(500) jours ensemble

[Spoilers]

Les parenthèses du titre sont curieuses, comme si le nombre de jours était incertain ou insignifiant par rapport au fait d’être ensemble. Il s’avère pourtant n’être pas à débattre ; on comprend vite que les parenthèses transforment les trois chiffres en compteur à avancer ou remonter le temps, et ainsi naviguer dans ce film qui parle d’amour sans pour autant être une histoire d’amour, ainsi que nous avertit l’affiche. Ecrit en blanc sur jaune, ce pourrait bien n’être pas sérieux : toutes les bonnes comédies romantiques fonctionnent comme anti-conte de fées. Méfiance, donc. Ou plutôt, toute confiance, en très bon public de ce genre, j’emmène ma grand-mère voir « une comédie romantique » américaine.

Et pourtant, le film tient ses promesses : loin d’écarter les passages obligés (fascination pour les yeux, maladresse du garçon, intérêt de la fille contre toute attente, jeux complices idiots, balade chez le disquaire etc.), il les intègre, non tant pour les renverser, que pour les inscrire dans un cadre plus large qui en interroge la portée. Ce qu’il s’emploie à déconstruire, c’est l’idée de destin, le fameux « parce que c’était lui, parce que c’était moi », auto-justification spécieuse du coup de foudre.

Le personnage de Summer (Zooey Deschanel) est un premier élément, dans la mesure où cette fille, contrairement à Tom (Joseph Gordon-Levitt) qui va en tomber amoureux, ne croit pas au grand Amour (elle grimacerait de la voir écrit avec une majuscule, pour vous donner le ton), à la possibilité de trouver l’homme de sa vie et autres grands chevaux sur lesquels grimper pour que tourne manège. La comédie romantique de base vous la ferait changer d’avis pour les beaux yeux du gars, hop là, c’est encore plus beau quand on a cru que ça ne marcherait pas ; c’est là que le film aurait « failli ».


Déconstruire l’idée de destin n’est pas facile, s’il est vrai que ce que l’on fait pour s’en détourner est précisément le moyen qu’a choisi le destin pour nous y faire tomber (cf. Œdipe). C’est pour cela que la comédie romantique, qui s’ingénie à s’écarter du couple toujours déjà défini du prince et de la princesse, parce qu’il fait s’embrasser les contraires et qu’ils finissent fatalement heureux (mariés et envahis d’enfants ou non, seule concession à la modernité), n’est qu’un conte de fées, quand bien même elle proclame le contraire. Le tonnerre des débuts orageux est justifié par le coup de foudre final – c’est vrai, quoi, le tonnerre précède toujours l’éclair.

Comment le film s’y prend-t-il alors pour renverser les codes d’un genre qui fonctionne sur le renversement ? Comme toujours, tout est question de forme, bien plus que de contenu (les conceptions de Summer sur l’amour auraient très bien pu être renversées par le coup de foudre). La meilleure trouvaille de ce film, d’ailleurs mise en avant dès le titre avec les parenthèses, c’est bien la non linéarité chronologique. Loin de brouiller les repères, les va-et-vient dans le temps de cette relation en donnent l’ossature et empêchent qu’elle ne soit qualifiées d’histoire d’amour. Très rapidement, on apprend que Summer et Tom n’étaient pas a priori faits pour s’entendre, qu’une histoire a pourtant démarré et qu’elle est au point mort. Le suspens n’est pas placé dans la question de savoir s’il va la récupérer (on comprend vite que non – puis cela ne ferait que redoubler la comédie romantique, déjà présente avec la situation initiale), mais dans l’enquête qui devrait nous apprendre ce qui clochait. Là finit la comédie romantique et commence le « film qui parle d’amour ».

La répétition, en ôtant à la linéarité chronologique tout sens prédéfini, est un procédé très efficace : un moment vécu fournit un indice pouvant se transformer en « preuve » une fois intégré à une hypothèse d’interprétation. Par exemple, le motif de la balade chez le disquaire : donné seul, il est l’occasion d’un désaccord mineur (goût musicaux différents) par rapport à la sortie à deux qui en permet l’expression ; répété, il devient un motif de l’obsession de Tom pour Summer ; enfin, sur recommandation d’une gamine qui se pose comme expérimentée et dont on ne sait pas d’où elle sort, réintégré dans un contexte plus large, (Summer traîne des pieds, et décide ensuite de rentrer chez elle pour cause de fatigue – elle ne prétexte pas la migraine, mais c’est tout juste), il est révélateur du comportement de Summer à l’égard de leur histoire. Dès lors, force est de reconnaître que le non-respect de la chronologie ne conduit pas au désordre, mais a sa propre cohérence ; la linéarité, parce qu’il y en a bien une, est celle de la compréhension progressive de sa situation par Tom. On pourrait parler de désillusion, mais il faudrait alors prendre garde de préciser que c’est à propos de lui-même, et non de Summer, qu’il devient lucide.

