Ciné de mars 2022

Viens, je t’emmène

Une prostituée se décompose en voyant au JT qu’un attentat a eu lieu juste à côté de l’hôtel où elle fait des heures sup’ non payées, tandis que son nouvel amant continue à s’activer entre ses cuisses… et ne s’arrête que lorsque surgit le mari, inquiet pour sa femme, prêt à rembourser le client dont il n’imagine pas qu’il était là gratis.

Il faut un peu de temps avant que le film trouve le rythme que sa bande-annonce augurait, mais à partir de cette scène, c’est plutôt savoureux de débandade et de nawak savamment dosés. Surtout quand le client se retrouve à accueillir dans son immeuble le présumé terroriste de l’attentat…

Alain Guiraudie brasse les clichés comme le client les seins opulents de son amante : avec volupté, pour son/notre plus grand plaisir. Pour autant, ses personnages ne sont pas des stéréotypes, ou seulement dans le regard des autres : ils débordent sans cesse les préjugés dont ils sont l’objet, sans pour autant les infirmer avec certitude. Le gamin-SDF-arabe relâché par la police est-il innocent de fait ou par manque de preuve ? Peut-on être terroriste et lire Lucky Luke ? Le mari disant que le voile de sa femme est une lubie de celle-ci dit-il vrai ? Peut-on vraiment craindre une quelconque radicalisation quand celle-ci considère comme un déguisement grotesque la burqua que son mari lui a offerte ? Le mari jaloux que notre héroïne prostituée cocufie avec plaisir est-il vraiment un personnage si amusant que cela ?

Jean-Charles Clichet joue pas mal le mec paumé, autant balloté par les événements que les croyances qu’ils suscitent, tandis que Noémie Lvovsky est parfaite en Isadora(ble), prostituée au grand cœur, grand corps, grande gueule (ça fait bizarre, mais ça fait du bien, vraiment, de voir des scènes de sexe avec des corps non hollywoodiens – même si on peut aussi s’interroger sur la facilité avec laquelle le burlesque prend la place de l’érotisme absent….).

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Belfast

Un huis-clos porte ouverte, dans une rue de Belfast où les Protestants se font persécuter par des Catholiques émeutiers. Double intelligence de Kenneth Branagh : se placer du point de vue d’une famille catholique qui ne comprend pas ce déferlement de haine – ni victime ni bourreau donc, mais sommée de prendre partie ; et s’intéresser aux trois générations concernées, des grands-parents au petit dernier, entremêlant ainsi le récit à hauteur d’enfant et les enjeux adultes (le frère aîné est en revanche laissé de côté, allez savoir pourquoi). Rues à feu à sang à sac et grands regards lumineux sont réunis dans le même noir et blanc étincelant : une photographie superbe, vraiment. C’est sur ce terreau de choix qu’a fleuri une belle migraine ophtalmique, coupant les sous-titres d’un accent à couper au couteau avant de s’étaler en plein écran.

Bonus plaisir : Dame Julie Dench dans le rôle de la grand-mère.

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Le Chant du loup (vu sur Netflix)

Un • bon • film • d’action • français : Antonin Baudry nous offre le luxe de n’avoir aucune mention inutile à rayer. Le casting est de surcroît un régal : Reda Kateb et Omar Sy en commandants de sous-marins, ça met déjà de bonne humeur, mais alors François Civil en oreille d’or badass qui peut détecter le modèle d’un sous-marin au clapotis qu’il fait, c’est tout bonnement jouissif. Comble de l’extase en reconnaissant Paula Beer, que fait-elle là mais quelle bonne idée. J’aurais frétillé sur place si la tablette n’était posée en équilibre sur mes jambes. Immersion totale et tension nerveuse : la couette a pris cher.


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The Dig (vu sur Netflix)

L’affiche avec Carey Mulligan en pleine nature m’a fait douter avoir déjà vu le film, mais c’était à Far from the madding crowd que je pensais – non pas que ça change grand-chose vu le peu de souvenir que j’en ai gardé ; je me souviens essentiellement de ses traits pâte-à-modeler humaine, changeant au gré des émotions comme des nuages, et c’était suffisant pour me pousser à regarder le film de Simon Stone.

