Sur les rails (de quoi, ça reste à voir – ou à fumer)

« Ce train est arrêté en direction de Saint-Quentin en Yvelines. »

Je ne sais pas si la littérature commence par une distorsion du langage, mais, assurément, toute distorsion n’est pas littéraire, la sncf est là pour nous le rappeler. L’arrêt vers une destination… il faut croire que le train est planté là comme une stèle musulmane orientée vers la Mecque. Enfin, on a de la chance, on peut en conclure que le train est sur les rails, et dans le bon sens (celui dont manque parfois le personnel).

Cela m’a rappelé l’annonce d’un retard du à « la présence de personne dans les voies ». Incrustées en mosaïque dans les rails, les restes d’un « accident de personne » ? Non, non, une manifestation ou quelque zigoto dans le passage. Circulez, y’a rien à voir.

Mannequins avachies : marques à vau-l’eau

La posture voûtée des mannequins ne va pas en s’arrangeant. Elles ne tiennent même plus debout et s’affalent – et pas de tout leur long, sauf chez Longchamp.

 

C’est la crise, sûrement. On ne trouve pourtant pas grand-chose de nerveux dans les postures de rentrée, déjà croulantes comme de vieux camemberts. Quand il s’agit d’IKKS, on veut bien comprendre : la ratp a revu la courbe de ses fauteuils à la baisse, façon ado mou et renfrogné qui, tout à sa console de jeux (enfin, au portable qui en tient lieu), glisse jusqu’à envahir votre espace vital de ses genoux, promus au niveau de sa tête. Il faut que le client puisse se reconnaître, alors on fait faire la poupée de son au mannequin en la posant sur une caisse en carton – emballé, c’est pesé.

Qu’on ne vienne pas prétexter les mêmes causes pour les grands couturiers (même si dans les faits, ce sont surtout les mannequins qui sont grands) : la clientèle de Max Mara et de Valentino n’est pas particulièrement visible dans les transports en communs (j’en connais un qui va protester, mais je n’ai pas parlé de Kenzo ni de Givenchy, Versace et d’autres encore, alors pas question de broncher). Ici on est avachie comme on est à Megève, c’est une question de mode. Que la publicité montre le vêtement ? On écarte le problème avec les cuisses.

Valentino a plus d’un mauvais tour dans son cabas, c’est ainsi, et on ne montre pas Longchamp du doigt en disant que c’est lui qui a commencé : menteur copieur. Qui, malgré toute la noirceur plombante, fait pâle figure auprès de l’original (qui lui a refermé les cuisses le dossier).

 

Non, l’intimidation ne fonctionne pas. A peine voit-on rouge.

 

 

On n’a pas forcément l’air plus aimable ni plus farouche chez Max Mara, mais on n’a pas l’air d’une brute qui ne s’est pas lavé les cheveux depuis quinze jours. Le bénéfice du doute leur sera accordé : les coutures de leurs pantalons sont impeccables, garanties jusqu’au grand écart ; nous en informer est louable (quoique vu les prix, c’est un dû, m’enfin).

Les jambes nues, on les croise ; la publicité se fait sous le manteau. Mais on ne se redresse pas, ça c’est bon pour les voleurs de sac – pas tou-che-euh !

 

La position frontale a ici plus de sens que chez les saintes Valentina, déjà au tapin tapis lorsqu’elles lancent leur regard de défi. Elle est encore habillée, et délicieusement, encore. La position de la main droite est douteuse, ou plutôt, elle ne l’est pas du tout, à en juger par la suite.

Aucun problème de coordination, elle ne tâchait pas d’attraper le bord de sa veste. Ce qui évite que la marque s’en prenne une, et l’éloigne de toute possible vulgarité (encore qu’on puisse y tomber par la description, rien de tel dans l’image elle-même), c’est la main de fer hors du gant de velours – de cuir, vous chipotez. Toujours est-il qu’elle le froisse et que cela vaut avertissement : interdiction à toute vieille peau étrangère de toucher, quand bien même on voudrait faire rimer position affalée avec lascivité.

