Un tea tour à Londres

 (les posts des musées de Vienne viendront plus tard)

 

Pour se reposer d’une journée de marche : des scones, chez Richoux. Palpatine a découvert la clotted cream et n’a pas tourné autour du pot. Tant qu’ils sont chauds, je les aime encore mieux nature, pâte et raisins. C’est comme les Panzani, impossible de s’en lasser.

Pour continuer à faire du shopping : un muffin caramel et noix de pécan de chez Fortnum and Mason. Se lécher les doigts après avoir raclé avec l’ongle les rainures du papier, avant d’aller tirer de la boutique l’énergumène qui devrait lui aussi en manger pour trouver des chemises à sa taille.

Pour suivre les conseils d’Ariana : un carrot-cake, de chez Fortnum et Mason encore. Comme on s’est rendu compte que ce n’était pas possible de le manger à la main, on a ramené la part dans le train. Une table et deux cuillères plus tard, il a fallu se rendre à l’évidence : moelleux et doux à souhait, sucré et citronné juste ce qu’il faut, ce gâteau est à lui seul une raison* de retourner à Londres, pour le déguster assis au salon de thé. La Sachertorte peut aller se rhabiller.
Puis des toasts de marmelade de citron vert -j’ai bien dit marmelade, pas lemon curd- par curiosité pour les deux pots que nous avait commandé Ariana, chez Fortnum and Mason, toujours. L’acidité est neutralisé par le sucre, qui n’en est plus écœurant comme dans la marmelade d’orange. Epathée.

 

La lime marmelade est une parfaite transition vers le petit-déjeuner : j’ai rapidement vérifié que c’était bien du porridge que je mange quand je me fais chauffer des flocons d’avoine avec du lait (le plus qui fait frétiller la moustache de la souris : une touche de Nesquick ou pire mieux encore, une noisette de Nutella), avant de reprendre mes Weetabix et de m’attaquer aux pommes paillassons, aux œufs brouillés tout mousseux et autres légèretés de l’English breakfast.

 

Et pour un bon repas, direction Mayfair : the Market Brasserie, à Shepherd market, sert un risotto au gorgonzola et aux épinards, qui tue tout – meilleur qu’en Italie. Le poulet cajun grillé d’un autre risotto est également une tuerie. Les clients et les serveurs sont sympas, en particulier le Marocain qui explique la présence de petits tableaux parcourus d’inscriptions en français dans le texte.

Enjoy your meal !

 

 

* Parmi les moult raisons de retourner à Londres :

  • étrenner la valise orange reçue pour mon anniversaire

  • manger un fish and chips

  • aller voir une pièce au Shakespeare Globe theather

  • retourner voir l’ENB et le Royal Ballet ; et pourquoi pas des musicals en plus des ballets

  • trouver Freed et des pointes à ma taille

  • quadriller Notting Hill

  • écumer les librairies

  • vérifier si je partage l’avis de Melendili sur les dédicaces des bancs de Hyde Park.

  • autres (les suggestions sont les bienvenues)

 

Widerschein

Doppelgänger : Demel, deux touristes

 

Pas de jeu des sept erreurs possible. Il est en revanche possible de chercher à quels monuments correspondent les reflets.
Pour s’échauffer, un cheval blanc d’Henri IV – non, ce n’est pas une statue équestre.

 

 

Allez, un vrai :

 

 

Faisons comme l’ombre du monsieur, grimpons en difficulté…

 

 

… pour atteindre le stade de l’anamorphose :

 

 

Keine Ahnung ?

 

 

Débouler à Vienne

 

Le bureau des boulets, bordélique.

 

Au commencement, il y avait des boulets : Palpatine et moi. Qui n’ont néanmoins pas toujours bouleyé, en témoigne l’escapade au cimetière de Grinzing, rondement menée, tombe de Mahler trouvée sans große malheur.

Mozart, lui, ne repose pas vraiment en paix s’il est vrai qu’on ne cesse de lui manger le nez les couilles la couille. La Kugelmozart est pourtant une confiserie à déboulonner, inventée après la mort de celui dont elle usurpe le nom. Second scoop (histoire de le rétablir dans sa virilité) : le compositeur n’est pas rock, comme on voudrait nous le faire croire, mais bien disco, ainsi que le (ré)clamait cette boule à facettes :

 

 

Si vous avez trop chaud à force de vous agiter sur la piste de danse, secouez plutôt la boule de neige du Belvédère pour vous rouler des pelles made in Klimt (et un râteau artistique) ou prenez deux boules de glace bon marché, dans un Tüten chocolat noisette qu’il ne faudrait pas Becher (lécher suffira).