Ralph Fiennes s’y présente en excavator, un diplôme universitaire le séparant du titre d’archeologist ; il n’en mène pas moins des fouilles pour une Carey Mulligan pas très vaillante mais toujours émouvante. J’ai été un peu trop prompte à imaginer une histoire entre cette veuve et cet homme mal accordé à son épouse, mais suis ravie de mon erreur : cela fait du bien, les récits de liens en-dehors du sentiment amoureux. Ce dernier est traité en intrigue secondaire, délégué à Lily James que je n’arrivais plus à restituer (Dontown Abbey), mais dont j’apprécie décidément la présence.

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Les Shtisels, une famille à Jérusalem (vu sur Netflix)

Cela fait plusieurs mois que je regarde cette série, mais j’ai fini la troisième (et actuellement dernière) saison ce mois-ci. J’ai d’abord été intriguée par le mode de vie juif orthodoxe, les destins étriqués qu’il semblait imposer… et puis pas forcément, et j’ai fini par m’attacher aux personnages comme dans n’importe quelle autre série. Moins habituel, je me suis attachée à la langue, qui ressemble furieusement à l’allemand par moments, et pas du tout à d’autre, ce qui ne m’empêche pas de marmonner phonétiquement des borachem, bemet, toda de temps à autres pour accompagner les personnages et savourer leur yiddish.

(Je la vends très mal, mais regardez-la.)

Ciné en février 2022

Une jeune fille qui va bien 

« On n’a pas la peste, quand même », mention juive sur la carte d’identité, confiscation de biens : la bande-annonce comprend la quasi-totalité des références du film au sort des Juifs. De fait, le film de Sandrine Kimberlain, et c’est là son intelligence, n’est pas un film sur les Juifs pendant la Seconde guerre mondiale, c’est un film sur une jeune fille qui se trouve vivre à cette époque et être d’une famille qui allume des bougies pour Shabbat. Juive, elle le devient par le port de l’étoile jaune ; sinon, c’est surtout un sacré numéro, sœur espiègle, amoureuse aux grands yeux, et apprentie comédienne. Oui, c’est vrai, elle a une curieuse tendance aux évanouissements, mais pourquoi envisager la menace latente quand on peut très bien les expliquer par l’anxiété face au concours d’entrée au Conservatoire ?

C’est toute la force du film de réussir à reléguer-refouler l’arrière-plan historique le temps de nous faire vivre les émois et les élans enthousiastes de cette jeune fille comme les autres – juste un peu plus piquante, plus irrésistible, parce que la caméra suit la double comédienne avec un regard amoureux. Rebecca Marder,  de la Comédie française, surjoue-t-elle comme actrice de cinéma ou joue-t-elle seulement à merveille ce rôle d’apprentie comédienne ? Un ange passe. Un troupeau d’anges passe. À vrai dire, ce serait presque la marque stylistique de Sandrine Kimberlain, dont on reconnaît le style de jeu même quand elle se trouve derrière la caméra.

On est là à se dire que c’est agaçant à ravir, à attendre les baisers du bel assistant ophtalmologiste et les résultats du concours d’entrée au conservatoire, quand l’écran noir de fin nous prend par surprise. La réalisatrice évite si bien la position surplombante du destin rétrospectif qu’on se retrouve soudain dans celle de toutes ces vies, toute cette vie : fauchée.

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Crazy stupid love (Netflix) : comment ai-je pu passer à côté de cette pépite pendant tant d’année ? Emma Watson, Ryan Gosling, Steve Carell et Julianne Moore nous offrent une comédie romantique qui n’oublie pas d’être d’abord une comédie, aux répliques parfaitement écrites et envoyées. Il se peut que des coussins aient été maltraités pendant le visionnage.

