[Pas de photo : la flemme d’aller les charger sur photobucket, le post est déjà bien assez long, et j’ai mis les liens vers les vidéos, ce qui est plus appréciable. Puis comme je ne suis pas rentrée directement après le ballet, et que je suis encore sortie hier soir, le post revèle ma grande fraicheur d’esprit.]
Ce ballet était à l’affiche il y a deux ans, et une discussion avec un HK m’avait déjà fait regretter de l’avoir loupé : alors cette fois-ci, le regret potentiel de le manquer à nouveau ayant été ravivé par quelques posts, j’ai décidé d’y aller, fusse à l’arrache (comme tout ce que je fais en ce moment) et même au prix d’une place de parterre – que je ne regrette aucunement, puisqu’il est très appréciable d’être proche de la scène pour les pas de deux, surtout quand le ballet en est majoritairement composé.
On pouvait sans trop de risque supposer qu’une interprétation chorégraphique de la Recherche du Temps perdu n’allait pas mettre en scène quantité d’ensembles, encore que le roman soit entre autres choses une fresque de la société. Le programme précise qu’il ne s’agit pas d’une adaptation linéaire ; le contraire eût été à redouter, soit que les grands lignes eussent été vides de sens, soit que le fourmillement de détails nous eut embrouillé l’argument au point d’en faire une intrigue (discussion fort amusante ce midi sur les histoires des opéras et ballets, d’ailleurs). Peu importe que les jeunes filles en fleurs reviennent après que le temps ait été retrouvé, ou qu’Albertine et Andrée aient dès leur jeunesse du goût l’une pour l’autre. Roland Petit a retenu des ambiances, des scènes, et surtout des couples, au final, qui sont organisés en diptyque : quelques images du paradis proustien dont la légèreté est contrebalancée par l’intensité de celles de l’enfer proustien. L’idée est plutôt bonne, quoiqu’elle ne corresponde pas vraiment aux états successifs et contradictoires dans lesquels est jeté le narrateur proustien, et sur lesquels insistent les « intermittences ». En revanche, la discontinuité qu’elles suggèrent entre ces mouvements est très marquée, puisque le ballet se compose d’une série de tableaux qui, dans la première partie, semblent plus juxtaposés qu’autre chose, tandis que la deuxième partie réussit à créer une véritable cohérence qui ne laisse pas au spectateur le sentiment d’abandonner une scène pour passer à un autre, encore que l’on y passe bien d’une émotion à l’autre. Car si on oublie le côté patchwork aussi vite qu’on le ferait de celui d’une couverture dès que l’on s’est glissé dessous, c’est que les tableaux réussissent à émouvoir, et que, à leur manière aussi fluides que le texte, ils nous offrent un petit morceau de temps à l’état pur, de la présence, une intensité.
Acte 1 Quelques images des paradis proustiens
Juxtapositions artificielles mais plaisir authentique
« Faire clan »
Le premier tableau plante le paysage social du salon des Verdurins, où les invités bougent avec la mollesse de branches d’arbres bercées par l’air. Vaguement hypnotique, je ne sais toujours pas pourquoi j’aime ce genre de scène, que ce soit en danse (l’intérieur de la maison dans Wuthering Heights par exemple), ou en littérature (de Balzac à Claude Simon). Il faut croire que les souris sont comme les pies, attirées par tout ce qui brille, et en cela de vrais pigeons. Mon chéri Marcel était sage comme sa photographie, posé côté cour à la façon d’une signature au bas d’un tableau : voilà le poinçon qui authentifie les sources. L’exemplaire d’origine a en effet été lu et relu au point que certaines pages sont volantes : celle du salon des Verdurins s’est détachée du reste, elle est lue à part, en décalage par rapport aux pas de deux intimistes qui vont suivre – quand bien même c’est chez Madame Verdurin que Swann et Odette entendent pu la première fois la sonate de Vinteuil (enfin, je crois).
