Still walking *

 

affiche de Still walking

 

Le synopsis du film, que l’on peut lire partout n’est pas faux, évidemment, mais il ne sonne pas juste. Certes, « une famille se retrouve pour commémorer la mort tragique du frère aîné, décédé quinze ans plus tôt en tentant de sauver un enfant de la noyade. », mais cela n’est pas ainsi posé dans le film. On le devine avant de l’apprendre, les éléments qui permettent ce résumé sont distillés au cours du film, sans jamais que l’on ait l’impression que telle parole a été fourrée ici ou là pour structurer le passé de cette famille. Ce n’est pas non plus que cela soit un mystère auquel nous ferait parvenir des indices successifs : la mort du frère aîné serait plutôt un point de fuite, non pas vers l’avenir, mais dans le passé ; non pas ce vers quoi tout converge, mais ce à partir de quoi tout rayonne ; ce qui ordonne l’ensemble mais n’est pas en soi l’essentiel.

 

Ou plutôt, si ce point de fuite est un horizon, c’est seulement pour les parents. Tournés vers le passé, tout s’incline dans leur mémoire vers ce point de non-retour, jusqu’à confondre Junpei, le frère aîné mort, et son cadet, Ryôta, attribuant les erreurs du premier au second, et les anecdotes malicieuses du second au premier. Confondre mais pas identifier, s’il est vrai que l’absent, qui devait prendre la suite de son père médecin, concentre toute l’admiration paternelle. Alors si Ryôta cache à ses parents qu’il est au chômage, c’est peut-être moins pour ne pas déchoir dans leur estime, que pour ne pas entendre leur reproche de ne pas être devenu médecin –sa vocation première, qui se trouve illustrée dans un dessin d’enfant par trois médecins figurant les trois garçons de la famille- vocation qui, son frère mort, l’aurait relégué au rang de substitut, toujours moins parfait que ne l’eût été l’aîné. Et l’agaçante obsession de Ryôta pour son portable et son indiscret bruitage qui retentit dès que l’on ouvre le clapet, marquent la dissonance qui s’est installée dans la famille, la volonté d’en finir avec la visite annuelle aux parents, bien davantage que l’urgence de retrouver un emploi.

D’où que sa femme le lui arrache, elle qui fait de son mieux pour ne pas gêner sa belle-famille, et pour trouver une place à celui que j’appellerai A. faute de me souvenir de son prénom, fils d’un premier mariage. Malgré ses efforts, et les encouragements de sa belle-sœur, elle demeure comme étrangère à la famille tout en en étant beaucoup plus proche que le mari de ladite belle-sœur : elle est en effet veuve, et l’on devine que ce n’est pas le temps écoulé depuis la mort de son mari, que les parents jugent inconvenant, mais la transposition de leur propre attitude envers Junpei. Comment pourrait-elle ne pas comparer Ryôta avec son premier mari lorsqu’eux-mêmes sont incapables de ne pas retracer sans cesse le parallèle entre leurs deux fils ?

 

 

Le père n’a pour elle aucun égard, mais « papi » porte quelque attention à son petit-fils d’adoption qui, sait-on jamais, pourrait devenir médecin. La mère, au contraire, est plus prévenante envers sa bru, lui ouvre les albums des photos d’enfance, lui offre des kimonos, bref, l’entoure d’une politesse sincère (c’est un peu bizarre comme formule, mais non-hypocrite l’est encore plus), tandis qu’elle traite d’abord A. comme un invité. Petit à petit, néanmoins, celui-ci va s’insérer dans la famille : c’est par cette immersion dans la famille au sens large que va se créer un embryon de famille au sens restreint, qui au début du film, n’existe que sous la forme des trois brosses à dents prévues par les grands-parents. Une scène au début du film met en évidence l’absence de lien entre Ryôta et A. : laissés seuls face à face quelques instants, dans un restaurant où ils se sont arrêtés en chemin, Ryôta se sent obligé d’ébaucher une conversation « Comment ça va l’école ? – Normal. » ; et le gamin de souffler des bulles dans son coca-jus de gingembre (ou un truc bizarre approchant). Le contraste au terme de la journée est émouvant, lorsque Ryôta, prenant un bain avec A. selon le vœu/ordre de la grand-mère, reprend le geste de l’enfant, qui essaye de pincer un grain de beauté avec sa main, parce que, d’après la grand-mère, cela est censé apporter la richesse. C’est donc par les grands-parents que passe ce nouveau lien (Ce n’est pas grand-chose, mais une journée ne peut pas créer une complicité totale, qui paraîtrait bien trop jouée, et bien peu enjouée. ), grands-parents d’adoption qui entourent A. de leur présence sinon encore de leur affection et le gavent d’anguille.