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Passing (Clair-obscur en VF sur Netflix) : la photographie est splendide, même si, comme le fait remarquer le boyfriend, on sent un peu trop l’école de cinéma : quand on visionne le film sur tablette et qu’on ne peut pas se promener dans l’image, on retrancherait bien quelques (dixièmes de) secondes à chaque plan. Un peu lent-long, donc, mais splendide. Et déroutant : l’amie d’enfance de la protagoniste, Afro-américaine pâle de peau, se fait passer (d’où le titre Passing) pour blanche… y compris auprès de son mari raciste. Cela m’a plongée dans une perplexité sans fin, le visage de l’actrice ne laissant pour moi aucun doute sur (une partie de) ses origines. Je  me suis mise à scruter les mille nuances chromatiques de peau noire, moins noire, jamais noire en réalité dans ce film en noir et blanc, la couleur oscillant en fonction des éclairages, à contre-jour, au soleil, en soirée, dans le regard des uns et des autres… jusqu’à abdiquer : la photographie du film révèle la couleur de peau comme statut social.

Celle qui prend la lumière, c’est cette femme blonde qui regrette de s’être coupée de celle qu’elle était ; pour goûter à une vie authentique, qui ne lui est plus permise, elle s’immisce dans celle d’une ancienne amie, jusqu’à faire surgir la rivalité. J’ai été bien contente de regarder le film sur tablette, à la fin, lorsque le retour sur image s’est avéré nécessaire pour lever un doute… et installer une ambiguïté prévue par le scénario. En arrêt sur image, j’ai vu ce que je voulais voir : un bras contre un corps ; mais pas ce que je voulais : s’il pousse, protège ou accompagne dans le moment fatidique du passing away.

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The King (Netflix)

Moi au boyfriend :  » Je suis contente de l’avoir vu avec toi, parce que je ne l’aurais pas regardée seule », sous-entendu : il me faut quelqu’un pour me dire quand la guillotine est tombée, que je puisse de nouveau regarder l’écran.

Le boyfriend en réponse : « Je suis content de l’avoir vu avec toi, parce que je ne l’aurais pas regardé seul non plus, c’est trop girly. »

GIRLY.

Les mecs se défoncent en armure au marteau dans la boue, dans un contexte où la politique internationale est un concours de bites géant, mais c’est trop girly. Matez un peu le pouvoir de mon crush de cougar sur le boyfriend : il suffit qu’il y ait Timothée Chalamet (et Robert Pattinson) au casting pour que le film devienne girly. Du coup, pour la rubrique « genre » de la critique de Télérama le jour où le film passera à la télé, je propose : Thimotée Chalamet en armure.

Et sinon, à part ces querelles de mec/meuf et le fait que « Chalamet a la classe quoiqu’il fasse, ce con » ? On a affaire à un souverain dans la veine platoniste, qui hérite du pouvoir alors qu’il n’en a pas la moindre envie, tente de calmer le jeu autour de lui, et s’y trouve embarqué en essayant de ne pas devenir ce qu’il méprise. J’avais découvert ça avec The West Wing, série sur la gestion de la Maison Blanche par un équipe de good guys embarqués en realpolitik : autant je déteste suivre l’actualité politique ou apprendre l’Histoire, autant j’adore observer les tensions entre les impératifs moraux et les enjeux du pouvoir (la politique versus le politique, peut-être).

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Normal People (FranceTV)

Ici aurait du se trouver une série de screenshots de tendresse, main sur la nuque. J’avais besoin de ça en février.

Je suis tombée amoureuse du personnage, ai-je dit à Melendili qui m’a conseillé la série. Elle a renchérit sur son personnage à lui. Je pensais à elle (beaucoup trop de tentations d’identification et d’homo-auto-érotisme avec les premières de la classe maigrichonnes). Leurs parcours sont tracés avec beaucoup de justesse – et de malentendus à base d’auto-sabordage (communiquez, bordel)(et n’attendez pas pour aller chez le psy).

J’ai rarement vu des scènes de sexe-tendresse si belles – même si, à la fin de la série, je me suis rendue compte avec une pointe de déception que c’était très phallocentré : le SM soft existe, la tendresse aussi, mais pas le cunni.