Tom a beau avoir très clairement senti les points que Summer a mis sur les « i », il ne se raconte pas moins des histoires. Une fois que la répétition de certaines scènes en a élargi le champ, on comprend que l’histoire des premiers jours (enfin premiers temps, laissons-le rêver un peu, tout de même) est le film que s’est fait Tom, qui a réalisé son propre montage à partir d’une sélection de phrases et d’épisodes qui réunit ensemble devenaient significatifs et encourageaient à penser que leur relation pouvait devenir une histoire. Qu’il se soit « fait des films » est rendu évident à deux reprises : lorsque, invité chez Summer après leur séparation, l’écran est divisé entre « les attentes » et « la réalité », avec à gauche le scénario comédie romantique (regards, discussion, baisers de préliminaires) et à droite ce qui le contrarie (attention portée aux autres, silence, solitude dans la foule de la fête) ; puis lorsqu’il va cacher ses pleurs dans une salle obscure et que s’étant endormi, il se retrouve le héro malmené de vieux films noirs et blancs. Dans ces deux cas, il est explicite qu’il s’agit d’une construction personnelle, et il n’est pas anodin que cette évidence n’apparaisse qu’après l’histoire d’amour. Cette dernière n’en était en effet qu’une forme implicite.

 

 

 

[A ce titre, l’affiche est assez réussie : l’espèce de bulle de photos de Summer qui semble reliée à un Tom pourvu d’un cahier semble suggérer qu’il écrit son journal. La déséquilibre entre une seule grande photo de Tom, et Summer fragmentée en de multiples vignettes n’est pas seulement là pour donner à chaque acteur une place d’égale importance. La cohérence du film qui donne pourtant une image kaléidoscopique de Summer, est à trouver du côté de Tom : c’est lui qui écrit son histoire, dont Summer est un personnage avant d’en être la co-auteur.

A cela s’ajoute les couleurs : des couleurs primaires, c’est le rouge (le magenta, si vous voulez chipoter) et sa symbolique en gros sabots qui est exclue. Comme dans l’affiche des Chansons d’amour, vous noterez. Visiblement, je ne suis pas la seule à l’avoir remarqué. ]

 

 

 

En somme, il n’y aurait pas eu d’histoire d’amour parce que Tom s’est raconté des histoires. N’allons pas trop vite en besogne (je sais, je suis gonflée de dire ça au milieu de ma deuxième page Word, mais vous commencez à être habitués –sinon vous ne lisez pas même cela). Toutes les histoires ne sont pas bonnes à jeter ; certaines, au contraire, qui relèvent du jeu, créent une véritable complicité entre les deux énergumènes : le petit délire de jouer à avoir un « chez soi » commun chez Ikéa est de cet ordre. Mais cette historiette est partagée, ce que n’est pas l’histoire d’amour, construite par Tom seul.

Cette autopsie d’une histoire d’amour ratée ne débouche pas sur histoire romantique depuis le coup de foudre jusqu’à l’indéfini du « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants » (ça me semble contradictoire dans les termes, mais passons) versus lucidité cynique « on ne se raconte jamais que des histoires : l’histoire d’amour n’existe pas », mais donne l’ossature d’une relation amoureuse, montre que ce qui importe en premier lieu dans une histoire d’amour, c’est qu’elle soit une histoire, et une histoire écrite à quatre mains. Pas de bricolage avec une réalité dont on délaisserait les aspects déplaisants, mais construction volontaire d’un sens. Une illusion constitutive, dont il ne s’agit pas de se débarrasser, mais de prendre conscience. Après, paresse aidant, on donne moins au sens celui d’une signification que celui d’une linéarité… – fate is back !

Il est finalement beaucoup plus instructif qu’il ne se passe « rien ». Non que rien ne se passe, mais que la chose attendue ne survienne pas. Vous me direz peut-être que c’est parce que je suis en train de découvrir Rohmer, mais ce qui aurait pu avoir lieu mais ne s’est pas produit est formidable, à condition bien sûr que la potentialité ait été effectivement possible (le premier qui me renvoie à l’argument du Dominateur ou à l’être en puissance d’Aristote, je l’explose) : c’est la sensualité de la main de Vermeer qui ne caresse pas celle de la jeune fille à la perle ; c’est l’exposition en vitrine de la collectionneuse ; c’est la nuit chez Maud, où l’on ne peut pas dire qu’ « il ne s’est rien passé » sans pour autant qu’il se soit passé quelque chose ; c’est la fin incertaine de Square de Duras… (500) jours ensemble déjoue lui aussi les attentes du spectateur, ce destin ex machina.

