… I can brush your hair, undress you everywhere Imagination, life is your creation
Barbie au cinéma. Je ne sais pas trop quoi en penser sur le moment. Le rythme, calé sur la parodie de l’émerveillement de stereotypical-Barbie-qui-voit-la-vie-en-rose, empêche que ce soit vraiment drôle sur la durée, alors que ça a tout pour l’être. Cela me fait un peu le même effet que la seconde de trop du komisch allemand (dans un tout autre genre, oui). Et ça me fout dans l’incertitude : le kitsch ultime de la scène entre Barbie et sa créatrice vieillie est-il du premier ou du second degré ? On sort la carte de la créatrice comme un joker : si Barbie a été créée par une femme, alors tout va bien — exit le male gaze intériorisé. On peut fermer les yeux sur ses mensurations improbables ; d’ailleurs, vous avez vu, toutes les corpulences sont représentées au casting.
Il y a dans cette scène un effet de sourdine sur l’ironie, comme si le regard de Mattel se faisait pesant sur le film de Greta Gerwig. D’accord pour inclure toutes les dénonciations possible, l’autodérision est bonne pour la marque ; mais pas sur la fin, la fin c’est marketing. À la fin boys will be boys et Barbie will be Barbie. La réalisatrice ne peut plus se permettre d’être cinglante, et s’en remet au double-tranchant du kitsch, dont la force perdure même quand on l’expose pour le tourner en ridicule (big up Kundera). Le premier degré (qui doit faire kiffer Mattel) n’est donc pas annulé par le second (orchestré par Greta Gerwig). Oui, mais : la permanence du premier degré (en rassurant Mattel) permet aussi le second, et ça, c’est franchement bien joué, Greta Gerwig. Finement joué, in fine, même si j’aurais davantage ri sur plus cinglant (l’unique incursion extra-diététique d’une voix off était savoureuse, et aurait pu être réutilisée plus fréquemment). La scène finale est une plaisanterie sans conséquence, mais avec mordant ; pas de demi-teinte, tout le monde repart léger — en rose, baby.
Je n’ai jamais été très Barbie, mais j’ai été ado dans les années 2000 : mon âme de trentenaire a kiffé les extraits de la chanson d’Aqua au générique… en citation dans un remix (toujours cette même distance mi-précautionneuse mi-ironique).
Comme beaucoup l’ont dit : Barbie n’est pas parfait, mais il a le mérite d’exister. C’est typiquement un film que je suis plus contente d’avoir vu que de voir : le casting de bons acteurs fait qu’à petites doses en reaction gif et autres références joyeusement martelées, ce sera tout à fait savoureux.
Les gif font d’ailleurs manifestement partie du dossier de presse, à en croire le hashtag :
Margot Robbie, parfaite en stereotypical Barbie. Ici dans une scène qui avait un petit goût de The Good Place (pas certaine que ce soit une référence voulue, contrairement à la scène d’introduction ?).
Ryan Gosling est impayable en Ken, tour à tour prétentieux, insecure (incel materiel), pathétique, ridicule et presque touchant.
J’espère qu’on aura plus de gif sur les cadres de Mattel (celui-ci n’est pas terrible) ; il y a des passages croquignolesques.
Il est quelque chose comme 1H30 du matin, Mum est partie se coucher depuis quelques minutes. Au-dessus des valises éventrées dans le salon, j’aperçois la façade du moulin (un bâtiment en briques qui n’a plus rien d’un moulin hormis qu’on y mout ou vend quand même de la farine) illuminée de couleurs vives, chaudes, instables. Une flamme. Haute. Ma sidération réveille Mum qui n’était pas encore endormie. Elle appelle les pompiers, lesquels sont déjà sur place : pour preuve, il se met à pleuvoir d’en bas.
Avant de me coucher de l’autre côté, en fermant les volets, je constate que la rue déserte ne l’est pas : deux jeunes gens avec des casques sur la tête, un troisième qui monte dans une voiture, dont je retiens pendant quelques jours la moitié de la plaque d’immatriculation.
Il y aura donc eu un feu de poubelle (jaune, d’où la flambée impressionnante) à Versailles Chantiers, la banlieue la moins chaude qu’on puisse imaginer.
Dimanche 2 juillet
From Mum to boyfriend. La transition est un peu étrange. Des discussions animées permanentes, infusées de rire et d’ironie, qui me manquent instantanément, je repasse au calme, aux discussions tranquilles, aux émotions qui ont le droit de cité. Tout à ses tractations immobilières, le boyfriend est tendu, tendu vers une nouvelle vie qui tarde à advenir. Je comprends, et ronge un peu mon frein, moi aussi. J’ai emmagasiné au contact de Mum une énergie que j’ai l’impression de dilapider sur le canapé — comme un retour à l’arrêt après un grand élan.
Mardi 4 juillet
Déjeuner avec JoPrincesse, belle dans la fatigue que ça n’en est pas croyable, les yeux limpides comme l’améthyste rectangulaire à son doigt, ma princesse qui, pas toujours bien, va. Il y a du poids quand même, sur le chemin du retour vers son bureau — c’est souvent dans les derniers moments, dans la marche, qu’on livre ce sur quoi on a peur de s’appesantir. Ce sur quoi il n’y a pas grand-chose à dire, qu’on ne peut que traverser.
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Une épiphanie géographique me pousse à proposer à ma grand-mère de nous voir au débotté. J’aurais pu prévenir avant, quand même, elle aurait pu ne pas être là ; mais elle est là, et nous sommes là, à la table d’un bistrot. Ses doigts qui s’impatientent malgré elle me montrent mille photos, et pas toujours d’abord celle que l’on finit par étudier à deux.
Elle me montre-raconte le mariage normand de ma cousine : ils ont fait ça bien, ils sont doués pour ça, vraiment, elle verrait bien le couple en wedding planners et ça renforce mon impression de mise en scène dans l’obligation sociale. À la mairie, à Paris, j’avais moins vu son émotion que celle qu’elle avait à se voir dans l’émotion projetée, tant attendue, de manière quasi cinématographique, sur le tapis rouge au milieu de l’assemblée. Ma grand-mère ne tarit pas d’éloges pourtant, sur leur mariage, sur elle et sur lui, si gentils ou adorables, c’est vrai, qui tantôt ont débarqué en voiture pour l’amener passer une journée à la mer, une nostalgie qu’elle avait exprimée en passant et qu’ils avaient généreusement pris au pied de la lettre — même si la mer s’est transformée en déjeuner de campagne sous l’hypocondrie, réelle ou indûment supputée, de ma grand-mère. Je sens comme un reproche vague, informulé, qui s’adresserait à tous les autres, qui ne nous soucions pas assez d’elle — reproche qui ne lui ressemble pas et se comprend davantage comme une externalité de son humeur, agacée par la contrariété du moment (un ravalement de façade qui n’en finit pas et la prive de son balcon, dont les larges rebords ont été remplacés par une vitre à laquelle on ne peut plus s’accouder pour fumer* ; elle s’est plaint au gestionnaire de la résidence, a menacé de ne pas payer le loyer). Je ne lui connaissais pas cette humeur revendicatrice, et la culpabilité aidant, je le prends un peu pour moi. Heureusement je ne formule rien. C’est sûr, ce n’est pas moi, égoïste par omission, détestant conduire, qui conduirait ma grand-mère à la mer ; je dois reconnaître ceci à ma cousine, le soin d’autrui entremêlé à et soutenu par le souci des apparences et convenances sociales. Je lui en suis reconnaissante, à la réflexion ; je sais ma grand-mère entre de bonnes mains, et je peux continuer à lui donner le plaisir de lui ressembler, indépendante comme elle, comme elle dit — pour ne pas dire : qui n’en fait qu’à sa tête (de mule). Reste une vague aigreur qui m’attriste et cette fois-ci ne me fait pas regretter que ma grand-mère ne fasse pas traîner l’entrevue.
* J’allais écrire que, quand l’univers se rétrécit en vieillissant, chaque changement devient un monde — mais il n’est pas besoin pour cela de vieillir, ou je suis déjà vieille avec mon sapin coupé.
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Le boyfriend hésite à faire une offre pour une maison qu’il a visitée en Touraine. Il aimerait bien que je la vois. J’aimerais bien de mon côté rentrer à Roubaix pour me mettre à mon manuscrit sans trop tarder. Nous aimerions bien que nos vies projetées ne reculent pas devant nous, chacun à son projet. Autant battre le fer pendant qu’il est chaud : nous prenons des billets de train pour le lendemain.
Mercredi 5 juillet
Aller en Touraine. Le boyfriend est tendu comme un arc pendant le gros du trajet. Cela ne me surprend plus désormais ; je laisse filer comme le paysage, sachant que cela s’arrêtera une fois à destination.
Un couple d’amis à lui nous hébergent ; ils viennent d’emménager. Elle, est vive et lumineuse, je me sens bien rien qu’à la regarder. De fait, je reviens sans cesse à son visage au cours de la conversation, comme l’aiguille d’une boussole après avoir tournoyé en fonction des prises de parole.
À l’étage, je dors dans une pièce flottante (bureau, débarras, future chambre d’ami) comme dans une cabane. Une petite étagère est remplie de livres sur la rédaction, la publication, l’organisation d’ateliers d’écritures. Je n’ose aborder ce sujet, qui pourrait nous être si commun, demander si elle écrit, autrement, ailleurs que pour des piges — qui se sont raréfiées, de ce que sait le boyfriend.
Jeudi 6 juillet
Déjeuner dans un village en pierre. Le boyfriend se réjouit à haute voix de tout, des berges du Cher, d’un bout de bâtisse dans lequel il m’invite à reconnaître Sarlat, d’une place qui aurait des airs d’Italie (?)… Il souligne la beauté dès qu’il la voit, l’exprime pour me sonder, chercher un écho ; mais je ne peux pas surenchérir, tout juste me taire.
