Bristol fichée S(ans grand intérêt)

Samedi 17 août

Rallier Bristol depuis Brighton nous prend quatre heures au lieu des trois annoncées par le GPS : la faute à un énorme accident sur la voie d’en face (circulation à l’arrêt complet sur des dizaines de kilomètres) et un total manque d’anticipation sur la date de cette étape. On aurait dû se douter que nous serions pris dans la migration des vacanciers le samedi de la mi-août. Les aires d’autoroutes sont rares : à mi-chemin, nous sortons à la recherche de toilettes et mangeons nos œufs durs sur un muret devant un pub (privatisé pour la journée). Pour la seconde moitié du trajet, je m’installe à l’arrière de la voiture et m’endors ; les sièges y sont moins hostiles pour le dos (et le nerf fémoral qui envoyait des signaux).

La disponibilité et les tarifs des hébergements nous ont conduit à choisir Bristol comme point de chute pour rayonner sur Bath et Oxford. Par curiosité et parce que nous sommes trop fatiguées pour entamer la visite des joyaux sus-nommés, nous partons à la découverte de Bristol. Nous essayons de ne pas nous arrêter aux habitations sales, tristes et délabrées que nous longeons en traversant la banlieue Est (traditionnellement la plus pauvre des villes) et attendons le centre-ville pour nous faire une idée. Las, la ville est laide. Même les vieilles pierres sont sans charme, telles les ruines de l’abbaye utilisées comme entrepôt-dépotoir par les jardiniers de la ville.

Bristol me fait l’effet de Glasgow : une ville qui n’a pas grand intérêt si on n’aime pas picoler. Nous tombons d’accord avec Mum : nous préférons définitivement l’Angleterre des salons de thé à celle des pubs. L’Angleterre posh, quoi. Bristol restera dans nos souvenirs comme une running joke : à Bath, à Oxford puis dans les villages pittoresques des Cotswolds, on s’excusera l’une auprès de l’autre, je suis désolée, je sais que tu aurais tellement préféré Bristol…

En suivant le fleuve, nous arrivons dans une zone à mi-chemin entre les docks londoniens et le canal Saint-Martin au niveau de la Villette, qui grouille de bars bruyants (il est l’heure de la bière). Au moins est-ce vivant. Près de l’eau, un pantin pendu par les pieds est secoué en tous sens au bout d’un élastique. En nous approchant de l’engin de chantiers auquel il est suspendu, nous découvrons que ce n’est pas du tout un pantin, mais un humain en chair et en os — en vertèbres malmenées, même. J’ai du mal à imaginer que les gens paient pour exercer cette violence sur leur corps, sans qu’aucun système ne sécurise un alignement minimal de la colonne vertébrale.

Entre la bagnole, la marche et le bruit, nous sommes rincées. Le rapport kilomètres / mirettes (neuf / bof) est le plus mauvais du séjour. Quelque part gris, Mum me parle d’un souvenir d’Italie en réalité norvégien, sis à Oslo. Quelque part gris encore, nous cherchons le plus court chemin pour rentrer. On a repéré un restaurant indien pas loin du AirBnB, ça fera l’affaire. Ça fait plus que l’affaire : Msala Library est probablement le meilleur restaurant indien où j’ai jamais mangé, goûtant un plat inouï de mes papilles — des épinards aux pignons de pins, raisins secs, oignons caramélisés, épices et piment, perfect balance between sweet & spicy je confirme. On répète delicious plein de fois, les serveurs papadoum (nous déclinons à chaque fois, les plats sont trop bons pour perdre de la place en galettes).

De Bristol, outre ce restaurant indien, je retiens surtout notre AirBnB, non pour quelque charme AirBnBesque standardisé ou pittoresque, mais pour l’amusement de deviner  qui y habite. La bibliothèque et un certificat encadré indiquent que l’on dort chez un psy… sportif ? (des suppléments protéines dans les placards)… buveur de thé (trois boules à thé en forme de boule plus une pyramidale, soit tout de même quatre boules à thé pour un seul homme)… raffiné ou bien conseillé (c’est évidemment un biais sexiste, mais j’imagine spontanément les mugs Morrison, le bain moussant à la lavande et les bougies autour de la baignoire choisis par une femme). En tous cas, on y dort très bien — et Mum, les jambes surélevées, parce que la visiteuse japonaise avait raison : les sols ne sont pas droits.

Ombres d'une plante et d'une armoire massive au pied d'un escalier, sous lequel un espace de rangement est fermé par un rideau
Le monstre sous l’escalier était en réalité une plante.

Les friend awards semblent être un truc apprécié des Anglais. Il y en avait un dans la chambre que j’occupais à Brighton : la classe félicitait cette petite fille pour être une super camarade, toujours prête à partager ses expériences, mais aussi à écouter et aider les autres, toujours de bonne humeur, adorant la gym, etc. Quelque chose à mi-chemin entre le portrait chinois et l’évaluation de soft skills qui ne rentrent pas dans le cadre scolaire mais qu’on voudrait valoriser. À Bristol, un équivalent pro est affiché au-dessus de l’imprimante ; il détaille à quel point notre hôte a été un excellent compagnon d’équipe et énumère tout un tas de qualités et d’événements souvenirs, comme le fait qu’il fasse un ketchup maison meilleur que le ketchup (ou était-ce une soupe ? je ne me souviens plus). Est également mentionné le fait qu’ils ne mentionneront pas l’épisode de l’écureuil ; depuis, cela me taraude : what on earth happened with that squirrel, Alex? I need to know. (I never will.)

Bright Brighton

Une porte jaune vif dans une maison bleu, collée à sa voisine rose

Mercredi 14 août

À notre arrivée à Brighton, le AirBnB sent l’humidité. Ou le renfermé. Une odeur pas agréable, forte. Je répugne à rentrer après être ressortie pour dîner. Mum prend la chambre du haut et je dors dans celle d’une petite fille qui fait du foot, de la musique, de la gymnastique et de la danse — il y a un diplôme de la Royal Academy of Dance au-dessus du lit. J’envoie une photo à N. (nous avons toutes deux commencé la danse avec cette institution) et elle fond : avec distinction, en plus !

