Toi aussi, révise ton gender avec Une nouvelle amie :
Ce n’est pas parce qu’un homme s’habille en femme qu’il aime forcément les hommes.
Ce n’est pas parce qu’un homme s’habille en femme qu’il ne peut pas être aimé d’une femme.
Tu me le copieras trois fois dans ton cahier. Si l’anaphore ne t’aide pas à mémoriser (anaphore répétée spécialement pour toi, pourtant), tu pourras remercier David/Virginia pour cette formule, parfait résumé :
« Les garçons naissent dans les choux, les filles dans les fleurs, moi je suis né dans un chou-fleur. »
Et le chou-fleur, vois-tu, c’est naturel. Ne fronce pas les sourcils comme ça, mon chou, c’est ton problème si tu n’aimes pas, ne prends pas cet air dégoûté. Le chou-fleur, disions-nous, c’est naturel. Exit donc le travesti fantasque à la Almodovar, la Virginia d’Ozon veut pouvoir être regardée comme femme sans être dévisagé(e) comme homme – être normal, quoi (après, chez Almodovar, être normal, c’est a-normal, mais bon, ne compliquons pas). Ozon mais pas trop.
On pensera ce que l’on veut de la correction d’une erreur de casting génétique et de la marginalité centrale à boboland, au moins, c’est assumé et c’est plus reposant que les jérémiades infinies de Laurence anyways (désolée, Xavier ; anyway, Virginia, c’est plus classe comme prénom que Laurence). D’une manière générale, le sujet de société m’intéresse assez peu, mea culpa, même si c’est amusant de voir le baromètre d’acceptation sociale, lorsque le travestissement est maquillé (un comble, je sais) en homosexualité : « Homo, c’est mieux que travelo, non ? » Je ne sais pas si la femme est l’avenir de l’homme, mais le travelo est celui du bobo. Parce qu’il a encore du boulot.
Si on pouvait aussi trouver une styliste/maquilleuse pour expliquer à Virginia que la femme ne s’est pas éteinte dans les années 1950… Le trench et les collants Chantal Thomas, on valide, surtout avec tes jambes (sans déc’, elles sont vraiment à Romain Duris ?) mais la perruque mise en pli et le maquillage surchargé, c’est légèrement overkill, ma chérie. Moi et mes ongles dénués de vernis commencions à douter de notre féminité. Heureusement, je porte des jupes et je peux faire des trucs que la société permet exclusivement aux filles comme… euh… porter des jupes ? Quand Virginia déclare vouloir faire tout ce que la société ne lui permet pas de faire en tant qu’homme, j’ai envie de demander : define « tout », mais on risquerait de me répondre que je suis une sale féministe travestiphobe, alors je me tais.
Je me tais et j’admire comment Ozon utilise les troubles du genre pour peindre ceux de désir. Parce que c’est particulièrement réussi. Et pas uniquement parce que mes hormones se mettent de la partie dès que les fossettes de Raphaël Personnaz pointent le bout de leur nez, enfin que ses joues pointent le bout de leurs fossettes, pointent ou retroussent, enfin, bon, vous voyez ce que je veux dire. Il faut voir les grands yeux d’Anaïs Demoustier/Claire lorsqu’elle découvre David habillé en femme, ceux de Raphaël Personnaz/Gilles lorsqu’il retrouve ensuite sa femme avec un regain d’ardeur au lit et ceux de David/Romain Duris, magnifiquement troublants lorsqu’ils n’ont plus que du mascara (c’est-à-dire lorsqu’ils soulignent la féminité d’un visage d’homme qui ne joue plus à la femme). Il faut voir aussi, surtout, les sourires, tout un répertoire, et celui-ci, surtout, celui de Raphaël Personnaz, celui de la naissance du désir par excellence : le sourire-néon, qui clignote sur un visage qui hésite, résiste et ne résiste pas. Ah, Anaïs, Anaïs !