OdalIngres

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           Je suis allée voir l’exposition sur Ingres au Louvre aujourd’hui. Je dois admettre que je ne sais pas quoi en penser. Cela a un côté assez fascinant. Les Odalisques et leurs corps courbés qu’ils en sont presque déformés. Les longs dos. Le lascif nonchalant. La peau grassement potelée qui semble prête à être modelée. (Les canons de beauté de cette époque-là n’étaient pas du genre à vous pousser à l’anorexie). Mais les visages, s’ils peuvent paraître mystérieux, sont surtout fermés. Rond, doux, expressifs mais repliés sur eux-mêmes. Les modèles s’ennuyaient-ils ? Je l’imagine, figés dans des poses plus ou moins inconfortables. D’ailleurs, c’est ce qui m’a amusée ce matin. Chercher. Chercher la petite bête. Les yeux de celui qui se fait tirer le portrait, et vérifient en coin ce qu’il en est. Les seins trop haut placés de certaines –et pas seulement à causes des robes empire. La coquine du bain turc. Le dos aaaaaaaalongé de la Grande odalisque. Paraît-il qu’il a rajouté deux vertèbres. Paraît-il. De source artistique : Dre avait vu cela lors de sa première artistique. Pas que l’on s’en soucie beaucoup (des deux vertèbres, pas du parcours de Dre), puisque l’effet obtenu est beau ; mais à examiner le tableau, on a l’impression que le corps se morcelle en chairs flasques juxtaposées.
           Mais. Oui, il y a un mais. Je ne suis pas totalement emballée. Ca ne me parle pas. Surtout pas les portraits un peu raides des aristocrates nées sous un nom à rallonge – que le dernier ferme la porte. Ni les sujets religieux. Je ne sais pas. J’avais envie de secouer ces corps. De les titiller. De leur ajouter des volutes voluptueuses comme sur la fameuse photographie. Le violon d’Ingres. On l’a vu. Déçue de l’origine de l’expression : il n’y en a pour ainsi dire pas. Son violon, sa deuxième passion. Je m’attendais à quelque chose d’autre. Bref, je suis un peu restée sur ma faim. Ou plutôt je suis un peu lourde. Trop de chair plus ou moins fraîche. Contente cependant d’avoir pu apprécier de mes yeux. Parce que les Odalisques m’ont plus. A leur manière.

 

 

Ajout du 20, suite au commentaire de Dre.

         Réparation d’oubli. J’ai bien aimé les tissus des portraits. Surtout le velours de Napoléon (qui soit dit en passant avait un goût pourri pour les tapis) et la robe de la mère de Henri IV (one day I may remember the history of my country, one day I might). Et les dessins, c’est vrai. Surtout l’esquisse de préparation pour les mains de l’une des baigneuses turques. (Je dois être à peu près la seule à avoir retenu cela…)
          J’ai lu aujourd’hui dans la salle d’attente du médecin –pour un certificat médical, point d’inquiétude- dans Beaux-Arts magazine, un article sur l’expo en question et j’en ai retenu deux points : l’idée que tous les nus d’Ingres paraissent froids parce que ce sont des fantasmes mis à distance (on parlait de « distance oculaire infranchissable », il me semble) et la qualification d’un organisateur de l’exposition : Ingres est un maître de l’arabesque dans un corset. Evocateur me semble-t-il.

Mimy au musée Marmottan – expo Camille Claudel

      

