Églises en bois debout

C’est rare qu’un souvenir soit d’abord olfactif. C’est d’autant plus étonnant dans le cas des églises en bois debout que l’architecture en met plein la vue : leurs toits ressemblent à des navires vikings qui reposeraient sur le reste de l’édifice sans y être arrimés – des constructions qu’on dirait à la fois branlantes et pleines de force.

La couleur, aussi, est étonnante, ce bois presque noir de Borgund, qui s’incruste dans la mémoire comme la couleur des églises en bois debout, quand bien même d’autres sont en bois clair, voire carrément peintes en blanc, comme à Undredal. Nous sommes empressées de lui retirer son qualificatif : une église en bois, oui, en bois tout court, pas debout. Pourquoi pas allongé ou assis, d’ailleurs. Nous apprenons dans le musée de Borgund que ce nom étrange d’église en bois debout fait référence au pilier central : stav, structure de la stavkirke (ou stavkyrkje parce que le norvégien a deux graphies, kill me now). L’étrangeté se déplace sur la traduction.

Plus que le pilier, cependant, plus que les toits vikings ou même leur couleur, c’est l’odeur qui définit pour moi la stavkirke, une odeur brûlée, forte, âcre, qui vous emplit les naseaux. Je ne visite pas l’église de Borgund, je ne suis pas « bouleversée » par « son intérieur simple et son autel subtilement rustique » (ce qu’on a pu rire avec cette phrase du guide) : je la renifle, la crache au besoin par les narines quand elle devient trop forte.

J’ai essayé de prendre en photo ce qui génère cette odeur, le mélange de charbon et de résine de pin dont sont enduits les murs et les tuiles, elles aussi en bois, pour les protéger contre les intempéries et éviter que l’église moisisse par le haut (des socles de pierre assainissent le bas). De la sève et du bois brûlé, carbonisé, pour protéger le bois séché : on sent la continuité végétale, elle empeste, elle embaume. On ne la voit pas pourtant, même si elle dégouline des tuiles en mini-stalactites et craquèle les piliers de goudron – une peau de crocodile aux problèmes dermatologiques. C’est crade et puissant, animal. Pas du tout subtilement rustique, contrairement à l’intérieur, peut-être, aux gravures des linteaux.

Quand on s’éloigne, l’odeur diminue sans disparaître (elle reste un moment dans le nez) et l’on voit reparaître les ornements architecturaux, le toit avec ses baïonnettes vikings photographiées sous toutes les couture – ci-dessous d’un peu plus loin, derrière un autre toit typique en Norvège : le toit végétal, que l’on trouve un peu partout, sur les maisons, les cabanons de jardin, les boutiques de Geiranger et les abribus le long de la route. Il ne date pas du Moyen-Âge, celui-là, mais il ne manque pas de charme.

Guide pratique des fjords norvégiens : en route

Voiture

Si vous voulez voir du pays, la voiture est obligatoire. C’est un budget certain, même si vous réalisez une boucle pour éviter les frais d’abandon (2 x 4 heures de route et une nuit d’hôtel faisaient toujours moins cher que les 500 € qu’il aurait fallu débourser) : outre la location en elle-même, il faut prévoir le prix du carburant (ce n’est pas parce que la Norvège en exporte qu’il est moins cher sur place), les passages en ferry (12-15 € la traversée) et les péages réguliers, pas toujours bien annoncés (et pour cause : il n’y a pas besoin de s’arrêter ; un boitier fixé au pare-brise décompte les sommes et vous envoie la douloureuse à la fin du séjour – enfin au loueur, qui vous demande un acompte prévisionnel).

Routes

Comme je le racontais ici, les routes font partie intégrante du voyage. Elles sont parfois étroites et sinueuses (une route droite sur la carte correspond généralement à un tunnel), mais toujours parfaitement entretenues (c’est-à-dire refaites comme on a pu le constater à Bergen avec la goudronneuse). Il faut néanmoins prévoir un temps certain pour avaler un nombre de kilomètres réduits, en raison du relief et des limitations de vitesse : ça change tout le temps… et ne dépasse presque jamais les 80 km/h.

