Danser la chute

Au feu rouge, de retour de chez le maraîcher, un pamplemousse dans une main, un avocat dodu dans l’autre, je me suis surprise à faire le mouvement qu’Ohad Naharin demandait aux danseurs lors d’une audition – pas évident de soupeser du vide, de suggérer quelque chose de précieux dans une simple oscillation des mains, l’une à côté de l’autre, l’autre après l’autre, en alternance. Cela m’a rappelé qu’il était peut-être temps d’écrire cette chroniquette…

Ohad Naharin ? Un vague nom.

La Batsheva Dance Company ? Jamais vue danser.

Ce n’est pas une raison pour ne pas (c’est même une raison supplémentaire pour) aller voir Mr Gaga, sur les pas d’Ohad Naharin, documentaire de Tomer Heymann.

Première scène : un danseuse entre en tremblements, jusqu’à cambrer, jusqu’à chuter. Elle se relève et reprend, encore et encore, sous l’oeil du chorégraphe, immobile, accueillant chaque nouvelle tentative de quelques mots à peine encourageants. Lui-même est devenu incapable de cela, s’est bousillé le dos.

Plus tard, il demande à une autre danseuse de lui donner son poids, afin qu’elle sente le lâcher-prise par lequel elle doit passer pour se laisser tomber. Elle se suspend à lui, qui lui demande ensuite de se laisser tomber jusque dans cette position et, une fois le mouvement acté, invite à réitérer : mise en confiance, la danseuse remet à nouveau son poids entre des mains… qui ne la rattrapent pas. Elle tombe, sans raideur, sans amortisseur. C’est vache mais efficace. Mais vache, parce qu’il ajoute : « Tu ne m’en veux pas ? » À quoi la danseuse ne peut répondre que non, non, alors que oui, évidemment, oui parce qu’elle ne peut plus répondre non.

De sa deuxième femme, danseuse comme la première, asiatique aussi et belle comme la première, il dit que « ce n’est pas la première ni la dernière femme avec qui [il] travaille et partage [sa] vie ». Ni la dernière. Ils ont un enfant ensemble, et il est plus âgé qu’elle. Ni la dernière. Il y a des choses que l’on ne dit pas, et il y a encore des manières de dire. L’absence de modalisateur m’a choquée. Ni peut-être la dernière, au moins.

Sa première femme, pourtant morte des suites d’un cancer, est épargnée : le film lui est dédié. Le rencontrant, elle a tout de même lâché Alvin Ailey, où elle était soliste, pour le suivre dans sa quête chorégraphique. Elle n’a eu de cesse d’arrondir les angles avec les danseurs qu’il engueulait et pressurisait de ses propres angoisses, angoisse de vivre, de ne pas vivre assez, angoisse de créateur. Elle, jamais un mot plus haut que l’autre, semblait savoir mieux que lui-même ce qu’il voulait, et l’expliquait aux danseurs – une interprète au sens fort, intermédiaire avec le monde (avec lequel il a bien fallu ensuite apprendre à composer). Il a fallu sa disparition pour qu’il amorce un travail sur lui-même – d’où cette tranquillité mi-sage mi-sadique qu’on lui voit tout au long du documentaire, obtenue à grande peine, lutte contre la révolte permanente dans laquelle il semble se débattre, contre lui-même, contre l’intolérance qu’il oppose à ce qui ne le traverse pas (il n’a jamais pu se couler dans les pas des autres, fusse Martha Graham ou pire encore, Maurice Béjart) et à ceux qui ne le suivent pas dans ses préoccupations.

Son regard, yeux verts perçant un visage travaillé par les ans, séduisant dans sa dureté, trahit-révèle une envie-frustration-exigeance incroyable – pas un appétit, pas une soif, comme on dit : un désir aussi vif que douloureux, que joie dans la création –, ce qui fait l’homme que sa première femme a passionnément et patiemment aimé, le chorégraphe que le monde de la danse a reconnu comme créateur de talent, et l’être il faut bien le dire désagréable mais indéniablement émouvant que le documentaire nous propose de rencontrer, au-delà de l’aspect biographique (une autre histoire, presque une épopée à elle seule : l’enfance au kibboutz-paradis perdu ; le service militaire dans les troupes de divertissement en pleine guerre, qui explique-refoule peut-être des choses ; la formation académique tardive ; ou encore l’incident diplomatique créé par son refus de couvrir ses danseurs par convenance religieuse…).