On visite la maison. C’est propre, bien aménagé, bien décoré, j’essaye de faire bonne figure. Je n’ai aucune intention de vivre ici à plein temps. L’agente immobilière me fait l’argumentaire sans s’occuper du boyfriend, comme si c’était acquis qu’il l’était (acquis, conquis). Elle me montre tel rangement astucieux en soulevant une marche d’escalier, insiste sur le long dressing en sous-pente… ma pauvre, si vous saviez, le peu de cas que je fais du rangement, le peu d’envie que j’ai d’habiter ici.
Je me rends compte en la visitant qu’ici n’est pas cette maison en particulier, tout à fait convenable, plutôt chouette même ; ici, c’est la région, la campagne, la végétation monotone, la boulangerie en voiture, les terres plates et les pierres grises. Prendre un appartement à Tours pour y donner des cours de danse sans être dépendante de la voiture et rejoindre le boyfriend dans sa maison le week-end, c’est un mensonge bien commode que je me suis racontée pour me rassurer. Pour garder les possibles ouverts. Ne pas paniquer. Repousser. Je ne peux plus repousser. La visite rend tout réel, me confronte à mes évitements. L’enthousiasme inquiet du boyfriend tombe en moi comme dans un puits sans fonds, sans écho. Je ne peux plus le nier : tout en moi se cabre à l’idée de déménager ici. Tout en digérant le malaise, j’essaye de faire bonne figure, de visiter sérieusement, en faisant l’exercice de projection minimal : en enlevant la cloison, ça ferait une grande chambre ; là tu pourrais avoir ton atelier. Je voudrais que la visite, mon imposture se termine, il y a erreur sur la personne, sur le lieu, je ne suis pas Madame boyfriend, je ne suis pas l’épouse parfaite qui se projette pour habiter dans cette maison, je n’ai au fond pas plus de poids dans la décision de son achat que M., l’amie du boyfriend qui nous y a conduit.
Devant un Coca, une limonade et un jus de fraise, le boyfriend me demande ce que j’en ai pensé, vraiment. Je rationalise, souligne les points forts objectifs du bien immobilier. Puis moins : je trouve ça dommage d’aller à la campagne pour se retrouver au bord de la route. Puis plus du tout : la maison est grande, mais avec les sous-pentes et le peu d’ouvertures, j’ai l’impression d’étouffer. / Je suis une sale môme qui vient d’abîmer le jouet que son copain voulait partager. C’est la consternation. Du boyfriend, la mienne. Son amie nous enjoint à en reparler plus tard, quand on aura digéré. Quand elle ne sera plus là, aussi.
On en reparle dans le train. Je crache tout. Ma peur me fait cracher. Je crache sur les pierres, l’incarnation de l’ennui, je crache des pierres sur ses rêves à lui. Il accuse les coups. Je parle vrai, dur, sans plus aucun ménagement pour mes arrangements de conscience ou pour lui. Si j’ai le choix entre la maison à la campagne et mon appartement à Roubaix, je garde mon appartement à Roubaix (qui n’est mien que dans la location). Mais je ne veux pas qu’il décline la maison à cause de moi ; une autre ne fera pas plus l’affaire. Qu’il y aille sans moi. C’est rude, ça éborgne un peu plus son idéal de vie commune. J’essaye d’atténuer : on peut toujours essayer, je peux essayer d’habiter à Tours… mais effectivement, je n’en ai pas envie ; si jamais je le fais, c’est pour lui, et lui ne veut pas que je fasse ça, pour lui. Il a raison, je pourrais finir par lui en vouloir. Il exprime sa crainte que la distance géographique ait raison de nous, il a peur que je me lasse. Et pourquoi ce serait moi qui me lasse ? Ce peu de confiance (en moi alors qu’en lui) est vexant. J’ai peur aussi. Ma réaction de défense pour ne pas me laisser envahir par cette peur, pour ne pas perdre le contrôle, c’est de rationaliser, de raisonner comme si je n’étais qu’un cerveau sans émotion, comme si mes synapses ne pouvaient faire transiter que des informations factuelles : c’est un risque, la distance est un risque ; mais que l’un cède à l’autre et lui en veuille pour ça constitue également un risque ; et si ça arrive, si on en arrive à la séparation, alors il vaut mieux que chacun ait fait les choix avec lesquels il se sentait aligné et qui lui permettront de rebondir seul. J’ai l’impression d’entendre mon ex parler, je me trouve détestable, à infliger ce que je crains de subir, mais prem’s, la peur est épinglée de tous côtés, elle ne peut plus bouger. Les incompatibilités structurelles et irréconciliables, j’en ai soupé, merci. Qu’il achète sa maison, que je reste chez moi, la logistique suivra. Je ne comprends pas sur le moment, si calme, si froide, que je suis en colère. C’est pratique la colère, ça empêche d’être triste.
Plus tard de retour à Paris : […]
(incluant : nœud, sanglots, dénouement, apaisement)
Plus tard encore, il m’assure que ça va mieux, que c’était un quiproquo, un coup de mou, mais je n’en suis plus si sûre. Je propose de retarder mon retour à Roubaix, de rester encore un peu. L’affaire est classée. Je reste, pars, ébranlée.
Vendredi 7 juillet
Paris – Roubaix. Nous nous sommes arrêtées sur une aire d’autoroute et nous ne sommes pas les seules : des oiseaux par dizaines, par centaines, par milliers, y font étape pour la nuit. Des escadrons se succèdent, murmurationnent dans le ciel en attendant les retardataires ou le retour des éclaireurs, et se posent sur un arbre au bord bord de l’autoroute, presque toujours le même, à se demander comment ils tiennent tous. Ça bruisse, ça piaille, on ne voit presque rien pourtant quand on s’en approche — sauf sur les branches les plus hautes, que les oiseaux quittent peu après s’être posés pour se répartir plus bas : on est prié de ne pas encombrer trop longtemps la piste d’atterrissage. De nouveaux groupes ne cessent d’arriver, la mégalopole aviaire est contrainte de s’étendre : des raids de quatre ou cinq oiseaux décongestionnent l’arbre en passant incognito sur celui d’à côté, vol à l’horizontale, rapide, efficace. Et ça continue d’arriver dans le ciel, escadron après escadron, un 14 juillet qui n’en finit pas. Ils ont du se passer le mot du surpeuplement, une banlieue dortoir vient de s’ouvrir sur un autre arbre beaucoup plus grand et loin de la route (un meilleur choix hôtelier que le F1 au bord de l’autoroute, si vous voulez mon avis). Cela n’empêche pas que de nouveaux groupes s’arrêtent encore à l’arbre de référence, qui n’en finit pas de se remplir et de se transvaser dans l’arbre voisin. Quelques individus supervisent les opérations depuis un lampadaire surplombant de bien 3 mètres l’arbre ; les organisateurs ont fort à faire pour que tout ce petit monde soit en place avant la nuit. Nous sommes reparties avant eux.
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Stupeur en arrivant chez moi, à l’amorce de l’obscurité : il y a un trou dans le jardin. Le sapin a disparu. L’énorme sapin au bout du jardin. Le sapin qui refermait la vue avec l’arbre d’à côté, ne laissant, l’été, qu’une fenêtre joliment encadrée pour me rappeler que je n’étais pas seule au monde. Le sapin qui, je le découvre en son absence, participait à étouffer les bruits du boulevard qui passaient la rangée de maisons. Était-il malade ? J’espère qu’il l’était, qu’il n’a pas été arraché pour un peu d’ombre, un peu de lumière cachée à récupérer. J’en veux à ce voisin, même si je ne sais pas ce qui s’est passé, même si je ne sais pas qui est ce voisin, ni même qui avait la charge de ce sapin au coin de quatre parcelles. Mon jardin est amputé. Ce n’est pas le mien, je n’en ai la jouissance que visuelle, depuis ma terrasse au-dessus, mais c’est mon jardin quand même, défiguré en mon absence. Il manque une présence. Ça me rend triste.
Je pense : heureusement que ce n’est pas le saule pleureur. J’en pleurerais. Je pense : on ne peut compter sur la permanence de rien. Je n’aime pas ce qui change quand ce qui change meurt. Je pense : au gigantesque peuplier de ma résidence à Paris, un peuplier magnifique de huit étages qui avait été abattu pour des questions de sécurité, il paraît. Il était resté trois souches (l’immense peuplier avait deux acolytes). C’était comme si on avait coupé mes racines, ce ne pouvait plus être si terrible ensuite de partir, de quitter cet appartement dont on avait mutilé la vue. Est-ce que l’histoire se répète ? Est-ce que le sapin coupé est le signal de me détacher de ce lieu, cet appartement que j’aime tant ? Je pense au terrain qui accompagne la maison que le boyfriend veut acheter, que nous avons visitée quelques jours auparavant : un terrain justement, plus qu’un jardin. Chez moi, c’est, ça a toujours été une fenêtre avec vue sur un grand arbre que je puisse aimer.
Samedi 8 et dimanche 9 juillet
Je découvre la béance du jardin au grand jour : il va falloir s’habituer, il va falloir du temps.
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Je suis toujours épatée par l’énergie de Mum. Les tâches deviennent faciles avec elle ; il suffit de se laisser entraîner. Le week-end est actif et ménager. Done : enlever les innombrables toiles d’araignées et gratter la mousse bien incrustée sur le bord de la terrasse ; couper les plantes qui grimpent et celles qui tombent ; accrocher les cadres qui traînent et en chercher pour les images qui attendent d’être exposées ; tenter d’accrocher un voile d’ombrage et réaliser une fois sur l’escabeau que le triangle isocèle ne le fera jamais quand il faudrait un triangle rectangle ; épousseter la toile, la replier et re ve-nez chez Le-roy Merlin.