Un monde fou

Les Norvégiens ont la conduite respectueuse (une queue de poisson comme seule incivilité en 15 jours). Presque trop : nous avons été prises dans les bouchons à l’approche d’Alesund et nous sommes aperçues en arrivant à un large rond-point que les voitures ne s’engageaient pas s’il y avait plus de deux ou trois voitures – même si les trajectoires étaient compatibles. On sent qu’ils ne sont pas habitués aux populations denses…

Tunnels

Mieux vaut ne pas être claustrophobe, car il y a pléthore de tunnels sur la route. Et pas des petits : les tunnels de 4 ou 5 kilomètres sont monnaie courante, et nous en avons même emprunté un de 25 kilomètres (avec un rond-point à l’intérieur !). Si vous avez loupé le panneau qui l’indique à l’entrée et que vous commencez à trouver le temps long, zieutez les panneaux le long de la route, qui indiquent sous forme de fractions le nombre de kilomètres qu’il reste à faire et le nombre de kilomètres déjà parcourus.

À noter qu’il est bon de repérer votre direction avant ou pendant la traversée du tunnel, car les embranchements arrivent généralement juste après la sortie et le GPS n’a pas toujours eu le temps de récupérer le signal.

Ferrys

Nous avons réparti le trajet du retour sur deux jours en nous disant que 5 traversées en ferry, c’était un peu ambitieux avant de prendre l’avion, pauvres Françaises que nous sommes : le ferry norvégien est plus sûr que le RER C.

Grosse animation

Tout se passe avec une fluidité qui nous a stupéfaites. Les voitures arrivent sur l’embarcadère et se rangent *en files numérotées*. Un préposé se penche à votre fenêtre, prend votre CB, la fait biper sur le terminal sans contact rangé dans sa poche, et vous la rend avec le reçu, *sans ticket* – en Norvège, on ne gruge pas, donc on ne voit pas l’intérêt de vous donner un papier justificatif qu’il faudrait re-présenter un peu plus tard. Le ferry arrive, les voitures descendent en quelques minutes et le chargement commence, *par ordre d’arrivée*. Personne ne grille la priorité à personne, aucun juron, aucune engueulade. A peine avez-vous mis le frein à main que la montagne bouge : on est parti. Le temps de faire quelques photos ou une pause pipi, vous retrouvez les locaux attablés à la buvette avec un café, un hot-dog, une gaufre ou une glace comme s’ils étaient là depuis une demie-heure ou si la traversée devait durer plusieurs heures encore ; le signal d’arrivée retentit pourtant et tout le monde regagne sa voiture avec un flegme quasi-britannique. Personne ne se presse mais tout le monde est à l’heure : à peine le ferry a-t-il accosté que le pont est baissé ; les voitures sortent sans discontinuer, toujours *par ordre d’arrivée*, et Mum de s’exclamer, même pour la cinquième fois, qu’elle n’en revient pas. Bref : pourquoi construire des ponts quand tu as des ferrys et des Norvégiens pour les opérer ?

Météo

Mum ne jure plus que par son appli de météo norvégienne, toujours plus précise que les autres. On a une petite idée de pourquoi en se rendant sur place : la météo est très instable, dans le temps comme dans l’espace. Genre il fait un soleil voilé, tu empruntes un tunnel de 3 kilomètres et en sortant sur l’autre versant de la montagne, il pleut dans la purée de poix (je ne suis toujours pas certaine qu’on n’ait pas emprunté par mégarde une faille spatio-temporelle).

Bref, en Norvège, la technique de l’oignon tu adopteras et un ciré à capuche toujours sur toi tu auras.

La Norvège n’est pas le pays des trolls, comme on le croit, mais celui des lutins à capuche (rouge).



Guide pratique des fjords norvégiens : les hôtels

Nes Gard

Quel que soit le prix que vous mettez dans votre logement, ce sera trop cher pour ce que c’est : d’une part, tout est cher en Norvège, et d’autre part, l’hôtellerie n’est pas d’un très bon standing. Mais comme il n’y a pas pléthore de choix en haute saison et que les AirBnB sont globalement calés sur les prix des hôtels, ça se remplit vite.

Si on exclut la folie de l’hôtel à Geiranger, nous en avons eu pour 150 euros par nuit en moyenne, pour des chambres confortables sans être luxueuses (sauf la dernière nuit à Bergen ★) ni toujours particulièrement jolies (sauf à Gaupne ♥). Il faut souvent aller à la réception pour demander une bouilloire, un sèche-cheveux ou un tapis de bain. L’absence par défaut de ce dernier s’explique probablement par les évacuations bizarres des baignoires : le tuyau plonge dans une grille comme celles des douches à l’italienne ; une fois sur deux, ça déborde, et on a l’impression que des gamins ont joué un match de waterpolo dans la baignoire. Pour compenser le pédiluve involontaire, cependant, on peut souvent mettre en route un chauffage au sol et ça, c’est le grand luxe (même si là, juste après la canicule, vous avez sans doute du mal à imaginer).