Le pub du coin de la rue a
des burgers VG à la carte (oui, au pluriel, il y en a deux, nous commandons les deux)
une table haute pour bébé
une cookie jar remplie de biscuits pour chien
une guirlande de photos de chiens
un serveur adorable
une tablée de femmes qu’on imagine mères de famille ou pas du tout, ça pourrait être une soirée entre copines, Tupperwear ou queer
— une atmosphère familiale qui, pour tout dire, ne correspond pas à l’idée que je me faisais d’un pub.
Comme la pizza de la veille, frites et burgers se digèrent étonnamment bien.

…

Jeudi 15 août

Je petit-déjeune d’un scone au fromage assez gros pour, peut-être pas assommer quelqu’un avec, mais disons briser une vitre. Difficile de ne pas jouer avec telle nourriture : Mum immortalise mon (sur-jeu) de casseur agressif. Nous nous attardons à la table du petit-déjeuner bien après avoir fini de manger ; il est si agréable de discuter sous l’ouverture du toit vitré et les quelques rayons de soleil qui nous tombent dessus.

Lumière matinale sur le mur

Les habitants ont dû emporter leur sèche-cheveux au camping ; j’agite les miens au-dessus du grille-pain (McGyver ne sort pas la tête mouillée quand il fait frais). Comme convenu, ils ont en revanche laissé leur chat : Bobby-the-cat est très câline quand il s’agit d’obtenir sa pâtée.

Boutique violette de Fish & chips au premier plan, puis une maison bleu sombre avec une porte orange vif

Le AirBnB se trouve dans un quartier résidentiel en hauteur. Des rues pleines de petites maisons de couleurs pas toujours assorties : un brouillon de color artist qui ferait des essais pour sa palette perfect. Au niveau individuel, entre murs et porte, ça marche parfois, mais il faudrait un graphiste pour harmoniser les couleurs des rues, en camaïeux ou teintes qui tranchent.

Lampadaire à moitié cassé sur fond de ciel gris tempête

Sur le front de mer, on trouve la fameuse jetée, évidemment, mais on n’imaginait pas le contre-champ comme ça, ni l’une ni l’autre, pas si grande ville, pas avec des bus à deux étages à deux rues de là. Il y a un petit côté destroy aussi, qui peut-être empêche le kitsch ? Authenticité de la peinture corrodée.

Un bout de plage, un gros manège jaune-orange sous un ciel gris tempête et l'enfilade des immeubles dépareillés sans charme qui forment le bord de mer

Sur la plage, les mouettes : they own the place. Quatre jeunes gens en maillot de bain vont dans l’eau, entre les deux drapeaux qui délimitent l’aire de baignade, dans le vent, le froid et les rouleaux. On les regarde sous la capuche de nos hoodies, les mains un peu plus enfoncées dans les poches.

Mouettes et transats rayés sur une page de galet avec au seconde plan "Brighton Palace Pier"

À 15h, nous déjeunons indien au milieu d’une forêt magique de guirlandes lumineuses et de cordes : les lianes ne sont autre que les tenants de balançoires, à l’amplitude restreinte par des chaînes pour qu’on n’aille pas faire du tape-cul aux voisins. Le serveur propose des chaises normales comme alternative, mais évidemment nous préférons the fun ones. Et le cœur et le corps balancent devant la carte. Nous découvrirons plus tard que le restaurant est franchisé : watch out for Mowglie.

Mur et plaque de rue qui disparaissent sous les graffiti

Les peluches Jellycat se multiplient dans les vitrines : des marshmallows chez Waterstone, une aubergine Dracula dans une boutique de jouets, une grosse mouette en peluche sur une maison de souris un peu plus loin. Toujours l’enfance, partout. Et l’inventivité graphique. Dans les papeteries, sur les présentoirs des cartes postales, les devantures des magasins et les murs de la ville, omniprésente. Les o des DoNUTS volent.

Auvent rayé et tableau naïf pour une rue commerçante

Peluches Jellycat

Ni couleurs, ni revêtement, ni métaux : le Royal Brighton Pavilion ne nous emballe guère avec ses formes indianisantes sans aucun atour. Nous le contournons, dubitatives, en cherchant toutes les quotes qui pourraient résumer le lieu :

« Une maquette en attente d’être peinte. »
— la souris

« Comme si on avait mis du fond de teint et oublié de se maquiller. »
— Mum

Le seul véritable attrait de ce bâtiment est de n’avoir rien à faire là. Incongru, je l’aime autant en silhouette sur les poubelles de la ville. Une photo que je n’ai pas prise : le pochoir blanc du Royal Pavillon sur une poubelle vert sombre devant une maison vert clair.

Un bout du Royal Pavilion parmi les toits

Bow window dont la fenêtre est tenue par une bouteille en verre

Le crachin nous fait accélérer le pas — en montée. La soupe réchauffée est tout indiquée. Mum s’endort devant Les Animaux fantastiques, alors que je suis tout heureuse de retrouver le Niffleur et les fossettes d’Eddy Redmayne. J’ai l’impression de l’avoir vu hier. Hier il y a 8 ans.

…

Vendredi 16 août

Au réveil, je repense au SDF croisé sur la promenade près de la plage dans son sac de couchage, la tête relevée par le coude, un Philippe Katherine Poséidon qui regarde passer les touristes. La lumière filtre à travers les rideaux, projette sur le mur des rayures chargées de la couleur des boules en papier qui enguirlandent la fenêtre. Je me rendors. Au réveil, j’ai l’impression que je pourrais dormir toute la journée, enveloppée dans la douceur de l’oreiller et de la couette, pourtant pas si douce. Toutes les sensations me semblent pouvoir être ressenties avec volupté. La fraîcheur du (beau) jour en passant la tête par le vasistas. La proximité de la mer invisible autrement que par le cri des mouettes.

Écureils anglais
Attention, un squirrel peut en cacher un autre.

Cette fois nous descendons jusqu’à la mer par Queen’s Park – l’occasion de croiser des écureuils et des nénuphars en cage (leur nature expansive contenue par des espèces de casiers à homard, des mouettes pour geôliers). La mer en vue n’est pas pour autant directement accessible. Passage souterrain à emprunter, voies à traverser, murets à enjamber : c’est comme en Calabre, la plage se mérite. Et elle a ceci de génial : des toilettes publiques (certes partagées avec les mouettes, dont une perverse qui ne me quitte pas des yeux).