Mit Palpatine

 

La forêt de guingois

« C’est l’idée qu’il est beaucoup plus facile de se perdre dans une univers très normé, rectiligne, que dans le chaos, où l’on peut se créer nous-mêmes des points de repère. »

Grégoire Leprince-Ringuet, dans le Trois couleurs de juin

 

Charmée par cette bribe d’interview, la curiosité piquée par l’idée de dialogues versifiés, j’ai voulu voir La Forêt de quinconces, premier film de Grégoire Leprince-Ringuet, qui promettait d’être délicieusement poétique et décalé. Las ! L’unique mérite de ce film aura été de me faire mémoriser l’orthographe de « quinconce ». Je n’avais rien vu d’aussi mauvais et d’aussi prétentieux depuis Adieu au langage de Godard.

Les vers vont et viennent au gré du manque d’inspiration, s’effilochant en répliques d’une platitude qui ne peut s’expliquer que par la nécessité d’un alexandrin à combler, le tout ponctué de « putain » parce que, voyez-vous, on est cool, quand même. Le swag ultime du théâtreux qui s’écoute déclamer (parce que parler c’était trop prolo) consiste à prononcer la prose comme si c’était des vers, au lieu de jouer sur la musicalité de la poésie pour la faire couler de source – comme de la prose. M. Jourdain a de beaux restes !

Mais Molière est trop péquenot : c’est la tragédie antique qui est convoquée. Pensez-vous, il fallait au moins ça. Une fois passée la tarte à la crème du destin-SDF au coin de la rue et ses choix à pile ou dans-ta-face, plus rien n’étonne, ni la Camille-Circée, magicienne comme on est boudeuse, ni les furies qui picolent tranquillement dans la cave d’un bar. La noirceur de l’âme est à peu près aussi sensible que la dépravation dans Hécate et ses chiens, de Paul Morand. Je suis à peu près sûre qu’ils sont de la même eau littéraire ; j’aurais dû me méfier lorsque Grégoire Leprince-Ringuet donnait Paul Valéry comme poète préféré.

Le recours au mythe aurait pu fonctionner, notez, mais l’enflure tragique est entérinée par une réalisation héroï-comique. Palpatine n’a même plus essayé d’étouffer ses accès de fous rires après la scène dans le métro, très poème RATP : les personnages montent dans une ligne qui traverse un pont qui se trouve sur une autre, l’intérieur ne correspondant aux rames ni de l’une ni de l’autre, le tout tantôt plein tantôt vide sans logique entre les plans. Le reste à l’avenant (mention particulière, quand même, pour le reflet lunaire qu’on dirait produit par un couvercle de casserole). La licence poétique prend cher.

Quant au poète réalisateur, il s’avère sous sa direction piètre acteur : mono-expressif de bout en bout (si le but était de reproduire l’expérience de Koulechov, il a clairement surestimé ses talents de monteur). Le blouson en cuir noir, dont son Paul ne se départit pas et que j’ai déjà connu1 sur un Pierre lui aussi poète maudit2, achève de m’agacer, sans que je sache si c’est à cause du Pierre en question (prolixe, timide et passionné jusqu’au harcèlement) ou de ce qu’il se trouve ainsi réduit à un stéréotype de lui-même (ce Paul bien né est irritant là où Pierre-en-galère était agaçant – pitié dangereuse pour un garçon mal dans sa peau). Me voilà ramenée au temps de ma khâgne, sans retrouver l’humour qui y était omniprésent : on jouait à se prendre au sérieux ; Grégoire Leprince-Ringuet, lui, prend le jeu au sérieux, jusqu’à la pose – seulement passé du selfie au film.

