The three billboards

The Three Billboards outside Ebbing, Missouri. Comme beaucoup, j’imagine, je suis tombée dans le panneau : je suis allée voir le revenge movie entrevu dans la bande-annonce et me suis pris un mélodrame en pleine face. Ils sont forts, ces cons.

Remontant la chaîne de la haine, chaque personnage est confronté à son persécuteur, chaque persécuteur aux victimes collatérales, et dans une petite ville où tout le monde a partie liée, ça éclabousse vite. Très vite, on ne compte plus les points, sinon de suture. Il y a beaucoup d’impardonnable, et autant de circonstances qui, sans atténuer la douleur, font que l’on comprend, peu à peu, comment chacun en est arrivé là et tente de s’en dépêtrer.

Pas de pardon, donc. Le dépassement ne se fera ni par la religion (le père, tentant de tenir ses ouailles en ordre, est rapidement sommé de se casser, lui et son gang paroissial) ni par les bons sentiments. Dans cette communauté franchement rustre, vous pouvez vous coller vos bons sentiments et votre politiquement correct là où vous le pensez ; résumé par le seul policier à peu près décent : si on virait tous les flics vaguement racistes (un euphémisme dans une ville du Sud qui regretterait l’époque de l’esclavagisme), il ne resterait plus que trois-quatre gars, qui en auraient encore après les pédés. Vous n’en avez jamais fini : la haine se dissout dans la colère, et la colère dans la bêtise — crasse, vraiment.

Et toute cette crasse, qui empêche le pardon, qui évite le bon sentiment, toute cette crasse rend sublime la résilience dont ces bons à rien cabossés finissent par faire preuve, maladroitement, avec beaucoup de casse et d’injures, parce qu’au fond, quand on a défenestré un gars, foutu le feu au poste de police, tabassé sa femme, ou renchérit face à l’ado qui dit souhaiter se faire violer pour faire les pieds à sa mère, on a touché le fond et, en continuant de creuser, on s’est aperçu qu’il pourrait y avoir du bon. On ne se précipite pas pour s’en servir, de ce soupçon de bonté, de ce soupçon d’humanité qui reste en nous, hein, mais bon, on pourrait bien, sans s’amender (faut pas déconner), on pourrait s’en servir pour se redresser un peu, soi, plutôt que les torts ; peut-être bien qu’on pourrait, on verra bien, hein, on décidera en chemin. Un putain de chemin pour un putain de film, signé Martin McDonagh.

Frances MacDormand, géniale… comme tout le reste du casting, en fait.

7 réflexions sur « The three billboards »

  1. Je l’ai vu la semaine dernière, et c’était incroyablement réconfortant, comme un doudou qu’on retrouve. Parce que je sais que les films de McDonagh sont superbes de maîtrise dans leur écriture scénaristique tout comme leur construction de personnages, et qu’on est toujours entraîné dans des montagnes russes émotionnelles absolument parfaites. Les éclats de rires et silences dramatiques s’enchaînent avec brio, et j’ai juste passé un superbe moment (et ce casting !!) Seule la fin a fait retomber mon enthousiasme comme un soufflé, mais difficile de trouver un bon point de conclusion à une telle histoire – qui m’a tellement entraînée que je pardonne volontiers ce dernier point.

    1. La fin fait sens, mais quand on a passé un si bon moment, on ne voudrait pas que ça s’arrête, et j’ai entendu autour de moi des réactions qui trahissaient ce Ah ? quoi déjà ?
      De ce que tu m’en dis, il va falloir que j’explore la filmographie du réalisateur !

  2. J’ai été vraiment emballée par le film et très surprise des mauvaises critiques de la presse cinéma française (Inrocks, Cahiers du ciné…). Mais après tout, qu’importe ! Cela dit c’est toujours fou d’avoir l’impression que certains n’ont pas vu le même film que nous. Quand je lis qu’un critique « perdu patience » alors que je n’ai pas vu le temps passer…

  3. Le film est quand même assez outré, et force largement le trait malgré un scénario qui tient la route. J’ai plutôt apprécié mais sans être emballé. L’univers des frères Coen me semble plus intéressant et dénué de cette pesanteur légèrement artificielle de 3 Billboards qui reprend beaucoup des arguments de Fargo mais avec une sorte de frontalité, un peu brutale.
    Par ex, le suicide du shérif avec double lecture de la lettre m’a parut assez vain et d’une dramaturgie pesante, il y a côté je mets double dose et je ricane, je n’y vais pas avec le dos de la cuillère et prenez ça dans la tronche, qui en tant que spectateur m’a empêché d’apprécier complétement.
    Et puis bon, je suis un peu lassé de cette mode des femmes vengeresses qui détruisent tout, et se comportent comme des armes de guerre en béton armé, car ça me semble parfaitement idiot, par rapport à la réalité que cette imagerie de la « guerrière ». J’ai l’impression que ça relève du pur fantasme de l’air du temps.
    Bref, pour moi c’est 13/20. Pas plus.

    1. Forcer le trait n’empêche pas de dire vrai, tout comme le fantasme peut aider à percevoir « l’air du temps ». Pour ma part, je trouve ça assez jouissif de pouvoir me projeter dans ces femmes vengeresses – et peut-être d’autant plus que c’est éloigné de la réalité. Cela vous aurait-il moins dérangé si l’héroïne avait été un héros ?

  4. On pourrait aussi inverser la proposition, et dire que le film plaît et a surpris, justement parce qu’il a pour sujet une héroïne vengeresse, et que s’il avait fait le choix d’un homme, il n’aurait pas reçu un accueil si favorable. Et donc que c’est par l’inversion du genre habituel, qu’il innove et s’inscrit dans l’air du temps.

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