À noter : les volets n’existent pas en Norvège, et les rideaux ne sont pas toujours occultant (euphémisme inside). Comme la nuit ne tombe pas en été, remplacée par un long crépuscule qui bascule directement dans l’aube, mieux vaut prévoir un masque pour les yeux – voire de la mélatonine pour s’endormir plus facilement.

Les bonnes adresses du séjour

  • Thon Hotel Orion à Bergen, le meilleur rapport qualité/prix : le bâtiment est moche de l’extérieur, mais extrêmement bien situé, dans le quartier historique de Bryggen. La chambre était moins glamour que sur les photos de démo, mais c’est confortable et silencieux (l’isolation phonique n’est pas une évidence dans l’hôtellerie norvégienne). Un buffet froid est compris dans le prix pour le dîner : sachant qu’en ville, la moindre pizza est à 18 €, c’est un argument économique non négligeable. Sans compter que c’est simple mais bon : les produits sont frais, et le pain délicieux (probablement le meilleur du séjour, la mie moelleuse comme un carrot cake, la croûte croustillante roulée dans les graines de courge et de tournesol avant d’être enfourné, en somme : du gâteau). Bref, ça a tartiné dans les chaumières.
  • Scandic Ornen à Bergen, le plus luxueux sur un standard international. Il faut demander une chambre donnant sur l’atrium pour éviter le bruit de la circulation et la vue glauque sur la gare routière et un parking à plusieurs étages. Prévoyez du temps pour le petit-déjeuner : le buffet est FOU.
  • Nes Gard à Gaupne, le plus choupinet-nordique (cf. photos). La chambre de princesse tout en bois blanc donnait sur le fjord, église elle aussi en bois blanc au premier plan, cascade en arrière-plan. En revanche, masque et bouchons d’oreille obligatoires pour dormir après 6h : il n’y a pas de rideaux occultant et l’hôtel est au bord de la route.
  • AirBnB à Aurland, une cabane à soi : la douche est tiédasse, mais c’est le seul reproche qu’on peut faire à cette petite cabine rouge typique, entièrement rénovée il y a quelques années, où nous nous sommes senties comme chez nous. C’est à 5 minutes en voiture d’Undredal, petit village classé par l’Unesco dans les méandres d’Aurlandsfjord, et à 15 minutes de Flåm, d’où part le célèbre train touristique mais où il vaut mieux éviter de séjourner, car la plateforme touristique est plutôt moche.

Guide pratique des fjords norvégiens : notre parcours

Guide Lonely Planet

A priori : envies, préparatifs et contraintes

Découvrir la région des fjords de Bergen à Ålesund sans aller au pas de course, en prenant le temps de savoureux les paysages : ça, c’est le brief qu’on a donné à l’agence de voyage (après avoir renoncé à Stavanger, qui aurait rajouté 10h de route A/R ou nécessité un vol intérieur). La conseillère est revenue vers nous avec un voyage écourté (une petite semaine seulement) et rabougri (on n’allait pas plus au Nord que Flåm, adieu Geiranger et Ålesund) pour la modique somme de plus de 2000 € par personne. Du coup, nous avons décidé de prendre les choses en main et nous avons concocté notre propre itinéraire en brodant par-dessus le programme de l’agence à coup de Lonely Planet.

Cela n’a pas été sans difficulté, la contrainte majeure, de taille, étant de trouver comme boucler le parcours. Au début, nous pensions laisser la voiture à Ålesund et prendre un vol intérieur pour revenir à Bergen : quand on s’est aperçu que nous avions mal fait la conversion et que les frais d’abandon étaient non pas de 50 mais 500 €, on a vite cherché une autre solution. J’ai alors lorgné sur Hurtigruten, compagnie de ferry qui propose des croisières sur toute la côte… et entend bien vous faire payer la totale : les informations sur les trajets ponctuels ne sont pas traduites. Quand j’ai enfin réussi à obtenir les informations en anglais par mail, j’ai découvert qu’il n’y avait qu’un seul trajet par jour… et qu’il était de nuit. Il fallait prendre une cabine en plus des frais pour la voiture, et payer cher pour ne rien voir. Nous avons fini par décréter que 500 € valaient bien 8h de route ; on a ajouté deux jours / une nuit au séjour et roule ma poule.