Ciné de janvier 2022

Une des mes résolutions (plaisante) pour l’année 2022 : cesser de faire du mécénat avec ma carte UGC illimité et retourner au cinéma. Surtout que Lille compte 3 salles proches du métro et bien synchronisées entre elles : pas de redondance, plein de films à voir, et de fait, six films vus ce mois-ci (+ 2 en home-ciné).

L’année aura commencé sous le signe de Virginie Effira, que j’apprécie décidément beaucoup. Madeleine Collins, c’est elle. C’est elle aussi qui rattrape Romain Duris, un peu faux, dans En attendant Bojangles : la justesse revient quand son personnage pique la vedette au narrateur-admirateur. Dans Sybil (vu à la TV), sa présence m’a fait oublier que le film ne va  nulle part, s’échouant sur une île peuplée de comédiens (featuring Sandra Hüller, la chouette actrice de Tony Erdman, et feu Gaspard Ulliel, je ne m’en remets pas). Aussi lumineuse dans le rire que dans les larmes, toujours très humaine, la sensibilité intelligente mais pas intello.

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Madeleine Collins : beaucoup plus fin et troublant que ce que l’histoire de double vie laisse supposer. Et qui de mieux que Virginie Effira pour nous faire glisser de la comédie annoncée vers un drame qu’on n’avait pas anticipé, quand bien même sa source nous est montrée dès les premières minutes ?

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En attendant Bojangles : de la nécessité de la fantaisie pour ne pas sombrer dans la dépression. La fantaisie à tout prix, au prix de la folie. Mention spéciale pour l’oiseau exotique tenu en laisse, nommé Mademoiselle Superfétatoire (indispensable, donc).

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The Trial of the Chicago 7 (sur Netflix): regarder ce film pour Eddy Redmayne? Overruled! Le film vaut pour lui-même et ses dialogues sacrément bien écrits (j’ai tapé mon oreiller de jubilation par moments). Face à un simulacre de procès, on voit se dessiner les postures des contestataires, moins conformes qu’on l’imagine à l’image que chacun renvoie au reste du groupe – mais informées par leur background (est-ce moi qui suis davantage sensible à la manière dont notre éducation nous façonne, y compris lorsqu’on lui tourne le dos ?).

Je retiens le quiproquo grammatical final digne de La Marseillaise : « If blood is going to flow, then let it flow all over the city!  » L’absence de précision « our blood » transforme l’appel à médiatiser le martyre en incitation à la violence…

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Annette : je suis contente d’avoir vu ce film au cinéma, mais je ne sais pas si je suis contente de l’avoir vu tout court : clairement, chez moi, j’aurais jeté l’éponge avant la fin. Les longueurs sont d’autant plus rageantes qu’il y a quelque chose, il se passe quelque chose dans ces plans infinis saturés de vert et d’orange. L’histoire est cousue de fil blanc, mais cela n’a aucune importance, car tout est dans le décalage de traitement avec ce que l’on attend, à commencer par l’enfant éponyme qui n’arrive qu’au milieu du film, quand on aimerait bien le voir s’arrêter.

En bref,
le vert va vachement bien avec l’orange, il faudrait que j’y pense plus souvent.
Adam Driver est décidément doué pour jouer les sales types auxquels on ne peut s’empêcher de s’accrocher.
Marion Cottillard ne cessera jamais de mourir, comme héroïne d’opéra ou comme victime de violence conjugale.
Annette-Pinocchio, enfant de bois et d’os, est le truc le plus bizarre et le plus réussi du film.
Quand on a des remininences du Phare devant un autre film, ce n’est pas bon signe.
What did I expect en allant voir un film de Leos Carax, aussi ?

