Des paillettes plein le dos

Je hais les paillettes.

        Mon grief n’a rien à voir avec la symbolique des paillettes comme reflet éphémère d’une gloire hasardeuse sinon accidentelle. Ni avec la mode très clinquante des T-shirts brodés ; encore qu’associé à l’effet froufrou on ait l’air d’une meringue – mal cuite si le muffin top dépasse en dessous.  Non, je hais la pratique de la paillette. Oui, j’ai passé plus de deux heures à faire de la paillette, à broder des petites pastilles dorées sur le bas des robes en velours, pour le spectacle de demain. Fort heureusement, elles étaient déjà en ligne, ce qui évite de les coudre une par une (je laisse ce jeu fort drôle à une amie que j’ai lâchement abandonnée, et qui s’est chargée de la quasi-totalité des costumes). Les danseuses ont beau être minces, la tâche est longue, le bas d’une robe évasée et propice à voltiger dans les tours présentant une circonférence étonnement interminable. On passera sous silence le fil qui échappe continuellement au chat (de la souris), la rangée de paillettes cousue au mauvais endroit et qu’il faut découdre intégralement, et l’aiguille qui a une passion piquante pour mes doigts. Mais ce n’est pas le summum. Celles qui ont déjà pratiqué la paillette noire sur tissu noir, se rappelleront avec une grimace le plissement des yeux  attentifs, et remercieront le ciel de ne pas avoir participé à l’entreprise quand elles sauront que le tissu en question était élastique.

Comment ça, j’exagère ? Vous voulez des paillettes dans les yeux ?!?

Quia, quia id est.

Parce que tout court.

          Parce que Aleks, de « corvée de questionnaire ».
[Vous noterez qu’elle est gentille Aleks, elle m’autorise à présenter ce qui m’amuse comme une corvée et par là même à décliner toute responsabilité quant au côté futile et narcissique de la chose.]

Il faut donc raconter 7 choses sur soi et passer le message à son voisin (chacun sa route, chacun son chemin…).

  1. Je suis un estomac sur pattes. Je ne sais pas comment c’est biologiquement possible, mais mes camarades hypokhâgneux pourront témoigner  des gargouillis à teneur garantie en décibels, particulièrement audibles dans le silence du dernier concours blanc. Nous appellerons également à la barre :
    – les architectes de l’atelier paysagistes en face de chez moi, qui, s’ils me remarquaient, me verraient toujours sortir avec un petit quelque chose à la main. Je n’y peux rien, je sors toujours de chez moi aux heures critiques.
    – ceux qui mangent à la cantine en ma compagnie. Je suis un peu un vide plateau : toujours le pain du Vates Lyricus, suivant le menu les légumes de Thalie et puis pourquoi pas la salade d’Inci.
  2. Je suis Terpsichore. Vive les dégagés au feu rouge, les craquages de dos/ forçage d’arabesque dans les couloirs du lycée, les fouettés à l’italienne dans le hall du bâtiment scientifique et les séries de grand jetés dans l’interminable couloir de Montparnasse ou les allées des jardins de Versailles ! Et mieux encore, la scène. Cf. 3.
  3. Je suis en grande période de narcissisme. La nouvelle coupe de cheveux et les lunettes n’aident pas à me détourner du miroir. Sans parler des répétitions de danse où le tentateur est de rigueur pour s’auto-corriger et être un minimum synchronisée avec le groupe. (Et alors les questionnaires de ce type…)
  4. Je ne bois pas – à moins que vous ne considériez une coupe de champagne ou une bolée de cidre comme débauche alcoolique, ce dont je doute fort. Le seul drawback de cet advantage, c’est quand vous vous rendez compte que vous êtes dans le même état que la fille d’à côté, vidant son n ième verre. Ne plus s’étonner si en boîte un illustre sombre inconnu passe en vous lançant un spirituel « T’es complètement bourrée » (sous-entendre ma pov’ fille). Lui répondre : « Je n’ai pas bu une goutte d’alcool, c’est mon état naturel ». Et l’autre de s’éloigner avec méfiance. Cf. 6.
  5. Je suis en vacances, un petit mensonge aidant. Parce que finir l’année sur deux heures de visionnage du Marchant de Venise, ce n’était définitivement pas possible, mes cocos. (Quoique finir sur l’arrivée au pouvoir d’Hitler n’est pas forcément la meilleure façon d’achever l’année non plus.) Et oui, tout arrive, je sèche.
  6. Je suis folle et j’adore qu’on le remarque. Cf. 3.
  7. Je suis bordélique, mais j’ai trié mes cours de latin ce matin. A tel point que le thème a réussi à atterrir dans la partie grammaire et que chaque traduction a retrouvé son texte. C’est beau, non ?
  8. Je ne m’appelle pas Maurice, mais je dépasse toujours les bornes des limites. (Et je suis fan des pubs et slogans – peut-être même sans l’intelligence de l’intelligence de l’inintelligence de la communication – c’était ça, la formule de MLD ?- une victime consentante de la société de consommation.) J’use et abuse des rallongements typographiques tels que (dash )…
  9. J’adore les jeux de mots pourris – foireux aussi. Cf. 4
  10. Je commence toutes mes phrases par le pronom personnel sujet de la première personne du singulier. Cf.3.

