… I can brush your hair, undress you everywhere Imagination, life is your creation
Barbie au cinéma. Je ne sais pas trop quoi en penser sur le moment. Le rythme, calé sur la parodie de l’émerveillement de stereotypical-Barbie-qui-voit-la-vie-en-rose, empêche que ce soit vraiment drôle sur la durée, alors que ça a tout pour l’être. Cela me fait un peu le même effet que la seconde de trop du komisch allemand (dans un tout autre genre, oui). Et ça me fout dans l’incertitude : le kitsch ultime de la scène entre Barbie et sa créatrice vieillie est-il du premier ou du second degré ? On sort la carte de la créatrice comme un joker : si Barbie a été créée par une femme, alors tout va bien — exit le male gaze intériorisé. On peut fermer les yeux sur ses mensurations improbables ; d’ailleurs, vous avez vu, toutes les corpulences sont représentées au casting.
Il y a dans cette scène un effet de sourdine sur l’ironie, comme si le regard de Mattel se faisait pesant sur le film de Greta Gerwig. D’accord pour inclure toutes les dénonciations possible, l’autodérision est bonne pour la marque ; mais pas sur la fin, la fin c’est marketing. À la fin boys will be boys et Barbie will be Barbie. La réalisatrice ne peut plus se permettre d’être cinglante, et s’en remet au double-tranchant du kitsch, dont la force perdure même quand on l’expose pour le tourner en ridicule (big up Kundera). Le premier degré (qui doit faire kiffer Mattel) n’est donc pas annulé par le second (orchestré par Greta Gerwig). Oui, mais : la permanence du premier degré (en rassurant Mattel) permet aussi le second, et ça, c’est franchement bien joué, Greta Gerwig. Finement joué, in fine, même si j’aurais davantage ri sur plus cinglant (l’unique incursion extra-diététique d’une voix off était savoureuse, et aurait pu être réutilisée plus fréquemment). La scène finale est une plaisanterie sans conséquence, mais avec mordant ; pas de demi-teinte, tout le monde repart léger — en rose, baby.
Je n’ai jamais été très Barbie, mais j’ai été ado dans les années 2000 : mon âme de trentenaire a kiffé les extraits de la chanson d’Aqua au générique… en citation dans un remix (toujours cette même distance mi-précautionneuse mi-ironique).
Comme beaucoup l’ont dit : Barbie n’est pas parfait, mais il a le mérite d’exister. C’est typiquement un film que je suis plus contente d’avoir vu que de voir : le casting de bons acteurs fait qu’à petites doses en reaction gif et autres références joyeusement martelées, ce sera tout à fait savoureux.
Les gif font d’ailleurs manifestement partie du dossier de presse, à en croire le hashtag :
Margot Robbie, parfaite en stereotypical Barbie. Ici dans une scène qui avait un petit goût de The Good Place (pas certaine que ce soit une référence voulue, contrairement à la scène d’introduction ?).
Ryan Gosling est impayable en Ken, tour à tour prétentieux, insecure (incel materiel), pathétique, ridicule et presque touchant.
J’espère qu’on aura plus de gif sur les cadres de Mattel (celui-ci n’est pas terrible) ; il y a des passages croquignolesques.
Quand on ouvre les fenêtres en voiture alors qu’on roule vite, il me faut toujours un moment avant de trouver mon souffle, cinglée par l’air. C’est pareil pour Everything, everywhere, all at once, que j’avais lancé pour me détendre, sans me douter de l’exigence du rythme : j’ai interrompu deux fois le visionnage avant de me faire à l’afflux visuel et d’entrer vraiment dans le délire. Je ne suis pas certaine d’avoir retenu grand-chose de l’histoire mère-fille qui se joue, noyée dans une myriade d’univers avec des doigts-Knacki et un bagel-trou noir destructeur de l’humanité, mais j’ai passé un bon moment. Puis j’ai toujours une tendresse particulière envers les gens qui déploient des trésors d’imagination pour nous rassurer sur nos choix de vie, postulant pléthores de vies parallèles alternatives pour vérifier qu’on ne peut pas tout avoir, et que la plus éclatante n’est pas nécessairement la plus heureuse.
