L’homme est un dinosaure pour l’homme

Incarnée au cinéma par le savant fou plein de bonnes intentions, l’hybris de la tragédie grecque a encore de beaux jours devant elle. Après Iron Man qui crée Ultron pour sauver le monde (de l’homme), voilà que les savants de Jurrasic Wolrd créent un nouveau dinosaure de la mort-qui-tue pour divertir l’homme (de la mort). Afin d’obtenir un monstre qui soit tout de même un peu plus terrifiant que le T-rex – so old –, l’équipe a imaginé un dinosaure génétiquement modifié. Comme du maïs, sauf que là, c’est le maïs qui te mange. Quelle différence avec les anciens dinosaures, qui étaient déjà issus de manipulations génétiques ? demanderez-vous en inspecteur des travaux innovants. On ne s’est pas servi de l’ADN de la grenouille pour combler les trous du génome, non, on a pris celui de tel reptile ou batracien pour telles et telles de ses terrifiantes qualités : le dino star est délibérément génétiquement modifié. Maurice a encore dépassé les bornes des limites. On reproduit toujours ses erreurs… et les blockbusters.

On prend les quasi-mêmes, donc, une armée de savants, un milliardaire, des dinosaures, deux blondinets pas forcément blonds et on recommence. Mais comme toute chose qui se répète, Jurassic World transforme l’horreur de Jurassic Park1 en comédie. On y meurt de manière très propre, gobé plutôt que croqué – ou alors à distance, via des panneaux qui retransmettent les constantes vitales des soldats vétérinaires (la vidéoprotection, messieurs dames). Les victimes ne suscitent aucune empathie, elles sont là pour corser la fuite des héros en culotte courte. Ou plutôt de leur tante et de son acolyte, dresseur de raptors. Les vraies vedettes du film, ce sont eux : la rousse sans cœur au carré parfait qui finira humaine et échevelée après avoir passé deux heures à courir en escarpins, et le boyfriend badass. En leur compagnie, on prend plaisir à ce que les choses aillent de mal en pis, jusqu’à ce qu’ils aient, comme dans The Age of Ultron, the Vision et décident de traiter le mal par le mal. T-rex et dino-OGM ; Jurrasic Park et Jurassic World : *it’s a small world after all*.

(Tout ça parce qu’on n’a pas voulu tuer la bestiole quand il en était encore temps : l’humanisme tuera l’homme.)

(Je ne me pardonne pas d’avoir à ce point manqué d’à propos et de ne pas avoir prévu de Dinosaurus pour la séance.)


1
 Le premier volet est le seul que j’ai vu. Et encore, vu est un bien grand mot, étant donné le nombre de scènes aperçues entre mes doigts – j’étais petite, oh !
Pour être tout à fait honnête, j’ignorais même que deux autres films étaient sortis depuis l’épisode du moigneau, il est où le moigneau ?

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