 

(au milieu du fratras)

 

A finir avant de rester bouche bée devant les immeubles de Hundertwasser, architecte ayant perdu la boule au point de nous pondre cette usine délirante :

 

 

La cerise sur le gâteau n’en reste pas moins la grosse boule dorée du pavillon de la Sécession, imaginé par Otto Wagner (qui a commis une affreuse poste) et Gustav Klimt (deshalb es ist schön), réalisé par Josef Maria Olbrich.

 

 

Article sponsorisé par l’omnipotente Austriabank qui règne sur le petit monde autrichien,

 

avec en partenaire non-officiel une Wurst non-autrichienne, parce qu’avec Knacki ball, c’est bon d’avoir les boules.

 

 

 

Se mettre en boule sur une boule rebondissante –
en velours bordeaux, nous sommes au Belvédère s’il vous plaît !
J’avais très envie de repartir avec une sous le bras,
mais outre le peu d’assise (une boule roule par définition),
cela n’aurait pas été très discret.

 

Faire Grinzing des dents

La visite au cimetière de Grinzing, à partir d’une bourgade fort pittoresque, a été une belle promenade. La tombe de Gustav Malher, qui en était le prétexte, n’avait rien de morbide : c’est à peine si l’on pense qu’un homme y est enterré, tant fleurit, en roses rouges, le mythe qui y est enraciné.

 

 

Le caveau comme fosse commune familiale ou
les poignées comme les fers d’une bague de mariage.

Je ne sais pas si je trouve belle et forte cette éternité partagée,
ou si elle me fait simplement horreur.

 

Avant de trouver le compositeur, pourtant, nous avons erré dans d’autres secteurs et croisé des âmes en peine, en chair et en os : des petites vieilles, surtout, déséquilibre démographique entre les sexes oblige, qui, coup d’œil aux stèles et soustractions, ne feront peut-être pas de vieux os. On ne meurt pas très âgé, dans ce cimetière, et même jeune parfois, comme c’est le cas de l’homme enterré en face de Malher. Peut-être détestait-il le compositeur. Peut-être ne le connaissait-il pas. Ce serait alors d’un inconnu qu’il récupérerait quelques échos de l’attention portée au musicien lorsqu’une passante comme moi se retourne pour voir ce qu’il y a derrière la célébrité et prend la première stèle pour la jeter à cette vaine immortalité.

 

 

La photo rappelle une dernière fois un visage avant qu’un ange passe (la babiole kitsch, devant) et n’efface ses traits par le silence. Pas de briquets pour Kurt, des photophores pour celui qui a vu le jour. C’est très humain un cimetière. Très calme, presque idyllique avec son clocher en arrière-plan. Pourtant, Palpatine et moi ne pouvons nous empêcher d’engager une étude démographique, nominale, sociologique et esthétique, ni de plaisanter du mauvais goût des uns et de l’orgueil des autres.

 

 

Alors pendant que j’ai encore mon mot à dire, je vous en prie, pas de stèle démesurée, pas d’angelots à la cellulite plastique et au rictus de marbre, pas de couronne, ou alors en petite monnaie, et surtout, par pitié, pas d’italiques. Va pour le doré, mais pas d’italiques. Tout sauf ça. Bon, et si à la place des chrysanthèmes, je pouvais avoir des coquelicots ou mieux encore, des fleurs tropicales oranges, ce serait parfait… enfin, achevé, surtout.

De son côté, Palpatine prévient : « celui qui me met une croix, je reviens le hanter ». Il préfèrerait une tombe boudoir sur laquelle on viendrait s’envoyer en l’air. Si jamais des questions de décence et d’outrage publique à la pudeur rendaient ses volontés malaisées à exécuter, à défaut de petites morts, il se contenterait d’une vivante très sculpturale, une version lascive et féminine de cette petite chose légère légère pour clore sa vie comme Chateaubriand ouvre ses mémoires.