Plage de Brighton

Plage de Brighton avec au premier plan un bout de rambarde turquoise rouillée

Plage de Brighton au second plan, derrière un fronton sombre et une rangée de poubelles

Il fait beau. Presque chaud. Beaucoup plus beau et beaucoup plus chaud qu’on aurait pu l’escompter en partant ce matin — sans maillot de bain. Entre les vagues si grises hier et l’air si frisquet ce matin…  Je regrette. J’envisage me baigner en culotte et serais presque prête à faire fi de la gêne seins nus s’il n’y avait le froid et l’humidité à mettre en balance pour la suite de la journée. C’est trop bête. Cela prend si peu de place, un maillot. Sur un coup de tête, j’abandonne le conditionnel passé (j’aurais du) et décide de faire l’aller et retour, vingt-cinq minutes de marche en dénivelé, pour aller chercher maillot et serviette.  Je laisse Mum dorer somnoler sur la plage et me lance, transpirante, enthousiaste, dans ma virée un peu folle, un peu fofolle.

Séparation colorée gris et rose de deux maisons mitoyennes

Séparation colorée de deux maisons mitoyennes : une bleu avec porte orange et une jaune avec porte gris sombre. Devant la seconde est garée une voiture bleu pastel qui fait écho à l'autre maison

Je marche seule à grande enjambée, prise d’un sentiment de liberté vivifiante, vole quelques photos au passage, suis enfin de retour, puis dans l’eau. Cela aurait été trop dommage de louper ce bain de mer, mon unique occasion du séjour et de l’été. La brasse face au Pier a quelque chose d’improbable. Moins cependant que la discussion que j’engage dans l’eau avec une Allemande de Cologne, qui a laissé son boyfriend sur la plage. On échange des banalités puis des tips, elle me conseille The Little tea room in The Lanes et je tente de lui décrire le cheese scone :
— It’s like Brot und Käse, only…  
— … only better, that’s what you’re trying to say ? elle rigole.
Je cherchais juste : plus chmouch chmouch, plus moelleux. Fluffy? Mon anglais est rouillé.

Silhouette au bord de l'eau qui relève son pantalon

Gros plan sur une rambarde en fer forgé avec la mer floue en arrière-plan

Lunch time : sandwich triangle et pas triangle. 2 x 2£ et nous nous promenons sur le Pier, dénichons deux transats un peu éloignés des attractions bruyantes. Ici, les glaces à rien sont servis avec un bâtonnet de chocolat : whip & flake, je dois goûter. Après quelques stands hors de prix ou en rupture de stock, c’est chose faite : le bâtonnet s’émiette, on dirait une stracciatella en kit, non mélangée. On digère et on somnole sur un banc étoile pas loin de la maison renversée qui marche sur le toit puis on longe la plage longtemps, jusqu’à une langue de pelouse et un Crescent bien peu balnéaire qui s’avèrent appartenir à la commune suivante, Hove.

Barrière en fer forgée blanche et panneau "Risk of death or serious injury Don't jump in the water"
J’adore cette précision anglo-saxonne (s’il y a danger de mort, on se doute qu’il y a a minima danger de graves blessures).

Transats rayés devant les ruines du concert hall sur pilotis

Mum toute floue avec son cornet de glace
L’erreur de réglage me rappelle les photos argentiques de mon enfance.

Après quatorze kilomètres de balade dans les pattes, nous sommes de retour. Ratatouille et œufs cassés dedans façon chakchouka, nous dînons à la maison. Puis regardons la fin de Fantastic Beasts. J’ai décidément grand plaisir à le revoir.

Ruines du concert hall sur pilotis encadré par les décors d'un kiosque

De blanches falaises, un archevêque planté en pleine nuit

Mardi 13 août

Sur le trajet de Roubaix à Calais, je me dis qu’il y aurait matière à une étude graphique sur les clochers du Nord ; je verrais bien un poster d’illustrations vectorielles.

Après un imbroglio de palissades, barbelés et échangeurs, puis des contrôles de passeport et plaques d’immatriculation, nous voilà stockés pour une heure sur un parking. L’embarcation proprement dite est également laborieuse, les automobilistes mal dirigés à l’intérieur du ferry. Un petit stage en Norvège ? propose Mum. Tout était si fluide là-bas — sans frontière il est vrai.

En attendant sur le parking, nous observons ce qui se passe dans le coffre devant nous comme si nous étions dans un cinéma drive-in : le père qui se glisse dans le coffre, son T-shirt avec la vague d’Hokusai plantée comme une feuille de salade dans un bol de ramen ; le gamin qui n’arrête pas, lui donne limite un coup dans les roubignoles (choix lexical de Mum) ; le chien qui suit le trajet du sandwich du fils au père, du père au fils et du fils à la mère, le museau comme un curseur aimanté. Nos commentaires assurent l’audiodescription.

La traversée vaut croisière, sur l’eau, au vent, au soleil. Un passager s’amuse à jeter des morceaux de son sandwich à une mouette qui les attrape au vol — l’expression ne rend pas la prouesse : au vol comme un gardien de but intercepterait le ballon. En dessous du bastingage, les dessins de l’écume font comme une pierre précieuse, un marbre, je repense à Fabienne Verdier, à ses pierres de rêve, aux motifs naturels qui se répètent. Mum, dans un autre registre, y voit de la crépinette, le gras que l’on étire pour enrober les paupiettes de veau — un motif organique encore.

Les falaises blanches vues depuis el bateau

Les falaises à l’approche du ferry me donnent envie de faire des collages de papiers déchirés, unis pour les roches, texte au noir pour la mer qui moutonne. Connaissez-vous les collages montagneux de Cécile Fourcade  ? On y marche ensuite, sur ces White Cliffs of Dover et la marche et le vent font se sentir vivant puis fatigué d’une saine fatigue. On pourrait se croire à Étretat, n’était le phare réaménagé en salon de thé rétro éminemment britannique. Une playlist se fait passer pour une radio des années 1920, peu ou prou l’époque où doit avoir été pris le portrait de la jeune reine Elisabeth qui trône au-dessus d’une théière en forme de phare. Pour compléter le tableau, il faudrait ajouter le papier peint à fleurs, les vieux portraits encadrés des gardiens de phare ou de leur famille, les rideaux en dentelle vieillotte que l’on tire et retire et remet pour la vue embuée, et les chaises en bois dépareillées, aussi bien dans la forme des dossiers que dans les tissus d’ameublement — du latin est brodé sur l’un d’eux. C’est comme la vaisselle, rien ne va avec rien, mais si bien que cela en devient British à souhait. C’est là que nous mangeons nos premiers scones du séjour, plain scone avec de la clotted cream pour Mum, cheese scone pour moi. Dehors, les tasses à thé trônent négligemment sur des plateaux de self emportés sur les tables de pique-nique, fanions au vent. Lequel vent se lève fortement sur le retour.

