La rentrée des concerts

Alors que je suis sur le point de finir ma dernière année d’étude (comment ça, enfin ?), je découvre un nouveau type de rentrée qui va devenir récurrente : celle des concerts.Tout le monde ou presque est là, dans le hall de Pleyel : Palpatine, majoritairement vu en jeans troués ces derniers temps, a ressorti veste et pochette ; on attend @marianne_soph et on retrouve @_gohu, avec sa casquette et un couple d’amis. Ne serait-ce pas Serendipity, au guichet, avec ses longs cheveux blonds ? À ma gauche, youpi youpi surgit Klari, à qui je piquerais bien son pantalon taille haute et la jolie chemise qui va avec. Une fois entrés, c’est @IkAubert, toujours aussi élégante, que l’on aperçoit et qui, toujours aussi discrète, vient prendre de nos nouvelles. Sur scène, malgré le poète de Spitzweg (il aurait dû être interdit de retraite) et Lola qui manquent à l’appel, les musiciens de l’Orchestre de Paris sont prêts pour la générale.

De même qu’il y a plus de robes d’été que de soirée dans le public, il y a parmi les musiciens plus que jeans et de sandales en corde que de vestes et d’escarpins, même si les couleurs restent sombres dans l’ensemble, à l’exception du hérisson, bronzé, en chemise rouge. Pour un peu, on leur demanderait des nouvelles de leurs vacances. Le froid estonien du Cantus in Memoriam Benjamin Britten d’Arvo Pärt se trouve curieusement pénétré de la chaleur des retrouvailles ; on entend toujours le vent souffler dans les grandes pleines vides mais depuis le cercle chaleureux des cordes, où le bois des instruments reflète la lumière comme si elle provenait d’un feu de cheminée.

Voir les musiciens jouer en tenue de ville est inhabituel mais crée une atmosphère plus détendue, dont on se demande si elle n’attirerait pas un public renouvelé. En tous cas, je ne me plaindrai pas de voir les avant-bras de ces messieurs qui, manches de chemise retroussées, besognent leurs cordes. La partition du violoniste aux yeux laser a eu chaud, j’en suis sûre. Et j’ai dû renommer en plein Berlioz le contrebassiste qui, de flic à la Crim’, est devenu une espèce de sultan voyou magnifique, un corsaire de première. Son rire muet, échangé avec ses collègues de pupitre, met de bonne humeur, tout comme le sourire plus discret mais tout aussi chaleureux du premier violon. Pour moi, en tous cas. Pour Hugo, il semblerait que cela soit plutôt celui de Janine Jansen, que je découvrais pour la première fois alors qu’elle figure en bonne place sur la liste de ses amoureuses. Il faut la voir aux applaudissements, échevelée comme il arrive que le soient parfois les archets, les yeux plissés de sourire, joindre les mains sur son violon pour remercier l’orchestre et le public, et sautiller de rire quand on essaye de faire durer le plaisir. Lorsqu’elle joue, en revanche, ce n’est plus sa petite tête adorable qui guide nos oreilles mais son grand corps, nerveux, étrange et puissant comme le Concerto pour violon en majeur de Benjamin Britten. Ce compositeur me fait décidément faire de belles découvertes.

La grande messe de la rentrée des classes prend la forme d’une symhonie, la 3e de Saint-Saëns. Paavo Järvi y préside avec un potentiel toonesque intact, que n’égale que son élégance dansante – y compris chemise trempée, parce que le programme n’est pas de tout repos. Mais de toute beauté. L’orgue et ce motif qui revient nous emporter… avec l’Orchestre de Paris, il n’est pas bien difficile d’être de fervents spectateurs. Bonne rentrée !