 

Si c’est lorsqu’il ne prend pas que l’on voit comment fonctionne le destin, son échec ponctuel ne signifie pas la démonstration de son inexistence. Il est déplacé, voilà tout. Et puis, il faut que la déception (des attentes) ne soit pas trop amère : alors on laisse à un bel inconnu le soin de passer la bague au doigt de Summer (qui se met à croire au destin, tout simplement parce qu’elle a construit une histoire cohérente qui vient justifier ses choix et à laquelle elle a donné ce nom), et comme après la pluie vient le beau temps, après Summer, on propose Autumn à Tom. Comme quoi les beaux jours ne sont pas question de météo. Du coup, exit le destin, qui laisse la place au hasard. *Kundera power !* C’est formidable le hasard : c’est exactement la trame des coïncidences que l’on choisit de transformer en destin ou non. Cet emploi est si tentant que l’on ne parle guère du hasard que pour désigner la forme originelle du destin. Aristote vous le confirmerait, lui qui définit (avec la simplicité retorse qui est la sienne) le hasard comme « cause par accident concernant celles parmi les choses en vue de quelque chose qui relèvent du choix réfléchi ». Bref, on ne pourrait parler de hasard que lorsque la chose aurait pu se produire suite à une décision. Il n’y a guère que Kundera pour penser la hasard jusque dans son insignifiance : il parle alors de « coïncidence muette » (il y a un mémoire là-dessus à la bibliothèque de P3, il faut que j’aille le lire !).

A une autre échelle, le déplacement du destin serait celui du film tout entier, comme quelque chose réalisé à partir d’un matériau de récupération, ainsi qu’en témoigne le générique et sa délicate dédicace à l’ex du réalisateur qu’il qualifie de « connasse ». Cette dédicace, tout en prenant le contre-pied de ce que toute ressemblance avec des personnes réelles est le fruit du hasard (encore lui), indique que le film est ce qui vient donner un sens à un échec. Le sens à trouver logerait donc bien moins dans un quelconque destin que dans la création (du film pour le réalisateur, des plans d’architecture pour Tom).

 

 

Voir tout se ramifier, ça m’excite terriblement le neurone. Je dérive sacrément, avec ça. Contrairement à mes élucubrations, le film est drôle. Le film par son montage, non par ses dialogues, ce qui est plus fin (maintenant, si c’est Hugh Grant et sa tête de boulet craquant, même une réplique comme « This one is plastic » lancée à la véritable catastrophe de fille qui vient pour arroser ses plantes dans le Come back peut me faire marrer – je suis très bon public, ne l’oublions pas). Les juxtapositions offrent des contrastes qui font sourires : par exemple lorsque Tom compare sa vie sentimentale avec ses amis qui n’ont rien à lui apprendre puisque l’un est avec sa copine depuis la 5ème et que l’autre n’a pas vu une fille de près depuis environ la même époque. Et puis, il y a des fous rires désamorcés en sourire, comme lorsque la voix off annonce qu’il y a deux catégories de personne dans la vie ; on attend un truc puissant un peu concept et là, on retombe dans l’évidence même : les hommes et les femmes, Tom appartenant à la première catégorie, Summer, à la seconde. S’ils finissent (commencent, plutôt) par sortir ensemble, c’est simplement parce que les schémas de séduction sont déjà en place. Et la fiche descrip
tive de Summer par un arrêt sur image le confirme avec humour : taille, moyenne ; poids, moyen ; pointure, légèrement au-dessus de la moyenne.

 

En somme, une comédie qui n’est pas romantique mais qui parle d’amour sans faire d’histoire. Ce blogueur a raison de parler de « grand petit film », parce qu’il est très bon, l’air de ne pas y toucher…

 

Tokyo Sonata

 

 

 

Attirée par l’affiche et le titre, je suis allée seule hier au cinéma – salle peuplée de dames en phase d’être grand-mères. Je n’arrive pas bien à comprendre pourquoi l’on fait preuve d’un tel engouement pour ces personnages ballotés par un hasard destructeur.

On est pris dans le tourbillon (mais vitesse feuille morte qui tombe) d’une descente aux enfers inversement proportionnelle à la montée du père à l’ANPE (immense file d’attente en colimaçon, genre parc d’attraction est beaucoup moins fun). Il s’est fait mettre à la porte de son entreprise – extrême rapidité, déjà la scène du renvoi est filmée depuis l’embrasure- et refuse d’avouer à sa famille qu’il est au chômage. Le costume de businessman prend alors un tout autre sens, celui qu’on enfile pour jouer un rôle pas ludique du tout. Un ami embarqué dans la même pièce, qui a programmé son portable pour qu’il sonne cinq fois par heure, se fait si bien schizophrène qu’il finit par se suicider. Il faudra parallèlement un suicide du côté de la mère (celui du cambrioleur qui l’a prise en otage – oui, oui, cette partie de pétage de câble est assez délire) pour que la famille revienne s’abriter sous le toit commun, port après la tempête.