La drapeau anglais qui flotte, vu à travers la vitre du salon de thé avec son rideau mémère

Dénivelé de la falaise et minuscules silhouettes humaines en haut, face à la mer

La lumière à travers les rideaux du salon de thé

Un arbre ébouriffé au bord de la falaise

Et c’est le début de la conduite à gauche.

À Canterbury, le AirBnB est AirBnBesque. Je voudrais sur le canapé bleu nuit prendre le temps de compulser tous les livres de cuisine, au-delà de leur couverture sweet tooth. La tête inclinée dans l’autre sens (il n’y a pas que la conduite qui soit inversée chez les Anglais), je parcours le rayon de fiction, aux noms familiers : Bill Bryson, Murdoch, Murakami, Zadie Smith, Roam Dahl, Pratchett, Margaret Atwood, Ian McEwan. Dans la salle de bain, dans l’entrée, dans la chambre, je guette, encadrés ou au fond d’une étagère vide, encore sous plastique, des dessins aux traits fins, interrompus parfois. La série conserve quelque chose d’intime. Dans le salon, ce sont d’autres dessins aux traits grossiers, aux yeux vus et revus qui ne voient rien. Dans l’entrée, une boîte de thé miniature singe Big Ben sur une étagère que je fais tomber en me relevant (pourquoi m’étais-je baissée, je l’ai déjà oublié), les chevilles arrachées du mur. On ramasse les gravillons éparpillés depuis le bocal ornemental où ils étaient, Bébé Big Ben et les animaux sculptés, on remet tout en place, bien disposé, sur l’étagère effondrée à même la moquette. La moquette : épaisse et pas très propre, j’avais oublié le plaisir de s’enfoncer en marchant.

Challenge : visiter Canterbury sans chanter la chanson de Delerm. On a planté, en pleine nuit / l’archevêque de Can-ter-bu-ry… Les alentours de la cathédrale sont presque déserts en cette fin de journée. Nous partageons la quiétude du cloître et du jardin avec quelques rares touristes. Le jardin, très anglais avec ses rosiers. Et le cloître… comme tous les espaces de perméabilité entre l’extérieur et l’intérieur (les bow windows, les chiens assis…), j’aime les cloîtres, leurs promenades abritées, comme un secret, et néanmoins à l’air libre… Nous y sommes seules un instant, à la fois dehors et dedans. Les vitraux sont fiévreux, les herbe hautes, silencieuses dans leur frisson, et le gardien ferme devant puis derrière nous. Ces couloirs, ces carrefours de pas m’appellent davantage que la cathédrale en elle-même. D’un commun accord, nous esquivons la visite payante (une cathédrale ou une autre…) et flânons autour des ruines de l’abbaye. Comme à Rome, les strates temporelles m’émeuvent davantage que les édifices en eux-mêmes ; le résultat fini, par sa permanence, efface le vertige de l’éloignement temporel. Il se fait faim et nous remettons au lendemain la promenade dans le jardin du souvenir, sans savoir que, le lendemain, nous trouverons l’entrée du parvis non seulement grouillante de monde, mais barrée, rendue payante : nous étions la veille sans le savoir arrivées aux heures de culte. Préférant rester fidèles à nos instants privilégiés de la veille, nous avons abandonné le site aux touristes moins chanceux.

Découpes du cloître

Au détour d’une rue, à la recherche d’un endroit où dîner, Mum retrouve la porte de guingois qu’elle avait photographiée adolescente, qui lui confirme être venue ici, à l’époque où elle était en séjour linguistique avec mon père. Elle n’était plus bien sûre. L’émotion de trouver, non ce qu’on était venu chercher, mais ce dont on se souvenait à peine, dont on n’était pas sûr de se souvenir. De retour en France, Mum retrouvera la photo de son adolescence… prise à Rye.

Porte inclinée d'une librairie à Canterbury

Photo de Mum d'une autre porte inclinée prise à Rye

Dans un restaurant dont on ne sait pas encore qu’on le retrouvera dans d’autres villes, nous mangeons une délicieuse pizza au halloumi et oignons caramélisés. La pâte au sourdough est étonnement digeste ; on s’en étonnera à plusieurs reprise le soir et le lendemain, sans pépie ni sommeil lourd. À la table d’à côté, une autre mère et une autre fille se racontent d’autres choses avec la même connivence tandis que nous discutons à distance des derniers mois de travail de Mum et nous remémorons d’autres voyages mère-fille, évoquant des souvenirs saillants dans une géographie et une temporalité très incertaines : était-ce le premier ou le deuxième voyage en Norvège ? ils se sont fondus ensemble ; l’Italie ou la Calabre ? En filigrane, à travers ce qu’on en oublie, se pose la question de ce qu’on vient chercher en voyage — de ce qu’on vient oublier en voyage ? et de ce qu’on trouve : l’envie ? Avec le temps, les souvenirs se superposent, se confondent, au point que si l’on faisait un tour complet du monde, on aurait probablement oublié le début à la fin. Pour quoi voyage-t-on, visite-t-on avec autant d’assiduité, si l’on oublie ce que l’on a vu, visité ? Peut-être les souvenirs n’ont-ils pas disparus ; ils se seraient raréfiés, devenus vifs et rares. Peut-être aussi les voyages n’ont-ils pas vocation à demeurer, seulement à permettre ce genre de moment, de discussion. Alors que Mum aborde la retraite avec une sorte d’incrédulité teintée de défiance ou de désillusion, quelque chose en dé-, détricotage, nous remontons aux clubs de vacances d’enfance, la sienne et la mienne. Fut une époque où l’on partait à chaque vacances ; aujourd’hui, on peine davantage à se projeter, à réserver. À chaque fois que l’on part, on se dit qu’on devrait partir plus souvent. C’est ce que l’on s’est dit pendant toute la promenade sur les falaises, le premier jour, à quel point ça fait du bien.

Les souvenirs défilent à table et le soir, coincée aux toilettes par mes TOC comme tous les soirs, ce sont les années que je fais défiler sur l’écran de contrôle de mon appareil photo : la Norvège, l’Italie, les Noëls avec des coupes de cheveux qui faisaient paraître Mum plus vieille qu’elle ne l’est aujourdhui et papi vivant (cela fait 5 ans qu’il est mort tu te rends compte, elle me dit ; on ne se rend pas compte, on se redit), Palpatine en vacances à Noël, au mariage de P. puis plus de Palpatine, le confinement, la suite, le vertige de la mosaïque immense et des photos minuscules dans la pellicule du téléphone dézoomée.