« La petite phrase de Vinteuil »
Mathilde Froustey est toute entière musique, insaisissable de fluidité, dans une robe blanche magnifique (ou plus sûrement ses jambes ainsi découvertes), longue derrière et courte devant, formant un pli arrondi relevé aux hanches – comme ça on dirait la description d’une tenture ou de vieux rideaux, mais je vous assure que c’est ravissant. Avec elle, une simple quatrième pointée derrière devient une délicieuse parenthèse dans la danse. Il faut en outre reconnaître qu’elle a une technique éblouissante, mais c’est justement à ce qu’on ne la remarque pas. Sa danse efface les pas et le geste disparaît derrière le mouvement sans rien perdre de sa précision et de sa signification. Disparaît également son partenaire, Yann Saïz, dont je me suis parfois demandé si le genou ou le pied en dedans était un pas parallèle voulu par la chorégraphie ou non – danser avec Mathilde Froustey ne pardonne pas.
« Les aubépines »
La douceur ambiante du tableau ne s’y prêtait pas, mais la salle aurait applaudit à la simple vue de la scénographie comme cela avait été le cas lors des diamants dans les Joyaux de Balanchine, que cela ne m’aurait pas étonné. Ce doit être l’effet truc suspendu dans les airs, façon guirlande design dans les Joyaux, et nuage d’oiseaux en origami dans Proust. Qui de surcroît flotte et se déplace comme un essaim paresseux. Ajoutez quelques ombrelles arrangées avec goût, cela se déguste comme une petite mousse légère.
« Faire catleya »
Je ne sais pas si c’est Christelle Granier en Odette, Bruno Bouché en Swann, la chorégraphie ou l’accord du couple, mais ce passage est formidable. Les deux danseurs, dans leurs costumes de « ville », sont également acteurs, et si la coquetterie d’Odette semble assez aisée à jouer (quoique agréablement non sur-jouée, justement), la présence de Bruno Bouché est plus saisissante encore. Les avances de son personnage sont assez pressente
s pour rappeler à qui Swann a affaire, tout en demeurant dans un registre qui sied à sa condition. La demi-mondaine est de son côté tout en demi-teinte, et la façon dont elle éloigne les bras de Swann est par exemple parfaite. Une image particulièrement me reste en mémoire : le couple de profil, initialement dans la même direction, Odette en grand cambré arrière, et Swann qui, de ses bras placés en un arc-en-cercle de même envergure que le cambré, dessine l’onde d’un corps que l’on peut imaginer frissonnant ; bras et cambré s’emboîtent à distance.
« Les jeunes filles en fleur »
Le tableau tient plus des aubépines que des catleya, mais ces jeunes filles en fleurs s’épanouissent bien, la corolle de leur robe au vent. J’aime au début, lorsqu’elles sont réunies en massif, leurs mouvements initiés par les genoux, en sixième face public. Puis quand ce même groupe isole Albertine du jeune narrateur (le livret marque Proust jeune, petite hérésie que l’on pardonnera), tout en la plaçant au centre de l’attention. Et surtout, j’adore Eleonora Abbagnato, qui de toutes les fleurs pourrait être associée à la rose si l’on ne faisait par là un bond de quatre siècles dans l’histoire littéraire. De toute façon, elle est moins mignonne qu’expressive, la fadeur du rose ne lui convient pas. Je garde un peu de munition d’enthousiasme élogieux, parce qu’elle apparaît dans les deux tableaux suivants.
« Albertine et Andrée ou la prison et les doutes »
Le titre me paraît un brin excessif, elles n’étaient pas bien tourmentées pour être en proie au doute. Et il faut pas mal d’imagination pour voir dans leur tendre marivaudage un potentiel pendant aux amours homosexuelles masculines de la deuxième partie. Ou alors c’est que Caroline Bance en Andrée ne m’a pas entièrement convaincue – non, le soupçon n’est pas permis sur Albertine.
