Rien

Les résolutions de tiennent jamais, même avant le premier de l’an. Je m’étais dit naïvement que j’allais poster tous les jours pendant les vacances, histoire de redonner un peu vie à ce coin moribond, et de voir si par effet d’entraînement les autres ne se remettraient pas à poster, ce qui m’éviterait de passer des heures entières sur l’ordinateur à presque rien faire – j’ai d’ailleurs découvert où se nichait une des failles spatio-temporelles : youtube, où il y a toujours une variation ou un extrait de ballet à regarder qui en propose d’autres qui en imposent d’autres etc. Toute activité exigeant de maintenir un tant soit peu son attention me paraît difficile. Je suis comme un flamby dont on aurait retiré la languette. Très belle image, vous en conviendrez – mais j’ai plein de trucs idiots dans le genre qui me viennent à l’esprit en ce moment. Peut-être le privilège des vacances est-il de pouvoir faire plein de projets et de n’avoir à en tenir aucun. Alors j’ai décidé de les prendre étymologiquement et de les remplir de vide, c’est-à-dire de remplir mon estomac de tous les goûters que vous pouvez imaginer ou regarder des vidéos de danse qu’on m’avait enregistrées et que je n’avais pour certaines encore jamais regardées (d’où par exemple, une d’un gala de l’ABT intitulée « Doc Balanchine », humpf). Le mal est contagieux. Comment expliquer sinon que ma mère finisse par scander le rythme de « il en faut peu pour être heureux » avec des petites cuillères, avant de plonger lesdites cuillères dans le pot de marmelade ?

On va se piquer la truffe !

Mon arrière grand-mère, 93 ans, Jeanette, 86, ma mère et moi. Je ne sais pas vraiment comment le dîner a commencé. Ou plutôt je sais qu’il a commencé avec la commande d’une bouteille de rosé. « On va se piquer la truffe », déclare ma grand-mère, ladite truffe dans le ballon du verre. La mienne pique dans mon assiette où la préfiguration du poisson à dépiauter m’empêche de rire. Un carnaval d’expressions défile tandis que derrière mon loup je gratte sa peau grillée. Je perds un peu le fil du pressage des olives lors de l’opération délicate qui consiste à ôter l’arrête centrale et de pouvoir enfin se débarrasser de la tête. Soixante treize kilos d’olive, ce n’est pas rien. Les deux comparses s’arsouillent gaillardement ; les deux chapons que nous sommes ma mère et moi faisons presque chaperons rouges à côté de nos deux mères-grand en goguette. « Vous reprendrez bien un verre de vin, Jeanette » -sûr qu’au bout de cinquante huit ans, on n’est pas intimes. Il faudra peut- être attendre le siècle avant de se tutoyer. « Elle tient mieux le vin que moi », explique ma grand-mère à sa petite-fille. Drôle de (troisième) personne ! Jeanette adore conduire, petite, son père mécano, elle aurait bien conduit le camion en avant en arrière, là, vous imaginez, au volant, en avant an arrière, sur les routes, là, en avant et en arrière – autant de fois que je rencontre d’aubergines dans mes lasagnes de légumes. Puis sur l’index, elle admirait aussi les toréros mais, négation de la main, pas la mise à mort. C’est drôle, c’est plutôt en taureau qu’en toréro que je l’imaginerais. Je ne sais pas si elle verrait rouge, mais toujours est-il qu’elle boit rose. Il va de soi que l’effet blush intégré sur les joues de ma grand-mère est dû à la couperose – et certainement pas à sa dernière syllabe bien arrosée. Et la marmotte, elle met le chocolat dans l’papier d’alu. Enfin… Jeanette réclame surtout qu’on mette l’os de sa souris d’agneau au miel et romarin dans un cellofrais pour sa chienne. La chocolat, quant à lui, est dans mon verre de liégeois. Mon attention vacille au gré de la bougie qui se noie paisiblement dans son photophore, au milieu des verres, indifférent au flot des souvenirs. Ce sont les deux grand-mères qui boivent ; ma mère et moi qui rions. Bu cul-sec : un verre de genépi (traduction phonétique) offert par la maison,  et j’escorte ma grand-mère jusqu’à la sienne. On demande à l’autre gamine si tout va droit et elle se retourne comme un petit Arlequin, sur une jambe, genou plié, coude au genou et doigt sur le nez – pied-de-nez en moins. Comme quoi, une vie équilibrée…

De l’utilisation de l’anti-cerne dès le 2 septembre

Moi et ma grande expérience d’apprenti ont conduit près de 600 km dont cinq heures après une nuit qui en comptait moins de quatre.

Moi et ma chance ont chopé la crève en regardant les étoiles filantes.

Moi et ma connerie se sont retrouvées à se moucher pendant une demi-heure non stop la nuit dernière.

J’ai très exactement la tête que j’aurai au mois de novembre.

 
Moralité : si vous voyez une étoile filante, oubliez les vœux miss monde et faites simplement celui de ne pas tomber malade.
Variante : la prochaine fois, vous prendrez le train.

 

[Mox, un flash back corsé.] [PS au bloggueur grand procrastineur latin devant l’éternel : mox était dans l’interro de rentrée. Le Vates et moi nous sommes bien marrés.]

 

 

 

Algèbre et gerbes de blé

       Soit A une jeune conductrice, au volant d’une nouvelle voiture d’un empatement V. Fiat également des vélos v, des motos m, des camions c et d’autres autos a, sur des routes R, illimitées à 90 km/h, tel que v. + V < R ; m + V = R ; a + V > R et c + V = 0. Sachant que les routes de campagne ne sont pas si désertes que cela aux abords des grottes de Rouffignac, que ces dernières attirent moult touristes et que la Dordogne regorge d’Anglais qui tendent à oublier qu’ils sont de l’autre côté de la Manche et par conséquent de la route, vous calculerez le nombre de frayeurs qu’A a enduré et le nombre de fois où elle a prié pour que toute lettre arrivant en sens inverse, v, m, a et particulièrement c, se jette dans le fossé à sa place.

      Autre problème, de nuit : trouver un chemin que vous n’avez pris que deux fois dans l’autre sens, de jour. Ne pas voir les panneaux que les touristes, eux, trouvent pour venir visiter l’élevage (d’escargots @ my father’s home, si vous n’avez pas suivi les posts précédents). Mais no worry, tournez à la troisième meule à gauche.

By the way, à quoi reconnaît-on que vous êtes un citadin ? à ce que, vous aussi, vous trouvez que les meules de foin, c’est graphique.

Toutes les routes mènent à l’escargot

        Des tubes de gouache sur la table, des pinceaux, un pot de yaourt la Laitière en guise de godet d’eau et du sopalin : il n’y paraît pas, mais il s’agit toujours d’héliciculture. Il vous manque en effet le centre de ce dispositif, à savoir des coquilles d’escargots dans lesquelles on a coulé du plâtre qu’il faut à présent peindre pour constituer l’exemplaire de démonstration, les vraies douzaines se trouvant dans le congélateur. Ca paraît idiot, comme ça, mais allez trouver la bonne nuance qui ne fasse ni pâlichon ni radioactif… on n’a pas encore inventé la couleur « beurre d’ail ». La moitié du tube de gouache blanche a été diluée dans le vert avant de comprendre qu’il fallait rajouter plus de jaune, puisque ce que le persil colore, c’est bien du beurre. Quelques points plus verts plus tard, on obtient des coquilles vigoureuses. On ne rigole pas. L’appât a fonctionné, un client a cru que c’étaient des vraies. Ou alors il s’inquiétait que ce puissent être les vraies.