Je verrai toujours vos visages
L’essentiel du film consiste en séances de parole entre détenus et victimes d’infractions similaires, préparées en amont par des médiateurs. Comprendre, non pour pardonner à l’autre, mais pour se réparer soi : c’est tout l’intérêt de ce dispositif de justice restaurative. Je verrai toujours vos visages est optimiste sans être joyeux, un concentré d’humain trop humain porté par une pléiade de bons acteurs (notamment Leïla Bekhti, Élodie Bouchez et Gilles Lellouche).
Dancing Pina
La danse de Pina Bausch se prête décidément bien au documentaire. Pour un peu, elle passerait mieux à la caméra que sur scène, lorsque le geste est explicité dans la transmission, et les émotions qu’il remue chez les interprètes, captées à fleur d’instant.
J’ai aimé qu’il n’y ait pas de voix off, seulement les artistes qui s’expriment, danseurs et passeurs. J’ai aimé qu’on suive à la fois une transmission tout ce qu’il y a de plus classique, à une compagnie classique européenne, et celle, plus ébouriffante, de l’École des sables, rassemblant des artistes de toute l’Afrique aux parcours plus divers, avec une performance finale du Sacre du printemps dansée non pas dans un théâtre, la scène préalablement recouverte de terre apportée par bennes, mais sur le sable, sur la plage, avec le vent et quelques badauds qui n’ont pas été contenus hors-champ, un simple sillon délimitant l’espace de représentation. C’est un peu dingue.
À la fin de la séance, un monsieur se tourne vers moi (envie de parler) et me raconte qu’en je-ne-sais-plus-combien, il avait eu la chance (envie de parler de lui, bon), alors qu’il était à l’école normale de Lille (envie de faire l’important, va pas falloir que ça dure trop), d’assister à une masterclasse… de Béjart. J’avoue, je n’avais pas vu venir la chute. (Pour l’envie de faire celui qui s’y connaît, c’est un peu raté, mais c’est mignon.)
Awakenings (sur Amazon prime)
Première heure de film : les bons sentiments, une belle histoire édifiante, bon, pourquoi pas.
Seconde heure de film : les bons sentiments sans rythme, avec enlisement dans le pathos, c’est non.
Une histoire toonesque, but make it animation, make it Wes Anderson. À la fois décalé et attendu. Drôle.
Le boyfriend, avec son œil de graphiste, a remarqué que Wes Anderson adorait les plans symétriques, centrés. Impossible de ne plus le voir une fois qu’on l’a vu.
Cette adaptation des Trois Mousquetaires est du même acabit que le cookie qui a précédé la séance : rien de mémorable, mais ça fait bien plaisir sur le moment. Surtout les plans où Lyna Khoudri fait sourire François Civil.
Le D’Artagnan de François Civil est une tête à claques et à baisers. Ses entrevues avec Constance ont été ajustées pour ne pas faire hurler une sensibilité moderne, ça passe de justesse (la maladresse feinte, censément touchante, de François Civil est un brin exaspérante), mais ça passe, grâce à ma faiblesse hétérosexuelle à l’aplomb de Lyna Khoudri. Cette dernière semble tout droit sortie de La Place d’une autre où je l’ai découverte ; on croirait qu’elle a fait trois pas pour passer d’un plateau de tournage à l’autre. Je n’ai en revanche pas réussi de tout le film à savoir d’où je connaissais la reine, jouée par Vicky Krieps : c’était l’actrice de Phantom Thread. Eva Green, elle, is and will be Eva Green, toute Milady qu’elle soit.
Porthos me surprend d’être incarné par Pio Marmaï : contrairement aux autres, à Romain Duris qui fait du Romain Duris, à Vincent Cassel qui fait du Vincent Cassel, etc., il ne fait pas du lui-même, ou à la marge.
Athos rend Vincent Cassel vaguement moins insupportable que d’habitude.
L’Aramis de Romain Duris me file un coup de vieux — je ne nous ai pas vus vieillir, tous, depuis L’Auberge espagnole. Ses tics passent moins bien, ou c’est moi qui les trouve désormais plus énervants qu’agaçants.