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Belle : j’ai apprécié que l’univers virtuel de Belle soit un lieu où l’on se révèle davantage qu’un lieu où l’on se cache : c’est le web dont j’ai fait l’expérience. Bien plus, la perméabilité entre univers virtuel et IRL permet la métaphore. Mamoru Hosoda pousse la dimension symbolique jusqu’au conte, en mettant Belle sur la quête d’une bête rendue belliqueuse par la souffrance. S’occuper de la souffrance d’autrui distrait probablement de la sienne ; dans la vision du féminin dévoué, elle guérit carrément : si le deuil de l’héroïne était le véritable sujet, j’aurais préféré qu’on s’y attarde depuis la nature marginale dans laquelle elle oublie d’habiter, pourtant si splendidement dessinée. En l’état, cela ressemble à un prétexte pour se gargariser de l’inventivité graphique autorisée par l’univers virtuel…

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Twist à Bamako : au milieu d’un pays fraîchement indépendant qui peine à retrouver ou s’inventer une identité, s’enchâsse l’histoire de Lara, jeune fille mariée de force qui prend la fuite, et de Samba, militant socialiste commodément bien plus féministe que les hommes de son époque. L’histoire d’amour n’est pas un prétexte pour retracer l’histoire d’un pays, pas plus que celle-ci n’est le prétexte de celle-là : l’une n’existe pas sans l’autre, et c’est ce qui fait de Twist à Bamako un très bon-beau film, avec des personnages qui se nuancent les uns les autres.

En revanche, ma sensibilité me rend indéniablement plus attentive à l’histoire des corps, magnifiquement filmés dans le désir – notamment cette scène d’amour vertical, où l’on ne voit rien d’autre que les être qui se cherchent puis les corps nus, enlacés mais immobiles, qui se sont trouvés. Travelling en remontant, des fesses jusqu’aux joues, sillonnées de larmes silencieuses.

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La Place d’une autre : cela fera un bon téléfilm pour qui, comme moi, a un faible pour les histoires de servantes-dames de compagnie. Pour une sortie ciné, c’est un peu léger : une infirmière prend l’identité de la dame de qualité qui meurt sous ses yeux, et se présente comme lectrice chez la vieille dame à qui elle devait tenir compagnie. On s’attend évidemment à ce qu’elle soit démasquée, mais le scénario bifurque de manière inattendue… pour l’époque où se déroule l’histoire ; pour une sensibilité moderne, en revanche, cela va un peu trop de soi et fleure l’anachronisme édifiant : faire primer l’attachement filial sur le respect des classes sociales relève davantage du bon sentiment que de l’originalité. Heureusement, grâce à Lyna Khoudri, c’est du bon sentiment en bonne compagnie.

Home ciné d’été

En juillet

The Two Popes [sur Netflix] : absolument génial ! L’ouverture m’a fascinée par la plongée offerte dans un univers dont j’ignorais tout : en fil directeur, un long fil rouge sur lequel sont enfilés les bulletins de vote des cardinaux, réunis pour élire le nouveau pape : Benoît XVI. Qui démissionne. Deux visions de la place de la religion du monde s’affrontent et s’esquivent en les personnes de Benoît XVI, sur le point d’abdiquer, et du pape François, sur le point de lui succéder. C’est excellent et… très drôle. Il faut le voir pour le croire : la casuistique mêlée à l’humour jésuite donne lieu à d’excellentes punchlines, et la joute des deux hommes se regarde comme un match de football (dont le pape François est présenté comme un grand fan).

Knight and Day [re-visionnage] : tellement mon type de film d’action. D’abord, il y a Tom Cruise – rappelons qu’un bon film d’action comporte soit Bruce Willis (saillies d’autodérision) soit Tom Cruise (comique de situation, malgré lui). Ensuite, il est impossible de vraiment suivre quoi que ce soit : Cameron Diaz, héroïne malgré elle, est régulièrement droguée par Tom Cruz. On se fiche un peu de qui en veut à qui et pourquoi : c’est seulement un prétexte plaisant à sans cesse interrompre l’histoire qui se déroule entre deux rebondissements, qui n’aurait jamais été ainsi développée si elle avait eu tout l’espace pour s’épanouir, sans que ses protagonistes aient été liés à la vie à la mort par pur hasard (lequel fait néanmoins bien les choses comme chacun sait).