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      Nous –ma mère, le toc-toc et moi- y sommes allés pour l’exposition des sculptures de Camille Claudel. L’occasion de voir celles qui ne sont disponibles qu’en 2D dans les livres puisque les originaux appartiennent à des collectionneurs particuliers. Le volume est toujours étonnant. Comment arrive-t-on à un rendu si expressif, détaillé mais doux comme la Petite châtelaine à partir d’un cube de marbre brut ?  Mais les sculptures de Camille Claudel sont bien plus fascinantes qu’époustouflantes. Pas figées comme les marbres antiques. Vivantes, vibrantes, presque parlantes. Et pas seulement les Causeuses. Elles semblent suspendues aux lèvres de la conteuse. Le secret de sa révélation reste inconnu, mais toujours dévoilé, suggéré par l’expression de ses auditrices. Ces conversations nous parlent, sans cesse re-imaginées. Pour moi, c’est ça. Une œuvre me plaît quand elle me parle, quand elle imprime une impression en moi. Alors, la sculpture que j’ai préférée est la Valse. Peut-être parce que je suis danseuse. Une salle entière consacrée à cette valse ; leurs dispositions dans la salle recréait presque la chorégraphie. Chaque moulage est particulier, et pas seulement de par sa composition. Ici, le couple fusionne, joue contre joue, corps à corps ; là, ils sont légèrement medium_claudel-valse1.3.jpgécartés. La tête du danseur effleure la nuque de la femme. On sentirait presque son souffle au creux de notre cou. Une voix murmure… on ne peut entendre. Le secret ne se dévoile pas dans une salle d’inconnus qui tournoient eux aussi autour du couple ; qui se baissent, commentent, qui jouent au jeu des 7 différences entre les 8 moulages.
Aller au musée devrait toujours être un jeu.  Au sous-sol, dans la galerie Monet, une maman a tout compris. Elle accompagne sa fille d’environ quatre ans avec son cahier et ses feutres. Etalée par terre, elle crayonne joyeusement. Voici le meilleur moyen de former une future amatrice d’art. Rien de tel que d’aller au musée, voir les peintures en grandeur et couleurs nature. (A Chypre, la guide nous a expliqué que pour remonter le niveau des enfants en histoire, l’état a décidé que les cours se dérouleraient sur place, dans les musées. Est-il utile de préciser que le niveau a sensiblement augmenté ? ).
    J’aime toujours autant les tableaux de Monet. Ils re-capturent un instant, une impression fugitive. Ou indistincte. Et prennent un relief surprenant si l’on s’en écarte. La gare St Lazare exhale ses fumées droit sur nous, le clapotis de la Tamise reflète les derniers rayons du soleil couchant et les célèbres nymphéas n’en finissent pas de flotter sur une eau doucement changeante et bruissante.

    J’ai bien pris plaisir à barboter dans l’atmosphère de cet hôtel particulier devenu le musée Marmottan et j’y retournerai sans marmonner. S’il vous plaît d’y faire un saut, dépêchez-vous, l’exposition Camille Claudel est temporaire et n’est prolongée que jusqu’au 31 mars.

Expo Klimt, Schiele, Moser et Kokoschka (mais surtout Klimt)

Impressions d’une sortie dominicale au Grand Palais.

Il y a beaucoup trop de monde. Heureusement que l’on avait réservé mais même à l’intérieur, c’était la cohue, en particulier devant les tableaux de… Klimt. Et ce n’est pas un hasard.

     Kokoschka… à part le nom drôle à prononcer, je dois avouer que je n’aime pas grand-chose. Si, la signature si incongrue que l’on dirait un tag d’un visiteur mal intentionné.

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        Schiele… un jeune homme pour le moins torturé. A force de voir ces corps anguleux et surtout ces mains tordues, j’ai fini par avoir mal au petit doigt (assez stupide comme douleur, j’en conviens). De lui, j’ai aimé 1 tableau, un grand-père et observé un dessin autoportrait. En fait pour ce faire une idée de l’optimisme fou véhiculée par ce peintre –en dépression ?-, il suffit de comparer le titre : Pre-printanier à la toile : une terre, trois squelettes d’arbre – noir – marron- terne. Ma mère : « Il faudrait lui expliquer qu’entre deux couleurs, il faut laver son pinceau ! »

        Moser… une belle maîtrise de la lumière, surtout dans le tableau des sapins, mais c’est peu comparé à…

         KLIMT … Ce pour quoi je suis venue et ce pour quoi je ne regrette pas d’être venue. C’est esthétique. Sans rien connaître aux règles de l’art, on peut se dire : « Waouh ! C’est BEAU. » Les couleurs sont vivantes, harmonieuses. Les paysages à la limite de l’impressionnisme. Devant la toile d’une façade de maison, on rentre dans le tableau ; les feuilles semblent bouger, des voix lointaines s’en dégager !                                                  

Et les visages ! Le seul portrait d’homme de Klimt présenté est d’un réalisme tel qu’on dirait une photo.Et les visages ! Le seul portrait d’homme de Klimt présenté est d’un réalisme tel qu’on dirait une photo.

Et est-il utile de présenter les figures féminines ? Danaé, Judith, Musique, Amour… Les visages sont magnifiquement expressifs, les étoles vaporeuses, tout est délicat et fort à la fois de par les motifs géométriques et l’or. De quoi rester sans voix et planté devant les chefs-d’œuvre. Enfin pas trop longtemps, on est loin d’être seul ! Même pas de lassitude après le TPE de l’année dernière (d’ailleurs, on aurait du le commercialiser à la sortie, ^^’). Voir les tableaux en vrai est indispensable. La taille joue, la brillance aussi (surtout chez Klimt) et les détails ! On repère plein de détails qu’on néglige sur les reproductions… voile sur le nez d’Holopherne, carré d’or en haut à droite de Danaé, « boule de peinture  » (pas blanche) qui, dans le corset d’une dame devient diamant étincelant … La liste est trop longue. Un vrai régal en résumé, auquel participent les cadres  (dans le portrait de l’acteur, la partie de droite on discerne à peine un magnifique visage féminin). C’est vrai, on y accorde généralement peu d’importance mais ils sont ici totalement justifiés, faits par l’artiste.