Et la sonate dans tout cela ? C’est le jeu –musical cette fois-ci- du fils cadet, l’aîné ayant débarrassé le plancher en s’engageant dans l’armée américaine. Celui-là prend des cours de piano en cachette de ses parents, et sa partition est bien silencieuse : on ne l’entend jamais jouer, les scènes de cours de piano commencent à l’instant où il referme le clavier, et il répète chez lui sur un synthé cassé trouvé dans les encombrants. En un mois, il est promu au rang de petit génie, et c’est bien commode pour finir le film. Car on a l’impression que l’individu n’est rien tant qu’il n’a pas un talent particulier, ainsi qu’on réclame au père à chaque entretien d’embauche : le hasard que l’on autorise à porter chance n’est pas l’enveloppe de billets trouvés en faisant le ménage dans un centre commercial (nouveau job du père), mais bien la passion assortie de talent que s’est découverte le cadet pour le piano.

Cela donne lieu à une belle scène finale – celle de l’affiche- où le fils passe son audition dans une atmosphère apaisée. Le vent qui soulève lentement le rideau au fonds de la salle ensoleillée contraste avec la scène initiale de la maison ouverte à tous vents et qui prend l’eau. Il faut dire aussi que les personnages n’ont cessé d’écoper pendant tout le film.

 

Mais l’on a du mal à voir comment le naufrage est évité, comment ils parviennent à composer la famille sur laquelle tout le monde se retourne à la fin de l’audition –miroir du spectateur qui s’interroge ?- alors qu’ils ne faisaient que cohabiter jusque là. Chacun a sa ligne mélodique*, et cela semble pur hasard si de leur juxtaposition finit par naître une harmonie – mon oreille non-musicale enregistre plutôt les dissonances initiales et finit par les percevoir comme des discordances.

Des portées, il en reste surtout les lignes. A l’instant où j’ai vu la maison lacérée de fils électriques, m’est revenu en mémoire cette formule lue sur un blog (qu’il faut aller voir), comme quoi c’est un « film de lignes ». Je n’ai pu que souscrire à cette remarque, et m’amuser de voir le dîner d’abord filmé derrière la rambarde de l’escalier (zébrure en diagonale qui est reprise par le salut militaire que l’aîné en partance dédie à sa mère – et à nouveau, la diagonale est au premier-plan, ligne floue qui déchire la mère – comme une photo) puis, à la fin du film, filmé sous l’angle opposée, la famille étant réunie sous les étagères de vaisselles bien rangée.

 

 

Mais au final, j’ai du mal à trouver une ligne directrice, et plutôt l’impression de m’être fait balader. Certes, le grand air fait du bien – salle climatisée, veste en polaire utilisée comme couverture et foulard passé du cou à la tête, comme une petite tata (qui a dit que le cinéma était glamour ?) – mais. J’ai l’impression de rester en plan, et d’avoir suivi une famille qui disparaît, hors esprit, comme hors champ dans la dernière scène. Restée sur ma faim (d’accord, c’était l’heure du goûter) en étant pourtant vaguement gavée. Quelques rires, quelques visions bien trouvées, mais quelque chose m’échappe. Certains diront peut-être la critique ou du moins la peinture sociale. Mais le père n’agit pas pour donner le change à la société (il se retrouve à la soupe populaire avec d’autres imposteurs comme lui en costard-cravate), mais pour garder son autorité dans une famille qui n’existe plus (impossible d’être crédible en reprochant à son fils d’avoir menti pour le piano quand lui-même déguise son refus d’échec). Question d’apparence peut-être, apparence de courage à feindre de travailler, de professionnalisme (même pour le technicien du surface, comme on fit) à utiliser des produits spécifiques quand un seul pourrait faire l’affaire et de dignité à nier l’échec – et quelque chose qui, contrairement à son ami suicidé, transparaît en-dessous et va permettre au père de garder la tête hors de l’eau, alors même qu’il voudrait se noyer dans le flot – hésitation sur la rive avant de prendre son souffle et de plonger dans le cortège humain en direction du train (quotidien).

Métaphore de la musique et du naufrage : les sirènes tirent la sonnette d’alarme mais silence de l’amer repos. Conclusion sceptique. Hum.

 

* Cela est sensible dans cette critique, par exemple, qui prend les personnages les uns après les autres (mais qui parvient ainsi à une plus grande cohérence de vision que moi – quoiqu’en l’occurrence, ce ne soit pas très dur).