La vraie, l’unique question que pose ce film est : mais pourquoi est-on resté jusqu’au bout ? Même comme nanar, ça ne fonctionne pas entièrement, souligne Palpatine, dont j’ai pourtant cru qu’il finirait par gêner nos voisins par ses rires (j’ai pour ma part testé la méthode de Dame Fanny et signé « c’est chiant » en faisant éjaculer mon pouce vers l’écran). Alors ? Pour le plaisir de bitcher, il faut bien l’avouer. Et peut-être aussi se rappeler que nous sommes aussi toujours un peu risibles en wannabe cinéphiles3. Les arroseurs arrosés, quoi. Cela m’apprendra à ne pas aller voir Beigbeder.

 

1 Au jeu des ressemblances troublantes, il y a l’actrice qui a exactement la même dégaine (long cheveux, short, port de tête) que ma mère sur les photos où elle a mon âge (ou plus jeune, déjà ?).
2 Presque toujours un poésie nrf dans la poche de son blouson ou de son jean. Je crois que c’était la première fois que je voyais un livre de poche dans une poche.
3 J’aurais du mal à me faire passer pour cinéphile, tolérant tout juste le noir et blanc, mais vous voyez l’idée : qui veut des trucs un peu chiadés et affiche son mépris pour le beauf.

Pirate !

Le Corsaire, d’Anna-Marie Holmes,
soirée du 22 juin, avec l’English National Ballet

Comment se fait-il, qu’allergique au kitsch, je ne sois pas rebutée une seule seconde par Le Corsaire ? Le seul passage qui m’a intérieurement fait tirer la langue est le divertissement rêvé du « jardin animé », un jardin de belles plantes en tutu blanc et couronnes de fleurs portées à bout de bras comme les cerceaux des gymnastes – un jardin qui pourrait être cultivé sous nos latitudes ; en somme, un kitsch bien de chez nous. L’orientalisme, en revanche, ne me dérange pas une seule seconde ; je sais que j’ai affaire à l’équivalent esthétique du préjugé, à un Orient d’occidental, mais, occidentale sans expérience de l’Orient (pire : sans grande curiosité pour l’Orient), je n’ai aucune image concrète pour remplacer ce que je reconnais comme cliché.

Non seulement le décor type caverne d’Ali Baba ouvrant sur un clair de lune ne me dérange pas, mais je l’apprécie comme une enfant à qui on lit un conte. Je l’apprécie peut-être même d’autant plus qu’il est présenté comme un plaisir coupable (moins de colonialisme que de mauvais goût, je vous rassure). Le temps de ce ballet, je suis la balletomane type qui consterne Carnet sur sol, celle qui se repaît de son ignorance crasse, qui éprouve une délicieuse volupté à ignorer le patchwork musical, le bric-à-brac narratif1 et la pagaille des versions chorégraphiques. Pire : j’embrasse ce patchwork, ce bric-à-brac, cette pagaille parce qu’ils me libèrent de la nécessité du sens et me laissent toute-ouïe-tous-yeux-tous-pores à l’exultation des corps.

J’aime, que dis-je aimer, j’idolâtre la virtuosité ! Non pas celle, mécanique, des grands techniciens ; celle des bêtes de scènes, aux sauts et à la sensualité félines. Je crois que je n’avais pas ressenti ce frisson de virtuosité à Garnier depuis le Basile d’Ivan Vassiliev2. Le grand jeté par lequel Yonah Acosta vole en scène donne quelque idée de ce qu’ont pu ressentir les spectateurs face au Spectre de la rose de Nijinsky, mais c’est Cesar Corrales mon coup de cœur – qu’emplois-je cette expression pudibonde ? – mon coup de sang, coup de sexe, les hanches qui s’avancent, et non reculent comme le reste du corps de ballet, lorsqu’il abaisse les cordes d’une voile imaginaire et hisse ses couleurs. L’ardeur qu’il y met est telle que j’oublie complètement qu’il s’agit d’un rôle secondaire3, heureuse seulement de le voir plus souvent en scène que s’il avait eu le rôle plus prestigieux mais plus bref de l’esclave (l’esclave plus prestigieux que son maître, qui fait même danser sa bien-aimée4 : revanche des colonisés).

