Soirée Roland Petit – L’Arlésienne

Une soirée au palais Garnier est toujours un véritable enchantement. Après un rapide dîner à la Brioche Dorée la plus proche (ils devraient faire des formules spectacle-dîner), nous entrons dans le temple de la danse et prenons place à bord des baignoires. Décollage imminent au pays des étoiles. J’ai quand même le temps de feuilleter le programme que j’achète à chaque fois, c’est un véritable livre. Hum… déjà l’eau à la bouche.
Le rideau se lève sur l‘Arlésienne. Selon l’argument donné dans le livret, un homme aime une paysanne et souhaite l’épouser mais il apprend par son fiancé qu’elle est déjà engagée et finit par se suicider (bond magistral d’Alessio Carbone, fou de douleur). Les sentiments sont « lisibles » dans la danse mais il manque à mes yeux un élément majeur : à aucun moment le spectateur ne peut supposer l’annonce de l’impossible mariage. Ma petite maman qui m’accompagnait et qui n’a pas eu accès au programme (nous n’étions pas à côté) a interprété l’ensemble comme la traduction de la folie de Van Gogh, aidée en cela par un de ses tableaux en décor. La paysanne serait alors la folie à laquelle le peintre tente de résister. J’aime assez cette idée.  Le ballet, relativement court (trente-huit minutes) est simple comme ses protagonistes. Le corps de ballet s’illustre dans de beaux tableaux, rapprochant et éloignant tout à tour l’homme et la paysanne. Les jeux sur les pointes flex, quelques rondes et surtout les danses en une ligne impeccable ne sont pas sans évoquer certaines danses  traditionnelles.  
Entracte de vingt-cinq minute, juste assez pour échanger ses impressions.

Soirée Roland Petit – Le Jeune homme et la Mort

Suit Le jeune homme et la Mort. Le décor est omniprésent, il fait partie intégrante de la chorégraphie et offre de beaux moments comme l’envolée depuis la table renversée, la chute d’une chaise ou les pas esquissés par le jeune homme lorsqu’il se redresse sur son lit. Un décor de théâtre pourrait-on dire. Et il est vrai que le ballet apparaît comme une pièce. Sans parole, certes. Mais qu’est la danse sinon un langage artistique ? Le dialogue des corps occupe l’espace et dessine l’histoire. Une histoire sans vraiment d’action : celle d’un jeune homme, qui attiré et repoussé par une femme est conduit au suicide. Cette situation donne lieu à de formidables portés, à l’instar de celui où Eleonora Abbagnato, en écart suspendu à quelques centimètres du sol se tient aux hanches de Jérémie Bélingard qui ondule latéralement.

Pour une fois, ce n’est pas l’homme qui mène le jeu mais bien la femme. La femme est fatale car séduisante avec sa coupe à la garçonne et ses gants noirs qui tranchent sur la robe jaune. Elle est aussi fatale de par son incarnation de la Mort. Elle dirige son homme, le manipule, le tient par la gorge. Totalement dominé, il suffoque (ou serait-ce un effet de la cigarette qu’elle fume, provocante ?). La femme l’envoie droit à elle – droit à la Mort : il se pend (l’artifice scénique fait frémir). Le décor se soulève alors dans les airs pour faire place à celui des toits de Paris. La Mort, en longue robe blanche et rouge lui enlève la corde du cou. D’une démarche magistrale, le doigt pointé en avant, elle le fait avancer devant elle. Il marche parmi les toits, tel un somnambule. Sa salopette bleue est en totale inadéquation avec le monde qui l’entoure. Un homme malmené par l’amour reste incompris dans un monde de lumières et d’industrie, symbolisé par la tour Eiffel sur laquelle l’enseigne Citroën clignote.


Eleonora Abbagnato a été cynique et cruelle dans son rôle de la Mort. Peut-être aurait-elle pu se montrer un peu plus provocante… Jérémie Bélingard, en revanche, a été totalement déchirant, exprimant parfaitement les états successifs du Jeune homme.

 

De nouveau un entracte de vingt-cinq minutes.