 

Still walking *

 

affiche de Still walking

 

Le synopsis du film, que l’on peut lire partout n’est pas faux, évidemment, mais il ne sonne pas juste. Certes, « une famille se retrouve pour commémorer la mort tragique du frère aîné, décédé quinze ans plus tôt en tentant de sauver un enfant de la noyade. », mais cela n’est pas ainsi posé dans le film. On le devine avant de l’apprendre, les éléments qui permettent ce résumé sont distillés au cours du film, sans jamais que l’on ait l’impression que telle parole a été fourrée ici ou là pour structurer le passé de cette famille. Ce n’est pas non plus que cela soit un mystère auquel nous ferait parvenir des indices successifs : la mort du frère aîné serait plutôt un point de fuite, non pas vers l’avenir, mais dans le passé ; non pas ce vers quoi tout converge, mais ce à partir de quoi tout rayonne ; ce qui ordonne l’ensemble mais n’est pas en soi l’essentiel.

 

Ou plutôt, si ce point de fuite est un horizon, c’est seulement pour les parents. Tournés vers le passé, tout s’incline dans leur mémoire vers ce point de non-retour, jusqu’à confondre Junpei, le frère aîné mort, et son cadet, Ryôta, attribuant les erreurs du premier au second, et les anecdotes malicieuses du second au premier. Confondre mais pas identifier, s’il est vrai que l’absent, qui devait prendre la suite de son père médecin, concentre toute l’admiration paternelle. Alors si Ryôta cache à ses parents qu’il est au chômage, c’est peut-être moins pour ne pas déchoir dans leur estime, que pour ne pas entendre leur reproche de ne pas être devenu médecin –sa vocation première, qui se trouve illustrée dans un dessin d’enfant par trois médecins figurant les trois garçons de la famille- vocation qui, son frère mort, l’aurait relégué au rang de substitut, toujours moins parfait que ne l’eût été l’aîné. Et l’agaçante obsession de Ryôta pour son portable et son indiscret bruitage qui retentit dès que l’on ouvre le clapet, marquent la dissonance qui s’est installée dans la famille, la volonté d’en finir avec la visite annuelle aux parents, bien davantage que l’urgence de retrouver un emploi.

D’où que sa femme le lui arrache, elle qui fait de son mieux pour ne pas gêner sa belle-famille, et pour trouver une place à celui que j’appellerai A. faute de me souvenir de son prénom, fils d’un premier mariage. Malgré ses efforts, et les encouragements de sa belle-sœur, elle demeure comme étrangère à la famille tout en en étant beaucoup plus proche que le mari de ladite belle-sœur : elle est en effet veuve, et l’on devine que ce n’est pas le temps écoulé depuis la mort de son mari, que les parents jugent inconvenant, mais la transposition de leur propre attitude envers Junpei. Comment pourrait-elle ne pas comparer Ryôta avec son premier mari lorsqu’eux-mêmes sont incapables de ne pas retracer sans cesse le parallèle entre leurs deux fils ?

 

 

Le père n’a pour elle aucun égard, mais « papi » porte quelque attention à son petit-fils d’adoption qui, sait-on jamais, pourrait devenir médecin. La mère, au contraire, est plus prévenante envers sa bru, lui ouvre les albums des photos d’enfance, lui offre des kimonos, bref, l’entoure d’une politesse sincère (c’est un peu bizarre comme formule, mais non-hypocrite l’est encore plus), tandis qu’elle traite d’abord A. comme un invité. Petit à petit, néanmoins, celui-ci va s’insérer dans la famille : c’est par cette immersion dans la famille au sens large que va se créer un embryon de famille au sens restreint, qui au début du film, n’existe que sous la forme des trois brosses à dents prévues par les grands-parents. Une scène au début du film met en évidence l’absence de lien entre Ryôta et A. : laissés seuls face à face quelques instants, dans un restaurant où ils se sont arrêtés en chemin, Ryôta se sent obligé d’ébaucher une conversation « Comment ça va l’école ? – Normal. » ; et le gamin de souffler des bulles dans son coca-jus de gingembre (ou un truc bizarre approchant). Le contraste au terme de la journée est émouvant, lorsque Ryôta, prenant un bain avec A. selon le vœu/ordre de la grand-mère, reprend le geste de l’enfant, qui essaye de pincer un grain de beauté avec sa main, parce que, d’après la grand-mère, cela est censé apporter la richesse. C’est donc par les grands-parents que passe ce nouveau lien (Ce n’est pas grand-chose, mais une journée ne peut pas créer une complicité totale, qui paraîtrait bien trop jouée, et bien peu enjouée. ), grands-parents d’adoption qui entourent A. de leur présence sinon encore de leur affection et le gavent d’anguille.

 

 

Ainsi que par ses « cousins » desquels il se rapproche en leur répondant qu’il appelle Ryôta « normalement », c’est-à-dire « papa », alors qu’il refusait à sa mère d’octroyer ce titre à son nouveau mari – le sérieux des enfants qui jouent, en somme. Et l’on a alors le droit à une belle scène où les trois enfants, la petite fille qui a beaucoup grandi « d’1,5 cm » pendant l’été, son petit frère qui a « lâché le kendo » et A. qui suit la petite troupe en grignotant un beignet de maïs, vont se promener dans la rue et se hissent pour saisir et sentir des fleurs (je suis incapable d’être plus précise) : cadrage sur trois petites mains indifférenciées qui effleurent les grappes fleuries sur fond de soleil dissolvant. De la grande à la petite famille, sans oublier celle
qui était la sienne avant la mort de son père : A. confie la nuit au jardin qu’il sera accordeur de piano comme son papa ou, si c’est impossible, médecin.