Le zozotement minaudé de Louis Garrel pourrait produire le même effet, mais il est rudement bien employé en roi mollasson. Baisse temporaire de testostérone, ça fait du bien dans ce film qui en est trop plein… ou pas assez ? En tentant de ménager la chèvre originale et le chou spectateur d’aujourd’hui, on sort le roman de son époque sans atteindre les attentes de la nôtre. Dans cet entre-deux uchronique, toute cette testostérone, pour laquelle je suis pourtant venue (plaisir hétérosexuel assumé face au casting annoncé), me lasse rapidement. Surtout lors des scènes d’action nocturnes qui m’ont semblées mal éclairées, dans une salle de cinéma qui l’était trop (à tous les coups, les vieilles ampoules incandescentes des sorties de secours ont été remplacées par des LED sans adaptation de Watt). Heureusement qu’il y a quelques punchlines. Des gros plans sur les mains. Et les fossettes de François Civil.
Après-soleil, après-coup, couleurs délavées. Aftersun n’existe que dans un regard rétrospectif où ce qui est en train de se vivre est déjà perdu. Pour Sophie, qui filme à hauteur d’enfant des bribes de ses dernières vacances avec son père. Pour celui-ci, Calum, aux prises avec la dépression, malgré tous ses efforts pour offrir de beaux moments à sa fille, malgré l’amour et la tendresse de ses gestes, de son attention sans cesse renouvelée, arrachée à une toile de fond qui le voit sombrer. Il est là et son absence l’est déjà aussi, dans tous les plans où l’on ne voit que son reflet parcellaire (dans un coin de miroir), imprécis (sur une table vitrée) ou opacifié (sur un écran de télévision éteint). Ce rapport paradoxal entre absence et présence culmine dans le plan où le repas père-fille est filmé en plan fixe sur le coude du père, sous lequel se développe lentement un Polaroïd d’eux pris par le photographe du club de vacances. Lentement.
La lenteur ne tranche pas : c’est le temps du développement, du film d’auteur ; le temps étiré de la somnolence sur un transat au soleil, seulement ponctué de re-crémages solaires ; le temps indifférencié des vacances, tramé d’ennui et brodé d’activités que l’on doit décider sans qu’elles s’imposent à nous, sans smartphone, sans Internet, sans jeux vidéos ; le temps de l’enfance sans turbulence ; le temps de la léthargie, aussi, celui de l’enlisement, de la dépression ensoleillée, qui aveugle et délave. C’est lent : d’abord long, puis plus tellement. Comme des vacances infinies qui se termineront mardi.
C’est étrange, parce que j’ai l’âge du père (je suis plus âgées, même), mais c’est mon enfance que vit sa fille. J’ai été en club de vacances avec les mêmes buffets à volonté, les chaises en plastique, les spectacles le soir, le bracelet pour commander au bar en sortant de la piscine (une inconnue donne son bracelet all-inclusive à Sophie ; j’avais trouvé un bracelet de perles-monnaie bonus par terre), les activités organisées et celles improvisées (billard père-fille ; parties de ping-pong mère-fille) — à la même époque, celle de l’argentique, des débardeurs tie and dye et des atébas, ces fils de couleurs entourés autour d’une mèche de cheveux. C’est mon enfance et elle me paraît loin aux côtés du père, éloignée par les années, mais pas seulement, par ce rapport au temps aussi, à ce temps dénué de perpétuelle diversion numérique. Ça m’a fait plisser les yeux, essayer d’entrevoir nettement cette époque révolue de parties de cartes et de plongeons — de lectures aussi, beaucoup plus que l’héroïne. Je me souviens des chapitres rationnés quotidiennement parce que je n’avais pas emporté assez de livres et que je n’en trouverais pas en français dans ce club de vacances italien. Ma mère, dans le même cas de figure, avait fini par lire les miens ; je la revois rire de la truculence de Judy Blume.
C’est mon enfance et ce n’est absolument pas mon histoire. Elle n’appartient qu’à Calum et Sophie, marquée par le drame en suspens, préservée-ressuscitée par une pellicule terriblement présente d’être un peu passée, révolue même, dernier vestige de. Cette relation père-fille, pas souvent si bien mise en scène, est incarnée tout en sensibilité et sans pathos par Francesca Corio et Paul Mescal (déjà à fleur de peau et de névrose dans Normal People), sous la direction de Charlotte Wells dont on a du mal à imaginer que c’est le premier long métrage.
Les Berkman se séparent
Un bon film sur la séparation d’un couple et le bordel engendré chez les enfants (plus par le père arrogant-méprisant que par la séparation en tant que telle, in fine).
Michel (Bruno Podalydès) plane à deux mille, et pas juste parce qu’il est fan d’aviation.
