Nous avons bien failli ne pas arriver chez ma grand-mère. Des routes parfaitement dégagées débouchaient subitement, avec la netteté d’un découpage administratif, sur des portions de congères. Sous les phares, le vent balayait la neige à la façon du sable dans le désert. Pas moins de sept voitures dans le fossé. Grâce soit rendue aux pneus neige.
C’est ma cousine qui ouvre le bal du safari photo en shootant la star de la soirée, la fourchette le Père Noël. Cela faisait longtemps que nous ne nous étions pas retrouvées – à entretenir cette connivence que les dîners engloutissent parfois dans la nourriture et les conversation générales et indistinctes.
Ces verres en cristal, aussi immuables que le foie gras au menu.
Noël bourgeois avec collier de perle au sapin.
De l’art de faire salon sans faire son rabat-joie en ce jour de Noël.
Bottes cavalières ou chaussons, chaque soeur a sa technique contre le froid.
De main à main.
Géométrie de soirée.
Les photographies encadrées ont vielli mais nous sommes toujours les enfants (à défaut d’être des enfants ?).
Entre carafe orientale et la jelly mit champagne de Country Cousin.
Pour se dégriser, un petit tour dans la cuisine, calme à présent que le repas est terminé et que ronronne le lave-vaisselle. J’y retrouve, plus que dans le sapin rapetissé depuis que j’ai grandi, l’ambiance d’attente nocturne dans laquelle nous baignions jusqu’au moment d’aller nous coucher, lorsque les cadeaux se découvraient au petit matin au pied du sapin. Je serais le Père Noël que je passerais exactement ainsi dans la pénombre de la cuisine :