 

 

Ainsi que par ses « cousins » desquels il se rapproche en leur répondant qu’il appelle Ryôta « normalement », c’est-à-dire « papa », alors qu’il refusait à sa mère d’octroyer ce titre à son nouveau mari – le sérieux des enfants qui jouent, en somme. Et l’on a alors le droit à une belle scène où les trois enfants, la petite fille qui a beaucoup grandi « d’1,5 cm » pendant l’été, son petit frère qui a « lâché le kendo » et A. qui suit la petite troupe en grignotant un beignet de maïs, vont se promener dans la rue et se hissent pour saisir et sentir des fleurs (je suis incapable d’être plus précise) : cadrage sur trois petites mains indifférenciées qui effleurent les grappes fleuries sur fond de soleil dissolvant. De la grande à la petite famille, sans oublier celle
qui était la sienne avant la mort de son père : A. confie la nuit au jardin qu’il sera accordeur de piano comme son papa ou, si c’est impossible, médecin.

 

Une famille qui va de l’avant, comme on le verra à la fin, où se répète, après la mort des grands-parents, la visite annuelle sur la tombe de Junpei : arrivent en voiture (le rêve de la grand-père) Ryôta, sa femme, son fils A., toujours présent alors qu’il serait en âge de ne plus suivre forcément sa mère, ainsi qu’une petite fille, née du couple recomposé, transformant une famille « qui n’est pas normale » selon les dires de la grand-mère, en une famille « qui n’est pas anormale » comme lui avait rétorqué Ryôta.

Les grands-parents meurent sous ellipse à la fin du film : cycle normal et destin logique de personnages tournés vers le passé, orientation qui pourrait être symbolisée par l’invitation-torture qu’ils ont réitéré annuellement jusqu’à la fin de leur vie, au jeune homme dont le sauvetage a causé la noyade de Junpei.

On trouve en lui un nouvel avatar du bouc émissaire professionnel, le ressentiment des grands-parents pouvant se nourrir du mépris que le jeune homme leur inspire : vivotant de petits boulots, maladroit, et lourd, au figuré comme au propre – mais au propre du propre, c’est tout sauf propre, puisqu’il est transpirant et que sa chaussette est tâchée de terre. Cette observation fait bien rire A. auquel sa mère est obligée de donner un coup de coude (très bien filmé, au niveau de la tête de l’enfant et de l’avant-bras de la mère, sans que l’on voit la tête de celle-ci), et le spectateur est tenté d’adopter ce rire enfantin, bien plus acceptable que la moquerie teintée de mépris que le jeune homme suscite chez les adultes, et contre laquelle s’insurge Ryôta après son départ : une vie ne vaut pas moins qu’une autre. Bien sûr, Junpei était promis à un plus bel avenir que ne l’est ce jeune homme à l’origine (plus que cause) de sa mort, mais nul ne sait ce que le frère aîné serait devenu : par le jeu de possibles qu’elle renferme, toute vie humaine a droit au respect. Il me semble qu’il serait alors réducteur de ne voir dans l’accès de colère de Ryôta qu’une réaction à une attaque qu’il prendrait ad nominem, étant donné qu’il est au chômage.

Pas une réaction égoïste, mais la revendication d’une valeur au moi, qu’il revient à chacun de construire, dans la solitude comme dans les rapports avec les autres, au sein de la famille. Comme le propose cet article, on pourrait en voir le symbole dans l’importance apportée à la cuisine (le lieu comme la préparation des aliments). Sans trop pouvoir m’expliquer pourquoi (et que l’on ne me dise pas uniquement que c’est parce que je suis une goinfre – normalement les trucs qui baignent dans l’huile me répugnent), j’ai bien aimé ces images d’épluchage, d’écossage de fèves, de grains de maïs qui roulent sous les doigts avant d’être transformés en beignets croustillants – et appétissants. Et puis la curieuse voix de la belle-sœur… le mouvement des bagues qui retournent les morceaux d’anguille et les beignets… la coupe de je ne sais pas quoi que A. tient dans ses mains lorsqu’il déchiffre les noms de médicaments dans le cabinet du grand-père… à ce moment, la caméra prend la place de l’étagère, et l’instant est alors totalement juste. C’est assez ridicule, à dire comme cela – mais c’est dans ses cadrages que le film atteint la justesse. On prend le temps de s’attarder sur des gestes à priori insignifiants, sur des riens qui font tout le film. Bien sûr, le ralenti est parfois ressenti comme de la lenteur, et en presque deux heures, je me suis bien dit deux ou trois fois (peut-être un peu plus) « allez, la caméra, bouge, c’est bon, j’ai vu les fleurs » (je suis peut-être parfois fleur bleue, mais sans fleur, comme vous avez peut-être pu le remarquer). Idem, pour les plans qui, justement, restent en plan lorsque les personnages sont sortis hors-champ. Mais cet attardement est aussi ce qui fait l’intelligence de la chose, sorte de mise en évidence de l’absence.

