Mort nez

Il ne suffit pas d’un bon orchestre et d’un bon programme pour faire une bonne soirée. J’en ai encore eu la preuve hier à la salle Pleyel, que le public a manifestement pris pour un sanatorium : on a battu des records de tuberculeux au mètre carré. Entre deux toux, on pouvait pourtant deviner la beauté des Kindertotenlieder de Mahler, tout aussi dépouillés que la Musique funèbre maçonnique de Mozart donnée en ouverture, et comme fascinés par la mort d’êtres qui ont à peine eu le temps de vivre, hantés par leurs regards passés et leur absence présente.

À l’entracte, fuyant les tuberculeux du parterre, je me retrouve au premier balcon, avec pour voisin un nez siffleur. Neuf cors et une armée de trompettes suffisaient à peine à couvrir le bruit de ses nasaux et j’ai passé Une Vie de héros de Strauss avec la main en conque autour de l’oreille – vous parlez d’un exploit ! Entraînée par les flûtes railleuses, j’ai imaginé toutes sortes de vicissitudes que les nez siffleurs auraient pu endurer si Dante avait prévu un cercle de l’enfer spécialement pour eux – mais les entendre mouchés par Strauss, ce n’est pas mal non plus, il faut bien l’avouer.

Bref, un concert qui s’appréciera en replay.