The Three Billboards outside Ebbing, Missouri. Comme beaucoup, j’imagine, je suis tombée dans le panneau : je suis allée voir le revenge movie entrevu dans la bande-annonce et me suis pris un mélodrame en pleine face. Ils sont forts, ces cons.
Remontant la chaîne de la haine, chaque personnage est confronté à son persécuteur, chaque persécuteur aux victimes collatérales, et dans une petite ville où tout le monde a partie liée, ça éclabousse vite. Très vite, on ne compte plus les points, sinon de suture. Il y a beaucoup d’impardonnable, et autant de circonstances qui, sans atténuer la douleur, font que l’on comprend, peu à peu, comment chacun en est arrivé là et tente de s’en dépêtrer.
Pas de pardon, donc. Le dépassement ne se fera ni par la religion (le père, tentant de tenir ses ouailles en ordre, est rapidement sommé de se casser, lui et son gang paroissial) ni par les bons sentiments. Dans cette communauté franchement rustre, vous pouvez vous coller vos bons sentiments et votre politiquement correct là où vous le pensez ; résumé par le seul policier à peu près décent : si on virait tous les flics vaguement racistes (un euphémisme dans une ville du Sud qui regretterait l’époque de l’esclavagisme), il ne resterait plus que trois-quatre gars, qui en auraient encore après les pédés. Vous n’en avez jamais fini : la haine se dissout dans la colère, et la colère dans la bêtise — crasse, vraiment.
Et toute cette crasse, qui empêche le pardon, qui évite le bon sentiment, toute cette crasse rend sublime la résilience dont ces bons à rien cabossés finissent par faire preuve, maladroitement, avec beaucoup de casse et d’injures, parce qu’au fond, quand on a défenestré un gars, foutu le feu au poste de police, tabassé sa femme, ou renchérit face à l’ado qui dit souhaiter se faire violer pour faire les pieds à sa mère, on a touché le fond et, en continuant de creuser, on s’est aperçu qu’il pourrait y avoir du bon. On ne se précipite pas pour s’en servir, de ce soupçon de bonté, de ce soupçon d’humanité qui reste en nous, hein, mais bon, on pourrait bien, sans s’amender (faut pas déconner), on pourrait s’en servir pour se redresser un peu, soi, plutôt que les torts ; peut-être bien qu’on pourrait, on verra bien, hein, on décidera en chemin. Un putain de chemin pour un putain de film, signé Martin McDonagh.