Un des plans que j’ai trouvé des plus réussis montre dans la partie gauche de l’écran la porte-fenêtre ouverte, dans le reflet de laquelle apparaît toute la famille qui se réunit pour une photo, tandis que la partie droite de l’écran filme un meuble qui se trouve dans la pièce derrière (vidée), devant lequel passent quelques paires de jambes, et sur lequel repose une photo de Junpei. La difficulté même à décrire la scène souligne l’intelligence du cadrage, qui permet une grande richesse d’interprétation. (ou comment escamoter mon incapacité à reproduire une image visuelle cohérente et consistante).

Soit que le rythme du film s’impose à moi, soit que les suggestions issues des non-dits forment de riches étoffes par leur réseau, je patine un peu, et m’arrêterai ici, en espérant avoir réussi à ne pas contribuer à faire de Still walking un film-sur-la-famille quand son esthétique et celle de l’acteur qui joue Ryôta** est sa principale réussite, et que c’est elle qui donne une certaine cadence à sa marche pourtant lente.

 

Still talking

 

* Le titre me laisse quelque peu perplexe… Est-ce le grand-père, still walking avec sa canne ? Des existences qui se poursuivent après l’arrêt d’une d’entre elles ? Ou quelque chose en rapport avec la chanson des grands-parents ? J’avoue ne pas avoir parfaitement suivi ce passage, lendemain de concours oblige. Mais j’aime quand même bien ce titre, qui semble prendre les choses dans la durée, isolant une petite séquence dans le cours d’une vie – une unité de temps presque théâtrale, en somme, et cela fonctionne également pour le lieu et plus ou moins pour l’ (absence d’) action.

 

** Il n’est pas vraiment beau à proprement parler, mais je lui trouve le visage expressif – il est peut-être métis… Plaisanterie mise à part, tous les acteurs étaient bons. Mention particulière pour les enfants, dont on n’a pas l’impression qu’ils font les enfants, ainsi que pour la grand-mère attendrissement folle quand elle poursuit un papillon jaune dans la pièce en étant persuadée qu’il s’agit de Junpei.

Une petite photo pour Melendili ^^

 

 

Qu’on court encore

La scène se passe dans des hangars à la Saint-Denis. Quelque chose comme 900 figurants les premiers jours, un peu moins par la suite. Le Vates, miss O., ma pomme et la mauvaise troupe. Des anciens de La Bruyère rempotés sur la montagne dorée – j’espère pour eux que la bouture a pris. Et d’autres dont je ne connais pas les noms, mais que j’avais déjà vu, qui au concours, qui à la confession- comme si le monde entier avait khûbé.

On aurait presque la nostalgie d’Arcueil, de ses vraies salles d’examen et des allées relativement larges entre de vraies tables. Saint-Denis, ce sont des hangars aménagés, avec des tables serrées, à perte de vue, deux toilettes pour deux salles de 400 élèves chacune, et une surveillante à l’âme de dictatrice. Avec une coupe de cheveux comme une corbeille de fruits renversée, qui ne bougeait pas, statue de poivre et sel.

En six épreuves, on a le temps de prendre ses petites habitudes – et qu’elles virent à la superstition. Arriver dix minutes en avance, repérer les membres de sa confrérie (et c’est facile, il y en avait toujours un debout sur le banc), tourner plus vite que les aiguilles de sa montre pour se mettre hors de portée des cigarettes, imaginer les sujets horribles qui pourraient tomber, puis décréter qu’il est temps d’y aller pour remplir nos en-têtes, académie, session, NOM, prénoms, adresse, portable, vous venez prendre un café ? date de naissance, numéro de matricule de candidat, épreuve, repère de l’épreuve. J’ai compris comment marchait la numérotation des pages cette année, i .e. par page et non par feuille ou copie, comme quoi, cela valait la peine de cuber, on progresse toujours.