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À la crêperie, la crêpe du moment est aux fèves, cuisinées au cidre, et à la salicorne, une algue très croquante et très iodée dont la découverte me met en joie — ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de goûter un nouvel aliment !
Ce qu’a déclenché la maison en Touraine m’a ébranlée. Dans la crêperie si mignonne, j’en parle encore, pour m’apaiser. Mum me raconte en miroir la fièvre acheteuse de mon presque-ex-beau-père : un jour, à 35 ans, acheter un bien immobilier était devenu un impératif, une obsession, il ne parlait plus que de ça, il n’y avait plus que des annonces, des visites, au point que cela avait fait vaciller leur couple. Cela me rassure et me fascine étrangement, d’avoir accès à un pan d’histoire que j’ai vécu sans le connaître, alors enfant, aujourd’hui âgée de l’âge des adultes d’alors.
Reste que. Je ne suis plus sûre de moi, de mon comportement, d’être égoïste ou simplement animée de désirs contraires, pas moins pas plus légitimes, autres seulement. Seulement ? Comment distinguer l’intransigeance de qui refuse de faire des efforts, du refus de se renier, d’emprunter une voie où l’on craint de s’éteindre ? Comment fait-on des compromis sans se compromettre ? Comment distingue-t-on les peurs profondes, légitimes, des réticences qui s’arc-boutent par crainte du changement ? Je n’ai pas de réponse à ces questions, j’attends qu’elles cessent de se poser, j’oublie, me barricade chez moi, dans mes projets. Une forme de fuite sur place.
Lundi 10 juillet
« discipline is simply a love for your big self » J’essaye de la mettre en place : reprise des étirements de yoga avant le petit-déjeuner, sessions d’écriture ensuite, mini-sieste, sortie pour s’aérer… Trouver les bons moments pour chaque activité sans se laisser tout dicter par un rythme optimal auquel on aurait manqué. Inventer une routine qui soutient par la répétition sans asphyxier par sa rigidité. L’exercice est délicat, nécessiterait pas mal de réinventions. De variations à prévoir.
Mardi 11 juillet
Les plus grandes avancées dans le manuscrit sont les coupes ; je les conserve dans un fichier Coupes.pages qui m’ôte tout regret. Ctrl C, Ctrl X, Ctrl V : place nette.
Je retourne à la médiathèque comme à des retrouvailles. J’aime le possible qui dort là, sur les étagères à portée de main ; je m’en empare pour constituer mon butin. Butin, oui : j’ai toujours un peu l’impression de voler les livres que j’emprunte. De les emporter en secret vivre une vie dont personne ne saura rien.
Mercredi 12 juillet
Grand transfert et tri des photos de Calabre. À chaque fois, c’est la même chose : j’oublie que mes précédents souvenirs de vacances se sont constitués autour de clichés sélectionnés et retravaillés, et je me trouve dépitée devant l’avalanche d’images médiocres qui débordent de l’appareil. Tout ça pour ça ? Tant de « attends deux minutes », de cadrages tentés, doublés, pour ça ?
Mal positionnée devant l’ordinateur que j’ai laissé au sol, je me paye de surcroît un début de tendinite (qui, si je suis honnête et impudique, vient également d’une expérimentation masturbatoire que j’ai du mal à vraiment regretter).
Jeudi 13 juillet
30 minutes à chercher un extrait de ballet qui n’existait pas. C’est fou comme la mémoire capte des images fixes et recrée les séquences manquantes avec fantaisie. Ma mémoire de spectatrice enregistre les émotions, mais pas le détail des pas, qui ne reste qu’à condition d’avoir moi-même travaillé la variation. Je regrette de ne pas avoir noté à côté de chaque paragraphe à rédiger une URL YouTube — avec un minutage précis (parce que va retrouver tel entrelacé dans une vidéo d’1h30). Cela me rappelle la rédaction de mon premier mémoire sur Kundera : c’est toujours à la fin qu’on s’aperçoit de ce qu’on aurait dû faire depuis le début. Le regret est à tempérer : quand je l’ai fait, quand j’ai conservé une URL, la vidéo au bout a parfois été retirée. Forcément, les captations pirates sont moins stables que les références universitaires.
Le feu d’artifice de Roubaix est annulé pour des questions de sécurité, suite aux émeutes récentes. Dans plusieurs communes alentours également. Les feux encore prévus sont tirés depuis des lieux peu commodes d’accès sans voiture ; je me vois mal marcher 3 km dans des zones semi-industrielles à 23h30, renonce. Vers 22h30, ça pétarade chez moi, je fais coulisser la porte-fenêtre et, surprise, cadeau : je vois un feu d’artifice depuis ma terrasse. Je suis trop loin pour sentir les détonations, mais je le vois bien, les gerbes bien rondes, par-dessus l’enfilade des murets.
Vendredi 14 juillet
Première barre de reprise. C’est l’habituelle désertion musculaire.
Après-midi sauvegarde de photos : 5 Go libérés, tout de même.
Je propose à É. d’aller voir le feu d’artifice. Elle me propose d’aller dîner, ce que nous faisons à la Wilderie. Plaisir de saveurs travaillées, qui se goûtent, re-goûtent, découvrent. Je parle trop, high-pitched sans même qu’il soit question d’aigu. Ce n’est pas le son, c’est la fréquence à laquelle je suis, survoltée, à tout balancer avec une désinvolture surjouée, non pas dans l’intention mais dans le volume. Impossible de m’arrêter, tant pis pour l’autodétestation qui arrivera ensuite ; j’espère juste que ça amuse ma camarade davantage que ça ne la fatigue.
La glace à la moutarde dans la soupe aux petits pois était vraiment top.
On reprend sa voiture pour aller voir le feu d’artifice. Il est tard, nous sommes justes et nous ne sommes pas les seules. La route est embouteillée ; chaque talus a été préempté par des voitures qui se sont pris pour des 4×4. La probabilité d’arriver à temps diminue à chaque instant. Elle me dit d’y aller, qu’elle va aller se garer et me rejoindre ensuite, elle les feux d’artifice… Je décline une fois, deux fois, puis j’entends les premières fusées, et t’es sûre ? Je pousse la portière et je me mets à courir sur le trottoir, j’aperçois les scintillements à travers les feuillages, j’oublie ma camarade, je cours, je m’enfuis : je cours de joie. Ça devrait toujours être comme ça un feu d’artifice, c’est ainsi que ça doit être pour moi, après des années à Ivry à courir vers le pont par surprise, parce qu’en proche banlieue parisienne, le 14 juillet n’est jamais le 14, t’entends là ? Je trouve un espace dégagé, une fenêtre d’observation en vérité, les fusées hautes encadrées par les arbres. Les fusées basses sont mangées, alors je quitte le champ-prairie pour le champ de Mars (il y en a donc un à Lille aussi !), je passe le canal, le pont, ajuste ma position par rapport aux lampadaires, enfile les bouchons d’oreille attachés à mon porte-clés, et profite enfin en toute sérénité des explosions qui tremblent jusque dans ma poitrine. J’adore cette vibration, cet ébranlement, qu’aucune musique pour une fois ne vient entacher. Le spectacle est parfait. Plein d’escarbilles et d’arbres dorés comme j’aime, des palmiers, des saules pleureurs — et même un palmier arborescent, comme un arbre généalogique qui se lapinerait en temps réel (il m’arrache un sautillement de joie-surprise). Tout le monde applaudit à la fin, la foule du moins, et moi.
Cette photo a été screenshotée depuis Instagram, j’avoue tout.
Dimanche 16 juillet
Venue de nulle part, mais très présente dès que je pose le pied au sol : une douleur aigüe au talon. Bientôt 35 ans, et mon corps me surprend toujours. Une talalgie : avec un tel nom, ça ne peut pas être bien sérieux.
J’ai ainsi la virevolte claudiquante pour accueillir D., qui a bien voulu se rabattre de Lille sur Roubaix. Il revient de Belgique et rentre à Paris. À vélo. Oui. À chacun sa folie. Je reste dans ma langue alors que nous conversons en anglais à l’écrit ; par coquette fainéantise, je tais mon accent (français en anglais) et pour prix dois redoubler d’attention pour passer au travers du sien (tchèque en français). On mange dehors, sans table, sur deux chaises ; on cause chaînes musculaires, courbatures et découvertes tardives, et son immense silhouette s’attarde un peu sur le rebord de la fenêtre, comme un cadre un peu étroit ; le jour n’en a plus pour longtemps quand le garage daigne s’ouvrir pour lui rendre son vélo. He might curse me pour lui avoir fait découvrir les grains de café au chocolat, combo fatal de ses deux drogues préférées. Qu’il me maudisse autant qu’il veut, I know good stuff.
Lundi 17 juillet
Ceci n’est pas une assiette à dessert.
À midi, une newsletter m’informe qu’il y a désormais de la glace au sésame noir chez Picard pour une glace au sésame noir. À 17h30, le bac de glace (ridiculement petit) est dans mon congélateur. J’ai trop traîné, trop faim : je lui préfère des tartines de nocciolata. Mon talon, lui, aurait préféré ne pas claudiquer pendant 40 minutes.
Mardi 18 juillet
Reprise des cours de posture / chaînes musculaires, je ne sais jamais comment les nommer. Les annonces par mail disent : atelier du mouvement ; on dit tous : cours — y’a cours la semaine prochaine ?
S., dont j’ai enfin retenu le prénom, se réjouit de me voir si guillerette — elle dit : souriante — alors qu’elle me trouvait l’air abattu à la fin de l’année scolaire — je nuance : crevée. Contente de reprendre, d’autant que ça amoindrit la douleur au talon.
