Pour nous raconter la rencontre d’un photographe qui perd la vue avec une jeune femme audiodescriptrice1, Naomi Kawase colle sa caméra aux visages, aux corps, aux situations, si près de tout qu’on ne voit plus rien — rien que l’essentiel : la lumière, celle qui nous baigne et qui nous guide, qu’on retrouve parfois les yeux fermés devant un paysage qu’on a fait aimer (le photographe frappé de cécité) ou en haut d’une dune que l’on a toute sa vie gravie (la scène finale du film que la jeune audiodescriptrice peine à rendre, n’ayant elle-même encore rien perdu). C’est émouvant, cette beauté qui s’entrevoit dans le mouvement de sa perte, qui vous serre la gorge et l’un contre l’autre ; cette capitulation forcée (obscénité du collègue photographe qui dit qu’il ne pourrait pas, lui, comme si l’autre pouvait, comme s’il y pouvait quoi que ce soit) qui se mue en splendide renonciation, lorsque, lançant au loin l’appareil qu’il conservait comme une béquille, le photographe devenu aveugle refuse de se résigner à n’être plus (que le souvenir de ce qu’il était) et accepte la mort qui viendra, qui vient un peu plus chaque jour, pour embrasser la vie qui la fait advenir — ne pas cesser d’avancer, vers la lumière, dans la lumière pour que s’évanouisse le tunnel qui nous y mène.