Les femmes ne sont pas en reste, quoique différemment bêtes de scène : Laurretta Summerscales est une magnifique biche ; Alina Cojocaru, un faon apeuré dont le sourcils en permanence froncés vous font immédiatement fondre votre petit cœur. Elle n’était peut-être pas toujours très assurée sur ses jambes, mais il y a en elle une telle intelligence du mouvement ! Rien que l’inclinaison de sa nuque, lorsqu’elle est soulevée par Conrad, suffit à vous faire pâmer de tendresse ; vous voyez son regard de dos ! Comment voulez-vous, après ça, que je condamne Le Corsaire ? Certes, ce n’est pas uniquement ce que j’attends d’un ballet, mais une fois de temps en temps, ça vous fouette délicieusement le sang !


1
Quand Gulnare, voilée, est apparue par la porte par laquelle Médora avait disparu, j’ai mis un certain temps avant de me rendre compte que, non, Alina Cojocaru n’avait pas subitement grandi.
2 Cela tend à me faire penser que Benjamin Millepied a programmé cette invitation comme un coup de pied au cul – l’Opéra de Paris a plein de merveilleux artistes, mais il n’y a guère que François Alu qui puisse déclencher semblable réaction (même si pas chez moi, malheureusement).
3 Dans ce rôle, on dirait un peu une version bad boy d’Allister Madin. ^^
4 J’ai découvert avec étonnement que ce que je pensais être un pas de deux était en réalité un pas de trois ! Ou, du moins, pas un couple.

 

Anémone humaine et autres métamorphoses

Les pièces dansées par Sankai Juku exigent du spectateur un état contemplatif proche de la transe, ce qui n’est pas chose aisée le ventre vide1. Heureusement, Palpatine et moi sommes proches de la scène et Ushio Amagatsu a « osé mettre plus de mouvements », ce qui rend Meguri plus facile à suivre même si, en contrepartie, les images se gravent moins profondément dans la mémoire. Les sillons de l’extrême lenteur sont ailleurs, sur le mur au fond de la scène, décor inspiré « des fossiles de crinoïdes, animaux aquatiques en forme de plantes, apparus dès l’époque du paléozoïque ». Les éclairages projetés sur ces motifs d’algues nous plongent dans les bas-fonds marins ; s’y déploie une fascinante anémone humaine, groupe de danseurs sur le dos, qui plient-déplient-replient bras et jambes, les mains fureteuses, mi-anguilles-Gorgones mi-têtes de robots anthropomorphisés2.

Dans le tableau suivant, les lumières bleues concentrées au centre du praticable nous font remonter à la surface, trois danseurs sur les bords-ponton. J’aime beaucoup ce mouvement récurrent, que je tente ensuite tant bien que mal de mimer sous le nez de Palpatine : les doigts qui s’ouvrent pour fermer leur corolle un peu plus haut, une main dépassant l’autre, comme des bulles qui s’échappent. Ou des poissons qui activent leur mâchoires pour gober du plancton ascendant. Ou des fleurs carnivores qui se dressent pour gober un insecte. Quelque chose d’organique, en tous cas, qui entremêle minéral, végétal et animal, à l’image des crânes-galets des danseurs ou des cartouches d’algues fossiles devant lesquels ils évoluent.

Vers la fin, les éclairages transforment subitement cette espèce de mur des lamentations géologique en or ; c’est soudain la porte d’un immense temple, couverte d’inscriptions inintelligibles mais sacrées. Quelque divinité comme : la nature, le vivant, l’incroyable richesse de toute ce qui prolifère, aussi bizarre et variée que les images qui nous proviennent de temps à autres de plongeurs-explorateurs, avec leurs créatures translucides, nouvelles combinatoires d’une inventivité à faire pâlir les dessinateurs les plus extravagants de science-fiction3. « Exubérance marine, tranquillité terrestre » : Ushio Amagatsu, les côtes qui tombent comme les joues d’une tortue, rend au corps toute son étrangeté protéiforme.