Un jour, il développe une fascination pour le kayak, l’objet, l’idée, la beauté du geste — pagaye dans le salon et sur le toit de l’immeuble en secret de sa femme (Sandrine Kiberlain).
On n’y croit pas vraiment, mais un jour son kayak rencontre vraiment l’eau — et lui, d’autres yeux, d’autres bras, d’autres peaux. Il plane tellement à deux mille, rêve tellement l’instant, l’aventure, que les questions qui devraient se poser ne se posent pas. C’est doux et reposant, cette absence de scrupule, ces rencontres qui coulent de soi, avec toute la maladresse et la tendresse qui siéent à Michel. On voudrait pouvoir tout accueillir ainsi.
Loupé à sa sortie en 2015,
vu sur OCS (mais désormais retiré du catalogue)
Une certaine manière de commencer 2023, en plombant le mood.
Aussi : le rire y est une secousse incontrôlable du corps décorrélée de toute manifestation de joie, ça m’a rappelé Kundera.
Film de 2019 vu sur Netflix
Vivre
Un gentleman d’un certain âge, employé dans une administration, apprend qu’il ne lui reste plus beaucoup de temps à vivre, prend conscience n’avoir vécu qu’à demi jusque là et déserte son poste. Tout plaquer et retrouver le goût de vivre, suggère la bande-annonce. Le film est plus fin que cela : M. Williams ne va pas chercher à compenser une vie entière par des frasques de dernière minute, mais à retrouver du sens dans ce qui a fait sa vie jusqu’ici, dans ses menues tâches quotidiennes. C’est dérisoire, et l’humour british s’assure que cela le reste ; le pathos ainsi tenu distance, le gentleman se fait discrètement émouvant. C’est très réussi… jusqu’à ce que le sentimentalisme hollywoodien l’emporte sur l’esprit britannique et cède à la grandiloquence. Dommage. Le modeste gentleman dépeint en grand homme, l’on frise le contresens héroï-comique. Ces minutes finales ne doivent pourtant pas vous dissuader d’aller voir le très joli duo formé par Bill Nighy et Aimee Lou Wood (je savais que je l’avais déjà vue, mais incapable de me souvenir où, et pour cause : on est bien loin de Sex Education !).
Le Tourbillon de la vie
Un titre médiocre pour un film enthousiasmant, qui imagine ce qui serait arrivé à son personne principal si… (si le passeport n’était pas tombé au moment de partir pour Berlin alors que le mur est en train de tomber, si Julia ratait le prestigieux concours de musique qui prédit les futurs concertistes, si l’accident qui va lui coûter sa main de pianiste avait été évité, si la rencontre avec le père de ses enfants avait été remplacée par une rencontre avec son impresario…). Olivier et Camille Treiner ont l’intelligence de ne pas faire reposer tout une destinée sur un unique hasard : ce ne sont pas deux versions de Julia qui sont mises dos à dos, mais trois, quatre, cinq embranchements qui dessinent des parcours différents après des tronçons communs plus ou moins longs. Il en résulte une drôle de polyphonie — à une seule voix, mais plusieurs voies : c’est toujours Julia que l’on suit, mais elle n’est pas la même femme d’une vie à l’autre, et toutes évoluent en parallèle.
S’y retrouver requiert un peu de gymnastique mentale, à la fois dans la détection des signes distinctifs (si elle a cette coupe de cheveux / porte cette robe / n’a pas de cicatrice à la main, alors c’est la Julia qui…) et l’attribution des événements, toujours à récapituler (attendez, c’est la Julia qui a oublié son passeport, rencontré son mari, eu des enfants et été trompée qui fait cette nouvelle rencontre, ou bien la Julia qui a oublié son passeport, rencontré son mari et divorcé après plusieurs FIV infructueuses ? ). J’ai été un peu perdue parfois, mais jamais bien longtemps et surtout : cette légère confusion m’a aidée à couper court aux comparaisons incessantes que je ne pouvais m’empêcher de faire entre les différentes versions de Julia pour déterminer quelle vie était la meilleure. Toute la beauté du film tient à ce qu’il n’y a pas une vie véritablement réussie ou ratée. Il n’y a pas de stricte égalité, évidemment, et certaines Julia morflent plus que d’autres, certaines ne deviennent jamais pianiste ou jamais mère, mais chaque Julia connaît son lot de difficultés et de joies, selon des modalités et à des âges différents. On nous rappelle au passage que non solum rien n’est jamais joué, sed etiam réussite et épanouissement sont deux choses différentes : la Julia qui rate le concours de musique est in fine la seule à faire une carrière de concertiste… et ne connaitra l’épanouissement dans sa vie affective que tardivement dans sa vie. Pas d’opposition carrière/famille comme on pourrait le croire au début. C’est plus fin que ça ; il y a un temps pour tout, pour toutes les Julia.