Provoquant parce que suscitant et interdisant tout à la fois, un peu comme l’Olympia de Manet – mais l’élégance exclut la prostituée, alors on remonte à la source qui prend la main de la Vénus d’Urbino, de Titien.  La marque se défend bien. Ne pas toucher mais voir : regardez bien ce magnifique ensemble Max Mara, regardez comme est ajustée la jupe, regardez la coupe de la veste, jusqu’à sentir l’épaisseur du tissu, regardez – mais vous ne toucherez pas à ces articles hors de prix : le luxe est sauf. La haute couture joue de sa position de grande visibilité, qui implique du même coup inaccessibilité.

Le risque de vulgarité donné d’une main est repris de l’autre, et ce geste retient finalement bien plus l’attention que les autres photos de la campagne – si renversante le mannequin soit-elle (ou ses cheveux, peut-être).

 

 

Tant que je suis dans les rapprochements noués par les cheveux, une réminiscence face à une dernière publicité, celle de Marion Cotillard pour Dior.

 

 

On la voit de dos, ou plutôt on ne la voit pas – seulement le décolleté du dos, sublime, et la tête reste dans l’ombre. De même que dans la Venus à son miroir de Vélasquez, le visage ne nous est donné que dans le miroir, comme si la beauté ne pouvait être qu’une image, une composition nécessitant un cadrage et donc une subjectivité.

 

Dior ne nous conduira pas à nous interroger pour savoir s’il y a mise en lumière de la nature de l’actrice (un reflet bien cadré d’une personnalité qui reste dans l’ombre) ou si l’égérie n’est que la photo d’identité sur le CV de la marque – la sac est là, achetez-le, emportez l’image avec, ne nous prenez pas la tête. Et je m’arrête avant que le lecteur réincarné en reine du pays des merveilles ne réclame la mienne.

 

Du blogueur in-carnet

Traînée à Paris-Carnet, une réunion mensuelle de blogueurs en chair et en os (quoique… est-ce qu’un blogueur sans ordinateur en est encore un ?), j’ai pu avoir une piqûre de rappel de mon manque d’aisance à engager une conversation. D’autant qu’avec la musique, pourtant pas trop envahissante, j’avais l’impression d’être sourde – voire cruche, comme en arrivant où j’ai cru à tort qu’on s’adressait à moi, parce que j’avais attrapé un regard sans entendre les paroles qui m’auraient appris qu’elles ne m’étaient pas plus destinées que ledit regard. Une fois installée et bien calée dans ma chaise, ça va mieux. C’est un peu comme lorsqu’à la gare on arrive sur le quai : tandis qu’on avance pour être à la hauteur de la sortie désirée à l’arrivée et qu’on traverse l’espèce de podium créé par la file de passagers en retrait par rapport à la voie –éloignez-vous de la bordure du quai, s’il-vous-plaît– , on a la sensation d’être entièrement dévisagé par cette haie de déshonneur, qui a pris racine ; sitôt rentré dans le rang, quelques secondes suffisent à s’y fondre, et l’on peut à son tour voir sans être vu, les yeux pris dans la muraille invisible des corps alignés.

La maladresse de l’installation, toujours latente à cause d’une chaise décalée, du sac à poser ou d’un espace un peu juste entre les tables, n’a plus cours une fois assise dans ce café (restaurant, bar ?). Le corps rangé n’expose plus au regard, mais celui-ci y est logé, presque dissimulé à l’intérieur, comme si l’on épiait l’extérieur depuis une cabane d’enfant : le spectateur est tranquillement assis derrière sa table. Il suffit que l’on vous parle pour que brusquement le corps cesse d’être une cachette. La peau rétrécit, ou vous vous dilatez : vous en occupez à nouveau tout l’espace ; comme le grand pull sous lequel on se blottissait est maintenant moulant d’avoir bouilli à la machine, la peau s’ajuste à l’exacte dimension de votre moi qui l’a réinvestie. Délogée de votre poste d’observation, vous êtes sommée, vous avec vos couverts dans les mains et votre robe rouge sur le dos, de prendre part à la conversation.