On se disperse aux quatre coins de l’Europe : on abandonne C. au Royame-Uni, et j’échoue en Scandinavie où, comble de la chose, on crève de chaud. Avec l’EN*, rien n’est impossible. Même non sortie du frigo, la bouteille d’eau sert de rouleau à pâtisserie rafraîchissant à se passer sur le visage. Le climat est un peu plus tempéré en Europe, mais c’est sans compter les courants d’air.

Anonner l’alphabet pour trouver son étiquette, poser son sac, en sortir le sac de bouffe, les stylos plumes, les deux bleus pour ne pas avoir à changer la cartouche, un noir pour le brouillon, crayon à papier et gomme, puis aussi un surligneur, je ne m’en sers jamais sur mes brouillon mais sait-on jamais, et ça permet de voir la vie en rose – et le plus important, les effaceurs dont j’ai cette année vérifié que les réécriveurs marchaient (rien que pour la propreté, ils devraient me rajouter un point). Après, il faut repérer quel est le pied de la table qui la rend bancale, et être adoubé par les sacs des chevaliers arrivants pour installer sa cale de papier brouillon ou d’enveloppe de sujet de khôlle de latin – vous ne direz plus jamais que le latin ne sert à rien. Retrouver les autres pour savoir où chercher les regards de soutien ou de complicité, et râler de sa place ; on trouve toujours un motif : trop loin des toilettes, c’est une perte de temps, trop près, on est dérangé par le va-et-vient, au fonds on se noie dans l’immensité de l’hubris khâgneux (curieusement, j’aime être derrière, je me sens bien avec tous ces gens qui galèrent autant que moi – variante : j’aime bien les avoir devant les yeux, j’ai l’impression que je vais les killer) , tout devant, on se sent poussé par des centaines de regards.

Les consignes ont un petit effet comique, de par leur répétition quotidienne (c’est un peu comme en avion, on pourrait vite remplacer l’hôtesse – les sortie de secours se trouvent à l’avant, sur le côté, à l’arrière… exits are located in the front, at the center and in the back of the aircraft… en cas de dépressurisation, les masques à oxygène tomberont devant vous… pull on the mask to release the oxygen, place the mask over nose and mouth, and breathe normally), et par l’inutilité de certaines, puisqu’il est évident que nous avons plein de résultats à encadrer avec des couleurs autres que le bleu et le noir. Je regrette vraiment que l’usage de la calculatrice soit interdit. Et la liturgie se terminait par « il est interdit de fumer », après quoi on faisait quelques minutes de silence pour faire le deuil de notre optimisme. Il y avait également un autre sas de décompression à la sortie – LEVEZ-VOUS, encartez vos feuilles dans la première copie, tendez-les à l’examinateur, puis rasseyez-vous et ATTENDEZ ! si, si, un tyran dans l’âme parle toujours en majuscules. Et comme elle parlait au micro, je me demande même si ce ne devrait pas être en gras.

Maintenant que vous avez le décor et l’ambiance, passons à l’action réaction répression. Les sujets ne respiraient pas franchement la joie de vivre :

Histoire : L’autorité


Et demerden Sie sich. Comment vous expliquer que je me suis noyée dans mon brouillon puis dans ma copie au point qu’il manque quelque chose comme 25 ans à mon devoir ? Entre-deux-guerres bâclée, Vichy et la IVème République en plan, pas de conclusion – no comment. Epuisée avec ça. Et hystérique à la sortie. Tout ça pour ça. Cuber et progresser pour se planter lamentablement à la première épreuve. Il y a eu besoin d’un soutien texto de masse. Et je suis redevable à la Bacchante d’un hors-forfait qui doit être considérable, puisque j’ai appris par la suite qu’elle était encore en Tunisie. Déprimée, mais du coup beaucoup moins stressée pour la suite.

Anglais : un texte de James Baldwin, auteur afro-american.

 

Problème racial compliqué par l’aspect religieux.Difficile d’être plus précis, chacun en a vu un aspect particulier. Mais quand j’ai lu « perdition »
et « way of cross », j’ai eu une pensée émue pour From-the-Bridge et sa Bible dans la King James version. J’ai un peu expédié la version pour avoir le temps (le temps ! l’histoire m’a traumatisée pour le reste des épreuves) de faire le commentaire. S’ils ne font pas une pétition de principe contre les running commentaries, it should be ok.