Britten and Bostridge

Mille tonnerres d’Aix : des gouttes commencent à tomber si bien que l’on traverse la ville en vingt minutes, au pas de course. À l’entrée, Palpatine retrouve un mélomane habitué des salles parisiennes, qui a une place à revendre. J’appelle mon amie P. qui, ni une ni deux, enfourche son vélo à talons et nous rejoint. Quelques minutes plus tard, c’est le déluge : alors que l’on a chacun rejoint sa galerie respective, on annonce que le début du spectacle est décalé d’un quart d’heure pour laisser une chance aux spectateurs pris par l’orage d’arriver à l’heure – alors qu’on peut toujours courir à Paris en cas de grève des transports. Essayant de faire abstraction de ma voisine qui se ronge les ongles avec de petits bruits de succion, j’en profite pour admirer la salle, que j’aime décidément beaucoup : le bois, quasi orange, lui donne un aspect chaleureux ; les galeries de deux rangs seulement et le dénivelé des places d’orchestre assurent une visibilité très confortable ; et plus rare encore : la climatisation est gérée à la perfection, maintenant une température agréable sans que l’on sente le moindre souffle d’air froid. Une réussite tant sur le plan du confort que de l’esthétique, qui rappelle une conque de bateau – ce qui tombe très bien, entre les inondations annoncées et le titre des morceaux de Britten qui ouvrent le concert.

 

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L’entrée du port de Marseille (histoire de rester dans la région des vacances) par Vernet


Les Quatre interludes marins, qui vont de la clarté de l’ « Aube » à l’agitation de la « Tempête », en passant par un « Dimanche matin » et un « Clair de lune », ont la pureté d’une peinture classique mais sont animés d’une force romantique : une marine qui prend vie – et ce n’est pas un mince exploit, si vous voulez mon avis. Théophile Gauthier aurait pu en faire le sujet d’une de ses nouvelles fantastiques. Imaginez un peu : les nuages dérivent dans le ciel, immense, tandis que la lumière du matin grimpe peu à peu le long des édifices et des palais, qui s’éloignent jusqu’à perdre leur caractère monumental, jusqu’à ce que l’on soit sorti du port, pour se retrouver en haute mer, sans autre horizon vertical que le mât ; la navigation suit son cours, sa course, de jour, de nuit, au clair de lune, donc, avant de se faire happer par une splendide tempête où les cuivres mugissent, par-dessus l’écume des archets.

 

 

Ian Bostridge reclining on a chair

Ian Bostridge, par Simon Fowler
Après googlage, je découvre que mon futur époux a un petit air de Hugh Grant
– c’est-à-dire s’il était lord et ténor. 
 

Si Ian Bostridge n’est pas venu chanter sous ma fenêtre la Sérénade pour ténor, cor et cordes, c’est parce qu’il savait que je serai en première galerie, laquelle ressemble beaucoup à un balcon. Paisiblement assise, je me suis laissée séduire par sa voix de parfait gentleman. Même le bassonniste, qui semble pourtant tout droit sorti d’Eton avec sa coupe et sa tenue impeccables, n’a pas l’air aussi british. L’élégance simple d’un costume qui tombe bien, sur une grande silhouette maigre ; la main posée sur les boutons de la veste lorsqu’il chante et croisée bien haut derrière le dos lorsqu’il sort de scène ; ce flegme britannique, presque colonial, qui transforme l’éructation attendue (le corps est courbé au-dessus du ventre, la tête dirigée vers le bas) en parole bien tournée ; la diction qui suggère l’érudition d’un homme de bibliothèque et surtout, surtout, cette voix… Qu’elle chante des poèmes de Blake, Keats ou d’un illustre anonyme, elle est diablement sexy – étonnament sexy lorsqu’on s’attend à une éructation du chanteur courbé au-dessus du ventre, la tête . Sur « Every nighte and alle » (de l’illustre anonyme, qui a eu la brillante idée d’en faire son refrain), je suis à deux doigts de demander mes sels. À l’entracte, j’informe Palpatine que je vais devoir le quitter, ayant un ténor à épouser. Comme lui-même doit demander la main de Julia Fischer (ou Hilary Hahn, vu que la première est très prise), il ne m’en a évidemment pas tenu rigueur.
 