Le parcours réalisé

  • Bergen (jour 1 à 3)
    • 👁️ Visite de la ville : le quartier historique de Brygge, avec ses toits alignés, mais aussi les hauteurs huppées (ambiance villa au-dessus de Brygge, londonienne posh sur l’autre versant).
    • Église en bois debout de Fantoft : sympa si vous n’en avez jamais vu, dispensable si vous prévoyez de passer par Borgund par exemple.
    • Randonnée sur le mont Fløyen avec panorama sur les fjords ❤️ : snobez le funiculaire si vous voulez faire un peu de prospection immobilière au départ ; chaussures de rando indispensables passé le belvédère.
    • Visite de la villa d’Edvard Grieg ❤️ ❤️ : la villa proprement dite et ses trésors racontés en français par un monsieur délicieux à l’œil qui pétille, un auditorium super bien camouflé dans la végétation (vérifiez les heures pour le mini-concert que nous avons manqué), le cabanon où composait Grieg et l’avancée qui donne sur les îles du fjord (on a même vu une étoile de mer)
  • Bergen ➡️ Ulvik (jour 3)
    • Route avec vues le long du Hardangerfjord et pause-goûter à Nordheimsum
    • Pédalo sur le fjord à Ulvik ❤️ ❤️ (possibilité de rando à pieds ou à vélo)
  • Ulvik ➡️ Undredal (jour 4)
    • Vue d’Aurlandsfjord (bras du Sognefjord) depuis la vallée de Flåm (et découverte de sa boulangerie)
    • 👁️ Vue panoramique à couper le souffle d’Aurlandsfjord depuis Stegastein ❤️ ❤️ ❤️
  • Undredal (jour 5)
    • Visite du village d’Undredal, classé par l’Unesco : tout petit mais mignon, dans les méandres d’Aurlandsfjord
    • 👁️ Flåmsbana : train touristique avec de beaux panoramas. Comptez 2 heures pour l’aller-retour ou 4 heures pour randonner sur le retour en descente de Myrdal à Flåm – le plan initial, tombé aux oubliettes vu la météo. En haute saison, il est préférable de réserver son billet à l’avance et/ou de se pointer un jour où il n’y a pas de bateau de croisière (le mercredi fonctionne bien, apparemment).
  • Undredal ➡️ Gaupne (jour 6)
    • 👁️ Détour par Borgund pour visiter l’église en bois debout et son musée
    • Paysages le long de la route
  • Gaupne ➡️ Geiranger (jour 7)
    • Route touristique qui vaut clairement le détour avec ses montagnes et ses glaciers sublimes ❤️ ❤️ ❤️
    • Église en bois debout de Lom
    • Point de vue en hauteur sur Geiranger
  • Geiranger (jour 8)
    • 👁️ Croisière d’1h30 sur le Geirangerfjord (puis réchauffement et papotage intense à la chocolaterie)
  • Geiranger ➡️ Ålesund (jour 9)
    • 👁️ Route des trolls en lacets, avec vue sur la vallée
    • 👁️ Montée au belvédère d’Ålesund pour la vue sur tout l’archipel
  • Ålesund (jour 10)
    • Visite du musée Jugendstil, installé dans une ancienne pharmacie Art Nouveau (rien que la caisse enregistreuse vaut le détour) et papotage parfait au café ❤️ ❤️
    • 👁️ Safari-photo des façades Art nouveau de la ville
    • Découverte en voiture et promenade à pieds sur les îles voisines (reliées par des tunnels), avec une grotte préhistorique en bonus
  • Ålesund ➡️ Floro (jour 11) –> Bergen (jour 12)
    • Trajet retour pour éviter les frais d’abandon, avec de beaux paysages en bonus (même si moins mis en valeur que pendant le reste du séjour)
  • Bergen (jour 13)
    • Dernier tour en ville avant de reprendre l’avion
Illustration vectorielle d'une façade Art Nouveau d'Alesund
Illustration vectorielle des maisons aux toits colorés de Bergen
Illustration vectorielle du Flamsbana
Illustration vectorielle d'un paquebot Hurtigruten
Illustration vectorielle d'un troll
Illustration vectorielle de l'église en bois debout de Borgund

A posteriori

Ce qu’on changerait a posteriori ? Eh bien, pas grand-chose. Le rythme était bon pour nous, nous avons pu paresser, profiter des délicieux buffets de petit-déjeuner et digérer avant de partir explorer les fjords vers 11h-12h. Nous avons avalé les kilomètres sans faire d’overdose, avec un maximum de 4h30 de route dans la journée. Un rythme de vacances donc, qui pourrait tout à fait être compressé pour des questions de préférence ou de budget.