 

Une famille qui va de l’avant, comme on le verra à la fin, où se répète, après la mort des grands-parents, la visite annuelle sur la tombe de Junpei : arrivent en voiture (le rêve de la grand-père) Ryôta, sa femme, son fils A., toujours présent alors qu’il serait en âge de ne plus suivre forcément sa mère, ainsi qu’une petite fille, née du couple recomposé, transformant une famille « qui n’est pas normale » selon les dires de la grand-mère, en une famille « qui n’est pas anormale » comme lui avait rétorqué Ryôta.

Les grands-parents meurent sous ellipse à la fin du film : cycle normal et destin logique de personnages tournés vers le passé, orientation qui pourrait être symbolisée par l’invitation-torture qu’ils ont réitéré annuellement jusqu’à la fin de leur vie, au jeune homme dont le sauvetage a causé la noyade de Junpei.

On trouve en lui un nouvel avatar du bouc émissaire professionnel, le ressentiment des grands-parents pouvant se nourrir du mépris que le jeune homme leur inspire : vivotant de petits boulots, maladroit, et lourd, au figuré comme au propre – mais au propre du propre, c’est tout sauf propre, puisqu’il est transpirant et que sa chaussette est tâchée de terre. Cette observation fait bien rire A. auquel sa mère est obligée de donner un coup de coude (très bien filmé, au niveau de la tête de l’enfant et de l’avant-bras de la mère, sans que l’on voit la tête de celle-ci), et le spectateur est tenté d’adopter ce rire enfantin, bien plus acceptable que la moquerie teintée de mépris que le jeune homme suscite chez les adultes, et contre laquelle s’insurge Ryôta après son départ : une vie ne vaut pas moins qu’une autre. Bien sûr, Junpei était promis à un plus bel avenir que ne l’est ce jeune homme à l’origine (plus que cause) de sa mort, mais nul ne sait ce que le frère aîné serait devenu : par le jeu de possibles qu’elle renferme, toute vie humaine a droit au respect. Il me semble qu’il serait alors réducteur de ne voir dans l’accès de colère de Ryôta qu’une réaction à une attaque qu’il prendrait ad nominem, étant donné qu’il est au chômage.

Pas une réaction égoïste, mais la revendication d’une valeur au moi, qu’il revient à chacun de construire, dans la solitude comme dans les rapports avec les autres, au sein de la famille. Comme le propose cet article, on pourrait en voir le symbole dans l’importance apportée à la cuisine (le lieu comme la préparation des aliments). Sans trop pouvoir m’expliquer pourquoi (et que l’on ne me dise pas uniquement que c’est parce que je suis une goinfre – normalement les trucs qui baignent dans l’huile me répugnent), j’ai bien aimé ces images d’épluchage, d’écossage de fèves, de grains de maïs qui roulent sous les doigts avant d’être transformés en beignets croustillants – et appétissants. Et puis la curieuse voix de la belle-sœur… le mouvement des bagues qui retournent les morceaux d’anguille et les beignets… la coupe de je ne sais pas quoi que A. tient dans ses mains lorsqu’il déchiffre les noms de médicaments dans le cabinet du grand-père… à ce moment, la caméra prend la place de l’étagère, et l’instant est alors totalement juste. C’est assez ridicule, à dire comme cela – mais c’est dans ses cadrages que le film atteint la justesse. On prend le temps de s’attarder sur des gestes à priori insignifiants, sur des riens qui font tout le film. Bien sûr, le ralenti est parfois ressenti comme de la lenteur, et en presque deux heures, je me suis bien dit deux ou trois fois (peut-être un peu plus) « allez, la caméra, bouge, c’est bon, j’ai vu les fleurs » (je suis peut-être parfois fleur bleue, mais sans fleur, comme vous avez peut-être pu le remarquer). Idem, pour les plans qui, justement, restent en plan lorsque les personnages sont sortis hors-champ. Mais cet attardement est aussi ce qui fait l’intelligence de la chose, sorte de mise en évidence de l’absence.

Un des plans que j’ai trouvé des plus réussis montre dans la partie gauche de l’écran la porte-fenêtre ouverte, dans le reflet de laquelle apparaît toute la famille qui se réunit pour une photo, tandis que la partie droite de l’écran filme un meuble qui se trouve dans la pièce derrière (vidée), devant lequel passent quelques paires de jambes, et sur lequel repose une photo de Junpei. La difficulté même à décrire la scène souligne l’intelligence du cadrage, qui permet une grande richesse d’interprétation. (ou comment escamoter mon incapacité à reproduire une image visuelle cohérente et consistante).