1
Débuts brouillons de mon régime pauvre en sel et en sucres (à cause des médicaments pour ma tendinite).
2 À chaque fois, je pense aux abdominaux qu’un tel gainage requiert – pilates au petit-déjeuner. Et la maîtrise musculaire qu’il doit falloir pour donner l’impression de trembler de tout son être, comme le font les danseurs dans le quatrième tableau ! Ils ne vibreraient pas davantage sous l’effet d’un marteau-piqueur…
3 Difficile de faire plus futuriste qu’une de ces créatures ancestrales.

Le génie du néon ou la violence des paillettes

Le pitch de The Neon Demon est aussi maigre que les créatures qui l’habitent : Jesse, jeune fille à la beauté spontanée, débarque à L.A. pour devenir mannequin et pénètre un monde où tous s’agrègent autour d’elle par attraction-répulsion. Seulement voilà, dans ce monde de papier glacé, le film vacille comme un néon qui tarde à s’allumer : les scènes de jour en extérieur mènent inexorablement aux studios des photographes, où tout n’est bientôt plus que chair et lumière, jusqu’à l’abstraction, jusqu’à ce que la lumière pure ou son absence exige le retour du monde extérieur, qui revient comme le jour se lève, pour nous entraîner à nouveau, dans sa course implacable, vers sa dissolution. Plus le film avance, plus le monde s’abrège et se précipite dans l’éternité d’une lumière aveuglante : studio blanc, blanc, blanc à en représenter le vide, où semblent flotter les mannequins disposées ça et là dans l’attente ; obscurité complète d’une boîte de nuit / maison hantée, déchirée par des éclairs de chair rouges, verts, un profil, fuchsia, un nez, des yeux sans regard car sans objet ; ténèbres de terreur alors que Jesse écoute à travers la cloison la fille d’à côté se faire violer et que l’obturateur du monde se rétrécit autour d’elle, silhouette foetale que le jour expulsera à nouveau sous la lumière.

Le travail formel de Nicolas Winding Refn est esthétique ; il est même chirurgical, à effacer méthodiquement la profondeur, liposuccion de la troisième dimension. On ne sait bientôt plus apprécier, ni les distances ni la beauté. La plus parfaite des plastiques devient terrifiante. Chirurgie et maquillage, quoique omniprésents, sont anecdotiques : le mannequin devient femme bionique d’être en permanence scruté. Dévisagé : défiguré. Le regard que l’on pose sur cet être l’aliène ; il devient une créature, de cauchemar plus que de rêve, au point de faire basculer le film dans une horreur de science-fiction1. Le corset enfilé pour le shooting ne serait-il pas une carapace ? Les ongles, des griffes ? Et les tresses rampant à même le crâne, prêtes à siffler sur vos têtes ? Ces filles ne sont pas humaines. Sont-elles mêmes belles ?

Tout se disloque. On rappelle que la vraie beauté est naturelle et on en instaure Jesse (Elle Fanning) comme gardienne ; il lui faudra ainsi mourir pour déterrer la signification de ce lieu commun : le naturel n’est pas du nude mais du putréfiable. Under the Skin2. Le réalisateur dépèce cette réalité d’un coup : c’est beau, c’est violent. Au passage, la foutaise de la beauté intérieure est retournée comme un gant : aussi dérangeante cette vérité soit-elle, Dean3, le petit ami de Jesse, ne se serait jamais retourné sur elle si elle n’avait été si belle. La beauté est incarnée. Animée et incarnée – c’est du pareil au même, l’endroit et l’envers d’un même être. Tout comme le vernis est l’endroit et l’envers de ce monde glossy-glamour ; plutôt que de tenter de l’écailler, le réalisateur en rajoute une couche. Il n’en montre pas le dessous, mais le dessus : le vernis comme glaciation de l’être.

Notre obnubilation des corps nous désincarne.

Mit Palpatine


1
Je propose le glamour-gore comme appellation de genre.
2 Troublante convergence avec le film de Jonathan Glazer. Quelque part, Neon Demon, c’est est un peu le clip eaux noires d’Under the Skin, mais pendant la moitié du film.
3 Karl Glusman, qui jouait dans Love (d’où la tête connue, sans que je puisse la remettre en contexte).