Il y a cependant quelques éléments que l’on aurait aimé savoir avant :

  • les villes de Flåm et Geiranger sont moches. Aucun urbanisme, du pur pragmatisme, avec des baraquements sans charme, des hôtels étoilés avec vue sur les campings, et des parkings au bord de l’eau. Ce sont des plateformes purement fonctionnelles pour prendre le Flåmsbana ou faire une croisière ; le mieux est d’y passer rapidement (1h30 est la croisière la plus longue que vous pourrez faire sur le Geirangerfjord) ou de séjourner dans les alentours (coup de chance : le remplissage des hôtels à Flåm nous a conduites à Undredal, autrement plus pittoresque).
  • le train touristique Flåmsbana est très sympathique, mais ce n’est pas l’expérience indépassable dont tous les guides se gaussent. Clairement, cela a été pensé comme un aperçu de la Norvège pour les touristes ne disposant pas de moyen de locomotion propre : Flåm peut être rallié en train depuis Bergen, ce qui permet de faire un tour en train et une croisière sans avoir à louer de voiture.
  • Les guides de Lonely Planet essaient de trouver du bon partout : au lieu de vous dire que Florø n’a aucun intérêt, par exemple, ils écrivent qu’on peut y avoir des bâtisses du XIXe siècle et un petit port mignon, occultant la dominante centre commerciale et port industriel. Cela ne nous a pas dérangées outre mesure parce qu’on cherchait surtout un endroit où dormir et que notre location donnait sur un bout de fjord stylé, mais il faut savoir que c’est une non-destination, quand bien même c’est l’un des arrêts des croisières d’Hurtigruten.

La Norvège sur le bout de la langue

Quelques-unes de nos assiettes de petit-déjeuner…

Que miamer ?

Vous avez déjà voulu manger une salade dans un aéroport, et décidé en voyant le prix que vous n’aviez finalement pas si faim ? Bienvenue en Norvège : votre porte-monnaie et vous allez vivre dans un aéroport pendant toute la durée de votre séjour. Après avoir mangé des sandwich à 8 €, vous trouverez au retour que, même chez Paul, c’est donné. (Je parle en euros pour plus de facilité ; évidemment les prix sont en NOK, la couronne norvégienne.)

Certes, vous pouvez trouver de la junk-food qui coûte que dalle, hot-dogs à vous retourner le cœur dans le café des ferrys, frites en zigzag surgelées ranimées au micro-ondes, hamburgers semelles express à la station service, mais il faut avoir des enzymes spéciales pour digérer ce genre de choses ; seuls les Allemands habitués à la Wurst peuvent s’y risquer. Entre ces spécialités internationales tout juste comestibles et les bons plats hors de prix, il n’y a rien. Pas même dans les supermarchés, qui n’ont pas les rayons de produits transformés bobo qui fleurissent chez nous chez Carrefour ou Franprix. Une ou deux fois, dans les coins les plus touristiques, on a mis la main sur une petite salade avec de l’houmous, mais le reste du temps, nada, pas même des carottes râpées.

Comme la pizza végétarienne est à 18 €, le fish & chips dans une baraque qui pue le graillon à 20 € et le poisson dans un resto un peu sympa à 35€ (sans entrée ni dessert), on a vite adopté notre rythme de croisière : gavage au petit-déjeuner, de manière à tenir jusqu’au goûter, puis pique-nique à l’hôtel. Dîner type : soupe instantanée dans des mugs, carottes pré-épluchées quoi-de-neuf-docteur et fromage en tranches carrées avec du pain industriel. Parce qu’il y a des pains absolument délicieux en Norvège, mais très peu de boulangeries. Quant au tombe dessus, en revanche, c’est jackpot : pour les pains donc, sombres, savoureux, plein de graines, de croustillant et de moelleux, mais aussi les viennoiseries, surtout celles à la cannelle.