Elizabeth : révisions après avoir vu Marie Stuart, reine d’Écosse – autant vous dire que j’oublie tout d’une fois sur l’autre. Ces histoires de prise de pouvoir me sont vraiment trop étranges/étrangères.

Yards : un James Gray tellement de jeunesse que je n’ai pas reconnu la jeune Charlize Theron. Dans le genre gâchis de vie, c’est brillant.

Shaun le mouton : je n’aurais pas pensé, mais c’est excellent.

La Petite Sirène [re-visionnage] : mais d’où vient la légende du Disney cucul ? À chaque fois que j’en revois un, des détails oubliés m’éclatent. Là, c’étaient les manières du crabe Sébastien, chef d’orchestre avant d’être pleutre.

Une merveilleuse histoire du temps : passion pour les histoires de génies (aussi badass que les héros d’un film d’action) x passion pour les mélos x passion pour Eddie Redmayne = l’équation la plus facile à résoudre de tous les temps pour mesurer mon émotion
(Du mal à ne pas chialer, quand même.)

En août

Un homme à la hauteur [à la télé]: Jean Dujardin m’exaspère, mais Virginie Effira pourrait me faire regarder n’importe quoi. Une fois accoutumé à la grossièreté de l’effet par lequel on a rapetissé l’acteur, c’est même plaisant. (Pourquoi ne pas avoir embauché quelqu’un de petit par nature ?)

Five [sur Netflix] : Pierre Niney se retrouve à dealer de l’herbe pour pouvoir payer l’appart promis à ses potes. Rien que pour ce pitch oxymorique, il fallait que je regarde. Je me suis marrée et, ma foi, je n’en demandais pas plus. Sans compter que la présence de François Civil ne gâche rien.

Out of Africa [à la télé], histoire de relever un peu le niveau : j’ai découvert l’histoire de La Ferme africaine à travers la très belle bande-dessinée d’Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Risbjerg, sans savoir au moment de l’emprunter qu’elle était tirée du roman de Karen Blixen. Je l’ai re-vécue avec Meryl Streep et Robert Redford, partagée entre le dépit de constater qu’on finit toujours pas s’empêtrer dans l’attachement, même lorsqu’on veut l’autre libre (l’aventurier joué par Robert Redford se cabre de sentir les liens qu’il a pourtant lui-même noués), et la consolation qu’offre la complétude de la narration, en transformant les manqués en destin – à contempler dans sa beauté-tristesse.
(Je suis épatée par les rares actrices qui ont su s’imposer comme late-bloomers et donner toute leur mesure bien après l’âge auquel les jeunes premières ont généralement été évincées. De fait Meryl Streep fait toute jeunette dans ce film et, même si son interprétation ne manque pas de poigne, elle ne paraît pas encore tout à fait Meryl Streep.)

Un divan à Tunis

– Tu nous dis qu’on n’aura plus de problème si on vient te voir ?

Pas vraiment. Face au salon de coiffure où elle essaye de récupérer des clientes, la psy fraîchement revenue de France se lance dans un petit laïus pour expliquer comment ça fonctionne. Au milieu, j’entends cette phrase ou cette idée : le fait de raconter ses problèmes les fait changer de statut. Et c’est exactement ce que fait Manèle Labidi Labbé dans cette comédie douce-amère qui n’a pas le rythme d’une comédie traditionnelle, mais qui en est une, par la force des choses et par la force du regard qu’on porte sur elles, surtout : les problèmes, d’être effleurés d’un doux rire, n’en sont déjà plus vraiment. Cela devient la réalité des gens – pleins de vies qu’on devine et qu’il n’y a pas besoin de creuser, parce que c’est la vie, et d’en rire, déjà ça va – mieux, on ne sait pas, mais ça va, on se n’en était pas rendu compte, mais oui, tiens, ça va.

Merci à Manèle Labidi Labbé pour la séance. La relation thérapeuthe-patient est primordiale : j’ai clairement accroché avec Golshifteh Farahani, ses mines assurées, dépitées, ses cheveux qui la font rayonner de liberté.