Mercredi 19 juillet
Je me motive à retourner à la fac pour aller emprunter un livre sur la motivation, plus motivant que celui que j’ai commencé parce que c’était le seul de la liste qui était disponible à la médiathèque de Roubaix. C’est en outre la dernière fois que je peux profiter de ma carte d’étudiante à l’université, qui deviendra caduque à la rentrée.
Je me dis que ça va être étrange de retourner à la fac alors que la licence est terminée, mais ça ne l’est pas — pas plus qu’y retourner à trente ans passés pour reprendre des études. Les locaux, déserts, sont une incitation à saluer les deux personnes que j’y croise. La bibliothèque, par contraste, paraît peuplée : six personnes à tout casser, qui ne cassent rien, lisent sagement.
Je ne sais pas si c’est parce que je lui offre une diversion ou parce que c’est l’avant-dernier jour d’ouverture, mais le monsieur derrière le comptoir est vraiment tout sourire lorsqu’il me tend l’ouvrage qu’il est parti chercher en réserve — dans le magasin, c’est le terme officiel sur les notices bibliographiques en ligne, un peu étrange pour des ouvrages qui ne sont pas des magazines et que les lecteurs n’achètent pas. Je regrette un peu ma demande quand je soupèse la bête, mais ne voulant pas avoir fait déplacer le bibliothécaire pour rien, je gaine les abdos et range l’austère pavé dans mon sac. Tant pis si je ne le lis pas. De fait, je le lis, et la lecture est un régal : les plus belles histoires sont toujours des rencontres qu’on a failli manquer. C’est en tous cas ce qu’on en retient pour souligner à quel point cela aurait été dommage de ne pas.
Une fois rentrée, je ne lis pas, évidemment. Je fais des collages que je ne colle pas ; promener mes ciseaux dans un programme de la saison culturelle 2021/2022 a le double avantage de me permettre de le jeter sans regret après l’avoir dépecé et de soulager mes yeux hors écran. Chaque jour, je fais mon Duolingo sur écran, j’avance mon manuscrit sur écran, je réponds aux atermoiements de C. sur écran, je vérifie l’heure sur écran, la météo sur écran, je regarde pour me détendre une série sur écran, je conserve avec le boyfriend sur écran, et les écrans finalement font écran au sommeil. Cette fois, j’utilise mon téléphone pour téléphoner et je ne Skype pas le boyfriend.
Jeudi 20 juillet
Le public du jeudi midi n’est pas le même que celui du mardi ou vendredi soir : nous sommes une majorité de danseuses, et la professeure axe le travail sur l’en-dehors. Au premier rang, deux adolescentes dont l’une au moins est en horaires aménagés travaillent correctement, en utilisant des sensations que j’essaye encore de provoquer en moi, bien loin de pouvoir les convoquer sur commande. Je mesure tout ce qui m’a manqué à leur âge, qui me manque encore. Évidemment que je ne pouvais pas y arriver, il me manquait tout — l’essentiel du moins, à partir de quoi avoir une chance de développer tout le reste. Petite déprime de ne pas comprendre quoi comment travailler. Petite joie aussi de constater qu’il n’y a pas trace de jalousie, que je suis loin de ces jeunes filles à présent.
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J’ai vu chez les voisins un enfant sur le bord de la fenêtre au premier. Il a sauté bras écartés et disparu… chez lui. Première fois que cette fenêtre était habitée. Elle était derrière le sapin.
Vendredi 21 juillet
Je passe plus d’une heure dans la salle d’attente du médecin en vacances. Je le remplacerais bien par son remplaçant, volubile, amical. Lui aussi a des problèmes d’oreille, du coup il est bien au fait, un ami ORL lui a fait un petit topo plus avancé, vous êtes certaine que le sifflement ne se fait pas par pulsations, non en continu, très bien, très bien, cela peut annoncer une rupture d’anévrisme si le sifflement n’est pas continu, il faut faire attention, vous comprenez, je comprends — qu’il a envie de parler aussi, pas de lui, mais avec les gens, qui viennent se déverser dans son cabinet, qui n’est pas à lui, sans attendre autre chose qu’une ordonnance. Je suis en formation pour être professeure de danse, il admire les gens qui font de la danse et vivent de leur passion (ça n’est pas encore fait), lui c’était le piano mais il est médecin. Il espère que sa fille en fera, de la danse, il faudrait qu’il regarde les cours ; il en a pris pour son mariage, lui-même n’est pas doué, mais sa femme si, un bon filon, les cours de danse particuliers pour les mariages, il me le recommandera encore une fois à la porte, même si je ne sais pas danser les danses de salon, je pourrais apprendre c’est vrai, le professeur gagnait plus que lui en une heure.
J’ai été déçue qu’il ouvre son cabinet à plus d’une heure de chez moi. J’en aurais bien fait un ami, si tant est qu’on puisse inviter son médecin remplaçant et sa femme à boire un verre.
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À la moitié de la séance, l’ostéo-kiné-grand-manitou a réglé le décalage à l’origine de ma douleur au talon, si bien que j’ai le droit à un cours particulier sur l’en-dehors au niveau de la hanche. Rien d’autre qu’une jambe sur la barre en seconde vue depuis l’extérieur ; l’ouverture à une compréhension incarnée et à un levier d’action depuis l’intérieur. Légère euphorie ensuite à la perspective de pouvoir « rouler mon jambon » — ledit jambon étant ma cuisse poilue.
Samedi 22 juillet
Je triche un peu en mettant quelques termes que j’aurais voulu traiter sous le tapis, mais je persévère, je tiens, encore une matinée, encore quelques lignes, et ça y est, je peux décréter le premier jet.
Habemus premier jet. Il y en a qui ont un pape, moi j’ai un premier jet. 147 pages à relire, corriger, compléter, reformuler, mais 147 pages rédigées. Je suis fière de moi, indépendamment de la qualité même du contenu. Juste de l’avoir poursuivi jusque là.
Et rien. Pas d’exultation véritable. Je sais que s’ouvre une nouvelle session de travail, d’un autre ordre. Seulement, à présent, je sais que c’est possible. Calme tranquille. Satisfaction d’avoir bouclé ça avant l’arrivée du boyfriend.
On se retrouve et c’est comme si je n’imaginais plus ses mains sur moi. Je n’imagine plus ses mains loin de moi. Nous passons la soirée à discuter peau à peau sur le canapé.
Dimanche 23 juillet
Il y a des choses en moi qui ne cèdent qu’à la douceur. J’ai dormi, je me suis rendormie. Au réveil, la chambre s’est agrandie, les moulures se prolongent au plafond, je suis dans le salon, dans la pièce d’à côté et pourtant je suis avec lui, je le sens tout autour de moi.
Tout est calme, dans l’appartement, en moi. Même le chat ne miaule pas de ne pas avoir tous ses humains dans la même pièce. Je me rends compte que je peux écrire, encore, que j’ai l’espace pour cela.
Lundi 24 juillet
C’est le début des journées qui se perdent dans une continuité de somnolence, câlins, écrans. La tablette du boyfriend assure la bande-son, entre boucles sonores de Slay the Spire, analyses politiques et linguistiques (l’Académie française en prend un coup).
Plein feux sur la star à la golden hour (il y aura eu quelques belles éclaircies dans ce mois pluvieux).
Mardi 25 juillet
M. vient rencontrer le chat et son propriétaire. Pour l’occasion, j’ai fait un marbré. À moins que pour le marbré, j’ai créé l’occasion (ce serait mal, je mériterais encore moins le thé au jasmin que M. m’a offert de manière tout à fait adorable et démesurée). J’en mange avec de la glace au chocolat ; le boyfriend avec de la crème anglais ; notre invitée met tout le monde d’accord avec glace et crème anglaise, elle a cours de danse le soir. Ils ont quinze ans d’écart et des jeux vidéos en commun. Je ne comprends pas tout quand ils en parlent, mais j’aime bien les écouter, il y a des promesses de joie et d’explorations dans leurs souvenirs. On finit quand même par terre à parler danse, le boyfriend sur le canapé.
Mercredi 26 juillet
Après trois jours de canapé intensif, nous programmons une sortie sur Lille. Je suis toujours stupéfaite de l’efficacité du boyfriend quand il a quelque chose à acheter, mettant la même absence d’hésitation dans un achat à 29, 50 ou 170 €, alors qu’il n’a pas de larges moyens, seulement un budget bien étudié en amont. J’hésite au Monoprix entre trois sachets de riz à 2,99 ou 3,99 €. Lui, fait son shopping comme on fait des courses ; moi, je fais mes courses comme on fait du shopping. Le seul moment où il s’attarde, c’est chez Rougier & Plé, qu’il appelle Graphigro. Le seul moment où je n’hésite pas, c’est chez Meert : glace au chocolat et sorbet Pa(passion)Ma(ngue)Ba(nane).
Je confesse, c’est la taille des cornets que je voyais graviter autour du stand qui m’a attirée. On a l’impression qu’après s’être calés sur les prix parisiens, à Meert, ils ont été pris de remords, parce que bon, ce n’est pas parce qu’on se la joue qu’on n’est pas des gens du Nord ; du coup, ils compensent en servant l’équivalent de 4 boules pour les 2 à 5 €. Avec mon demi-litre de glace, je retrouve, adulte, la joie d’une grosse glace, qu’on tient à deux mains d’enfant. Le sorbet, quoique bon, a été à la limite de me lasser, ce que ne pourrait faire, ô grand jamais, la glace au chocolat, d’un pourcentage de cacao peu élevée, mais avec ce goût « rond » qu’ont les chocolats de bonne maison.
Deux heures plus tard, nous sommes assis au restaurant coréen ; est-ce vraiment raisonnable. Pas plus ni moins que le choix d’un plat très épicé, dont la texture extrêmement douce, veloutée, masque et souligne la force. C’est le genre de repas dont on se souvient, à défaut de savoir si c’est pour son goût qu’on l’a apprécié.
