Apollo’s Angels

Pink Lady m’a mis dans les mains Apollo’s Angels. Encore une histoire du ballet, me direz-vous. Oui, c’est d’ailleurs le sous-titre, et non : je n’en ai lu qu’une centaine de page, mais c’est largement assez pour constater que l’auteur va bien au-delà d’une histoire factuelle. Retraversant les époques et les noms bien connus des balletomanes, Jennifer Homans s’attache à restituer l’esprit du ballet et à comprendre son évolution dans les sociétés où il évolue. L’approche est aussi fine que le bouquin est épais. Du coup, je me suis dit qu’en faire des compte-rendus ne serait pas une mauvaise idée : d’une part, cela m’encourage à avancer dans ma lecture sans oublier ce que je lis au fur et à mesure, et d’autre part, cela rendra accessible (je l’espère) cette épopée du ballet, passionnante mais écrite dans un anglais relativement soutenu (et sans traduction française pour le moment). Voire vous donnera envie de la lire. (Oui, je sais, je ferais bien par commencer de la finir.)

Je mettrai ici les liens au fur et à mesure, des chroniquettes de film ou de spectacle étant fort susceptibles de s’intercaler entre les chapitres.
Évidemment, toutes les remarques pertinentes sont de Jennifer Homans ; les impertinentes, de ma pomme.

Première partie La France et les origines classiques du ballet

Chapitre 1 Les rois de la danseurs
Chapitre 2 Les Lumières et le ballet d’action
Chapitre 3 La Révolution française dans le ballet
Chapitre 4 Les illusions romantiques et l’essor de la ballerine
Chapitre 5 Orthodoxie scandinave : le style danois
Chapitre 6 Hérésie italienne : pantomime, virtuosité et ballet italien

Seconde partie Light from the East : world of art (je ne sais pas comment traduire ça sans l’avoir lu)

Chapitre 7 Les tsars de la danse : le classicisme russe impérial
Chapitre 8 East goes West : le modernisme russe et les ballets russes de Diaghilev
Chapitre 9 Laissé pour compte ? Le ballet communiste de Staline à Brejnev
Chapitre 10 Seul en Europe : l’épisode britannique
Chapitre 11 Le siècle américain I : les débuts russes
Chapitre 12 Le siècle américain II : la scène new-yorkaise

 

AA 1/12 – Les rois de la danse

Ce billet fait partie d’une série de compte-rendus sur Apollo’s Angels, de Jennifer Homans.

Dans ce chapitre, le ballet dont il est question est l’ancêtre du ballet tel que nous le connaissons aujourd’hui : de la danse que l’on ne dirait pas classique, donc, mais baroque. (Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant.)

 

Aux origines du ballet (danse spirituelle)

Les origines du ballet remontent à l’arrivée de Catherine de Médicis à la cour française (lorsqu’elle épouse Henri II en 1533) : elle importe avec elle une tradition italienne de danses sociales, marches rythmiques pratiquées lors de bals ou de cérémonies (occasionnellement rehaussées de pantomime). Ces balli et balletti ont donné le ballet.

Il ne s’agissait pas seulement de divertissement : les arts étaient envisagés comme un moyen d’apaiser les passions, particulièrement exacerbées en ce temps de guerre des religions. L’Académie de Poésie et de Musique (1570), tout imprégnée de cet idéal, œuvre à l’élévation de l’homme. La musique, conçue comme beauté mathématique, et la danse, transposition visuelle de la musique, se voient confier comme mission de transformer les passions (physiques) en aspiration (métaphysique) – en un mot : d’éloigner l’homme de la bête et de le rapprocher de l’ange. En dansant, l’homme est censé se libérer des liens terrestres afin d’atteindre la transcendance spirituelle.

Les conceptions de l’Académie trouvent leur réalisation dans Le Ballet comique de la Reine en 1581, premier ballet de cour (et non pas de simples marches stylisées). Les pas sont guidés par la raison, la mesure, le sens de la proportion ; si la musique est mathématique, la danse est géométrique. Le tout avec noblesse d’âme. Précision géométrique et élévation spirituelle : telle est la base sur laquelle le ballet sera codifié près d’un siècle plus tard. Évidemment, sur le moment, ça râle (dépenser autant pour des spectacles, enfin) et les passions partisanes ne sont pas outre mesure calmées (Henri en fait les frais).