Cinammon rolls, cinammon buns…

Spécialités et bizarreries

Nous n’avons mangé qu’une seule fois au restaurant en quinze jours, mais les buffets du petit-déjeuner nous ont permis de goûter aux spécialités locales (enfin surtout moi, parce que Mum ne mange pas de salé le matin).

De haut en bas et de gauche à droite : tube de pâte aux œufs de poisson ; gaufre à la cannelle et au sirop d’érable ; le bocal de pickles de concombre rapporté à Paris ; des Wasa à la cannelle, conseillées par Benoît depuis Oslo (dommage qu’on n’ait pas cette variété en France) ; une tranche de brunost, avec un ajout peu académique de confiture.
  • Les poissons : le saumon est évidemment une star, frais, fumé, gravlax, mais comme on l’importe de Norvège en France, pas de révélation majeure. J’en ai plutôt profité pour revoir mon a priori des harengs, même si je leur préfère définitivement le maquereau : grillé, froid, au poivre, le péché mignon des mes petits-déjeuners (quitte à puer un peu de la gueule après).
  • Les pickles : clairement la révélation du séjour. Le pickle, je voyais ça comme un cornichon vinaigré ajouté pour donner un peu de croquant, un truc à peine moins dispensable que la feuille de salade sous un steak-frite. Pas du tout : c’est du concombre mariné dans tout un tas de saveurs qui chatoient en bouche. Les Norvégiens le servent avec le saumon, mais on les a boulottés tels quels et on a demandé en cuisine où ils venaient pour aller faire des provisions au supermarché.
  • Le brunost : forcément, j’ai goûté à ce qu’on présentait comme la spécialité fromagère locale. Verdict : pas mauvais, mais pas savoureux non plus, et surtout, ce n’est pas vraiment du fromage, plutôt une sorte de confiture de lait compacte. C’est encore avec de la confiture que ça passait le mieux, façon peanut butter and jelly (de fait, ils en mettent dans leurs gaufres).
  • Les tubes de dentifrice comestible aux œufs de poisson (kaviar mon cul) : drôle mais dégueulasse.
  • Les fraises : Palpatine en avait un souvenir ému. Je ne suis pas une grande amatrice, mais Mum s’est régalée.
  • Les gaufres : en forme de cœurs-fleur. C’est une religion en Norvège ; on en trouve même dans la buvette des ferrys. A l’hôtel d’Alesund, un pichet de pâte était à disposition pour s’en faire soi-même au petit-déjeuner : je ne m’en suis pas privée !
  • Les cinammon buns / rolls : le goûter-qui-tue (et se conserve mieux qu’une gaufre, pour servir de dessert au pique-nique du dîner).

Bonnes adresses

Boulangeries

Flåm Bakery, à Flåm comme son nom l’indique : un petit miracle que cette boulangerie dans un endroit truffé de restaurants attrape-touristes. Non seulement vous pourrez y trouver un sandwich à la truite qui vous réconciliera avec la vie après avoir erré dans tout le complexe touristique en quête d’un plat qui fasse un minimum envie, mais vous aurez envie de revenir goûter toutes les propositions sucrées. Les cookies au chocolat et les biscottis sont pas mal, mais un cran en-dessous des brioches tressées à la cannelle, qui sont à tomber, et du cookie dit à la pistache (aux fruits secs, en réalité) qu’il faut à tout prix prendre en format géant : non seulement il y en a plus (obviously), mais il est juste de le bonne taille pour que l’intérieur reste moelleux tout en étant croustillant-émoustillant sur les bords. Et vous ai-je dit que les brioches tressées à la cannelle étaient à tomber ? D’accord. Vous pouvez zapper les boissons, en revanche ; elles sont à prendre à la machine.

Lustrabui, à Luster : certes, ce village qui se traverse comme un rien est un peu au milieu de nulle part, mais comme ce nulle part se trouve donner sur un fjord (pas dégueu, comme d’habitude), il n’est pas impossible que tu y passes, toi lecteur futur touriste en Norvège. Dans ce cas, un arrêt à la boulangerie de Lustrabui est tout indiqué pour faire un refill de cinammon rolls (moi, obsessionnelle ?).