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Je passe la journée à tirer sur mon lobe d’oreille gauche, pour qu’y pénètre le son. J’ai consulté mardi un second médecin : aucun bouchon, seulement une otite. Je mets les gouttes qu’il m’a prescrites… et retire le soir des bouts de bouchon. Ça siffle toujours, mais j’entends à nouveau.
Vendredi 28 juillet
Je fais ma barre en culotte sur un album de musiques de film ; le boyfriend le prend comme un blind test. Harry Potter pour les dégagés ; La la land pour les ronds de jambe en l’air ; mais quand même, Ghostbuster au piano, ça fait bizarre (pour les frappés).
Samedi 29 juillet
J’ai les neurones qui frétillent quand je lis Les Danses d’après, d’Isabelle Launay. Je retrouve notamment appliquée au ballet, devenue limpide, une réflexion sur la notion d’œuvre que j’avais découverte mais pas assimilée, embrouillée, dans une énième lecture à transposer (Écoute. Une histoire de nos oreilles, de Peter Szendy). Pourquoi a-t-on passé deux années de licence danse à lire des ouvrages qui n’avaient aucun rapport avec la danse quand il existe un corpus certes restreint mais passionnant de spécialistes ?
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Ses iris fusionnées aux pupilles, noires, sa peau translucide et ses taches de rousseur, la tête renversée sur l’oreiller. Sa beauté à ce moment. J’aimerais qu’il la voit comme je la vois. Qu’il se voit comme je le vois. On aimerait tous ça, je crois, que nos aimés se voient avec amour, le même qu’ils nous portent et ne se portent pas toujours à eux-mêmes.
Ça vaut en sens inverse. Lui voudrait plus et mieux pour moi. Pas que moi je sois plus ci ou ça, pas que je sois mieux pour lui, mais plus, mieux : pousser les murs, aérer les peurs idiotes, m’ouvrir de l’espace. Et il le fait, j’en ai : entre ses bras.
Pas de non-dit. Pas si facile quand on a tendance à se cacher les choses à soi-même. De toutes petites choses qui grossissent en silence, et redeviennent toutes petites quand on les exprime comme des énormités. Ce n’était rien. Rien : une simple peur. (Qu’il m’en veuille encore pour — nom de code — la Touraine.)
Je commence à pouvoir formuler. Ce qui se passe quand ça ne passe plus. Ce corps avec lequel,
parfois,
brièvement,
vertigineusement,
je ne coïncide plus,
qui s’interpose entre lui et moi dans les moments qui pourraient être les plus fusionnels.
Dimanche 30 juillet
Le boyfriend se ferme toujours à l’approche du départ. Son sac prêt trente minutes avant le moment qu’il s’est fixé pour mettre le chat dans sa bulle de cosmonaute, il lance une dernière partie de Slay the spire et je résume : encore trente minutes à se tendre sans agir. Il répète mes mots, sa mâchoire esquisse un sourire, c’est exactement ça, trente minutes à se tendre sans agir.
Moi, c’est après. Je ressens l’absence soudaine comme un phénomène physique, dépressurisation, dépression météorologique, dé-. Je m’active en attendant que ça passe, je lance une machine de draps (sauf la taie d’oreiller avec son odeur), je range, je jette, je nettoie, j’efface toute trace de son passage pour conjurer l’absence et retrouver l’aplomb d’un espace sans partage.
Lundi 31 juillet
Atelier du mouvement sur l’en-dehors de la hanche et le centrage articulaire. Je n’ai jamais autant travaillé en jambe sur la barre, car je n’ai jamais eu une posture correcte — les hanches toujours plus basses que je l’imagine, l’articulation du fémur perdue dans les ailes iliaques. Il faut gérer le découragement, devant l’ampleur, voir plutôt l’ampleur de ce qui s’ouvre. C’est une décision qui n’est pas à prendre, mais à reprendre sans cesse, et ça clignote comme un néon en fin de vie ou en début d’allumage, comme un muscle qu’on n’arrive pas encore bien à contrôler, qu’on contracte par intermittence. À la volonté clignotante, le découragement oppose sa résistance ; c’est le muscle antagoniste dont on doit apprendre à inhiber la contraction pour rendre le mouvement possible.
Dans l’après-midi, soudaine overdose de canapé : me voilà à la barre à la cheminée. Ça ne travaille peut-être pas comme il faut dans les hanches, mais en-dessous, dans les jambes, mollets, fessiers, je retrouve un certain tonus musculaire qui fait du bien.
pins
cyprès
des arbres dans la pierre
colonnes
échafaudages
tout à la verticale
des ruines mais surtout des murs
qui ménagent des ouvertures
au regard
à la curiosité
à la lumière
On cherchait pour nos vacances mère-fille un coin d’Italie que Mum n’ait pas déjà visité et elle a fini par trouver : la Calabre. Le bout de la botte, tout en bas, en face de la Sicile.
L’itinéraire
Pas loin de 2000 km en tout
Mum a préparé l’itinéraire (gloire et grâce à elle) avec le guide Lonely Planet. Si vous voulez vous en inspirer, sachez qu’il est adapté à notre rythme (on ne se presse pas en vacances) et à nos désintérêts (les châteaux et les églises, c’est extra pour le décor ; si on peut être dispensées de les visiter, on aime autant). Nous, on est là pour la promenade et le régal, pour flâner et s’imprégner des ambiances. Grimper pour un panorama pourquoi pas, mais avec une glace une fois arrivées au sommet.
4 nuits à Naples
Le vieux Naples 💛 💛 💛 🍽️ 🍦
Des ruelles, du bordel, de la splendeur, de la crasse, des églises, du bruit, des banderoles…
Pompéi 💛 💛 💛
Je pensais voir quelques murets de fondation et des colonnes plus ou moins debout, et c’est une ville entière que j’ai découverte, avec des rues, des trottoirs, des murs hauts et des toits parfois, des échoppes avec leurs jarres incluses dans les comptoirs, des maisons avec leurs fresques, leurs mosaïques… Ce sont bien des ruines, mais l’on dirait moins celles d’un site archéologique que d’une ville détruite par la guerre — surtout lorsqu’on voit la cité antique d’en haut, se détacher de la ville moderne. On y a passé plusieurs heures et on pourrait y passer facilement la journée, plusieurs journées : Pompéi est aussi longue à explorer qu’une ville encore vivante, davantage même dans la mesure où l’on furète parmi les maisons des particuliers.
Herculaneum 💛 💛
Doublon de Pompéi ? Pas vraiment. Herculaneum est plus petit, mais on y découvre des étages : deux, parfois trois, un bout d’escalier ; des maisons avec leur impluvium, mais aussi des puits de lumière, tout en haut, ornés de simili-gargouilles ; et des squelettes figés dans les garages à bateau, alors que les habitants tentaient de fuir par la mer avant qu’elle n’entre elle aussi en fusion. Un tour par le musée permet de s’esbaudir de la finesse des orfèvreries (je ne me suis pas remise de la jarre violette miniature gravée dans une petite pierre précieuse…).
2 nuits à Buonvicino
Buonvicino 💛 🍽️
Un petit village aux rues pavées de mosaïques en galet, avec un kiosque, une vue lointaine sur la mer et une très bonne table. Le tout sous la houlette de notre guide félin errant, baptisé Marco il gatto pour l’occasion.
Diamante 💛🍦
Il n’y a pas des masses de villages mignons au bord de la mer en Calabre, et Diamante fait partie des heureuses exceptions (aux côtés de Tropea et Pizzo), avec une jolie promenade en bord de mer et des ruelles animées par de nombreuses fresques de street art. On y déguste aussi un délicieux granité au cédrat.
Marina di Belvedere Notre premier village pierreux couleur terracotta.
Paola 🍽️
Une vieille ville bien insérée dans la nouvelle, avec une belle arche ornementée comme une église, des plantes, des églises, des ruelles…
Fiumefreddo Bruzio 💛
Le village est pittoresque dans le genre pierreux, mais le wow est surtout dû au château en ruine et à la vue qu’on y a sur la mer Tyrrhénienne depuis la terrasse — un cadre parfait pour tragédie antique.
4 nuits à Pizzo
Pizzo 💛 💛🍦
Un très chouette village au bord de la mer, touristique dans le bon sens du terme : on a envie de s’y attarder, s’y installer pour le temps des vacances. Il y a à voir, c’est animé, aménagé, avec un parking où se garer à proximité et un bon choix de restaurants, une jolie plage juste là, en bas du château, des ruelles ni délabrées ni muséifiées, une gelateria familiale où viennent se ravitailler les enfants et les vieux du quartier… Tout y est pour venir s’y promener, baigner, restaurer.
Tropea
Un gros village (une ville ?) au bord de la mer, touristique dans le mauvais sens du terme : on est content d’y passer, et de ne faire que ça, justement. Passer et s’en aller. C’est le Saint-Trop’ calabrais, ça grouille, de monde, de pittoresque organisé, des merdouilles à vendre à tout coin de rue.
Nicotera
Un village qui mise tout sur sa vue et quelques ruelles qui semblent décorées spécialement pour Instagram.
Capo Vaticano
Cette vue sur la mer.
Zungri 🤷♀️
Quand on a visité Pompéi quelques jours plus tôt, le contraste est rude — rustre. Si vous aimez les ruines troglodytes, rendez-vous plutôt en Dordogne.
Vibo Valentia
Un château, des ruelles, le cagnard, plus aucun restaurant qui sert… parfois on rate un peu une rencontre avec une ville, et ce n’est pas si grave, il y a des tartelettes à la crème de pistache pour compenser.