 

La danse de droit divin (danse politique)

Par la suite, le goût pour la danse se maintient à la cour de France, mais prend un tour un peu différent : il s’agit moins d’élever l’homme que le Roi (ouais, on n’est pas des anges). Heureusement pour les spectateurs, la démonstration de la grandeur royale n’est pas pompeuse et les spectacles sont émaillés de passages burlesques, érotiques, acrobatiques (du spectacle, quoi). Tout cela n’a pas encore lieu sur scène, mais au milieu des spectateurs ; il faut trouver une place en surplomb pour admirer les figures géométriques formées par les danseurs. Le déplacement vers le théâtre intervient dans un second temps et assoit le règne de l’illusion ou, peut-être devrait-on dire de la représentation, terme qui s’applique également à la sphère politique.

 

Louis XIV dans le rôle d'Apollon

Le Roi-Soleil dans le rôle d’Apollon dans Le Ballet de la nuit

 

Louis XIV, enfant pendant la Fronde, n’a ensuite de cesse de mettre la noblesse au pas… ce qui s’entend de manière figurée mais aussi littérale. La danse devient une compétence clé sur le CV du courtisan, au même titre que l’escrime et l’équitation, et toute la vie est la cour est régie par une étiquette si stricte que les mouvements semblent chorégraphiés. Le mot d’ordre du Roi-Soleil pourrait être « away from battles and towards ballet ».

En 1669, Louis XIV crée l’Académie royale : être maître à danser devient un privilège, ce qui n’est pas vraiment du goût de la guilde qui s’occupait (et monnayait) l’accès à la profession (au sens large : danseurs, acrobates, jongleurs, comédiens…). L’essentiel pour devenir maître de ballet n’est plus d’être musicien (la plupart étaient violonistes) mais noble.

 

En position pour la belle danse ! (danse sociale)

Afin d’exporter les danses et de rayonner dans toute l’Europe, un système de notation de la danse est mis au point par Beauchamps, le maître à danser de Louis XIV. Ce système, depuis perdu, a été repris par Feuillet et, traduit en anglais et en allemand, a eu une grande influence sur les cours européennes. Le notateur s’est concentré sur la belle danse, des solos et duos dansés dans le style noble français, sans tours ni sauts, avec une entrée grave, lente et élégante – le tout, savamment dessiné dans l’espace, généralement une pièce rectangulaire tout autour de laquelle se trouvent les courtisans. Quoique les femmes dansent lors des bals et des spectacles de la reine, la belle danse reste l’apanage des hommes et les rôles de femmes sont joués en travestis.

 

 
Page de notation Feuillet Page de notation Feuillet

 Exemples de notation Feuillet. Très jardin à la française, non ?

 

Beauchamps a notamment codifié les cinq positions dont a hérité la danse classique. Les personnages nobles les observent, tandis que les autres, adoptant des postures à l’opposé de ces positions, trahissent leur appartenance à un rang social inférieur : ce sont des paysans, des ivrognes ou des marins (voire des marins qui ont trop bu). Ainsi, un homme mesuré ne lève jamais les bras au-dessus des épaules : c’est perdre le contrôle de soi, se livrer à la colère, la rage… un geste de furies, assurément. La noblesse se caractérise par sa retenue, sa maîtrise : l’en-dehors ne doit pas dépasser 45 degrés ; au-delà, ce n’est qu’exagération acrobatique (je n’ose imaginer la tête qu’ils feraient en voyant les 90° qui constituent aujourd’hui la norme – des contorsionnistes que ces danseurs du XXIe siècle, à n’en pas douter). La mesure se retrouve également dans l’observation de la symétrie, les articulations que sont la cheville, le genou et les hanches devant se trouver en miroir avec les poignets, les coudes et les épaules.

 

Les 5 positions de la danse classique

Les cinq positions définies par Pierre Beauchamps

 

Les positions dessinent une certaine manière d’apparaître à la cour : la première position est la position de départ et d’arrivée (« home ») ; la deuxième position, une manière de se déplacer latéralement sans tourner le dos au roi ; et la troisième position (ainsi que la cinquième) permet le déplacement vers l’avant et l’arrière, ce qu’actualise la quatrième position (la troisième avec les pieds espacés). Cette cartographie confirme, comme l’expliquait Aléna dans un billet que je ne peux que vous encourager à lire, que la conception française de la danse est essentiellement spatiale… et se définit par rapport au Roi.

