Complètement (faucille et) marteau

La guerre froide m’a toujours fait l’effet d’une dispute de bac à sable avec une puissance de frappe nucléaire. Je ne suis manifestement pas la seule car La Mort de Staline, film d’Armando Iannucci adapté de la bande-dessinée de Thierry Robin et Fabien Nury, narre la succession du petit père des opprimés comme une bouffonnerie de bras cassés au bras long. Une #kprus historique.

De gauche à droite : l’ivrogne de fils ; Andreyev qui, lobotomisé par la peur, continue d’accuser sa femme alors que Beria la lui ramène de prison ; Malenkov en toon éberlué-dépassé (grimace impayable) ; Khrouchtchev en bouffon sur ressorts ; et pour faire bonne mesure un chef des armées histrionique qui fait une entrée de superhéros au ralenti tandis que, comme pour les autres, son identité s’affiche à l’écran comme dans un documentaire.

Arrosé de vodka, le nonsense britannique permet à l’extraversion européenne de rejoindre la démesure slave, et fout le feu à la baraque – enfin, à la datcha où est mort Staline, évacuée manu militari KGB jusqu’à ce qu’il ne reste plus que les deux officiers en charge de l’opération, dont l’un se fait descendre par l’autre alors qu’il regarde le dernier camion partir. En musique, s’il vous plaît. Après avoir pataugé dans la pisse du cadavre, l’affaire est rondement liquidée ; la succession, sur le même modèle. Les querelles intestines se déroulent dans le grand guignolesque le plus total : à part Beria, le chef du KGB qui resserre sa poigne en s’employant à lâcher du lest de toutes part, personne ne sait sur quel pied danser – un grand ballet comico-macabre réglé par Saint Gui, qui fait oublier tout cours d’histoire tant il paraît improbable que le petit Khrouchtchev prenne le pouvoir. La Mort de Staline est un très grand cru d’humour noir dont, comme pour la vodka, on préfère ne pas connaître le nombre de degrés. À votre santé.