J’ai éprouvé un grand soulagement à voir ces vies très différentes d’une certaine manière s’équivaloir, toutes méritant d’être vécues bien que toutes suscitant le désir d’effacer ou de réécrire telle ou telle partie de l’histoire — comme si c’était une vérification vécue, une expérimentation scientifique et pas une répartition arbitraire de scénariste décidant à quel point et comment il fallait faire souffrir ou exaucer telle Julia. J’ai eu quelques secondes de déception en me rappelant que ce n’était que ça, une histoire fabriquée, tant cela a fait écho à ce que me disait l’ostéo-kiné-thérapeute quelques jours plus tôt, me remettant moi et mes vertèbres d’aplomb : ce n’est pas que tu n’es pas assez bonne, c’est qu’on ne t’a pas bien appris, tu n’as pas rencontré les bons professeurs au bon moment, et ce n’est pas grave, ce n’était juste pas ton chemin. Elle a appuyé là où ça faisait mal pour soulager, exactement comme pour les vertèbres. Je n’avais jamais pensé, que ça aurait pu, que j’aurais pu devenir danseuse professionnelle comme Julia concertiste ; puisque je n’ai pas réussi à le devenir, c’est que je ne le pouvais pas. Ça aurait pu. C’est une hypothèse qui ne mange pas de pain, et qui apporte de la sérénité : la faute est levée (je m’aperçois à cette occasion que c’est comme ça que je le percevais : de ma faute, et pas seulement de mon fait). Ça n’a pas, et ça aurait pu ; ça aurait pu aussi advenir et prendre fin rapidement, comme N. qui a suivi un cursus pro jusqu’au bout et n’a pas aimé la vie en compagnie, ne s’y est pas épanouie du tout, et se retrouve avec moi, dix ans plus tôt et avec un tout autre bagage, mais dans la même formation. Ce n’était pas mon chemin, voilà tout. Et ce n’est pas grave — l’ostéo-kiné-thérapeute n’essayait pas d’éluder ; elle concluait, très sage dans sa légèreté. Ce n’est pas grave : pas parce qu’un autre chemin tout tracé (et splendide tant qu’à faire) m’attendrait (on a dit thérapeute, pas voyante), mais parce que ce chemin reste à tout instant à trouver, à tracer ; je le fais autant qu’il me fait.
Bref, allez voir mon ostéoLe Tourbillon de la vie. Lou de Lâage y est formidable (et Raphaël Pesonnaz fidèle à sa dichotomie sexy/banquier). On pardonne aisément la dernière scène un peu grandiloquente ; le point d’orgue était un peu trop tentant après une telle composition en contrepoint.
Simone, le voyage du siècle
Il faudra m’expliquer ce qui motive les gens à se rendre à une telle séance avec du pop corn ; heureusement que les sachets étaient vides quand les camps d’extermination sont arrivés à l’écran. En cela le scénario a l’intelligence de commencer par ce à quoi on associe spontanément le nom de Simone Weill, i.e. la légalisation de l’IVG, d’enchaîner sur son travail méconnu (de moi en tous cas) dans l’univers pénitenciaire pour aborder à la fin seulement sa traversée des camps. Les souvenirs de la Shoah sont là tout au long du film sous formes de flashbacks traumatiques, mais leur narration continue n’est développée qu’à la fin du film, quand ils peuvent prendre valeur d’épisode fondateur donnant une cohérence aux combats de la rescapée devenue femme politique. Double écueil évité : ni le trauma ni les luttes ne sont ainsi minimisées. Beau boulot que ce portrait.