Si la codification des positions marque le passage de l’étiquette à l’art, celui-ci demeure imprégné de son esprit : le plié, par exemple, dérive directement de la révérence. Les hommes et femmes, en dansant, doivent obéir à un idéal chevaleresque. Et pour que la dame, déjà vêtue d’une robe peu adaptée à la danse, soit en position de faiblesse d’être sauvée par son preux chevalier, on lui fait porter des chaussures avec des talons plus étroits que ceux des messieurs – parce que, oui, les courtisans portaient des talons (rouges) à cette époque (Louboutin n’a rien inventé).

 

Le ballet de cour (danse spectacle)

L’origine du ballet est double : d’une part, la belle danse, pratiquée par les courtisans, et d’autre part, le ballet de cours, donné en spectacle. L’un et l’autre ne sont pas hermétiques : le ballet de cour, dansé par le Roi entouré de professionnels, se termine par un grand ballet, sorte de cérémonie de clôture dansée par les courtisans. Le grand ballet opère ainsi une transition entre la scène (le ballet de cour) et la vie de cour (la belle danse), entre spectacle et pratique.

Le ballet de cour se voit concurrencé par l’opéra, mais aussi par la comédie-ballet, genre qui naît en 1661, avec Les Fâcheux et la dream team Molière-Lully-Beauchamp. Les danses s’émancipent de l’intrigue1 et taillent le ballet de cour dans le gras, privilégiant la cohérence dramatique au cérémonial avec ce qu’il peut avoir de pompeux et de lourdingue. Le Bourgeois gentilhomme achève de régler son compte au ballet de cour en le tournant en dérision.

En même temps, nuance l’auteur, la comédie-ballet est née au sein du ballet de cour, et ne renie pas ses origines. En 1671, le trio infernal nous livre ainsi Psyché… une tragédie-ballet. Là où la comédie-ballet présente un miroir de la cour et de ses folies, la tragédie-ballet s’inscrit dans la tradition du ballet de cour. (Entre nous, ça n’avait pas l’air folichon ; et je ne dis pas ça seulement parce que Molière a dû appeler Quinault et Corneille à la rescousse pour farcir de vers cinq heures de spectacle.) Tant qu’à faire dans la tragédie, il faut aussi mentionner la tragédie en musique, équivalent français de l’opéra italien, parsemé d’épisodes dansés pour plaire au goût français (enfin du Roi, mais c’est du pareil au même).

En gros : le Roi aime la danse, alors on en met un peu partout dès qu’on peut. Évidemment, cela n’est pas au goût de tout le monde : tandis que les Modernes (et les lèche-bottes) s’enthousiasment pour l’opéra-ballet, les Anciens (et les rabat-joie), toujours sérieux, réaffirment la suprématie de la tragédie.

 

Et Dieu dans tout ça ?

Paradoxe savoureux : la noblesse comme il faut (donc catholique) applaudit des professionnels…excommuniés. L’Église catholique, toujours aussi funky, condamne en effet la danse (mais pas le Roi, faut pas déconner). Trop frivole. Les Jésuites, eux, sont plus nuancés, voyant dans la danse un moyen quasi rhétorique de convaincre et de persuader. Coïncidence (l’auteur ne le croit pas) : Molière a fait ses classes chez eux.

 

Comme des pro

En 1669, le Roi crée l’Académie royale de musique puis l’école de danse de l’Opéra en 1713 (deux ans avant sa mort, il était temps). Plusieurs conséquences : le déplacement de la dynamique de Versailles à Paris, une difficulté technique accrue et… l’arrivée des femmes. « A case of promotion by demotion » : puisque la noble tâche de danser s’est trouvée dévalorisée en étant confiée à un artisan de rien du tout (plus capable, mais bon, chut), l’être social inférieur qu’est la femme peut bien se mettre de la partie, au point où on en est…

La professionnalisation confirme en tout état de cause le déplacement qui s’est opéré de la cour au théâtre, « from social to theatrical dance ».