Philosophie : Pourquoi punir ?


Très bonne question : pourquoi nous punir d’avoir planché sur droit et politique ?

Pour cette année de réforme à marquer d’une pierre blanche (pouvant muter en pierre tombale pour les cobayes que nous sommes), les sujets sont lapidaires. Et répressifs : l’autorité, la punition, tout ça… Il y a eu une vague de surprise-épouvante nerveuse- aaah- pfff lorsqu’on a retourné le sujet. Je me suis maudite de ne pas avoir rouvert mon classeur d’hypo, mais au final j’ai réussi à ficeler quelque chose, on verra bien.

Français : (citation à venir, j’ai donné le sujet à ma prof.)

 

Je ne suis pas certaine que T. Pavel se soit fait des amis ce jour-là. Un sujet qui ressemblait un peu à rien, et beaucoup à pas grand-chose. Je l’ai tiré d’un côté qui m’amusait à peu près. Ils voulaient des exemples romanesques variés : Scarron, Laclos, Pérec et Proust me semblent assez éloignés – j’espère seulement que le dernier, massivement précisément utilisé dans mon devoir, ne filera pas une indigestion au correcteur. Babak (alias la Bacchante) était là à la sortie, munie de gâteaux. Dans un grand élan d’espoir, on l’a ensevelie sous nos brouillons pour qu’elle nous dise ce qu’elle en pense – texto positif le soir même (oui, on échange des sms avec notre prof de français, et elle signe bizoux).

Latin : Panégyrique de Trajan, 86

 

Continuons dans la politique : après la répression, la flagornerie. Heureusement qu’il y avait le chapô, parce que la flatterie conduit à une logique bizarre : ô toi qui es au pouvoir, comme on doit te louer de ne pas envier ton ami qui t’abandonne pour se consacrer à l’otium. Difficile de savoir qui pleurait dans l’affaire. Autant le sujet de l’année dernière avait été une agréable surprise, autant cette année… du relativement facile ne permettant peut-être pas un départage aisé des candidats à la difficulté qui va couler tout le monde (enfin j’espère ne pas être seule, quoi), il n’y a plus de demi-mesure. Pourtant les trois premiers mots en expression clé dans le Gaffiot, cela augurait plutôt bien…

Spé philo : passage de la cinquième méditation de Descartes où les idées claires et distinctes sont assurées en tant que vérités éternelles


Toujours amusant de constater que les optionnaires philo occupent deux rangs de moins que les lettres modernes.

N’ayant pas voulu réitérer l’échec historique pour cette épreuve de sprint dans ce concours marathon (ne pas seulement penser à finir, essayer de faire quelque chose de consistent, ne pas seulem…), je n’ai pas fait de brouillon – on verra ce que donne l’inauguration de cette nouvelle méthode. Le sujet n’était pas transcendant (ou plutôt, il l’était), mais comme l’a dit l’air soulagé mon voisin de devant à la fin de l’épreuve, déjà ce n’était pas Epictète.

Epictète demain non plus (adaptation d’une blague de From-the-Bridge).

C’est fini.

Le concours est passé.

Il se pourrait que notre chance aussi. Il se pourrait au contraire qu’on en ait beaucoup.

Mais c’est fini.

Il me reste à sevrer mon estomac de sa perfusion chocolat-yaourt à boire de 9-15h.

 

And the loosers are…

Isabelle Ciaravola et Mathias Heymann ont été nommés étoiles hier. Element factuel obtenu illico presto après réception d’un sms d’O. qui venait d’apprendre à la radio la nomination de deux étoiles sans entendre leur nom. Je ne vois pas qui est Mathias Heymann, soit que je ne sois jamais tombée un jour où il était distribué, soit que je ne l’aie pas remarqué ; je ne dirais donc rien de sa nomination, sinon que j’aurais aimé voir passer Karl Paquette ou Emmanuel Thibault, mais plutôt Karl Paquette. En revanche, Ciaravola, je l’ai vu à plusieurs reprises, et dans des choses aussi éloignées que Forsythe et la Petite danseuse de Degas, de Bart. Le problème est qu’elle me fait à peu près autant d’effet dans le premier que dans le deuxième, où elle a le rôle de… l’Etoile, dans toute la dimension caricaturale que peut prendre le terme. Certes, belle, longiligne, éthérée, grâcieuse (votre majesté !), ce qui, avec les jambes les plus interminables de toute la troupe n’est pas bien difficile, mais qui, pour reprendre l’expression de mon professeur de danse, me fait l’effet d’un navet bouilli au fonds d’une marmite. Pourquoi la nommer alors qu’attend Eleonora Abbagnato qui est tout sauf fade dans les rôles principaux qu’elle endosse depuis un moment déjà ? Et Myriam Ould-Braham ?