Scilla 💛
LA Scilla de Charybde en Scylla. On n’a pourtant pas l’impression d’aller de mal en pis en visitant cette jolie petite ville, puis le village de pêcheur en contrebas : une partie des maisons a ses fondations dans l’eau, comme à Venise… Une fois qu’on a laissé le car de touristes pressés prendre sa glace à prix parisien, on savoure le calme revenu, le sourire aux yeux bleus du vendeur, assortis à la mer juste là, devant laquelle s’ébat une portée de chatons sauvages. (La plage en revanche a laissé soupçonner la dangerosité de la mer, avec des rouleaux assez violents survenus de nulle part pendant une trentaine de secondes alors que tout était d’huile…)
Reggio di Calabria
La grosse ville de la région, avec une grande promenade le long de la mer, plus impressionnante que belle (un petit côté quais de Seine sur la partie en contrebas). Les arbres qui la bordent sont en revanche magnifiques.
3 nuits à Chorio
Chorio
Le village n’a rien de spécifique hormis son incroyable AirBnB de nonna vintage.
Bova 💛
Quelques ruines et pas mal de rénovations en tuiles et pierres, c’est mignon, fleuri, avec une improbable locomotive à vapeur sur la place principale alors qu’aucune gare n’a jamais desservi le village.
Pentedattilo
Un village fantôme au pied d’une énorme roche en forme de main, auxquels quelques durs à cuire (exposition plein Sud) essayent de redonner vie. À 32° à l’ombre, on n’a pas eu le courage d’en sortir pour arpenter ce qu’il reste de rues.
Brancaleone
La petite ville moderne n’a en soi aucun intérêt, mais elle abrite un hôpital pour tortues de mer (qui viennent pondre sur les plages de environs), et Mum avait très très envie d’aller voir les tortues de mer. On y a rencontré Gaia, bambina de 2 ans en convalescence.
MuSaBa 👁️
Ce musée est à voir, dixit le guide, qu’on soit ou non amateur d’art contemporain. Le guide n’a pas tort. C’est un lieu improbable, à hauteur d’un délire d’artiste : Nik Spatari a utilisé les ruines d’une abbaye médiévale pour en faire son musée (en mode, moi aussi, j’aurai ma chapelle Sixtine torturée), et investi les environs à coups de sculptures et mosaïques — une espèce de Parc Güell au milieu de nulle part.
Gerace 🍦
Gerace, le village aux 100 églises, c’est un peu comme Roubaix, la ville aux 1000 cheminées : une exagération sur fond de vérité. On n’a pas compté les églises, mais il y en a tellement dans chaque village qu’on n’a pas eu l’impression d’en voir spécialement plus que d’habitude.
2 nuits à Santa Caterina dell’Iono
Santa Caterina dell’Iono
N’y entrez pas en voiture, c’est à peu près tout ce que j’ai à vous en dire.
Stilo
Nous n’avons pas visité l’édifice religieux à visiter, mais depuis la terrasse attenante, nous avons profité d’une vue plongeante sur ce joli village en pierres.
Stevanno 🤷♀️
Apparemment, Stevanno possède une plage prisée des hippocampes, mais comme on n’en a pas croisés, ce fut sans grand intérêt.
Tiriolo
Depuis les hauteurs de ce village (qui ne s’appelle ni Triolo ni Tiriolet), on peut voir les deux mers, Ionienne et Tyrrhénienne… par temps clair. Ce n’était pas tout à fait le cas quand nous y sommes passées, on a deviné plus qu’aperçu les limites bleutées des horizons, mais cela donne une idée des distances, un léger vertige peut-être à confondre vastitude et étroitesse.
Catanzaro
Une ville moderne qu’on n’a pas eu le courage de visiter, dans laquelle on a seulement fait étape pour déjeuner.
Le Castella 💛 💛
Nous devons cette heureuse découverte à un accident routier et des travaux de voirie : ennuyée dans les embouteillages, j’ai compulsé le guide et déniché cet arrêt non prévu. C’est une station balnéaire charmante, avec des terrasses qui donnent envie de s’y attarder. Sa plage de sable dorée (dans ce coin à galets, c’est suffisamment rare pour être signalé) a pour toile de fond un château en ruine posé sur une presqu’île : on se baigne dans une carte postale.
4 nuits à Ciro
Cirò 🤷♀️
Le guide indiquait que ce village au cœur des vignobles était un incontournable… en oubliant de préciser qu’il l’est uniquement pour les amateurs de vin. Il faut en effet avoir un petit coup dans le nez pour trouver du charme à ces ruelles passablement glauques.
Cirò Marina 🍦
Oui, mais non, peut-être, ah ? presque, mais non. L’appréciation clignote comme un néon. Il y a du potentiel pour que ce soit charmant (de grandes plages, un petit port, un bon glacier), mais ça ne l’est pas. Une fois accepté qu’il n’y a rien à voir, pourtant, et que le farniente prend le pas sur la visite, on s’y sent bien.
Morano Calabro 🍽️
Le village s’apprécie probablement davantage de loin (par l’espace qu’il occupe sur la colline) qu’entre ses ruelles (le crépi gris a moins de charme que la pierre), mais je ne puis être objective, ravie du déjeuner gastronomique que j’y ai dégusté.
Les bonnes adresses
AirBnB
Casa Chiara Italia à Naples
On aime ou pas la thématique Vésuve des tableaux, mais l’Haussmanien napolitain, ça en jette, avec une hauteur sous plafond délirante et un énorme lustre en cristal de famille (auquel il manque quelques pampilles… cassées ou volées, l’histoire ne le dit pas).
Chez Gorgia à Chorio
Si cet AirBnB était un programme télé chroniqué par Télérama, son genre serait quelque chose comme : appartement baroque de nonna vintage. Il y a en trop, partout, de tout, trois Bialetti dans le placard, des affichettes en série, des tasses en exposition sur la cheminée, des victuailles dans le frigo, plus plein que quand je fais le plein, des bouteilles d’huile d’olive, fraîche ou rance, des magazines étalés sur la table basse, des produits de soin dans la salle de bain, une boîte à mouchoir dans chaque pièce, une mappemonde en guise de lampe de chevet, un meuble-machine à coudre en guise de table de chevet, des bonbonnières de biscuits et de céréales, la table déjà mise à notre arrivée… Un accueil d’autant plus incroyable que la profusion du lieu contraste avec la pauvreté apparente des environs.
Casale dell’Attiva à Cirò
L’unique agriturismo de notre séjour. Malgré une nuit où les chiens de la ferme ont beaucoup aboyé, le bruit des travaux viticoles et la virulence des moustiques, j’ai adoré notre séjour dans cette maison rustique sobrement meublée (une vague réminiscence de la chambre de Van Gogh ?) et bien bouquiné dans le salon de jardin sous la tonnelle, avec le bruit des cigales et la vue sur les oliviers.
Restaurants 🍽️
Matteo à Naples : à emporter ou à manger sur place dans une ambiance cantine (archi climatisée), il faut goûter la pizza fritta une fois dans sa vie (mais peut-être pas deux). Intégralement plongée dans la friture, cette curiosité ressemble presque plus à un beignet qu’à une pizza, et se digère de même.
Gastronomia Focetola à Paola : la terrasse de cette charcuterie-fromagerie donne sur une place sympathique à l’entrée de la vieille ville. J’y ai découvert la confiture de cédrat, servie en sucré-salé sur une tranche de fromage grillé : un délice !
Borgo dei Greci à Buonvicino : une très bonne table, avec vue (lointaine mais idyllique) sur la mer. On m’y a servi une polenta comme je n’en avais jamais mangée, mitonnée à l’huile d’olive et aux petits légumes du jardin, servie dans une cassolette entourée de spaghettis frits, croustillants comme des gressins. Dépité que nous n’ayons plus faim après ce primo piatto, le serveur nous a offert de délicieuses bruschettas !
L’Antico Borgo à Morano Calabro : nous sommes tombées par hasard sur ce qui s’est avéré être un sacré restaurant gastronomique. Incroyable carparccio de crevettes et burrata pour Mum, tartare de saumon à l’olive noire, cédrat et bergamote confits, glace à l’huile d’olive pour moi. Nous avons pris 3 desserts pour 2 et je ne regrette rien, bien qu’il a fallu ralentir dans les tournants en reprenant la route.
Glaciers 🍦
On mange de très bonnes glaces à peu près partout pour presque rien (2€50 le cornet) en Calabre. Voici quand même quelques gelateria qui m’ont marquée.
Mannela à Naples
Je n’ai goûté qu’une seule glace dans cette chaîne de qualité et c’était bien trop peu (je blâme la pizza fritta).
🍦Un parfum à goûter : crema Mennella, mêlant amandes et cacahuètes, mamma mia.
🍦Un parfum à éviter : cioccolato fondante. Au chocolat corsé se mêle un parfum d’orange pas du tout annoncé (apparemment c’est récurrent).
Dal Perugino à Diamante
Je n’ai pas goûté les glaces, mais le granité au cédrat était fou : très sucré et très bon.
L’Angolo del Gelato à Pizzo
Une gelateria familiale où il fait bon revenir pour déguster environ tous les parfums une fois goûté le tartuffo, entremet glacé avec un cœur de chocolat fondant (en théorie, quand on a le courage d’attendre).
🍦Des parfums à goûter : pistache et noisette parce que l’Italie, fior di latte pour l’onctuosité, stracciatella pour sa base généreuse de fior di latte, ricotta pour l’originalité.
Bar del Tocco, di Rinaldis Giuseppe à Gerace
J’y ai pris un granité, mais quand j’ai goûté la mini-brioche archi-délicieuse qui était servie avec, j’ai regretté de ne pas avoir pris la grosse brioche con gelato (remplie de glace, oui, oui). Si vous y allez, merci de me la faire manger par procuration (la pistache fonctionne très bien avec la brioche)(de rien).