 

Bonus : une petite vidéo rigolote pour récapituler (et anticiper)

1 « the dances grew out of the plot » J’adore la formulation ; on dirait des plantes qui se répandent hors du pot où elles ont pris racine. ^^

L’État contre Fritz Bauer

Der Staat gegen Fritz Bauer. À quel moment a-t-on jugé bon de traduire ce titre par Fritz Bauer, un héros allemand ? Non seulement c’est platement grandiloquent, mais c’est à la limite du contre-sens : au moment de l’histoire, le héros risque la prison pour haute trahison… Ses efforts pour retrouver et faire condamner les anciens dignitaires nazis se heurtent en effet aux anciens SS qui, plus de dix ans après la fin de la guerre, verrouillent encore le gouvernement et les institutions étatiques. Lorsqu’il apprend qu’Adolf Eichmann a été identifié en Argentine, Fritz Bauer prend ainsi la décision de contacter le Mossad – « parfois, il faut savoir trahir son pays pour le sauver ».

Outre de mettre un coup de projecteur sur le rôle de Fritz Bauer (Burghart Klaussner) dans cette affaire, le film de Lars Kraume a le mérite de reprendre l’Histoire en amont de sa réécriture univoque – parce que non, ce n’est pas en zigouillant les responsables de la solution finale que l’on remet en ordre la société dans laquelle elle a pu être mise en place… société qui, accessoirement, dans les années 1950-1960, traite encore les homosexuels comme des criminels – c’est là la petite histoire dans la grande, qui nous rend proche de ses protagonistes (même si Ronald Zehrfeld, dans ce rôle, n’a pas trop besoin de cela, jouant sur mon faible pour les armoires à glace à tête de nounours).

 

 

Épilogue, qui n’est un spoiler que si, comme la mienne, votre mémoire a fait un gloubi-boulga avec tous les noms nazis de vos cours d’histoire.
Adof Eichmann est capturé, mais l’extradition refusée : sous couvert de contrats commerciaux, l’État allemand a réussi à étouffer le scandale dont un procès aurait été l’assurance, le name-dropping nazi risquant de toucher des personnages aussi haut-placés que le bras droit du Président. Au lieu d’être jugé en Allemagne, Adolf Eichmann est pendu en Israël. Quelques années, plus tard, Fritz Bauer réussit à conduire les débats pour le procès de Francfort, second procès d’Auschwitz.

 

Turangalîlâ-Symphonie

J’ai très peu entendu de Charles Ives, mais à chaque fois, cela me fascine. The Unanswered Question nous transpose dans une grotte où le temps goutte. De loin en loin, une trompette se fait entendre, comme réverbérée par les colonnes de stalactiques-stalagmiques, puis l’horizontalité reprend ses droits sur le lac souterrain, dans un chuintement de cordes infime et infini.

 

Turangâlilâ-Symphonie. « Ah, ça, au moins, c’est de la musique qu’on entend », s’exclame la bonne femme derrière moi après avoir bruyamment baillé à deux ou trois reprises en l’espace de cinq minutes – « Bah quoi, j’ai quand même le droit de bailler », a-t-elle ajouté à l’intention de ma voisine de droite, encore moins patiente que moi. C’est le genre de personne que l’on peut fusiller du regard autant de fois que l’on veut : elle ressuscite à chaque fois. Heureusement, la musique de Messiaen dissout sa présence dans un maelström cosmique.

« En sanskrit, Lîlâ signifie littéralement le jeu, mais le jeu dans le sens de l’action divine sur le cosmos, le jeu de la vie et de la mort. Lîlâ est aussi l’amour. Turanga c’est le temps qui court comme le cheval au galop, le temps qui sécoule comme le sable du sablier. Turangalîlâ veut donc dire tout à la fois chant d’amour, hymne à la joie, temps, mouvement, rythme, vie et mort. »