Soit que le rythme du film s’impose à moi, soit que les suggestions issues des non-dits forment de riches étoffes par leur réseau, je patine un peu, et m’arrêterai ici, en espérant avoir réussi à ne pas contribuer à faire de Still walking un film-sur-la-famille quand son esthétique et celle de l’acteur qui joue Ryôta** est sa principale réussite, et que c’est elle qui donne une certaine cadence à sa marche pourtant lente.

 

Still talking

 

* Le titre me laisse quelque peu perplexe… Est-ce le grand-père, still walking avec sa canne ? Des existences qui se poursuivent après l’arrêt d’une d’entre elles ? Ou quelque chose en rapport avec la chanson des grands-parents ? J’avoue ne pas avoir parfaitement suivi ce passage, lendemain de concours oblige. Mais j’aime quand même bien ce titre, qui semble prendre les choses dans la durée, isolant une petite séquence dans le cours d’une vie – une unité de temps presque théâtrale, en somme, et cela fonctionne également pour le lieu et plus ou moins pour l’ (absence d’) action.

 

** Il n’est pas vraiment beau à proprement parler, mais je lui trouve le visage expressif – il est peut-être métis… Plaisanterie mise à part, tous les acteurs étaient bons. Mention particulière pour les enfants, dont on n’a pas l’impression qu’ils font les enfants, ainsi que pour la grand-mère attendrissement folle quand elle poursuit un papillon jaune dans la pièce en étant persuadée qu’il s’agit de Junpei.

Une petite photo pour Melendili ^^

 

 

Revolutionary Road

 

Où l’on tourne en rond, ronde effrénée, jusqu’à prendre la tangente

 

Remarque préliminaire : Melendili a raison, la traduction est pourave (c’est un vrai mot, pourave ? l’ordi ne le souligne pas). A part ça, awesome.

 

 

Le couple de Titanic qui vieillit dans une banlieue américaine des fifties, je trouvais ça louche. Genre un 2 qui ne s’avoue pas comme tel, mais qui aurait un vague goût de sauce rallongée à l’eau. Darlings, il n’en est rien.

D’abord, la déploration couple-rongé-par-le-quotidien est un peu courte – c’est loin d’être aussi caricatural. Frank et April ne s’y sont jamais vraiment installés : il n’y a pas à proprement parler de dégradation effilochement ruine progressive, plutôt une inadaptation chronique qui devient aigüe au fil du temps. D’où l’on ne voit pas l’ « avant » installation, si ce n’est sous la forme d’une brève scène de rencontre, et de la visite avec l’agent immobilier, et encore, cette dernière est insérée en flash-back explicatif.

Inadaptation chronique, donc – à la vie, de façon générale, et l’un à l’autre en particulier.  April doit laisser de côté ses rêves de comédienne, non tant que l’ambiance familiale soit à la femme au foyer (lors de leur projet d’aller vivre à Paris, ce serait lui, l’homme entretenu), mais she’s not up to it. Elle n’en sait pas moins ce que c’est de vivre pour ce qu’on aime, et décide de secouer son mari pour qu’il trouve sa vocation, et à travers lui, sortir leur couple de l’image d’Epinal des perfect Wheelers, foyer en tous points conforme à l’American dream. Tout en apparences, ou plutôt en reflet, comme avec au départ, l’approche de Frank dans le rétroviseur rutilant de sa voiture ou, plus tard, le visage désespéré de la voisine dans la glace. 

 

 

Faire en sorte que ces reflets ne soient pas le seul brillant (dans toute sa dureté) de leur existence terne (malgré le soleil qui fige le tout dans un glaçage de pelouses tendres, de fleurs zet papillons, il fait bon ne pas vivre). Et donc, partir pour Paris, avec les enfants, et peur, mais sans reproche.

Which seemed a good idea. The point is: Frank hasn’t got the guts to do it. Bien sûr, il décide de partir, il l’annonce à tous ses voisins, mais une offre de promotion dans une boîte qu’il déteste vient à point nommer pour attraper une bonne excuse que lui fournit April bien malgré elle, enceinte d’un troisième. Rien ne sert de courir, il ne partira point. Lâcheté ? Yes… but no, would have said my English teacher, as it is his customs. April a le courage de l’optimisme du désespoir – s’accrocher à n’importe quoi pourvu que. Le projet est a bit irrealistic, comme ne cessent de le répéter les voisins, inquiets que l’on puisse avoir la force de partir en les laissant dépérir dans leur vie forcée – et sourire colgate qui ne va plus de soi.  Peut-être, après tout, April ne fait-elle que déplacer le problème : la période du changement euphorique passée, qui dit qu’une nouvelle routine ne s’installera pas ? Quand on lui demande ce qu’il fera de son temps, à Paris, Frank répète qu’il cherchera sa vocation, qu’il se cultivera, qu’il lira ; alors que la maison est pleine de livres jamais ouverts, parfaitement alignés dans la bibliothèque.