L’Antico Gelateria à Cirò Marina
L’enseigne affiche les prix obtenus dans des concours de glaciers (je me propose comme jury si vous connaissez quelqu’un qui connait quelqu’un), mais ce ne sont pas nécessairement les parfums primés qui sont les meilleurs : préférez les classiques aux inventions composées. J’y ai mangé deux glaces par jour pendant trois jours ; la serveuse, adorable et amusée, m’a offert la sixième.
🍦 Un parfum à goûter : le cioccolato fondante, réellement cacaoté par rapport au cioccolato tout court.
🍦Un parfum à éviter : pistache-amande
Nous sommes toutes dans le studio quand nous recevons par e-mail les retours sur nos cours d’éveil-initiation. Ce que je lis ne me surprend pas, mais d’autres n’ont pas cette agréable surprise. Il y a de la dureté, des récriminations, des choses probablement bien intuitionnées mais qui ne se disent pas, pas comme ça, et je me demande pourquoi, de toute ma longue scolarité, c’est la première fois que cela se passe comme ça, dans la fatigue de sensibilités qui n’en finissent pas de s’entrechoquer. É. non plus, en école de commerce avant de se réorienter, n’a jamais connu ça. Est-ce de toucher au corps, qui nous touche ainsi ? Pour le boyfriend, qui a fait les Beaux-Arts, c’est évident : c’est le propre des écoles d’art d’être remplies d’artistes aux sensibilités exacerbées.
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Cours de progression technique (aka le cours où l’on apprend à donner cours). Une séance ludique, avec accessoires :
des assiettes en carton lestées de patafix : on a l’air malin avec ça sur la tête, mais il y a une raison pour laquelle les princesses apprennent le maintien avec des livres sur la tête dans l’imaginaire des contes. Marcher avec un poids en équilibre sur le sommet du crâne aide à situer correctement la verticalité… et fait travailler les muscles profonds du dos : je peux vous dire que ça a sacrément bossé entre mes omoplates ! En un quart d’heure, je suis passée d’une démarche précautionneuse à l’extrême, avec de fréquents arrêts pour ramasser les assiettes, à une marche beaucoup plus fluide, puis des transferts de poids type temps liés, avec des changements d’orientation de la tête.
On a aussi utilisé ces assiettes lestées pour donner du poids dans le bras qui ferme dans les tours et détournés, histoire de le sentir davantage et de ne pas le laisser à la traîne ;
des bandes élastiques qu’on utilise habituellement pour travailler les pieds, ici pour sentir la résistance des bras et du dos (dans les tours, notamment) ;
de grands éventails pour travailler sur l’amplitude du mouvement (je n’avais jamais vu des éventails comme ça : le tissu se prolonge au-delà des baleines, frémissant comme la queue d’un poisson exotique).
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De la séance de psy, je ressors triste d’être vénér et vénér d’être triste. On ne peut pas gagner le boost de neurones et de bonne humeur à chaque fois. (Le lendemain, je réaliserai avoir été en SPM.)
Mardi 23 mai
Séance en autonomie. Du yoga pas trop violent mais qui bouge quand même ? Je propose de lancer une vidéo d’Adriene. Les commentaires de mes camarades qui découvrent la chaîne et ses idiosyncrasies (attends, mais Benji, c’est le chien ?) rendent la séance plus ludique, mais cela crée aussi une distance, une résistance : je reste sur le qui-vivre, craignant que mes camarades puissent ne pas apprécier une proposition dont je me sens responsable. Cette séance ne propose pas un flow fluide comme c’est souvent le cas chez Adriene : deep stretch, on aurait dû se méfier de l’intitulé. Mais comme le fait remarquer L., alors qu’on attendait dans une position improbable qu’elle prenne fin, la succession des étirements est bien pensée. On s’amuse en outre de nos zones de raideur et de souplesse inversées : ce qui est une quasi-torture pour C. et moi est d’une aisance déconcertante pour L., qui luttait quelques instants auparavant alors que C. et moi nous la coulions presque douce.
Séance de chant mis en mouvement avec des enfants d’école primaire. Il y a une raison pour laquelle je danse et ne chante pas, comme par exemple le fait que mon timbre de voix n’est pas très agréable ou que je peine à trouver la bonne hauteur et à conserver le rythme. Par exemple. C’est la dernière semaine de cours, mais c’est un peu la semaine de trop.
À chaque cours de musculation des chaînes musculaires sa découverte d’un pas de danse classique que je fais de traviole. Aujourd’hui : mon pied gauche part complètement en serpette dans les soubresauts (merci la parallèle pour cette révélation) et je perds l’alignement avec le genou. Il va falloir que je trouve comment corriger ça avant que ma street cred de prof d’éveil-initiation en prenne un coup.
Mercredi 24 mai
La première partie du cours d’AFCMD est théorique, stimulante : quand même, il y a tant de choses à apprendre, à découvrir, à étudier, ouvre-toi un peu meuf, sois curieuse, merde. On passe à la pratique : nope, sortez-moi de là rapidement, par pitié. Bouger au ralenti en produisant toutes sortes de sons ne me fait pas vibrer.
Qu’il s’agisse de respiration ou de sexualité, je dois me rendre à l’évidence : j’ai du mal avec le corps organique, viscéral, qui ne soit pas le corps musculo-squeletique qu’on peut s’entraîner à contrôler. Je jouis de la maîtrise, pas du débordement.
Passage à la médiathèque et, pouf, après-midi évaporée.
Jeudi 25 mai
É. a rapporté du banana bread pour fêter la fin d’année imminente. C’est toujours elle, souvent du moins. J’ai eu un court moment de motivation l’an dernier (un banana bread également), et depuis manque à ce genre d’attentions.
Nous prenons un verre en fin de journée, presque toutes ensembles, comme nous l’étions plus régulièrement l’an passé, en première année, quand les amitiés ne s’étaient pas encore resserrées en géométries variables à l’extérieur des cours. Il m’a fallu du temps cette année pour m’ajuster à cette nouvelle position, ne pas être exclue sans être vraiment incluse, trouver la juste distance pour ne pas être blessée d’entendre tout ce qui se fait sans moi, sans d’autres, sans m’isoler et m’exclure des discussions, qui restent gaiement ouvertes à toutes, en tout temps. Diplomatiquement invitée à un anniversaire parce que j’avais cours le même soir dans la même rue, j’ai pris conscience que cette sociabilité, vers laquelle je lorgnais avec une pointe de regret, ne me convenait pas, qu’il n’y avait aucun regret à avoir, sinon celui d’être un peu éloignée géographiquement de mes amies. Je ne sais pas appartenir et ne pas appartenir. J’apprends en triangulant, en discutant vivement avec les unes puis avec les autres, essayant de me tenir à équidistance. On mettra ça sur le compte de l’âge, de ses décalages.
Nous prenons donc un verre en fin de journée, presque toutes ensembles, et je suis à équidistance des autres de la table, des boissons ou non alcoolisées. Un tour de table désorganisé se fait des pires et meilleurs moments de l’année, manière de nous réapproprier le questionnaire de l’école, rempli avec plus ou moins de diplomatie. Le pire fait catharsis, le meilleur tourne pas mal autour de la carte blanche chorégraphiée en commun. L’idée est lancée d’imprimer des T-shirt personnalisés, entre tics de langage (dont un que je n’avais jamais relevé), phrases mémorables et autres petites idiosyncrasies. Il y a encore des hésitations pour certaines, mais mon cas est tranché, déroulé des deux mains comme une enseigne en néons : chocolat noir. Avec une précision de taille, grossie à proportion de l’amertume perçue quand elles essayaient un carré : 90%. Fair enough. C’est tranché également pour J. : ce sera Christine. Lors d’une mise en situation où l’on jouait les enfants et où on lui avait demandé comment elle s’appelait, alors que chacune se nommait sans inventivité, elle avait répondu du tac au tac ce prénom qui n’était pas le sien, avec une décontraction, une évidence telle qu’on en avait beaucoup ri. La running joke a continué le reste de l’année, au point de semer le doute chez les premières années : « Mais elle s’appelle J. ou Christine ? » Christine is the queen. Sur le modèle de mon 90%, j’ajouterais bien en-dessous une didascalie entre parenthèses, rappelant nos tentatives pour minimiser ses retards quotidiens : (Elle arrive.)
Vendredi 26 mai
Le conservatoire de Roubaix a un orgue !
Dernier jour dans les studios
Journée complète avec 3 classes d’enfants pour le projet chant et danse. C’est un bon entraînement pour apprendre à gérer de plus grands groupes, mais c’est éreintant. À midi, complètement abrutie, je vote pour abandonner lâchement les maîtresses et retourner déjeuner au calme aux studios. L. et son BAFA se marrent ; elle m’imagine bien en colo, tiens.
L’après-midi, nous passons deux heures à essayer de régler un cercle circassien avec les CE1. C’est trop compliqué pour leur âge — ou alors il faudrait qu’ils fassent de la danse à l’année. La formatrice de chant les en pense capable, et ils le sont d’une certaine manière, mais une manière qui n’est agréable pour personne. Nous reproduisons sans nous en apercevoir les travers de nos formateurs et encourageons-houspillons des enfants de 8 ans pendant 2h30 sans pause. Tout le monde est lessivé à la fin.
La formatrice a voulu attendre le jour J pour fixer les places et les rôles, dans un but pédagogique, dit-elle, afin de garder les enfants attentifs, autonomes. Cela fonctionne peut-être en chant, avec la chef de chœur qui continue de guider sur scène, donne les départs, souffle les paroles, mais pas en danse. Et quand bien même cela marche, marchotte : c’est inutilement stressant pour les enfants.