 

Tableau de Richter

Richter 

Replacée à l’orchestre avec P. et Palpatine mais pas tout à fait remise, j’assiste à la Sinfonia da Requiem. Que dire : c’est beau ? La soirée a décidé d’être parfaite. Si la métaphore marine avait encore cours, je dirais que je suis comme un poisson dans l’eau. Enrobée de sonorités délicieuses, je déguste ce morceau de Britten avant de passer à la sixième symphonie de Chostakovitch – une symphonie-digestif, rien que ça. Le piccolo-papillon ne cesse de voler au-dessus du gouffre et de la mêlée, ouvrant des brèches de légèreté en pleine tension. J’entends les tableaux de Richter et Sabrina : l’insoutenable et la légèreté renvoyés dos à dos, l’un contre l’autre, les contraires s’adossant pour mieux contraster lorsque, soudain, la fine paroi qui les sépare est déchirée. Il n’y en a pas un qui est le mensonge de l’autre, comme pour le personnage de Kundera : ce sont deux mondes qui s’ignorent – jusqu’à ce que l’un fasse irruption dans l’autre. Pour passer de l’un à l’autre, sûrement, le chef est toujours sur le point de décoller. Pas de bénédiction ternaire avec sa baguette, Gianandrea Noseda bat la mesure comme un forcené (c’est un miracle s’il s’en est sorti sans tendinite au coude). Il compense à lui seul les mines impassibles du London Symphony Orchestra : l’énergie qu’il y met est telle qu’on croirait parfois sa direction chorégraphiée par un Robbins – mode rivalité de rue dans West Side Story. La pose finale par laquelle il s’arrache à la musique aurait mis d’accord les Jets et les Sharks. Non mais, qui c’est le chef, ici ?

Julia, Chosta et autres ah !

Séance de dédicace à l’issue du concert. Dès qu’il l’apprend, Palpatine se rend au stand du disquaire pour trouver support à dédicace et se rend compte qu’il y a plein d’enregistrements qui lui manquent. Je suggère un coffret d’anniversaire : « – Avec Julia dedans ? Elle est petite, elle rentrera. » Je me souvenais pourtant d’une longue silhouette depuis le second balcon, rythmée par le balancement d’une queue de cheval. Assise au parterre, force est de constater que la violoniste n’est pas bien grande. Difficile pour autant d’acquiescer au « modèle de poche » : pieds en quatrième, colonne érigée quand elle ne part pas en cambré, Julia Fischer a la présence scénique d’une danseuse et occupe les deux mètres carrés dévolus aux solistes avec une puissance qui lui fait paraître dévorer l’espace – le voilà, le souvenir de grandeur. Le Concerto pour violon de Tchaïkovski renforce encore cette impression : la partition semble écrite pour parcourir des espaces infinis, embrasser les paysages passés et futurs dans le même instant, dans une même dynamique, anticipant les regrets à venir et triomphant de la nostalgie.

Plus encore que le chignon banane tiré à l’extrême, les coups d’archer font savoir que ce n’est pas un bout de femme à se laisser marcher sur les pieds : les lèvres esquissent parfois un sourire, soulignant le regard fier, et le pas, toujours conquérant, tend le tissu de la longue robe bleu nuit à chaque mouvement. À chaque avancée, le chef s’efface puis Julia part en cambré lorsqu’il reprend sa place : c’est une succession d’attaques et d’esquives – un concerto de cape et d’épée à la baguette et l’archer. À même pas quarante ans (un chef jeune !), Vasily Petrenko a déjà fait ses armes et n’a besoin pour diriger que de ses épaules et ses sourcils. Roulements et haussements, c’est fort amusant.

En bis, un morceau totalement injouable d’Hindemith, maté comme un tigre par une dompteuse. Palpatine grimpe aux rideaux, nous grimpons au second balcon. Chostakovitch s’apprécie mieux de haut : comme sur une carte, on voit les vents et les cuivres, relief de la quatrième symphonie, et les bataillons qui avancent sans s’arrêter, même lorsqu’un instrument trébuche, dérobant quelques mesures de solo esseulé avant de se faire piétiner. Vagues sonores, vagues d’applaudissements.

Ouvrez grand vos oreilles.

