Wagner es-tu là ?

Voldemort n’était pas très en forme – oui, je trouve que Christoph Eschenbach a des airs de Voldemort et, à en juger par une conversation attrapée au vol dans les escaliers de la Philharmonie, je ne suis pas la seule. Les forces du mal n’étaient pas déchaînées, c’est le moins que l’on puisse dire. Plutôt sous Prozac : le prélude de Tristan et Isolde s’approche mollement de Thanatos en inhibant Éros. Cela s’arrange un peu lorsque Matthias Goerne se met à chanter, mais pas suffisamment pour nous entraîner dans la superbe de la partition maniaco-dépressive. Le baryton enchaîne sur le monologue du hollandais volant : le vaisseau fantôme est là, au milieu d’immenses vagues qui se terminent en rouleaux-bras de fauteuil, prêtes à frapper du poing le navire… qui, du second balcon, ressemble à une maquette malmenée dans la sombre piscine du Titanic – naufrage, clapotis. Le roi Marke hollandais se réincarne en Wotan (la preuve de l’existence de Dieu Goerne, vous dira Palpatine) et me voilà avec l’envie d’écouter La Walkyrie, avec ses abeilles et des lames étrangement scintillantes. Le soufflet des altistes, qui s’activent du coude à l’unisson, ne suffira malheureusement pas à enflammer une braise tout juste ardente.

Je tanne Palpatine pour partir à l’entracte, sans succès. Ce qui devait arriver arriva : je me suis ennuyée comme un rat mort pendant la Symphonie n° 2 de Brahms. L’apogée a été de somnoler contre l’épaule de Palpatine, son bras passé autour de moi, ses doigts dirigeant sur mes côtelettes. Comme toute apogée, néanmoins, elle a été de courte durée ; j’ai dû me redresser avant qu’il n’ait plus de sang dans le bras. « Il y a tant de mélodies qui volettent ici et là qu’il faut faire attention de ne pas marcher dessus », dixit le programma, citant le compositeur lui-même. J’ai vérifié si je n’avais pas marché dedans, mais rien sous mes semelles ; j’ai carrément dû m’asseoir dessus.

 

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