 

 

A en croire leur tombe où la date de naissance n’est pas suivie de celle de la mort, certains ont pris les devants. Pas de plus belle vanité que de s’attaquer à l’éternité, s’en rendre compte permet de redescendre sur terre : pourquoi, dès lors, la mention d’une fonction politique sur la stèle serait-elle moins risible que le gynécologue qui a choisi d’y faire graver son métier ? On fleurit les tombes sans voir le florilège des statues sociales de l’éternité – ciel, quelle vanité pour des espoirs décomposés.

 

 

(Tout ceci pour expliquer pourquoi le quart de mes photos viennoises ont été prises au cimetière.)

 

AdVienne que pourra

Vous avez peint des tableaux, écrit de la musique ou une page d’histoire : les dés sont jetés ; puis vous êtes mort : les dés sont pipés. Mozart n’a plus de pouvoir sur ses opéras débités comme des sornettes, Klimt compose avec la passion mercantile du souvenir, et Sissi ne peut qu’acquiescer à son image collée à tort et de travers – drôle d’immortalité pour le triumvirat autrichien qui florilège partout.

Les boules de Sissi, plus discrètes que celles de Mozart, sont la preuve par l’absurde de ce que les Kugelmozart n’appartenaient pas davantage à l’homme. Il n’importe, la boule de Noël est encore moins sexuée que les confiseries.

 

 

Pressés de conclure, on en omettrait les préliminaires. Pourtant, aussi dorée que les papiers de bonbon, l‘icône du Baiser en jette.

 

 

Vous pouvez l’embrasser en trempant vos lèvres dans un mug de thé ou une tasse à café, éprouver son attrait magnétique en la collant contre le frigo, et si vous vous en lavez les mains, vous pourrez toujours les essuyer dans une serviette en papier. Comble du blasphème : déposer dans un mouchoir doré les trésors de morve cachés dans votre nez. Le temps d’une œuvre d’art serait-il compté, bracelet plastique au poignet ?

 

 

Les morceaux étaient en tous cas minutés lors du concert auquel nous avons assisté à Schönbrunn ; morceaux de choix découpés dans les parties musclées des œuvres, et jetés en pâture aux touristes voraces, qui après avoir dévoré une Esterhazytorte, chercheront encore à espionner les secrets de fabrication d’un mythe musical. C’est qu’on célèbre Mozart, d’abord et avant tout, avant Strauss donc – Johann de son petit nom, tout doré lui aussi, et à côté de qui on ne s’embrasse pas moins.

 

 

On célèbre ces musiciens comme on le ferait d’une messe, et l’on se réjouit même si la liturgie est en latin – du chinois pour presque tous, mais on a la foi et mal aux jambes d’avoir arpenté le parc, donc les chaises sont bienvenues, toutes musicales qu’elles soient.

 

Mozart fume et pigeon vole

 

Outre la chaise, certains ont tout de même l’oreille musicale, et si Palpatine a cédé aux avances d’un vendeur emmozartiné, c’est avant tout pour entendre un détachement de l’orchestre du Staatsoper, dût-il terminer par la marche militaire de Radetsky, que le chef d’orchestre a dirigée face au public dont il ordonnait ainsi la cadence des applaudissements, et au rythme de laquelle le troupeau de touriste est reparti vers le U-Bahn, en route mauvaise troupe ! Balayées les mélodies des grands opéras, pourtant interprétés par un ténor comédien pas kitsch – ce que l’on ne peut pas dire des danseurs pseudo-baroques, qui maîtrisent certes la sissone, mais sont gênés aux entournures par leurs bras et manquent de se noyer avec un poisson.

Mémento : penser à se faire engager l’année prochaine, et profiter d’un plus long séjour pour en apprendre davantage sur l’anorexique impériale, écouter le compositeur couillu et contempler sans fin les Serpents d’eau (dont il n’existe pas une repro non coupée) parce que Klimt is good.

Nul besoin de checker si j’ai oublié quelque abominations, le kitsch est là pour oublier. Pour oublier quoi ? Pour oublier que le kitsch n’est rien – rien que la paresse d’écouter et de regarder des œuvres que l’on préfère entendre et voir, vite, aussitôt consommées, aussitôt consumées. Une, deux, une, deux, marchez à la baguette de Radetsky, vos jours dans la capitale et ailleurs sont comptés. Et tant que nous y sommes, à Vienne, valsons : Sissi imperium, Mozart power, Klimt design ; une, deux, trois, mais si, mais si, mais Sissi, une, deux, trois, une, deux, trois…