On rit encore dans le canapé bleu moelleux du AirBnB. Ce soir, dans le one woman show de Mum : le récit du prélèvement du caca pour échapper à la coloscopie (si). À un moment, il faut bien aller dormir quand même. Il est minuit ici, 1h en France.

…

Mercredi 14 août

Je me réveille d’un rêve où j’écrivais une lettre à mon cousin-qui-a-coupé-les-ponts ; son prénom ne me revient pas immédiatement, à mesure de l’oubli oublié. Sur le canapé bleu nuit mou, je consigne ça et prends des notes sur la première journée du voyage dans l’application Journal de mon nouveau téléphone. Je pourrais le faire directement sur WordPress, en brouillon, mais ainsi les notes restent plus modestes, classées par jour, et j’ai l’illusion d’écrire pour moi rien que pour moi — peut-être le devrais-je ?  Je note en mots-clés, lieux, souvenirs déclencheurs, sans points ni majuscules souvent ; je conjugue à peine, mais parfois l’infinitif marque davantage que l’action : le départ de l’écriture. Parmi les white cliffs, la pizza, Delerm, se trouvent les quasi poèmes de la traversée : tout est dans tout / alors ne pas être dans l’eau sombre et dure quand on est sur le pont du ferry  / au loin à l’horizon flou où la mer et le ciel débordent l’un dans l’autre / un probable porte-conteneur ouvre une porte de sortie.

On a planté en pleine nuit, l’archevêque… De Canterbury, nous visitons ce qui n’est pas la cathédrale et déjeunons d’un sandwich triangle au bord de l’eau, avec d’autres touristes, espacés et alignés comme les pieds de pommier qui grimpent à intervalles réguliers le muret du jardin très propret qui nous fait face. Sous nos pieds pendants, des algues agitent la chevelure d’Ophélia. On est parti avant la fin / du monologue shakespearien…  On passe du temps à observer les mouettes se prendre le bec sur le toit d’en face et les canards dériver comme leurs homologues en plastique — quelque soit la langue que l’on parle, on fait les mêmes bruits à les mimer. Mum suit avec attention les manœuvres des gondoles et plus particulièrement d’un gondolier : on jurerait que le Dr House s’est reconverti. Partis avant d’savoir / l’fin mot de l’histoire…

Nous faisons le tour d’un platane oriental disgracieux mais imposant, obèse probablement d’avoir mangé trop de pâtisseries. Les Anglais savent y faire : sont beaux et les jardins et leur fondu-enchaîné à la verdure moins dirigée. Les saules pleureurs répondent aux algues, ça foisonne vert dans la ville. On pourrait se promener longtemps, mais nous rebroussons chemin pour poursuivre le nôtre. Non sans avoir acheté d’énormes scones, des rochers vraiment. On s’apercevra ensuite qu’il s’agissait du salon de thé recommandé dans le guide.

Pour nous punir d’avoir délaissé l’autoroute au profit de routes secondaires,  le GPS nous embringue sur tout un tas de routes impossibles criblées d’ornières, où souvent l’on ne passe pas à deux de face — à gauche pour céder le passage, à gauche ! Par la suite, on tentera de deviner la taille des routes à leur tracé plus ou moins sinueux ou rectiligne, mais pour l’heure, il faut poursuivre et persévérer dans un périple un brin éprouvant. À Tenterden, où nous faisons halte pour nous dégourdir les pattes, une dame sortie du salon de coiffure avec le plastron et les cheveux mouillés promène son petit chien dans le jardin de l’église pendant que sa couleur pose, parapluie à la main. La scène vaut presque à elle seule la fatigue de la route qui suit. Nous faisons un dernier break-détour à Hastings : ça disait quelque chose à Mum et ne nous dit rien quand on arrive. C’est un peu le Toulon local, tristoune. On prend le vent cinq minutes et les portières claquent pour Brighton.

Boutique de vêtements "Ibbidi-Bobbidi-Boo"

Voyage en Calabre : itinéraire et bonnes adresses

On cherchait pour nos vacances mère-fille un coin d’Italie que Mum n’ait pas déjà visité et elle a fini par trouver : la Calabre. Le bout de la botte, tout en bas, en face de la Sicile.

L’itinéraire

Carte du bas de l'Italie avec les villes mentionnées dans l'article
Pas loin de 2000 km en tout

Mum a préparé l’itinéraire (gloire et grâce à elle) avec le guide Lonely Planet. Si vous voulez vous en inspirer, sachez qu’il est adapté à notre rythme (on ne se presse pas en vacances) et à nos désintérêts (les châteaux et les églises, c’est extra pour le décor ; si on peut être dispensées de les visiter, on aime autant). Nous, on est là pour la promenade et le régal, pour flâner et s’imprégner des ambiances. Grimper pour un panorama pourquoi pas, mais avec une glace une fois arrivées au sommet.

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4 nuits à Naples

    • Le vieux Naples 💛 💛 💛 🍽️ 🍦 
      Des ruelles, du bordel, de la splendeur, de la crasse, des églises, du bruit, des banderoles…
    • Pompéi 💛 💛 💛
      Je pensais voir quelques murets de fondation et des colonnes plus ou moins debout, et c’est une ville entière que j’ai découverte, avec des rues, des trottoirs, des murs hauts et des toits parfois, des échoppes avec leurs jarres incluses dans les comptoirs, des maisons avec leurs fresques, leurs mosaïques…  Ce sont bien des ruines, mais l’on dirait moins celles d’un site archéologique que d’une ville détruite par la guerre — surtout lorsqu’on voit la cité antique d’en haut, se détacher de la ville moderne. On y a passé plusieurs heures et on pourrait y passer facilement la journée, plusieurs journées : Pompéi est aussi longue à explorer qu’une ville encore vivante, davantage même dans la mesure où l’on furète parmi les maisons des particuliers.
    • Herculaneum 💛 💛
      Doublon de Pompéi ? Pas vraiment. Herculaneum est plus petit, mais on y découvre des étages : deux, parfois trois, un bout d’escalier ; des maisons avec leur impluvium, mais aussi des puits de lumière, tout en haut, ornés de simili-gargouilles ; et des squelettes figés dans les garages à bateau, alors que les habitants tentaient de fuir par la mer avant qu’elle n’entre elle aussi en fusion. Un tour par le musée permet de s’esbaudir de la finesse des orfèvreries (je ne me suis pas remise de la jarre violette miniature gravée dans une petite pierre précieuse…).