« La regarder dormir »
Mon tableau préféré de cette partie avec « Faire catleya ». Déjà, la scénographie est admirable, tout simple qu’elle soit : un immense drap blanc coule depuis les cintres en fonds de scène côté jardin, entraînant avec lui la lumière des projecteurs qui tombe sur Albertine endormie. C’est autour d’elle que se structure le solo de Christophe Duquenne, jeune Proust (qui non seulement n’est pas Proust mais n’est plus si jeune que cela – qu’importe) davantage prisonnier de sa jalousie qu’Albertine ne l’est de son emprise – et ses mains arrimées l’une à l’autre dans le dos rendent concrète l’expression. Il relève Albertine comme s’il la ressuscitait et contrôle la somnambule avec autant d’aisance qu’un marionnettiste : un mouvement de bras, et Albertine de reculer en rapides menées en parallèle (j’adore ces pas que je déteste pourtant danser – il faut dire que j’ai vaguement l’air d’un crabe à force de lenteur, tandis que sa rapidité confond presque les deux chaussons. Je me souviens d’ailleurs de la première fois où je suis allée à l’opéra, voir Giselle, et où Myrtha –plus de souvenir de la distribution en revanche- m’avait semblé montée sur roulettes).
Le pas de deux proprement dit est sublime et son souvenir ne se laisse apprécier que par la mémoire de figures précises… arabesques déséquilibrées par des bras cherchant la fuite ; porté en grand écart renversé ; promenades en attitude pliée devant, le buste recroquevillé sur la jambe, à essayer de se dérober à la jalousie envahissante de son partenaire, promu au véritable rang de boulet lorsque, allongé sur le dos et agrippé aux chevilles d’Albertine, il l’entrave dans sa marche et ne cesse de revenir à sa hauteur. Dit comme cela, c’est un peu ridicule, mais je peux vous assurer qu’il n’en est rien sur le moment. Pour preuve de ma bonne foi, voici une version que j’ai trouvée sur youtube, dansée par Lucia Lacarra (je l’avais vu danser ce pas de deux, mais c’était avec Cyril Pierre). Tout en sachant qu’Eleonora Abbagnato, si elle n’a pas les possibilités physiques de la précédente, ne laisse pas de donner une autre ampleur à son rôle (c’était un petit rajout d’enthousiasme pour la route). Le tableau s’achève lorsque le rideau tombe, sauf qu’il ne s’agit pas de celui de la scène mais du drap qui en ondulant va faire un linceul à Albertine, tandis que mini Prousti, de dos libère ses mains, doigts écartés, monte les bras au ciel et semble commander en apprenti sorcier des sentiments à la disparation de l’objet de son amour.
Acte II Quelques images de l’enfer proustien
Ou comment l’on passe de délicieux petits-fours sucrés à un rôti bien ficelé (force est de reconnaître que les flammes de l’enfer permettent une cuisson à point).
« Monsieur de Charlus face à l’insaisissable. »
Côté jardin, au fonds, sur des gradins, deux brochettes d’imperturbables spectateurs, gantés de blanc, qu’on pourrait presque prendre pour des juges de la prestation de Morel s’ils n’avaient pas les applaudissements si étriqués (à côté, une caricature de vieille de salon de thé, qui parle la bouche en cul-de-poule paraîtrait excentrique) : c’est du plus bel effet visuel. Mêmes gants blancs et effet encore plus comique pour Monsieur de Charlus, logé dans un corps tout sec de Simon Valastro qui confère à son personnage en aspect de lutin hystérique. C’est curieux, cet aspect électrique est bizarre ; j’imaginais le personnage imposant le respect à force de graisse et affichant d’un même coup son rang social et le mépris qu’il lui voue par une lenteur empreinte d’une gravité affectée. Il faut néanmoins avouer que l’humour introduit correspond bien à celui que l’on trouve dans le texte : les piques se cachent dans les vagues de propositions, les personnages ne manquent pas de s’y empaler, jusqu’à se dégonfler comme des ballons de baudruche : tout le monde en prend pour son grade, et le lecteur pour son plaisir. Réjouissant de méchanceté.
L’ironie moqueuse du personnage de papier se tourne en ridicule contre sa représentation scénique – mais non contre le danseur lui-même, s’il est vrai que son jeu de scène est drolatique, surtout lorsqu’il essaye de s’approcher de Morel et trace le contour de sa silhouette à coup de mains gantées qui semblent buter contre une vitre – fumée, hein, la tenue noire de Morel ne semblant pas immédiatement suggérer au baron que l’âme de son jeune premier lui est assortie. Quant à Audric Bezard, il vaut bien l’admiration que lui voue Monsieur de Charlus : grand et fin à l’extrême, sa présence et sa grande aisance technique lui permettent de narguer allégrement le baron, de demeurer de marbre face à son empressement (en même temps, avec un physique de statue grecque…), et ainsi de former un excellent duo avec Simon Valastro.
