Les fossettes de Gaspard Ulliel, le menton de Gaspard Ulliel, la bouche de Gaspard Ulliel, les lèvres de Gaspard Ulliel, qui se détachent de celles de Louis Garrel, je défaille, je me rattrape à la taille cintrée de Gaspard Ulliel, le corps nu de Gaspard Ulliel, oh, et les fossettes de Gaspard Ulliel, je vous ai déjà parlé des fossettes de Gaspard Ulliel ?
Sans mon idéal masculin comme acteur principal, qui fait affleurer tous les tourments du créateur, Saint Laurent serait un peu long. La chronologie lâche adoptée par Bertrand Bonello installe une nonchalance qui seyait à la sensualité fin de siècle de L’Apollonide mais s’enlise dans les errances du couturier. La drogue, les amants, la drogue, encore, avec ou sans inspiration… Des dates s’affichent en énorme en rouge sur l’écran mais ce récit au point arrière, où il faut toujours repartir en arrière pour avancer, peine à bâtir un parcours, une personnalité.
De couturier, il n’y en a guère qu’au début et à la fin du film : un cadre parfait pour y installer une icône, une icône telle qu’aucun vice, aucun tort ne l’atteint jamais. Au contraire, chaque vice, chaque tort, devenant élégance par une diction délicatement maniérée, renforce son statut d’icône, incontestable. Saint-Laurent, c’est le génie, celui qui ne vient de nulle part, ni du travail ni de la drogue, et qui est si bien installé qu’on n’a pas besoin de le (dé)montrer. Bertrand Bonello nous tend ainsi des scènes comme le couturier tend ses dessins, sachant qu’on se chargera de leur donner la forme escomptée. On : les spectateurs, les petites mains, tous ceux qui s’inclinent devant une légende qu’ils ont par leur croyance participé à construire. À commencer par Pierre Bergé, l’homme de l’ombre qui a oeuvré pour faire d’Yves Saint-Laurent un nom, veillant à la rentabilité de la maison et à la réputation de son compagnon. Ironie que ce biopic qui lui rend hommage alors qu’il l’a désavoué – et qui, lui rendant hommage, ruine ses efforts pour calfeutrer et même commercialiser un parfum de scandale. Opium du peuple que la fêlure des grands.
Au final, plus qu’une silhouette (que je peine à identifier), YSL est un visage, une marque reconnue, que le film évoque par son affiche – le profil du créateur plutôt que la silhouette d’une création. Le biopic terminé, je ne sais toujours pas très bien ce qu’a apporté à la mode cet homme qui aimait les hommes et n’habillait que les femmes : que la femme soit, en costume, un homme comme les autres ?
Mit Palpatine