Sûrement encore des histoires de passe-droit – j’aurais aimé un peu moins de réalisme pour la nouvelle du jour qui m’en a fait sortir (le réalisme en littérature, ou comment enfoncer des portes ouvertes sans se jeter par la fenêtre.)

Gros titres, grands mots, petit pas

Les conditions de concours me font l’humeur plus instable que les gouvernements pendant l’affaire Dreyfus. Au début des révisions, j’ai cru comprendre l’utilité de l’eye-liner waterproof (en fait, il serait même démaquillant proof, ce qui pose un léger problème), et ça laissait augurer que les madeleines allaient pleuvoir comme à Gravelotte, mais hier, j’étais plutôt comme ça :

 

Genre (si, si, je peux le dire, le conférencier de l’EN* sur Darwin l’utilisait plus que la torture le mot de « hasard » dans le cours sur le même sujet) j’ai découvert subitement que sous l’angle du droit, la philosophie politique était vraiment passionnante. Adeo ut un épisode de Grey’s anatomy n’a pas suffit à m’apaiser pour dormir sereinement et réviser ardemment à mon réveil.

Comme le dit O., l’impression d’avoir le cerveau déconnecté de soi. Toutefois relié à l’estomac dans mon cas. La sensation de faim a disparu pour la simple raison que je mange tout le temps. Nam, la chouquette a toujours tort. Surtout la chouquette maison. Celle-ci a une forme bizarre, non, vraiment, elle détonne parmi les autres, il faut la faire disparaître. Celle-là s’est plainte du délit de sale gueule commis à l’égard de la précédente ; elle est punie à coups de dents. Et puis on ne fait pas mentir le proverbe, et après il faut faire un exemple. Il n’y a pas d’innocent parmi les chouquettes. Sans compter qu’il y a une deuxième fournée : il faut la comparer à la première. Mais la première bouchée est un trop menu plaisir. Pas encore refroidie, il faut en goûter une autre plus tard. Après toutes ces chouquettes m’agacent, alors je me mange sauvagement. Je mange chouquette. Je pense chouquette. J’ai un grain – de sucre coincé entre les dents.

Entre deux rires jaunes, je découvre que Salengro s’est suicidé sur la même feuille que l’évêque de Lille, qui a participé au Front populaire. Depuis que Barrès a croisé Maurras, j’ai toujours l’impression d’avoir fait une bouture orthographique et que je devrais écrire « Maurace ». Même Word le sait et fait des vaguelettes rouges – Maurice, si ça continue tu vas aller en pension. Or perhaps could we Locke him in the cupboard. Tellement assez de rouvrir mon sempiternel (3 ans c’est sempiternel) classeur d’histoire (celui dont je connais la disposition des lignes par cœur, mais toujours pas le contenu – sauf les blagues au crayon à papier dans les marges) que je révise sur les fiches d’une amie ; on fait ce qu’on peut pour se créer un certain suspens. Chacun ses plaisirs ; et de remarquer, tiens, c’était un moment de grande extase de fichage les !!! après « je suis à la fois radical et conservateur » – ah ! l’arôme Gambetta. Kill them all. Et puis d’abords, « la tolérance, il y a des maisons pour cela », c’est Claudel qui le dit – encore un de ses charmes qui me tiendront à distance de ses écrits. Le banyan tire peut-être, mais lui il pousse un peu trop loin. Je devrais retourner accabler Dreyfus avant de le sauver, mais je ne vous ai même pas bombardé de philo.

Je vous laisserez pour le moment sur :

– mon premier est ce qui tranche la matière Historique

– mon deuxième est la première lettre de l’alphabet

– mon troisième est la première lettre de mon prénom

– mon quatrième est la puissance des deux précédents

Et mon tout est une forme d’expression économique servant aussi bien à la rage, la colère, le désespoir, l’énervement, le défouloir, l’angoisse, la crise de nerfs, ou d’introduction ou conclusion de conversation sur msn.