Restaurant de poisson

Lokalt & Lekkert, dans la halle aux poissons de Bergen : notre unique dîner au restaurant du séjour, pour terminer en beauté. Après avoir fait le tour des étals où toute la mer semble exposée, fumée, grillée, marinée, assaisonnée de mille manière, nous avons choisi le restaurant du milieu parmi les trois abrités par la halle. Les nappes blanches et la carte épurée auguraient mieux que les zillions de plateaux de fruits de mer différents proposés par le concurrent plus populaire. Bien nous en a pris : Mum s’est régalée avec un saumon goûté in extremis (elle peut confirmer l’association bienheureuse avec les pickles, qui lui ouvre des horizons) ; je n’ai pas laissé au chat ma part conséquente de flétan (choisi il est vrai pour sa sauce au beurre et pour changer, ayant goûté tous les saumons de tous les buffets de petit-déjeuner pendant quinze jours). À la place du dessert inexistant, nous avons observé les cuisiniers travailler dans leur enclos ouvert : la chef qui s’active, un commis qui semble adolescent à dépasser tous ses collègues de deux têtes et ne chôme pas, tous en train de remuer, sortir, couper, essuyer un front,le bord d’une assiette bien dressée, toutes actions qui raffermissent a posteriori la saveur du repas et l’inscrivent en mémoire comme une bonne expérience.

Cafés / salons de thé

Quadrillage de photos représentant les délices mentionnés en dessous… et l'oiseau venu picorer les miettes.
Y’a pas que les humains pour se refiler les bonnes adresses…

Godt Brød Fløyen, à Bergen : c’est le genre d’endroit où tout est oh my Godt, une boulangerie-café très bobo-compatible. J’y ai goûté un délicieux gâteau coco-noix de cajou et suis revenue pour leurs bouchées à la noisette grillée (ce n’est pas pour rien qu’ils font des prix dégressifs en fonction du nombre de bouchées ; ne faites pas comme moi, prenez-en plusieurs d’un coup). Le chocolat chaud maison de Mum était lui aussi délicieux, tout comme la ginger beer (en bouteille) qui me faisait fantasmer depuis plusieurs heures. Nous avons découvert ensuite en nous promenant dans la ville que c’était une chaîne – la nôtre était près du départ du funiculaire (que l’on n’a pas pris, pour pouvoir manger encore plus de viennoiseries à la cannelle).

Photos de la chocolaterie, du chocolat chaud et d'une plaque en métal où l'on voit deux personnes dans une cuisine, l'une "braquant" lautre : "Hand over the chocolate and nobody gets hurt!"

Geiranger Sjokolade, à Geiranger donc : la chocolaterie fait à la fois boutique et café. Si vous n’êtes pas allergique au turquoise et que vous n’arrivez pas au moment où un paquebot débarque en ville, c’est un endroit sympathique pour goûter et papoter. Le chocolat est de qualité, même si la (non-)préparation du chocolat chaud nous a laissées perplexes : nous avons eu beau touiller, les pistoles ajoutées après coup au mug de lait ne se sont pas bien dissoutes, préférant coaguler en vermicelles. Il aurait fallu faire l’inverse et verser en cuisine le lait encore brûlant sur les pistoles, ou bien apporter un pot de chocolat déjà fondu. Qu’importe, nous étions trop occupées à goûter des alliances originales : notre curiosité a été récompensée avec le bonbon au chocolat à l’huile d’olive et au sel, et… hum… fouettée avec celui au bleu. Oui, oui, au fromage. J’ai découvert à cette occasion qu’on pouvait faire du bleu avec du lait de chèvre. Autant vous dire que l’enrobage au chocolat n’est pas détecté par les papilles. C’était amusant, mais m’a passé l’envie de poursuivre l’expérience avec la glace au même bleu.

Le café du Jugendstil Museum à Ålesund : contrairement à la collection du musée, le café n’a rien d’Art Nouveau, mais tout y est délicieux, les serveurs-serveuses sont adorables et on s’y sent comme chez soi (en imaginant avoir une déco bobo-green-cooconing-nordique chez soi – j’ai été un peu déçue en rentrant de me rappeler que l’aménagement de mon studio s’est fait par une sédimentation mobilière pragmatique et fainéante, sans plante-paravent ni mobilier design). Nous sommes restées là un temps infini à discuter, bien après avoir picoré de l’index les miettes du scone géant (aux écorces d’orange) et raclé avec la fourchette en biais les traces de chocolat d’une tarte cacaotée jusque dans sa pâte. Avec de la clotted cream et de la chantilly, parce qu’on n’allait pas dire non au serveur, qui nous l’a proposé si gentiment. Sa collègue, tout aussi aimable, m’a gracieusement rempli la théière pour une seconde tournée – c’est dire si on avait envie de s’en aller.