 

Ces minuscules tropismes sont évidemment beaucoup moins terribles que leur description, recouverts par le bruit des rires, de la musique, des âneries et des vérités proférées avec enthousiasme. Un rire inclassable et monstrueux, qui reléguerait celui du Vates à un discret gloussement, secoue une chemise colorée et un chapeau blanc, avec quelques ondes de choc aux tables alentours, tant on est surpris de ce rire qu’on est bien obligé de qualifier de tel à défaut d’autre chose. Il y avait Alecska, que j’ai loupée (seul blogueuse que je suivais depuis un petit moment), Mademoiselle Moi, que j’ai découvert avec plaisir. Il y a comme ça des gens que l’on trouve franchement sympathiques, en dépit de la pauvreté de cette expression. Une ancienne khâgneuse qui reconnaît qu’on met du temps à en sortir et que, lorsqu’on se retrouve entre anciens, la conversation dévie inévitablement sur le sujet. Déjà cependant, on n’a pas vraiment parlé de la prépa, mais de son « après », ce qu’on en garde une fois que l’on s’est dépouillé de son formatage, de son orgueil et de ses frustrations (celles-ci n’étant rien d’autre qu’un effet de celui-là – risibles en fin de compte). Cela m’a mise de bonne humeur, il est toujours plaisant de deviner (qu’on se trouve en face de) quelqu’un. Puis la surprise, de retour chez moi, devant mon ordinateur, d’apprendre qu’elle a le sentiment d’être timide. Que devrais-je dire, alors que chemise bleue et sourire de moelleux au chocolat (désolée pour la caractérisation, j’ai un trou de mémoire) m’a fait remarquer qu’ils n’allaient pas me manger, et que je pouvais cesser de marteler la table avec la tranche des mains comme si je découpais des sushis au hachoir ?

 

Il y a aussi eu des flashs démultipliés par le reflet des glaces qui permettent aussi de surprendre une personne ou d’esquiver un photographe – c’est qu’ils sont légions dans la blogosphère. Il est d’ailleurs assez amusant de repérer certaines données récurrentes qui pourraient en esquisser une typologie – ce qui ferait que les blogueurs, même en l’absence de leur écran, forment un certain groupe. Pas mal d’informaticiens d’un côté, et de lettrés/sorbonnardes de l’autre. Il ne faudrait pas schématiser, puisque l’on trouve aussi des professeurs, policiers et autres professions et que tout ce petit monde se mélange. Il n’en reste pas moins qu’on y retrouve deux données constitutives du blog, l’écriture et l’ordinateur.

 

Impossible de faire le détail de toute cette soirée (là où l’on voit ce que ça donne de rédiger sur l’ordinateur, qui offre du blanco et des paperolles à l’inifini. Ca commence bref, et on truffe de paragraphes parasite) , d’autant que cela a duré un bon moment et que j’ai un mal fou à retenir l’association visage-nom-pseudo-blog(s) (déjà que sur une classe de quinze, je peux encore avoir des doutes aux trois-quarts de l’année…). Pour avoir les liens des gens présents, vus, inaperçus, écoutés ou adressés, c’est ici. On y trouve aussi des photos de la soirée, ici, par exemple (j’aime particulièrement le jeu de reflet et de cadrage de celle-là – c’est lui, chemise bleue et sourire de moelleux au chocolat). Si la curiosité vous y pousse, vous remarquerez peut-être que la plupart sont loin d’être des gamins. Je devais être l’une des plus jeunes ; en même temps, il faudrait que je fasse attention, je suis encore tombée des nues en apprenant que notre voisin de table n’avait que deux ans de plus que moi. Comme beaucoup d’autre, je l’ai placé derrière une ligne (pas infranchissable mais bien séparatrice) délimitant une zone « adulte » que je regarde depuis l’autre côté. J’ai décidemment du mal avec les âges, ne sachant pas trop si je vieillis à outrance ou si je me considère à tort ou à raison comme (encore ?) une gamine. Qui se barre en sautillant.

Etre frappé de ses facultés

Il n’est malheureusement pas question d’une intelligence particulière découverte lors des révisions.
Voire…

Lors des révisions, je me fais quelques pauses pour me défouler.
Particulièrement en mettant de la musique et en dansant comme une folle.
En faisant des grands battements, notamment. En seconde et en quatrième, surtout. En dedans, même.

Mais j’avais oublié que lors de ma précédente pause, je m’étais fait une barre à terre (les cours de danse sont finis).
Et que par conséquent mes jambes montaient plus facilement.

J’avais sous-estimé ma brutalité souplesse :

Une bosse sur le front et mal au tibia.

Je suis le plus grand boulet que je connaisse.
Et que vous pourrez donc reconnaître si vous allez aux oraux.

You’ve been struck down by a smooth criminal !