La restitution a lieu sur scène, devant des parents presque plus difficiles à cadrer que leurs enfants. Parents, fratrie, bébé : ça parle, ça filme, ça crie ; les adultes gesticulent jusqu’à obtenir un coucou de leur fils, de leur fille, censés se tenir bien droit dans la position du chanteur-danseur (à mi-chemin entre “le spaghetti cru” et “le spaghetti cuit”, sachez-le). Nous restons sur scène avec les enfants pour les guider ; je n’ai pas l’impression d’y être, aucune confusion possible entre le rôle du danseur et celui de l’accompagnateur.
Nous n’avons pas le temps de féliciter les enfants que c’est la fin du spectacle, de l’année. Nous sommes en bas des marches devant la scène / à la sortie de l’auditorium au soleil / derrière les grilles du Conservatoire / à la bouche du métro où nous souhaitons quelques bonnes vacances / attablées à la table d’une brasserie artisanale qui, dieu merci, propose aussi du jus de tomate (essayez donc de trouver des boissons non alcoolisées non sucrées…). On finit la tournée du meilleur / pire moment de l’année pour celles qui n’étaient pas là la veille, on enchaîne sur la compagnie où tu danserais dans tes rêves les plus fous, il y a du name dropping contemporain qui ne me dit rien entre deux Batsheva. Le Royal Ballet pour moi, je crois. Ou la compagnie de Russell Malliphant, mais je n’ai pas le temps d’aboutir cette pensée. Pourquoi je ne suis jamais passée par la case interprète ? Darling (je ne le dis pas), je n’ai jamais eu un niveau pro (je le dis). É. me reprend : « Tu as un niveau professionnel. Tu vas être professeur de danse, tu as un niveau professionnel — juste pas d’interprète. » En prime, j’ai le droit à une imitation de comment je danse quand je danse “contempo”, avec des accents dynamiques et des mouvements de tête de drama queen, interprétés par notre drama queen en chef ; ça me fait rire, ça nous fait rire, quand bien même ce n’est pas moqueur. La tendresse aussi peut faire rire. Les comptines des enfants ne cessent de revenir dans la conversation, quelques notes suffisant à rendre fou le juke box collectif. On tente un gage pour dé-chanter : chaque départ de chantonnement est puni d’une goutte de tabasco, obligeamment fourni avec le sel de céleri (le jus de tomate comme jeu à dé-boire).
Samedi 27 mai
Réveillée avant 6h du matin avec les comptines entêtantes de la veille, qui tournent en boucle : ce n’est pas exactement comme ça que j’imaginais mon premier jour de vacances. Mais soit.
Le stress lié à la formation se résorbe, mais le répit risque d’être de courte durée si je me laisse envahir par un autre enjeu, que l’occupation incessante, très cadrée, mettait en sourdine — celui de réussir à finir mon manuscrit, réussir à finir quelque chose, lui donner forme et fin, enfin. Cela me taraude, comme une menace de maintenant ou jamais, hyperbolique, risible mais réelle dans son ressenti. On va calmer le jeu, ramasser ce qui traîne dans l’appartement, faire son Duolingo du jour, prendre des notes pour ce journal, lire Singuliers et ordinaires, L’Éloge des fins heureuses…
J’investis le parc Barbieux en chantonnant Doodley do, je suis la protagoniste d’une comédie musicale, I like the rest but the thing I like best, tout se déroule devant moi, chemin fleuri, soleil, tapis vert, it goesdoo-d-ley-do, j’ai la marche conquérante et la ritournelle implacable, pour un peu les branches se mettrait à faire chœur et les canards à danser, d-ley-do. C’est la bonne humeur des possibles ; je me tiens au seuil des vacances comme un vendredi soir au seuil du week-end.
Dimanche 28 mai
Légère panique à l’idée de ne pas arriver à bout de mon projet, et de ne pas non plus profiter des vacances. Vacances J+2 et déjà l’angoisse de gâcher, le devoir de rentabiliser. Les heures où prendre le soleil et les phases d’efficacité intellectuelles se superposent ; elles s’annulent par synthèse additive en début d’après-midi quand les neurones partent faire la sieste, et la peau se hérisse à l’idée que le bain se transforme en coups. Il faudrait plusieurs matins dans une journée. Ou accepter de ne pas “profiter” du soleil.
J’emprunte des rues que je n’ai jamais arpentées pas très loin de chez moi. L’appareil photo ne sort pas beaucoup de sa sacoche, mais les jambes sont dégourdies.
Les comptines restent envahissantes. Dans la rue, sous la douche, à tout instant. On dirait des pensées parasites. Ça tourne comme un gyrophare. Même les litanies d’Alice et moi ne parviennent pas à prendre le dessus.
Le boyfriend : on veut tout mettre dans sa première œuvre ; on calibre souvent mieux les projets suivants. Je ne suis pas d’accord sur le terme d’œuvre concernant mon projet, mais j’espère.
La fatigue vient avec la tombée de la nuit, rend le sommeil facile.
Lundi 29 mai
Rêve : je prenais le train avec Joël (pourquoi Joël ? je n’ai pas eu d’interaction avec lui depuis des mois voire des années), il rentrait de loin, de l’étranger probablement, et je rentrais aussi, d’où, peu importe, à l’arrivée il s’avérait qu’il y en aurait encore pour 22 heures de route, en voiture, je hâtais la recherche de l’agence de location dans le centre commercial en paniquant à l’idée des heures interminables à venir, je n’aurais pas du prendre ce train, je devrais peut-être prendre l’avion pour repartir, revenir, m’épargner 22 heures de voiture.
Il se pourrait que le manuscrit m’ait donné une impression d’enlisement (22 heures de travail dessus suffiront-elles ? Non).
Au réveil spirale une idée que j’avais déjà eue des années de cela : étudier le comique dans la danse. Ça s’articule et se poursuit pour ainsi dire tout seul dans ma tête : je me rends compte que je suis repartie sur une piste seulement quand, arrivée en bout, je relève la tête de mes pensées comme on sort la tête de l’eau pour reprendre son souffle en crawl après une apnée, pour aussitôt y retourner. Il faudrait que je me lève. Les idées s’articulent en boulette fil de fer et aimantent un tas de souvenirs, de fragments qui viennent s’y agréger comme exemples qui illustrent et relancent le questionnement. Après le petit-déjeuner, je prends des notes. Une page, deux pages, trois pages, un plan pour ainsi dire. Quelque chose de moins ambitieux que le projet que j’ai commencé en 2015. (Je ne me souviens jamais des dates, mais c’était le Nanowrimo et il avait été interrompu par les attentats de Charlie Hebdo.) Me voilà à commencer un nouveau projet alors que je n’ai toujours pas fini l’autre ? C’est n’importe quoi, et pourtant : ça m’a excité le neurone, ça m’a mise en joie ; je me remets à l’écriture dans le présent, curieuse de ce qui va en sortir, sans plus exécuter en larbin les intuitions mortes de mon moi passé. Paralléliser des projets à des stades divers pourrait n’être pas une mauvaise chose, si la vitalité des débuts, l’excitation de la conception rejaillit sur l’écriture plus laborieuse de ce qui a déjà été déniché, pensé, architecturé. (J’essaye aussi, à la fin de chaque séance de rédaction, de garder un passage facile pour m’y remettre le lendemain.)
Il fait un temps à bouquiner dehors pour moi, à faire de la meuleuse pour le voisin. Je fuis racheter un coupe-cuticules. C’est un outil satisfaisant, le coupe-cuticules, je suis satisfaite de mon achat (la lame de l’ancien est tombée entre les dalles de la terrasse, irrécupérable). Deux bulles sont incluses dans le manche en plastique ; quand la lumière du soleil passe à travers, ça me rappelle les bulles d’un presse-papier de mon grand-père. Le pouvoir poétique d’un simple défaut de fabrication dans un objet manufacturé en série…
Impression d’être dans le tableau
Carnation, Lily, Lily, Rose de Sargent
Une routine s’installe : écrire un peu, ce journal, le manuscrit ; faire défiler les aperçus au bas de vidéos YouTube à la recherche de passages que j’ai analysés mais parfois aussi inventés ; déjeuner de petites salades ; se faire jouir et s’endormir un peu derrière les rideaux au soleil ; lire (la fin de l’Éloge des fins heureuses) ; sortir enfin un peu, pour les jambes ; dîner, regarder un épisode de Scenes from a marriage ; m’épater du profil du boyfriend en visio. Nouveauté de fin de matinée : une barre à la cheminée, pour se remettre les muscles en place. Le placement s’installe, je le sens, une puissance venir.
27 mai
29 mai
30 mai
31 mai
Mardi 30 mai
28 mai, dans Roubaix
30 mai, depuis la terrasse
Mercredi 31 mai
Vite, vite, tourner les pages, recopier, sauvegarder des extraits avant de rendre les livres à la médiathèque. Je voudrais ne relever que les passages qui m’ont intimement marquée, mais je me laisse entraîner à recopier davantage, des formulations clés dans l’argumentation de l’ouvrage. Cela devient long, à quoi bon, mais au lieu de sélectionner davantage, la résignation me fait précipiter la saisie, et le téléphone sans cesse glisse de son rôle de presse-papier.
Je voudrais finir le recueil de Cécile Coulon avant de le rendre, mais la poésie ne peut pas se lire vite, l’intention se heurte à la forme. Des lignes passent sans sens. Puis la lecture imprime son rythme, et je retrouve la luxuriance du jardin, les feuilles qui bruissent sous la lumière, l’accès au présent sensible redonné par le truchement de la lecture et des pauses en son sein.
Mission médiathèque et commission pour Lux, qui était en visite à Roubaix le week-end précédent et regrette de ne pas avoir réalisé un achat. C’est bientôt méfait accompli. Jouer au messager ailé de Twitter m’amuse.
Grandeur et décadence des vitres sales dans la golden hour