Je désire m’acharner sur
Inci, qui blog-addict est,
Olymbia, qui mihi rogavit neque me respondeo
Thalie, qui nun nihil scribit
Miss Me, cujus duas causas erint, ut respondeat.
zED, quia latinus experior
Eph’K, quia alias imaginies volo
Teckel, qui non satis scribit

Légume, HK et le syndrome Clairefontaine

       L’hypokhâgne s’achève. Nous aussi par la même occasion. On se traîne, pas envie de se plonger derechef dans les œuvres de l’année prochaine, mais toute activité non hypokhâgneuse nous semble fade. L’hypokhâgneux est désœuvré – le Vates Lyricus mis à part, qui a eu un regain de motivation pour le latin. On n’aimait plus les week-ends, va-t-on snober les grandes vacances ? C’est surtout la transition qui est dure. Etre un légume cuisant sur la plage ne présente pas de problème notoire ; devenir un légume, si. Parce qu’un légume n’est normalement pas doué de conscience, il ne peut par conséquent ni constater ni déplorer son état végétatif.

 

        Alors dans cet entre-deux, on se remémore. Les grands moments, les phrases cultes, les délires mythiques ; en cours, à la cantine ou en boîte.  Nous n’avons pas organisé de dîner majestueux de fin d’année comme les HK de Nancy (mais c’est une idée à garder pour l’année prochaine), plus modestement, un pot au café du coin avec la classe de latin. Il s’en faut de peu que ça n’ait tourné à la nostalgie

 

       Mais déjà l’année prochaine se profile. On nous brandit le spectre de la khâgne à tous bouts de champ. Vous savez, il y a un gap entre l’hypokhâgne et le khâgne… Vous savez, vous allez devoir travailler… Vous savez, il y a autant de décalage entre la Terminale et l’hypokhâgne qu’entre l’hypokhâgne et la khâgne. Etant donné que j’ai ressenti ce passage-là comme un saut du CP au lycée, je ne peux même pas imaginer celui-ci. A ce rythme, on ne va plus changer de monde mais de galaxie.

 

      Nouveauté également pour cette année : le syndrome Clairefontaine (copyright MLD) commence dès juin – et non plus lors des traditionnelles courses de rentrée, ou lors de la première semaine de cours pour les moins enthousiastes. Au moment où l’on calligraphie la page de garde, la page blanche suivante semble promise aux plus beaux traits de génie. Il y a belles lurettes que j’ai troqué la lourde organisation du cahier pour la folâtrerie des feuillets volants (avec comme intermédiaire, souvenez-vous, le cahier à spirales, véritable hérésie vis-à-vis du traditionnel cahier relié), mais le syndrome persiste sous de nouvelles formes. Les listes se succèdent, 99 suggestions romanesques à caractère historiques (le 100 ème livre étant comme chacun sait ineffable. Vive les private joke d’hk ayant fait un cours sur l’islam.), romans de la littérature française, et quelques ouvrages en anglais dans le texte (On ne perd jamais son temps à lire Faulkner, parait-il). Mais je crie à l’injustice !! Alors que les Lyon sont explicitement autorisés à lire les aventures de « sorciers adolescents, du moment que c’est en anglais », nous sommes pour Ulm vivement conseillés de lire les écritures saintes, au moins les livres les plus connus, si possible en anglais, et la King Jame ’s version est vraiment un must (vous noterez que le modal réduit le « si possible » à un effet rhétorique). Le nouveau best-seller de l’été : la Bible en pavé de plage.

La Comédie humaine (virtuelle)

All the world is a stage
and all the men are merely players.
All have their exits and entrances
and one man in is life plays many parts
.”

De tête, citation de Shakespeare,
je ne prétends pas à l’exactitude.

 

       L’éternelle métaphore théâtrale qui commence bien avant le côté cour de La Bruyère n’a toujours pas perdu en vigueur. On se met encore et toujours en scène.