« Monsieur de Charlus vaincu par l’impossible »
Cruelle déception, l’Apollon s’est trouvé quelques nymphettes qui, n’étant pas attachées à un dieu, prennent l’apparence de prostituées : joyeux bordel dans les projets du baron, qui observe horrifié la partie de plaisir à laquelle sa proie se livre avec des êtres féminins – brrr, tremblez, baron, devant ces ravissantes domestiques du vice, en cha
ussettes rayées, jupes retroussées, bustier garni et choucroute orangée sur la tête. Elles sont pourtant parfaites dans leur rôle, jusque ce qu’il faut d’aguichant dans les épaulements sans tomber dans la caricature vulgaire (en même temps, qui a déjà mis des chaussettes rayées à des filles de joie ?). Tandis que le dieu du stade, nu comme un vers, mais dans une position fort étudiée, s’est installé sur le divan/lit/pouf rouge, les modèles de Toulouse Lautrec, mi-voilées mi-dévoilées par trois grands pans de tissu rouge qui tombent des cintres (comme c’était le cas pour le dernier tableau de la première partie), assurent le spectacle avant de s’en donner à cœur joie (et d’y faire participer le spectateur) en poursuivant Monsieur de Charlus. Et pendant que Morel se repaît du spectacle de ses poules, on peut vérifier la plastique impeccable d’Audric Bezard. Heureusement, il finit par se relever et aller se rhabiller pour se préparer à danser de nouveau – parce que le port de tête a beau être superbe, sa danse l’est bien plus.
« Les enfers de Monsieur de Charlus »
Le spectateur prend la place du narrateur proustien du dernier tome, derrière l’œil de bœuf, à travers lequel on assiste aux débauches du baron. Les chaînes sont remplacées par les bras musclés de quatre durs à cuire qui avec des portés athlétiques en font voir de toutes les couleurs à notre maigrichon Charlus – l’effet comique né du contraste des tailles et corpulences est encore renforcé par les rasants qui projettent sur le mur les immenses ombres des bourreaux de victime volontaire. Charlus est secoué comme un toon, retourné comme une crêpe (par ceux qui cherchent à le piétiner en cadence), battu comme du linge sale et essoré vigoureusement avec force vols planés. Une grande rasade de Tex Avery dansé, l’humour ne le cède jamais à la pitié.
« Rencontre fortuite dans l’inconnu »
Après des débauches si enlevées vient en contrepoint un tableau de calmes voluptés : « l’obscurité qui baigne tout chose comme un élément nouveau a pour effet, irrésistiblement tentateur pour certaines personnes, de supprimer le premier stade du plaisir et de nous faire entrer de plain-pied dans un domaine de caresses où l’on n’accède d’habitude qu’après quelques temps. » Le programme donne le ton citation à l’appui, mais contrairement à ce que pourrait laisser croire l’allusion à l’obscurité, la scène est lumineuse. Un panneau blanc puissamment éclairé transforme les danseurs qui évoluent en avant-scène en ombres chinoises. Un pur jeu de formes est alors offert au regard par les corps de trois hommes et une femme, qui justement ne mettent plus les formes entre eux. L’emmêlement des corps n’échappe à l’acrobatie que grâce à la force des danseurs et la solidité de la danseuse, qui semblent évoluer dans une sorte de liquide amniotique lumineux. Des portés aux positions improbables se s’enchaînent dans une liaison parfaite, les poses sont plus que suggestives (corps en jonction ou qui jaillit, main écartée dans le prolongement du corps dressé en diagonale…) mais cet explicite n’est jamais vulgaire, la nudité restant implicite : tous sont en collants, y compris Juliette Gernez (pourtant avec toutes les manipulations des portés, cela ne devait pas être très confortable), mais la pudeur est préservée par le contre-jour. Il ne reste que des corps, des lignes, des courbes, du mouvement pur, liquide, lumineux – une esthétique éblouissante.
