Je n’étais pas prête à ce que cela soit déjà la saison de voir les feuilles de chêne tomber brodées sur la robe bordeaux d’une soliste – Baiba Skride comme personnification de l’automne, au milieu du Boston Symphony Orchestra.
Fatiguée ou préoccupée, je ne parviens pas vraiment à transformer l’entente en écoute, à retenir les mesures pour les mettre en relation avec ce qui précède, ce qui suit, ce qui, en un mot, fait oeuvre et non musique d’ascenseur. Pas assez d’énergie pour sortir de la passivité. Je suis surprise néanmoins à quelques occasions par une entaille dans mon inattention ; ce sont pour l’essentiel des brusques accalmies sonores, qui ont probablement à voir avec l’instinct de la bête indifférente à la tempête, qui sursaute néanmoins à la brindille écrasée (prédateur potentiel). Le bruit s’interrompt : on me parle. L’archet dressé presqu’à la verticale, la violoniste dessine autour d’elle les parois d’un puits profond dans lequel elle est tombée, où tout résonne. Voilà pour la Sérénade pour violon, cordes, harpe et percussions de Bernstein.
La Symhponie n° 4 de Chostakovitch s’en sort à peine mieux. Même si je ne ressens plus la musique comme allant à contre-courant de mes apensés, je me laisse balloter par les vagues sonores, leur flux et reflux imprévisibles, russes – se laisser aller pour ne pas se noyer. Je ressors du concert comme d’une lecture dont j’aurais relevé des extraits qui me plaisaient, sans parvenir à me forger aucune opinion sur la globalité. Trois mesures par-ci par-là, que j’ai soulignées, mais que je suis dans l’incapacité de restituer sans tout feuilleter à nouveau : une cavalcade dans la toundra sur la cuisse de Palpatine, qui m’a prêté son cou à l’entracte ; une étoilade à la harpe ; la suspension de yeux du troisième type au bout de maillets délicats…