           Les pseudos et avatars sont autant de personnages, la distribution est illimitée et le casting peut être modifié à la moindre envie. Tous sont plus ou moins des flat characters  facilement identifiables, par les quelques lignes de présentations, des couleurs ou des tocs comme la consommation de granolas, chocolat, dinausorus ou des ovni aux noms exotiques de Gaffiot ou Baillit. Les liens sont rarement précisés en début de pièce, plutôt dans les commentaires qui suivent chaque saynète. On se voit également hors de la scène sauvage mondiale (mais au public réduit), dans les coulisses d’msn.

               Les petits bonhommes verts déclament certes moins de tirades, mais la stichomythie va si bon train que les quiproquos s’enchaînent
. Les conversations msn ont souvent autant de sens qu’une pièce de Becket sans que les auteurs ne possèdent les rouages de la grammaire – ne parlons pas de l’orthographe. Si vous saupoudrez le tout de coquilles, c’est croquignolet. 

Point de vue scénario, les stage directions des blogs sont plus que jamais à la mode. L’italique a été abandonnée au soulignement didactique/emphatique/ironique de telle notion-clé, mais la didascalie nous met des étoiles plein les yeux. C’est un mode de mise à distance pratique ; une troisième personne impersonnelle endosse le ridicule du pathos ou du comique soulevé. Dans la constellation des étoiles, on peut pêcher des grandes manifestations d’émotions, *renifle bruyamment*, *essuie une larme* ; un masochisme virtuel et donc sans souffrance, *se fout une claque*, *méchant Dobby, méchant* ; des humeurs diverses et variées tels que *mode curieuse on*.  

 N’oublions pas en fin de représentations les applaudissements. Quelques larmes aux beaux passages de pathos, et puis les per-sifflements ou les bravos, à grand renfort de points d’exclamations et de smileys. Toujours maintenir une grande connivence avec son public. Et puis engager la conversation avec un metteur en scène, c’est toujours espérer qu’il accepte son texte, vienne voir sa pièce. 

Dès lors, il va sans dire que la tragédie des pseudo gothiques tourne rapidement à la comédie. Hormis pour les artistes que l’on lit/regarde/écoute avec le silence respectueux habituellement réservé aux auteurs panthéonisés, l’ironie est le maître mot. Une ironie très typographique où les lapsus sont barrés de manière révélatrice et les doubles sens ont le vent en poupe. Sans parler d’une parenthésite aiguë et d’un abus des points de suspension. Et puis la culture, les références… nous sommes très référencés, et nous aimons à le faire savoir. Mes entrées ne sont pas aussi loufoques que d’autres, mais j’ai récemment été googlisée par « bachotage » (c’est de saison, mais non pratiqué par ma pomme) et « porte jartelle » (je décline toute responsabilité en cas de déception).  

 
       Enfin le rideau se ferme : l’écran d’ordinateur fait mal aux yeux. Surtout les monologues not to be de ce type, en police 4.

Cette fin d’année ne ressemble à rien.

         Le refrain du concours blanc est fini, on commence à connaître la chanson et elle agonise bizarrement. La même phrase musicale hebdomadaire tourne en boucle, mais plus faible et ça va s’arrêter abruptement, sans même laisser la dernière note vibrer à travers les souffles printaniers -pour le zéphyr estival, il faudra repasser, il n’est pas temps. Ce dernier s’accorde étrangement au mélange de joie et de déceptions ; la grisaille n’empêche pas les coups de soleil, bretelles et démarcations vestimentaires en décalcomanie, Thalie en sait quelque chose. La fin de l’année a le goût des Sprits mangés les pieds dans l’eau d’un des innombrables bassins du château, et des carottes pas tout à fait cuites de la cantine. Plus de cours de français dès vendredi, mais les khôlles sont maintenues ; le développement durable ne tient que parce que la cum cure de la géo prend bientôt fin.
        Le conseil s’est révélé être l’arène où certains toreros ont révélé leur tranchant, et ont joyeusement mis à mort quatre hypokhâgneuses fougueuses sous les huées du public, composé de Mado pour la chaire latine (soutenant farouchement son cheval préféré, j’ai nommé Inci), et Calimero pour celle d’anglais (un yes indeed pour l’homonyme d’Inci). Vaincus ou non, les taureaux vont continuer de faire semblant d’être émoustillés à la vue d’un texte brandi et tacher de ne pas voir rouge. Ce sera rose pour moi – même si on a annulé les tablettes de Milka, enjeu du pari sur les places du classement.

       Il est sûrement temps de dresser un bilan, mais je crois que ce n’est pas possible, l’hypokhâgne ouvre déjà trop de portes pour en parcourir toutes les pistes aux étoiles, alors en faire la carte…