Seul bémol (je ne discute pas le choix des artistes, je n’aimais pas les compagnons d’expo de Klimt, mais les goûts et les couleurs sont dans la nature) : le monde (qui a dit que la culture n’intéressait personne ?) et la taille des commentaires à déchiffrer à la loupe (quand il y a foule, c’est d’un pratique…)

Si tu t’appelles mélancolie…

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Je ne m’attendais pas vraiment à ça. A vrai dire, je ne m’attendais à rien, je ne me suis lancée que parce que le titre me tentait et que c’était une bonne occasion de sortir avec mes copines. Je pensais qu’il y aurait surtout des paysages ou des visages expressifs devant lesquels on se sent envahi d’un curieux sentiment, « une tristesse vague et sans objet ». A la fois une prise de conscience de l’infini et de nos limites humaines, nous perdant entre les deux. La mélancolie comme mal du siècle romantique, en quelque sorte. Des toiles à la Friedrich… le Voyageur solitaire, sa seule ouvre en réalité que je connaisse (immanquable puisque présente dans presque tous les bouquins de littérature à côté d’une réflexion hautement philosophique de Julien Sorel, le Rouge et le Noir) Il y avait quelques-uns de ces paysages grandioses qui attirent, envoûtent mais nous rejettent – impossible de pénétrer leur mystère. Mais c’est oublier le sens premier de la mélancolie, dérivé du grec, « bile noir » qui déséquilibre l’esprit : rêverie néfaste qui prend, après les débuts de la psychanalyse, le nom de dépression. De la douce sensation d’abandon qui se fait muse créatrice à la maladie névrotique destructrice… les différentes interprétations de la mélancolie à travers les âges expliquent peut-être l’éclectisme des œuvres présentées dans un ordre relativement chronologique (je ne situais pas vraiment Max Ernst entre l’Antiquité et la Renaissance !). Du début de l’exposition, je retiens particulièrement une stèle gravée, un homme assis en haut d’une falaise. Certaines des salles suivantes, exposant des tableaux plus axés sur la folie et le diable (au Moyen Age, l’acadia, mélancolie est répréhensible car détourne du culte de Dieu) mettent mal à l’aise. Les gravures fourmillant de détails n’ont jamais vraiment emporté mon adhésion. En revanche, j’observe avec minutie les livres anciens, non tant pour les enluminures que pour la calligraphie. Je suis plus heureuse à la faveur d’un bon dans le temps ! Je me retrouve en terrain un peu plus connu : Khnopff (j’y suis restée scotchée- ai pris du retard et ai obligé les autres à m’attendre), Van Gogh, Odile Redon… J’ai comme une réminiscence de TPE (L’image de la femme dans l’art au tournant du dix-neuvième siècle avec A Rebous et ce cher dandy de Des Esseintes, totalement névrosé !) Mes grandes découvertes ont été un tableau représentant Sappho (une merveille, re-dix minutes) et le Penseur d’Eakins, peintre américain paraît-il très connu et dont je n’en avait malheureusement jamais ouïe dire. La dernière salle était un peu hétéroclite : j’y retrouve un tableau sur la révolution russe de 1917 (souvenir du livre d’histoire) et m’interroge sur la pertinence de la présence de deux œuvres ; une SBNI (sculpture bizarre non identifiée) et un gros monsieur tout nu assez laid. A part cela et mis à part certaines œuvres qui n’étaient pas à mon goût (mais ça, c’est mon problème perso…) je n’aurais qu’une chose à reprocher : les légendes sont illisibles, en minuscule italique en couleur sur murs de couleur… Nul n’et parfait. Contre toute attente, je n’en ressors pas mélancolique… Les belles musiques m’ont chassé de l’esprit l’air que je fredonnais depuis le matin : « Si tu t’appelles mélancolie… » de Joe Dassin. La journée s’est finie en sandwich et délires dans un par près du Théâtre du Rond point. Dommage qu’aucune de nous n’ait pensé à amener un appareil photo… on aurait pu immortaliser nos pauses de fausses mélancoliques. C’est tellement classe d’avoir « le cœur à marée basse »…

En résumé, une expo à aller voir. A lire également, le dossier mélancolie dans le Muze d’octobre.