Olivier Messiaen

C’est tout. Le tout. Ça se lève devant moi comme un immense collage en mouvement, illustration de toutes sortes de sciences occultes récupérées dans une révolution cosmique qui les débarrasse de leur superstition : astrologie céleste et sa géométrie de points à relier comme les traits qui tirent la marionnette humaine de Léonard de Vinci, statue de pierre centaure-sagittaire, cristaux de quartz et autres minéraux précieux au dessin grossier énumérés sur mon dernier carnet de timbre, numérologie et lithothérapie, lithographie, gravures, cercles concentriques dessinés en pointillés, un fig. 2 tracé à la plume d’oie, quelque part entre les sphères célestes et un primum mobile qui n’est qu’amour et attraction, schémas brouillons manuscrits alchimie. Tout cela emporté dans une foi si mystique qu’il n’y a pas besoin d’être chrétien pour y croire. On peut planer et blasphémer, entendre les extraterrestres aussi bien que la musique des sphères célestes dans les baudruches sonores des ondes Martenot, et reconnaître le scintillement distinctif, decrescendo, du Chevalier à la rose au sein d’une énergie quasi-gershwinienne – la Maréchale sur les escaliers de secours new-yorkais. Cela part dans tous les sens et revient avec élasticité, étirements et fracas, les vagues sonores, même à la limite de la douleur, toujours jubilatoires ; je me mords les lèvres, les doigts près des oreilles. (La Philharmonie présente en cela un avantage sur le théâtre des Champs-Élysées, où j’ai découvert l’œuvre : le son a assez d’espace pour se dissoudre avant de venir frapper nos tympans.)

 

L’à venir

Le générique d’ouverture s’égraine lentement au cours de la première scène, trajet en bateau, famille emmitouflée, marche et station à un point de vue, jusqu’à ce que le titre s’affiche sur la mer à perte de vue, une tombe au premier plan : L’Avenir.

 

Voilà.
La mort est l’avenir de l’homme.

 

En attendant, il y a le présent et celui de Nathalie, ce sont des livres, de grands enfants, un mari philosophe, lui aussi, une mère qui perd la raison, des copies à corriger, une collection à diriger et un ancien élève normalien engagé.

 

L’à venir, ce sont des livres, des petits-enfants, un ex-mari toujours philosophe, la maison de retraite, des copies à corriger et un ancien élève normalien dégagé dans le Vercors.

 

L’à venir est encore un présent d’avant la mort, sans les lendemains qui chantent de l’avenir…
… quand les bouquins de philo se vendront comme des petits pains sans les couvertures Haribo que le marketing veut leur coller ;
… quand les élèves penseront par eux-mêmes après avoir entendu des kilomètres d’explications de texte (nous sommes à Henri IV1) ;
… quand elle retrouvera quelqu’un, c’est sûr, pourquoi pas plus jeune, lui souffle son ancien étudiant, que la bande-annonce poussait dans ses bras et nous dans le panneau ;
… quand on réussira à accorder ses pensées et ses actes, sans avoir à se renier soi ni à se retrancher du monde pour ça ;
… quand la liberté sera nôtre ;
… quand les poules auront des dents et nous fermeront le caquet.

 

L’à venir, au présent, c’est que …
… ces couvertures qu’elle dit élégantes sont moches de désuétude et les couvertures-bonbons rendent le savoir gai ;
… les élèves pensent à avoir le bac et l’auront tous avec mention (nous sommes à Henri IV2) ;
… l’amour se trouve sous le sabot d’un cheval et il n’y a qu’un chat noir, « obèse en plus », qui se fait balader dans une cage en osier – la boîte de Pandora ;
… la liberté est errance si on ne l’envisage pas comme une promenade ;
… il est plus dur d’aimer la vie que la sagesse, et c’est pourtant là qu’elle réside.

 

Nathalie trimballe à l’écran sa silhouette émouvante d’enfant qui a trop vite vieilli (je n’avais jamais remarqué que le corps d’Isabelle Huppert semblait avoir été resizé sous une tête d’adulte). Elle ne le prend pas bien ; elle ne le prend pas mal non plus : elle le prend comme ça vient. Au final, c’est moins son savoir qui la rend philosophe que, prosaïquement, le quotidien qu’elle maintient coûte que coûte, parce qu’il faut bien que vieillesse se passe. Même si, le con, il a pris tous les Levinas avec les annotations !


1
Ce qui, dieu merci, nous épargne les débats existentiels qui sonnent archi-faux.
2 Un jour, on aura un film de prof dans un lycée qui ne sera ni sur la montagne Saint-Geneviève ni en banlieue – juste un lycée un peu moche comme il en existe partout ailleurs.