La veille du concert Chostakovitch du Mariinsky, Palpatine regardait à la télé un film où un Écossais menait le soulèvement de ses compatriotes face aux Anglais ; il fallait absolument que j’attende la scène de la bataille avant d’aller me coucher, sous prétexte que le héros s’y montre un stratège de génie. La manœuvre militaire ne m’a pas franchement ébahie mais il faut croire que j’étais bien dans l’ambiance car, le lendemain et le jour suivant, je n’ai entendu que cavalcades grandioses et chevauchées sarcastiques.
La Symphonie n° 12 rallie les cavaliers des quatre coins du monde (bon, d’accord, pas du monde, de l’Eurasie), depuis le montagnard qui abandonne son cheptel pour traverser les plaines jusqu’au gardien de phare qui accoure métaphoriquement sur ses white horses – toute affaire cessante, comme au signal d’une inaudible corne de brume. Les silhouettes des uns s’effacent et se superposent aux paysages des autres dans une grande chevauchée polyphonique.
Dans la Symphonie n° 8, ce ne sont plus des hommes qui cavalent mais des courants d’air ascendants qui s’infiltrent sous les toits, tournent autour des poutres, parcourent les charpentes, s’insinuent dans les moulins, les granges, peut-être même les maisons, plus ou moins vides, où il y a plus ou moins à épier. J’ai aussi l’image fugace d’un tourbillon de mouches mais je ne suis plus certaine qu’elle ait été convoquée par cette symphonie-là.
Dans la Symphonie n° 11, les cavaliers sont des guerriers – des hordes de guerriers, en bataillons trop bien ordonnés, qui défilent à perte de vue : ma caméra imaginaire est sans cesse obligée de revenir en arrière pour appréhender l’immensité des troupes et de la plaine qu’elles recouvrent, survolant comme un bombardier les rangées toujours nouvelles de cette interminable armée.
Et puis un intrus, le Concerto pour violon et orchestre n° 1, où ne cavalcade que l’archer de Vadim Repin. C’est virtuose mais un peu trop aigu pour mes oreilles après une journée de bourdonnement d’ordinateurs. (Je crois que je ne suis pas une inconditionnelle du violon.)
Rappel du premier épisode.