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2 nuits à Buonvicino

    • Buonvicino 💛 🍽️
      Un petit village aux rues pavées de mosaïques en galet, avec un kiosque, une vue lointaine sur la mer et une très bonne table. Le tout sous la houlette de notre guide félin errant, baptisé Marco il gatto pour l’occasion.
    • Diamante 💛🍦
      Il n’y a pas des masses de villages mignons au bord de la mer en Calabre, et Diamante fait partie des heureuses exceptions (aux côtés de Tropea et Pizzo), avec une jolie promenade en bord de mer et des ruelles animées par de nombreuses fresques de street art. On y déguste aussi un délicieux granité au cédrat.
    • Marina di Belvedere
      Notre premier village pierreux couleur terracotta.
    • Paola 🍽️  
      Une vieille ville bien insérée dans la nouvelle, avec une belle arche ornementée comme une église, des plantes, des églises, des ruelles…
    • Fiumefreddo Bruzio 💛
      Le village est pittoresque dans le genre pierreux, mais le wow est surtout dû au château en ruine et à la vue qu’on y a sur la mer Tyrrhénienne depuis la terrasse — un cadre parfait pour tragédie antique.

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4 nuits à Pizzo

    • Pizzo 💛 💛🍦
      Un très chouette village au bord de la mer, touristique dans le bon sens du terme : on a envie de s’y attarder, s’y installer pour le temps des vacances. Il y a à voir, c’est animé, aménagé, avec un parking où se garer à proximité et un bon choix de restaurants, une jolie plage juste là, en bas du château, des ruelles ni délabrées ni muséifiées, une gelateria familiale où viennent se ravitailler les enfants et les vieux du quartier… Tout y est pour venir s’y promener, baigner, restaurer.
    • Tropea
      Un gros village (une ville ?) au bord de la mer, touristique dans le mauvais sens du terme : on est content d’y passer, et de ne faire que ça, justement. Passer et s’en aller. C’est le Saint-Trop’ calabrais, ça grouille, de monde, de pittoresque organisé, des merdouilles à vendre à tout coin de rue.
    • Nicotera
      Un village qui mise tout sur sa vue et quelques ruelles qui semblent décorées spécialement pour Instagram.
    • Capo Vaticano
      Cette vue sur la mer.
    • Zungri 🤷‍♀️
      Quand on a visité Pompéi quelques jours plus tôt, le contraste est rude — rustre. Si vous aimez les ruines troglodytes, rendez-vous plutôt en Dordogne.
    • Vibo Valentia
      Un château, des ruelles, le cagnard, plus aucun restaurant qui sert… parfois on rate un peu une rencontre avec une ville, et ce n’est pas si grave, il y a des tartelettes à la crème de pistache pour compenser.
    • Scilla 💛
      LA Scilla de Charybde en Scylla. On n’a pourtant pas l’impression d’aller de mal en pis en visitant cette jolie petite ville, puis le village de pêcheur en contrebas : une partie des maisons a ses fondations dans l’eau, comme à Venise… Une fois qu’on a laissé le car de touristes pressés prendre sa glace à prix parisien, on savoure le calme revenu, le sourire aux yeux bleus du vendeur, assortis à la mer juste là, devant laquelle s’ébat une portée de chatons sauvages. (La plage en revanche a laissé soupçonner la dangerosité de la mer, avec des rouleaux assez violents survenus de nulle part pendant une trentaine de secondes alors que tout était d’huile…)
    • Reggio di Calabria
      La grosse ville de la région, avec une grande promenade le long de la mer, plus impressionnante que belle (un petit côté quais de Seine sur la partie en contrebas). Les arbres qui la bordent sont en revanche magnifiques.

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3 nuits à Chorio

    • Chorio
      Le village n’a rien de spécifique hormis son incroyable AirBnB de nonna vintage.
    • Bova 💛
      Quelques ruines et pas mal de rénovations en tuiles et pierres, c’est mignon, fleuri, avec une improbable locomotive à vapeur sur la place principale alors qu’aucune gare n’a jamais desservi le village.
    • Pentedattilo
      Un village fantôme au pied d’une énorme roche en forme de main, auxquels quelques durs à cuire (exposition plein Sud) essayent de redonner vie. À 32° à l’ombre, on n’a pas eu le courage d’en sortir pour arpenter ce qu’il reste de rues.
    • Brancaleone
      La petite ville moderne n’a en soi aucun intérêt, mais elle abrite un  hôpital pour tortues de mer (qui viennent pondre sur les plages de environs), et Mum avait très très envie d’aller voir les tortues de mer. On y a rencontré Gaia, bambina de 2 ans en convalescence.
    • MuSaBa 👁️
      Ce musée est à voir, dixit le guide, qu’on soit ou non amateur d’art contemporain. Le guide n’a pas tort. C’est un lieu improbable, à hauteur d’un délire d’artiste : Nik Spatari a utilisé les ruines d’une abbaye médiévale pour en faire son musée (en mode, moi aussi, j’aurai ma chapelle Sixtine torturée), et investi les environs à coups de sculptures et mosaïques — une espèce de Parc Güell au milieu de nulle part.
    • Gerace 🍦
      Gerace, le village aux 100 églises, c’est un peu comme Roubaix, la ville aux 1000 cheminées : une exagération sur fond de vérité. On n’a pas compté les églises, mais il y en a tellement dans chaque village qu’on n’a pas eu l’impression d’en voir spécialement plus que d’habitude.