Bouclé et sautillant

Dernier rang du dernier balcon. Pour un peu, je me jetterais dans le vide tellement j’ai l’impression qu’on doit voler en se lançant de cet endroit déjà suspendu dans les airs. Pleyel est plein à craquer : l’âge du chef et/ou du soliste accroît la précipitation mélomaniaque. Il faut vite réserver, de crainte que le chef et/ou le soliste meure avant que l’on ait assisté à l’un de ses concerts. Sans attentes, j’ai parfois du mal à partager l’enthousiasme ambiant, véritable prophétie auto-réalisatrice, qui s’accomplit parce qu’elle a été annoncée, quel que soit le déroulement de la soirée. Mais parfois, aussi, il suffit de cette seule soirée pour comprendre l’origine de la prophétie et se mettre soi-même à y croire. Autant je n’ai toujours pas d’opinion sur Claudio Abbado, star number one du concert, autant j’envisage très bien à l’avenir de me battre pour entendre à nouveau la star number two, Radu Lupu, que j’aurais volontiers débarrassé de l’orchestre dans le Concerto pour piano n° 27 de Mozart. Le piano, qui paraît parfois un peu incongru en concerto, au milieu de toutes ces cordes, redevient le roi des animaux, se substituant à lui seul à toute la jungle des instruments – sans rugir, paisiblement, ses grosses pattes majestueuses paisiblement croisées devant lui, ronronnant le couvercle à l’air.

Ne vous méprenez pas, je n’ai rien à reprocher à l’orchestre, surtout pas aux cordes, surtout pas aux violoncellistes, surtout pas à… passe-moi tes jumelles que je mate ces boucle folles. Juste à côté de la violoncelliste qui fait saliver Palpatine, se trouve le violoncelliste qui, avec un de ses collègues de pupitre, un peu plus loin, me fait découvrir la loi de la bouclette : un musicien aux cheveux bouclés est inversement proportionnellement attirant à un danseur frisé. Et plus précisément : un violoncelliste aux cheveux bouclés de l’Orchestra Mozart est inversement proportionnellement attirant à une étoile frisée de l’Opéra.

C’est le rôle des ouvertures de concert, en plus d’offrir un sas entre le bruit de la ville et le silence musical, que de laisser au spectateur le temps de prendre ses repères – le repérage incluant aussi bien la disposition des pupitres que la localisation de la climatisation (juste au-dessus de ma tête, en l’occurrence – un truc à vous donner envie de prendre le voile) ainsi que des créatures de Prométhée des musiciens les plus canons, expressifs ou engagés. Et il y a fort à faire avec l’Orchestra Mozart : je ne sais plus où donner des yeux entre les flûtistes plus synchro que pour un pas de deux, le percussionniste couché sur ses tambours comme un Sioux sur le sol, à l’affût du moindre tremblement, et la rangée des contrebassistes, dont les crânes diversement dégarnis me rappellent les catégories fantaisistes des Chroniques de l’Oiseau à ressort, et l’engagement, celui du poète de Spitzweg ; vu d’en haut, leurs archets horizontaux ressemblent à un fil à froncer passé d’instrument en instrument, reliant des vaguelettes de bois précieux tandis que l’on tire dessus.

Reinhold Friedrich assure la suite du spectacle avec sa trompette qui fait des siennes : arrêt total et inopiné de l’orchestre, conciliabule avec le chef d’orchestre, solidarité de pupitre avec délégation d’un trompettiste, disparition en coulisses… Après un rire bonhomme, la salle retient son souffle : reviendra-t-il avec un autre instrument ? Va-t-il réussir à réparer le sien ? Peut-il y avoir un changement de programme de dernière seconde ? Mais voilà que le trompettiste de l’orchestre reprend sa place. Quelques secondes plus tard, une gamme descendante de clown marri précède l’entrée dans l’arène du soliste, les bras en l’air, trompette au poing, salué comme il se doit par des rires et des applaudissements. Des mimiques je-n’en-puis-mais viennent ponctuer les passages du soliste, qui souffle alors non plus dans l’embouchure mais dans le pavillon de son instrument. Un Concerto pour trompette de Haydn décidément réjouissant.

Plus réjouissant encore, la première symphonie de Prokofiev. Qui aurait cru qu’un ensemble nommé Orchestra Mozart serait encore meilleur en jouant de la musique russe ? Cela sautille de bout en bout, d’une fesse à l’autre, que dis-je ? d’une note à l’autre, d’une bouclette à l’autre ! À la fin du morceau, la tête débarrassée du manteau qui, selon Palpatine, me fait ressembler à un Sith, je lui demande si on ne pourrait pas ravoir toute la symphonie comme bis. Ou, à défaut, s’il ne m’aiderait pas à kidnapper les violoncellistes. (On a été raisonnables, on a laissé passer les cars et notre chance.)

