –Sans vergogne.] Même si les analyses sont truffées de hauteurs de barrage, diamètres da canalisation, kilomètres d’étendues, mètres cubes  d’eau, débit des fleuves et *mode Timon on* j’te raconte pas l’prix des travaux (en francs mais pour ce que ça gêne… les sommes versées à droite et à gauche ne représentent plus rien quand elles sont exprimées en milliards) … j’ai bien du mettre de l’eau dans mon vin et avouer que certains passages se boivent comme du petit lait (vous noterez la modalisation, je n’ai pas encore attrapé d’insolation).

Vivre d’amour et d’eau fraîche

                  …va devenir de plus en plus sportif, et pas seulement à cause du prince charmant planqué dans ses comptes contes. Le ressource en eau est constante, mais le double effet de la pollution et du « boom démographique » complique l’équation. D’autant plus que l’on est victime des caprices du ciel : « L’ensemencement des nuages à l’iodure d’argent n’a jamais donné de résultats probants. Les danses et les prières non plus. » Je pourrais peut-être chanter, en revanche. Non ? Alors plus question de gasillage… in some times, you won’t say « to spill money like water » unless it is… for water.

Versailles ? Ca coule de source !

               Combien d’autre vous savent comment le Roi Soleil a fait en sorte que ses magnifiques rayons puissent se refléter dans le Grand Canal ? – Ne dites pas tous, ça pourrait me contrarier. Le roi a fait venir son architecte et lui a dit que, ma foi, la Seine n’était pas fort éloignée, et qu’il n’avait qu’à l’apporter. Car tel est mon bon plaisir. « Mansart, fin courtisan, lui répondit : « L’eau montera jusqu’au ciel s’il plaît à Votre Majesté. » » Toujours est-il que Mansart réussit à dégoter un Néerlandais dégourdi des méninges et qui lui a construit une immense machine à Marly, qui fournissait 5000 tonnes d’eau par jour et coûta la bagatelle de 8 millions de francs-or. Le pouvoir discrétionnaire a parfois du bon. Surtout pour aller bronzer à la pièce d’eau des Suisses.

Mimi cracra l’eau elle aime ça…

               L’eau, ce n’est pas seulement une molécule chimique, un enjeu géopolitique, une ressource sacrée. C’est aussi les stations d’épuration (mais si vous avez l’occasion d’en éviter la visite, vous ne vous en porterez pas plus mal, soit dit entre nous) ; les micro-organismes anaérobies qui sont injustement moins connus que Packman, alors qu’ils nous évitent le « péril fécal » (amis d’Afriques noires, bonsoir !) ou encore les égouts, sans lesquels Les misérables ne seraient pas tout à fait ce qu’ils sont. L’eau et ses dérives forment un grand mythe littéraire. Oui, bien sûr, il y a non solum Moby Dick, Le vieil homme et la mer, et ses 20 000 lieues en dessous… sed etiam La Fontaine qui n’a jamais si bien porté son nom : «  Car chacun a de bonnes raisons d’estimer que l’eau qui coule sur son territoire lui appartient, ou d’agir comme si. Alors que chacun sait, sans avoir lu la fable du Loup et l’agneau, que l’eau courante appartient à tout le monde. »
Pour le côté mimi. Pour le côté cracra, la politique lave son linge sale devant vous, c’est la « tentation de la corruption » comme dit très correctement R. Cans. Navigation en eaux troubles ; l’eau n’est pas toujours limpide : les versements non plus. Après on s’étonne de ses déboires. Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin, elle se casse.

… tant pis si ça mouille, elle fait des patouilles !

              Et puisque la guerre de l’eau n’aura pas lieu (tout de suite), procédons à la bataille (corse ?) !

«  Cette menace d’inondation en cas d’orage ou de pluies exceptionnelles, et donc de pollution par le débordement des égouts, n’est pas une vaine phobie. […] Pour les enfants des rues de Phnom Penh, ces débordements sont une aubaine car cela permet de patauger à loisir et de capturer à la main les poissons-chats sortis des égouts. »

«  On comprend que l’inventeur américain du jeu de Monopoly ait mis les compagnies des eaux en bonne place sur la parcours du capitalisme triomphant. C’est un métier sûr, où l’on ne connaît jamais la faillite et où les revenus sont assurés. » Tout est rentré en réflexivité… faites vos jeux !

Méfiez-vous de l’eau qui dort

              « On ne fait pas la guerre pour l’eau, mais la goutte d’eau qui manque peut faire déborder le vase de l’indignation et déclencher les hostilités. » « un élément universel simplissime, composé d’une molécule d’oxygène et de deux molécules d’hydrogène, peut, par une étrange alchimie, se transformer en or. » Sublimes métaphores finales.