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2 nuits à Santa Caterina dell’Iono

    • Santa Caterina dell’Iono
      N’y entrez pas en voiture, c’est à peu près tout ce que j’ai à vous en dire.
    • Stilo
      Nous n’avons pas visité l’édifice religieux à visiter, mais depuis la terrasse attenante, nous avons profité d’une vue plongeante sur ce joli village en pierres.
    • Stevanno 🤷‍♀️
      Apparemment, Stevanno possède une plage prisée des hippocampes, mais comme on n’en a pas croisés, ce fut sans grand intérêt.
    • Tiriolo
      Depuis les hauteurs de ce village (qui ne s’appelle ni Triolo ni Tiriolet), on peut voir les deux mers, Ionienne et Tyrrhénienne… par temps clair. Ce n’était pas tout à fait le cas quand nous y sommes passées, on a deviné plus qu’aperçu les limites bleutées des horizons, mais cela donne une idée des distances, un léger vertige peut-être à confondre vastitude et étroitesse.
    • Catanzaro
      Une ville moderne qu’on n’a pas eu le courage de visiter, dans laquelle on a seulement fait étape pour déjeuner.
    • Le Castella 💛 💛
      Nous devons cette heureuse découverte à un accident routier et des travaux de voirie : ennuyée dans les embouteillages, j’ai compulsé le guide et déniché cet arrêt non prévu. C’est une station balnéaire charmante, avec des terrasses qui donnent envie de s’y attarder. Sa plage de sable dorée (dans ce coin à galets, c’est suffisamment rare pour être signalé) a pour toile de fond un château en ruine posé sur une presqu’île : on se baigne dans une carte postale.

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4 nuits à Ciro

    • Cirò 🤷‍♀️
      Le guide indiquait que ce village au cœur des vignobles était un incontournable… en oubliant de préciser qu’il l’est uniquement pour les amateurs de vin. Il faut en effet avoir un petit coup dans le nez pour trouver du charme à ces ruelles passablement glauques.
    • Cirò Marina 🍦
      Oui, mais non, peut-être, ah ? presque, mais non. L’appréciation clignote comme un néon. Il y a du potentiel pour que ce soit charmant (de grandes plages, un petit port, un bon glacier), mais ça ne l’est pas. Une fois accepté qu’il n’y a rien à voir, pourtant, et que le farniente prend le pas sur la visite, on s’y sent bien.
    • Morano Calabro 🍽️  
      Le village s’apprécie probablement davantage de loin (par l’espace qu’il occupe sur la colline) qu’entre ses ruelles (le crépi gris a moins de charme que la pierre), mais je ne puis être objective, ravie du déjeuner gastronomique que j’y ai dégusté.

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Les bonnes adresses

AirBnB

Casa Chiara Italia à Naples
On aime ou pas la thématique Vésuve des tableaux, mais l’Haussmanien napolitain, ça en jette, avec une hauteur sous plafond délirante et un énorme lustre en cristal de famille (auquel il manque quelques pampilles… cassées ou volées, l’histoire ne le dit pas).

Chez Gorgia à Chorio 
Si cet AirBnB était un programme télé chroniqué par Télérama, son genre serait quelque chose comme : appartement baroque de nonna vintage. Il y a en trop, partout, de tout, trois Bialetti dans le placard, des affichettes en série, des tasses en exposition sur la cheminée, des victuailles dans le frigo, plus plein que quand je fais le plein, des bouteilles d’huile d’olive, fraîche ou rance, des magazines étalés sur la table basse, des produits de soin dans la salle de bain, une boîte à mouchoir dans chaque pièce, une mappemonde en guise de lampe de chevet, un meuble-machine à coudre en guise de table de chevet, des bonbonnières de biscuits et de céréales, la table déjà mise à notre arrivée… Un accueil d’autant plus incroyable que la profusion du lieu contraste avec la pauvreté apparente des environs.

Casale dell’Attiva à Cirò
L’unique agriturismo de notre séjour. Malgré une nuit où les chiens de la ferme ont beaucoup aboyé, le bruit des travaux viticoles et la virulence des moustiques, j’ai adoré notre séjour dans cette maison rustique sobrement meublée (une vague réminiscence de la chambre de Van Gogh ?) et bien bouquiné dans le salon de jardin sous la tonnelle, avec le bruit des cigales et la vue sur les oliviers.

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Restaurants 🍽️  

Matteo à Naples : à emporter ou à manger sur place dans une ambiance cantine (archi climatisée), il faut goûter la pizza fritta une fois dans sa vie (mais peut-être pas deux). Intégralement plongée dans la friture, cette curiosité ressemble presque plus à un beignet qu’à une pizza, et se digère de même.

Gastronomia Focetola à Paola : la terrasse de cette charcuterie-fromagerie donne sur une place sympathique à l’entrée de la vieille ville. J’y ai découvert la confiture de cédrat, servie en sucré-salé sur une tranche de fromage grillé : un délice !

Borgo dei Greci à Buonvicino : une très bonne table, avec vue (lointaine mais idyllique) sur la mer. On m’y a servi une polenta comme je n’en avais jamais mangée, mitonnée à l’huile d’olive et aux petits légumes du jardin, servie dans une cassolette entourée de spaghettis frits, croustillants comme des gressins. Dépité que nous n’ayons plus faim après ce primo piatto, le serveur nous a offert de délicieuses bruschettas !

L’Antico Borgo à Morano Calabro : nous sommes tombées par hasard sur ce qui s’est avéré être un sacré restaurant gastronomique. Incroyable carparccio de crevettes et burrata pour Mum, tartare de saumon à l’olive noire, cédrat et bergamote confits, glace à l’huile d’olive pour moi. Nous avons pris 3 desserts pour 2 et je ne regrette rien, bien qu’il a fallu ralentir dans les tournants en reprenant la route.
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Glaciers 🍦

On mange de très bonnes glaces à peu près partout pour presque rien (2€50 le cornet) en Calabre. Voici quand même quelques gelateria qui m’ont marquée.

Mannela à Naples
Je n’ai goûté qu’une seule glace dans cette chaîne de qualité et c’était bien trop peu (je blâme la pizza fritta).
🍦Un parfum à goûter : crema Mennella, mêlant amandes et cacahuètes, mamma mia.
🍦Un parfum à éviter : cioccolato fondante. Au chocolat corsé se mêle un parfum d’orange pas du tout annoncé (apparemment c’est récurrent).

Dal Perugino à Diamante
Je n’ai pas goûté les glaces, mais le granité au cédrat était fou : très sucré et très bon.

L’Angolo del Gelato à Pizzo
Une gelateria familiale où il fait bon revenir pour déguster environ tous les parfums une fois goûté le tartuffo, entremet glacé avec un cœur de chocolat fondant (en théorie, quand on a le courage d’attendre).
🍦Des parfums à goûter : pistache et noisette parce que l’Italie, fior di latte pour l’onctuosité, stracciatella pour sa base généreuse de fior di latte, ricotta pour l’originalité.

Bar del Tocco, di Rinaldis Giuseppe à Gerace
J’y ai pris un granité, mais quand j’ai goûté la mini-brioche archi-délicieuse qui était servie avec, j’ai regretté de ne pas avoir pris la grosse brioche con gelato (remplie de glace, oui, oui). Si vous y allez, merci de me la faire manger par procuration (la pistache fonctionne très bien avec la brioche)(de rien).