« Une rencontre fortuite » était en rupture avec les débauches enjouées du baron, arrivant avec la nécessité d’une petite mort après le crescendo du tableau précédent ; il est plus en continuité avec le tableau suivant, d’où que l’on peut le voir comme une transition entre le ton outrancier et comique de Monsieur de Charlus et celui tout en intensité du duo Morel/Saint-Loup, bien qu’il présente une discontinuité dans la trame narrative. (mouais, pour la clarté, on repassera).
« Morel et Saint-Loup ou le combat des anges »
Morel est censé pervertir Saint-Loup (d’après le livret, parce que là on tombe dans les volumes que je n’ai pas lus), mais le « combat des anges » oppose moins deux forces antagonistes que chaque homme à son vice – enfin ce qui était alors considéré comme tel ; d’où qu’on a l’impression d’assister à l’expression d’une passion plus que d’un combat. Pas de binaire noir/blanc, d’ailleurs, ils sont habillés à l’identique (quelques secondes pour les démêler l’un de l’autre). Le binôme fonctionne très bien, puisque Audric Bezard et Hervé Moreau sont de même taille, tous deux fins et dotés d’une solide technique. Mais entre le sujet et l’étoile, la différence se fait sentir, et pas dans le sens où on l’attendait : Audric Bezard ressort beaucoup plus que son aîné dont la personnalité paraît plus fade. Je crois que je n’avais jamais vu danser Hervé Moreau, mais ce n’est pourtant pas impossible, vu qu’il ne me laissera pas une impression inoubliable. J’ai l’air de cracher dans la soupe, comme ça, parce qu’il est indéniablement très bon danseur, mais certains, même plus bas dans la hiérarchie, sont tout de même autrement artistes – les ballets de Roland Petit font particulièrement ressortir la différence qu’il peut y avoir entre les deux, et qui ne saute peut-être pas aux yeux de la même façon dans un ballet classique, moins théâtral. Autant dire que cela ne m’a pas empêché de rêver sur mes deux oreilles.
Les duos entre hommes ont ceci de plus par rapport aux pas de deux en couple qu’il n’y a pas un des deux qui éclipse son partenaire uniquement préposé à le mettre en valeur : les portés sont à double sens, les danseurs s’équilibrent, conjuguent leurs forces pour démultiplier leur puissance. Pas de risque de coquetterie, à partir du moment où l’un accepte de glisser sa main dans celle de l’autre, les forces se heurtent à égalité ou s’abandonnent de concert.
« Cette idée de la mort… »
Pour finir, rien de mieux que de faire mourir tout le monde, c’est radical comme expédient – mais que cela se fasse avec brio ! Ce dernier tableau n’en manque assurément pas, qui fait réapparaître la société aperçue lors du tout premier tableau, mais vieillie, grimée de fard blanc, unifiée dans des costumes noirs, société dont les mouvements autrefois fluides se sont grippés jusqu’à devenir saccadé. Les morts en devenir sont désarticulés comme leur futur squelette et font du bal du Temps retrouvé une véritable danse des morts, orchestrée par Madame Verdurin devenue duchesse, Stéphanie Romberg, sculpturale en maîtresse de cérémonie, parfaite dans le rôle. Les différents couples refont surface avant de disparaître de celle de la terre : c’est le bouquet de ce feu d’artifice final, avec force fumée d’ailleurs. Il faut également compter dans la scénographie un immense miroir qui est suspendu obliquement en fonds de scène, mais je manque d’interprétation foireuse sur ce coup-là : démultiplication des morts ? enfermement dans un espace plus aplati (puisque le miroir est incliné) ? rappel de ce que ce n’est qu’un reflet de l’œuvre que l’on nous a proposé ? Quoiqu’il en soit la fin est grandiose. La mort arrive comme une clôture nécessaire pour donner à la vie de ces personnages la figure d’un destin – et celle de Proust, figée dans sa pose de p
hotographie (la même que lors du premier tableau – le ballet est peut-être plus construit que je ne le croyais) signe celui de son œuvre : beau devenir que ce ballet !
Pour une vidéo-résumé / bande-annonce, c’est ici.