Il faut du courage pour changer de vie, mais il en faut également pour continuer vaille que vaille (quelque chose qui ne vaut pas grand-chose mais coûte beaucoup). Si April paraît d’abord beaucoup plus vigoureuse que son mari, son mari la rattrape ensuite peu à peu jusqu’à une égalité nulle. Il la trompe le premier, so does she. Elle a le courage d’essayer, de partir, lui de continuer, de rester. Il n’a pas celui de partir, elle n’a pas celui d’envisager une possible défaite, que the European dream soit aussi nightmarish que chez eux, simple renversement du point de vue car de l’autre côté de l’Atlantique. Rien à faire, il y a entre les deux quelque chose de brisé, un navire titanesque qui a sombré dans une vie antérieure – et la main du voisin sur la vitre quand ils font l’amour, la voiture garée au bord de l’eau (je me suis bâillonnée avec mon écharpe pour ne pas exploser de rire dans une salle alors silencieuse devant cet appel de phare à la légèreté de clin d’œil de garçon de café). La lâcheté de Frank, ce n’est peut-être que de ne pas prendre le risque de constater un nouvel échec, de préférer les regrets aux remords – il reste toujours le conditionnel, après tout, l’Europe ne s’envolera pas.

Frank se constitue prisonnier (magnifiques ombres des barreaux de la fenêtre ou des rideaux) et préfère vivre dans le mensonge, même lucidelet’s be spinozistes, nous ne sommes pas libres du seul fait que nous soyons consc
ients de nos actes. Je crois que c’est ce qui évite au film de tomber dans le cliché. La frontière entre courage, lâcheté, force et résignation s’en trouve brouillée. Cela me fait mieux comprendre rétrospectivement cette tension qu’il y avait dans le Parc de Duras (I know, j’ai les rapprochements élastiques). Je n’aurais jamais pensé qu’il puisse y avoir une forme de force à persévérer dans ce qui ne nous plaît pas, dans la reconnaissance que nous ne sommes pas géniaux, pas différents des autres, pas faits pour la vocation dont on rêvait. Et qu’au final, le rôle le plus difficile, ce n’est pas celui de la scène auquel April renonce, c’est celui qu’elle endosse après une dispute terrible (filmée caméra au poing, genre thriller April-Frank-cible-du-destin-dans- le viseur-d’un-fusil-muni-d’un-silencieux), celui d’épouse qui s’intéresse aux ordinateurs pour la vente desquels son mari est promu (pas encore totalement dans on rôle : la ménagère parfaite aurait hurlé en le voyant dessiner au bic sur une serviette en tissu, tu te crois au restaurant, peut-être ?). Le jeu de papa-maman-dans-une-belle-maison contre lequel s’insurge le fils fou des voisins, qui à la première visite dérange les parents mais comprend la tentative de révolte du couple (mise en place de sa crédibilité) et à la deuxième balance leur échec à la tête en gros plan d’April (tentative pour refouler tout ça, qu’il retourne dans son asile). Le philosophe (mathématicien, ça fait mieux de nos jours) est toujours pris un fou quand il dit la vérité – simple renversement de la caverne -des intestins humains- et du soleil -éternel du bonheur factice-. 

 

 

 

Il faut du talent pour éviter l’écueil de la médiocrité à la dénoncer (regardez la géniale maîtrise de Pérec dans les Choses – incomparable, mais le rapprochement s’opère de lui-même dans mon petit crâne de piaf vacancier). D’où je suis ressortie étrangement de bonne humeur de ce film que l’on n’a pas spécialement intérêt à voir si l’on se sent déprimé. Combien de personnes dans la salle repartent chez elles en se disant qu’elles ont vu un bon film, avec de bons acteurs, bien mis en scène, pour ne surtout pas y penser ? et étouffer les mêmes problèmes à coup de télé ? (impossible de situer un tel film à notre époque, la télévision offrant des possibilités de plans visuels beaucoup plus restreints que les cigarettes et l’alcool qui coule à flot). Comme l’impression que disséquer annoter commenter désosser désarticuler remonter reconstruite fragmenter analyser et paraphraser sont les seuls moyen d’éviter cela, quand bien même cela virerait à la maniaquerie.

p.s. Mes excuses pour l’abus d’italique – ne nuit cependant pas à la santé

p.p.s. L’affiche française est aussi peu représentative du film que le titre. Je préfère largement l’affiche que j’ai trouvé sur le net et qui suggère déjà l’incompatibilité entre deux tentatives différentes pour sauver la vie en train de se noyer dans le quotidien et sentir, vivre intensément. J’arrête l’interprétation délirante.