 

Seuls bémols hors partition : le discours moralisateur d’ouverture, consacré au travail des enfants, la climatisation polaire et le sifflement des enceintes, franchement désagréable pour les oreilles…  

Rhapsodie sur un thème enjoué, pour Berezovsky, chœur verdien et orchestre forain

Après une journée de révisions, j’ai envie de sortir et de sauter partout. Une véritable souris en cage, diagnostique Palpatine, à qui je fais remarquer qu’il n’y a aucune roue dans son appartement. Le Divertissement pour orchestre de chambre de Jacques Ibert (que je découvrais) est tombé à pic pour suppléer ce manque. Le divertissement l’emporte largement sur l’orchestre de chambre et la musique très policée, jouée entre gens de bonne compagnie, que m’évoque sa mention.

Les décors se succèdent avec la rapidité d’un manège qui fait apparaître un nouvel univers à chaque demi-tour. Nous sommes de toute évidence dans une de ces vieilles fêtes foraines plus ou moins abandonnées, qui n’existent que dans l’imaginaire des films et des cartes postales jaunies, installées dans de petites baraques le long d’une jetée. La queue de cheval de la bassonniste se balance à la place des chevaux de bois tandis que le pianiste, éloigné du petit cercle du musicien par son comptoir à queue, attend qu’on vienne lui commander à boire. Le souvenir d’une fanfare passe, une marionnette surgit d’une des baraques, puis une bourrasque balaye le jour et la jetée. De nuit, soudain, on contemple la nappe noire. Aussitôt d’étranges lumières colorées rebondissent sur les docks ; le calme tombe à l’eau, on revient au jour. Un bal a déjà commencé sur la jetée, surpeuplée. Au moment où l’on se rend compte de l’incongruité de cette valse, une nouvelle danse la traverse, comme un couple qui fendrait la foule, bras en avant. Le chef d’orchestre, Yutaka Sado, n’est pas en reste, qui saute haut et fort, ne laissant aucun doute sur l’origine de sa maigre silhouette. On le croirait en train de s’entraîner pour le Boléro de Béjart lorsqu’il s’accroupit, une jambe derrière lui, les deux bras tendus de chaque côté, pour donner le départ des cordes. Et lorsqu’un sifflet retentit, c’est lui qui fait la circulation, sautillant au passage clouté de chaque mesure. Moulinets d’avant-bras alternent avec allers-retours de droite à gauche et de gauche à droite : ce n’est pas tous les jours qu’un chef d’orchestre se trouve au carrefour du gendarme et de la danseuse de french cancan agitant sa jupe à froufrous.

 

Rhapsodie sur un thème de Paganini, de Rachmaninov, c’est un peu le plaisir du bis prolongé dans tout une pièce : l’émotion s’installe, sans nous priver du frisson de la virtuosité paganinienne. Le lyrisme à la vodka de Boris Berezovsky est parfait, qui rend la légèreté des passages poétiques par une frappe étonnamment claire et le mordant des morceaux de bravoure par un toucher rebondissant, faisant jaillir main et bras bien haut, au-dessus du piano. Suit un fabuleux bis – ter, en fait, après la reprise du mouvement lent – mais le pianiste russe ne s’attarde pas, même pour être applaudi.

 

Je ne suis encore jamais allée écouter les Italiens à l’Opéra, craignant des livrets longuets purs prétextes à arias. Les airs que je connais, c’est par le biais des films et de la publicité – le CD La pub se la joue classique, que Mum me faisait écouter petite sous forme de quizz, a opéré la transition d’Aoste à Rigoletto. Je n’ai donc pas été dépaysée par la formule de best-of Verdi proposée en seconde partie de concert. Des extraits de Luisa Miller, Macbeth, Ernani, Il Trovatore et Nabucco, j’ai eu particulièrement aimé retrouver les voix graves du chœur des gitans et découvrir le prélude de Macbeth. D’après Palpatine, cet opéra est un peu plus consistant que les autres (Shakespeare oblige) : est-il mélomanement correct d’attendre une pièce anglaise pour un premier opéra italien ?