L’Antico Gelateria à Cirò Marina
L’enseigne affiche les prix obtenus dans des concours de glaciers (je me propose comme jury si vous connaissez quelqu’un qui connait quelqu’un), mais ce ne sont pas nécessairement les parfums primés qui sont les meilleurs : préférez les classiques aux inventions composées. J’y ai mangé deux glaces par jour pendant trois jours ; la serveuse, adorable et amusée, m’a offert la sixième.
🍦 Un parfum à goûter : le cioccolato fondante, réellement cacaoté par rapport au cioccolato tout court.
🍦Un parfum à éviter : pistache-amande

Journal d’une demi-journée à Gent

Pas spécialement de coup de cœur pour cette ville, mais cela m’a fait du bien d’arpenter de la nouveauté, même si je me suis parfois demandé ce que j’y faisais, ce que j’y cherchais. Des angles de vues. Des curiosités. Des amusements. De l’ailleurs pas trop loin. De la saine fatigue. Du déni de tendinite.

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D’un TER à l’autre, la langue change. Je n’avais même pas songé que je ne serais plus en zone francophone. Le double nom de la ville aurait pourtant dû me faire tiquer. Gent/Gand.

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Deux minutes après être sortie de la gare, je tombe sur une boutique de danse, luxueuse. Devant l’une des cabines d’essayage, une petite fille en justaucorps à jupette opaque intégrée, flambant neuf flambant rouge lycra brillant, pirouette à répétition sur le même pied nu, en réalité tenu par une bande de résille que j’imagine appartenir au monde de la GRS. Seule l’absence de concordance entre mes envies et la disponibilité de ma taille me sauve de la ruine. Le magnifique justaucorps d’inspiration Yumiko à trois chiffres pousse la ressemblance jusqu’au bout : la plus grande taille est trop juste. I’ve come to visit the city and, stumbling on a dance store, I had to come inside. Je baragouine un truc du genre, sans stumbling. I know the feeling, me répond la vendeuse adorable, quoiqu’on ne devrait plus ou pas encore employer cet adjectif pour une femme de son âge.

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Charpentes métalliques, en français dans le texte

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Ma salade chez Botaniste ne me plaît pas trop. Des goûts qui changent certes, enfin, mais trop d’acidité. Tant pis. Je réactive la 3G pour ce qui mérite de l’être : la recherche du la best ice-cream in town. C’est chez Coco, Gianluca Ciliento (8 avis) est formel, il est italien et sait reconnaître a real Gelato. À la lisière du cœur historique, je rebrousse chemin et je fais bien : ces glaces italiennes ne sont pas seulement crémeuses de texture, mais de goût. Lait fermier entier, ouais. La pistache, mais surtout la peanut butter & jelly est une tuerie, je suis d’accord avec Jeanne M (52 avis, local guide). Je retrouve en plus frais le plaisir de ma découverte états-unienne, l’arachide allégé d’un trait sucré. Tout de suite, la ville se savoure mieux.

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Plus loin, au niveau d’un Oyya, chaîne de gaufres-glaces. Probablement dépitée par les couleurs flashy et les vagues inertes de ces glaces plus industrielles qu’italiennes, une femme qui a les lunettes et le bronzage d’une Italienne avise ma glace aux couleurs tendrement fades, et me demande d’où elle vient. J’indique le nom et vaguement la direction, ajoute un delicious en diérèses digne d’une Américaine, et déjà elle est sur le départ. J’essaye de préciser davantage l’itinéraire, mais je la retarde, l’appel du gelato est plus fort, il guidera ses pas.

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La contrepartie de cette image d’Épinal ? Le panneau « Boat tourism / Noise pollution » plus loin.

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Trop de monde, je n’ai plus l’endurance. Je trouve un coin tranquille, deux marches qui descendent au canal, juste de l’autre côté du château des Comtes et de ses environs si arpentés. Je donne sur l’effervescence et y échappe. Près de moi, juste derrière, à côté, devant en diagonale : un arbre, un pan de mur presque jaune, un bateau privé amarré, des fleurs, quelque chose comme une cannette ou un sachet devenu déchet ; en face, plus loin, sur l’autre rive : le canal transformé en douve par la tour du château, des joncs étrangement végétaux dans ce décor de pierre, et des jeunes par petits groupes de trois ou quatre sur la pelouse où je me poserai à mon tour plus tard, après un grand tour-détour.

Une embarcation de touristes arrive par la gauche. Parmi eux, un jeune homme asiatique esquisse dans ma direction un geste de la main, discret ou hésitant (le geste ou le jeune homme). J’y réponds par le même geste, sans penser que le reste des touristes va croire que je suis le jeune homme asiatique, je veux dire que c’est moi qui amorce le mouvement. Toute l’embarcation se met à me répondre, et prise par surprise à mon propre geste, je l’amplifie, nous nous faisons coucou à qui mieux mieux le temps que barque se passe. Je ne vois plus le jeune homme qui avait surgi dans le paysage de ma contemplation pour m’y réintroduire, mais le quiproquo m’a requinquée. Petit boost de gaité anodine.

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Lieu de pause, sur la rive opposée au château des Comtes

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Une touriste française lit après moi la traduction approximative du panneau présentant le château des Comtes… reniflez ici plus de mille ans d’histoire… Elle éternue et commente, flegmatique : ça doit être ça, je suis allergique à l’histoire. (Je vais pouffer intérieurement un peu plus loin.)

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Gouttière-paille

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Débusquer des photos, essayer de cadrer m’amuse beaucoup. Beaucoup moins en revanche lorsque la relation s’inverse et que la densité des monuments me somme de prendre des clichés qui ne pourront que m’encombrer, moi ou ma carte SD.

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Pour la peine, des poubelles colorées

… L’avantage d’un petit pays, c’est que la conscience de l’étranger est plus forte : on trouve des billets internationaux sur toutes les bornes de la gare.

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Dans le TER du retour, une mère joue avec une petite fille pas si petite pour le gant-marionnette qu’elles s’échangent à tour de rôle. Représentation en flamand non sous-titrée.

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Les restaurateurs ont le jeu de mots polyglotte. En plus de ce resto de poissons « je m’en fish », j’ai croisé un Miss Yu (asiatique), un Wok A Way (obvious) et un Missy Sippy (cocktails).