(Me reste une interrogation : pourquoi dormir sur un matelas lui provoquait des crises d’angoisse de retour des camps, et dormir par terre l’apaisait ? J’ai pensé que la police l’avait arrachée à son sommeil dans son lit, mais la scène d’arrestation la montre en pleine journée en pleine rue…)
Un jour de pluie à New York
Les deux protagonistes sont ballotés par des enchaînements de circonstances qui vont acter ce que leurs monologues juxtaposés du début laissaient présager : ils ne sont pas faits l’un pour l’autre. Ils le sont même si peu que les tentations d’incartades et d’infidélité n’ont bientôt plus aucune importance. Toute trace de malaise moral balayée par l’effet comique, on s’amuse des bouilles qu’Elle Fanning prête à son personnage de femme-enfant-journaliste sortie de sa province, tout en profitant du minois de Timothée Chalamet qui joue en terrain conquis le bellâtre cultivé qui n’en a rien à branler. Le tout si bien rythmé que j’en ai oublié ce que Woody Allen pouvait avoir d’agaçant.
Film de 2019 vu sur OCS
Cube
Ne jamais croire le boyfriend lorsqu’il dit qu’un film ne fait pas vraiment peur. Contente néanmoins d’avoir vu Cube avec lui, car je ne l’aurais jamais regardé seule et c’est très bon — mais j’ai eu les mains moites tout du long et je puais de stress à la faim : suspens psychologique et suspens d’action prennent le relai l’un de l’autre, si bien que, quand tu te rappelles que tu dois respirer, tes muscles se contractent aussitôt sans passer par la détente espérée.
Film de 1997 vu sur Netflix
Tu choisiras la vie
Raisons pour lesquelles le film pouvait me plaire et m’a plu :
Un second film avec « vie » dans le titre et Lou de Laâge dans le rôle principal juste après Le Tourbillon de la vie, c’était un signe (et cette actrice est tellement lumineuse…).
L’intrigue situant Lou de Laâge dans une famille juive ultra-orthodoxe a réveillé ma fascination déclenchée par Les Shtisels, une famille à Jérusalem (en revanche, je buguais quand ils parlaient français, tant ça me semble un mode de vie exotique).
Le film se déroule l’été en Italie, ce qui signifie qu’on a le plaisir d’entendre parler italien (même si je n’ai pas compris grand-chose à part casa) et qu’on a l’illusion de retrouver la chaleur et la lumière estivale en plein hiver.
Mais la raison principale pour laquelle j’ai aimé ce film, c’est qu’à la place de l’histoire d’amour que j’attendais, j’ai assisté à la rencontre de deux êtres se cherchant eux-mêmes en présence de l’autre, résultant en de magnifiques moments d’intimité. Chacun amène l’autre un peu plus avant, sans chercher à aller plus loin ensemble : ce serait déjà utiliser l’autre, risquer de le ravaler au rang de prétexte. De fait, les mains tenues de la bande-annonce seront toute l’étreinte charnelle qu’il y aura entre eux deux. Mais quelle intensité lorsque les doigts se frôlent, que la main de l’un se rétracte pour laisser l’autre l’envelopper, avant de lui communiquer toute la tendresse possible en cherchant à effleurer-enrober un doigt… Cette tension d’intensité à vivre qu’il y a entre Lou de Laâge et Riccardo Scamarcio…
Neneh superstar
Par envie de bitcher curiosité pour la représentation de la danse classique en dehors du milieu des connaisseurs, je suis allée voir Neneh Superstar.
Non, ma fille, tu n’iras pas danser
J’ai d’abord cru que c’était le portrait d’une famille où l’on s’asticote et que ça manquait juste un peu de rythme. Puis il a fallu se rendre à l’évidence : le sujet du film, c’est de gâcher sa vie. Soyez mignons, gâchez votre vie sans moi, les enfants, je ne supporte pas les récits d’errance qui ne débouchent sur rien.
Vu sur OCS
Mes jours de gloire
Rappelez-moi d’arrêter de regarder des films sur OCS — ou au moins de regarder leur note sur Allocine avant : 2 étoiles, je crois n’avoir jamais croisé une note si mauvaise. Je m’attendais à une comédie, simplette mais drôle. Pour ça, il aurait fallu un rythme légèrement plus soutenu que celui de Vincent Lacoste (pas franchement caractérisé par son hypertension naturelle) jouant un djeun paumé et dépressif (mon dieu que c’est mou, et non, je ne parle pas des problèmes d’érection du personnage).
Toutes ces vies à errer, ça me donne des envies d’hyperactivité productiviste.