Et méfiez-vous de l’eau tout court, il y a un moment où la goutte d’eau fait déborder le vase. J’imagine que s’étant trop mouillé dans son travail, l’auteur a tout balancé par-dessus bord.  « A première vue, l’eau est une matière qui a tout pou décourager l’appât du gain. […] Elle ne suscite aucun effet euphorisant, à la différence de l’alcool ou de la cocaïne. » Relié à quelques remarques sur la bière, on pourrait se demander si l’auteur ne pourrait pas se lier d’amitié avec le spécialiste d’Afrique noire – et de ses débits de boisson.

 
           Je ferme le robinet des pleurs, finalement, ce n’était pas la mer à boire. Seulement dommage que je ne sois pas un végétal chlorophyllien, parce qu’avec tout ce que j’ai absorbé comme eau sous le soleil torride du mois de mai, je serai devenue une belle plante. Quant à savoir si cette eau douce est bénite, rdv après le concours blanc.

 

 

Qu’il est tard ! Dieu !

[ Pour comprendre ce post, il est fortement recommandé de lire cette très courte pièce de Jean Tardieu, Un mot pour un autre dont on peut lire ici un extrait]

         Comme j’aime les postiches, j’ai solutionné de prendre pour para texte à parolier Jean Tardieu et son mot pour un autrui, que nous avons plu ce lapin en bourg. L’axiome  en est craie feinte et peut donner pieu à de fourmillants tressages glaïeuls. D’autant plouc que nous étiolions dans la décadence  puisque se déroutait diagonalement le Perceval du lys et la cuillère que nous vermillons  dépiler maintes boutures et tranches sous nos fennecs : franges, déesses, cul fis donc, venusupilami, pop l’éponge… Mais ce qui me gravit tant, ce sont les bacchantes ! Déposez-vous bien et à la crantée !

Hernani et Barbie

A côté les feux de l’amour, c’est trash.

 

       Vous connaissiez peut-être Hernali et autres parodies, le texte s’y prête. Le problème, c’est que cette mise en scène de Robert Hossein* à la Comédie française (1974) que nous avons visionnée en cours hier n’était pas, je crois, voulue comme tel. C’est que ça a vieilli, très mal vieilli. Mieux vaut en rire. Parce qu’il y a matière à persifler. Hernani avec son costume en écailles de poisson synthétique déclame sa grandiloquence avec force passion. Sa belle Dona Sol est une poupée Barbie aux yeux bleus qui déclare avec fougue au comte Da Silvia qu’elle est « une véritable espagnole » *mouvements l’Oréal à l’appui*. Ô oui ! très racée, farouche et audacieuse. Comme par ce chaste baiser langoureux, sur lequel notre admirable technicien en chef est revenu après avoir fait une avance un peu trop rapide. Chaste donc, parce qu’il faut bien dire ce qui est ; langoureux parce qu’à les voir ensuite, on a l’impression qu’ils viennent de passer l’après-midi à folâtrer dans les prés. C’est mignon, c’est mignon. Juste un peu écoeurant d’être dégoulinant de bons sentiments et d’ardeur virile de pacotille [l’homme leader price est de retour ! ^^ private joke] . Et puis ces instants si poignants, où Don Ruy Gomez semble habité de quelque esprit mystique et répète comme dans un songe cauchemardesque « Il l’aime… Il l’aime ». Le bruitage de battements de cœur vous prend à la gorge et la musique genre Autant en emporte le vent vous berce tendrement. Vous n’hésiteriez pas à dormir, si seulement ils ne passaient leur temps à hurler. Il faut du decibel à la passion. C’est long. Surtout qu’elle est coriace Dona Sol ; c’est résistant une poupée Barbie. On croit toujours qu’elle va expirer, ça fait un bail qu’elle a tenté le remix de Roméo et Juliette. Mais non, mon cher Hernani, ma vie, mes amours, mes emmerdes, mes douleurs. Hernani est piètre acteur, mémoire déficiente, il peine à se souvenir du dénouement de la tragédie shakespearienne. C’est bien dommage. Allez, bois, bois ! (Je vous assure que là, on devient vite pro-alcoolique). Il se décide enfin à mourir. Et là, ce qui est génial, c’est que contrairement à l’autre coriace, lui n’est pas difficile à achever.

       Mais la cerise sur le gâteau, c’est la pomme du nain. Personnage rajouté, il apparaît la première fois après une envolée lyrique d’Hernani appuyée de maints maniements de cape et d’épée holé ! Il croque sa pomme avec un regard profond, genre et là il te kill. Donc réapparition à la fin, mais le tragique, c’est qu’il pleure tant qu’il n’arrive plus à croquer sa pomme. Et nous on riait tellement que ça a continué jusque dans la file d’attente de la cantine. 

 

 * Il y a toujours des hauts et débats. La mise en scène d’Antigone d’Anouilh par Robert Hossein était à proprement parler géniale. Il doit y avoir des génies incompatibles. Avec Hugo, pas de place pour deux.