Piégée anyways

Piégée, jeudi, c’était l’héroïne qui l’était. Je ne suis pas tout à fait certaine d’avoir bien compris par qui, la faute à ma mauvaise mémoire des noms. Parfois incapable de retrouver du premier coup le prénom d’un camarade de classe avec qui je viens de passer l’année (même si je me souviens précisément de ce qu’on a pu se dire), j’apprends que trucmuche s’est associé à bidule et a trahi machin, lequel avait déjoué le plan de bidule entretemps trahi par machin, que je n’ai toujours pas réussi à remettre un visage sur trucmuche. Et bidule, c’est le mec à barbe ou celui au bouc ? Il me faudrait des petites vignettes avec leurs visages en bas de l’écran, comme celle du traducteur en langage des signes dans les retransmissions des séances du Sénat. Mais après tout, qu’importe l’intrigue, que j’aurais oubliée tout aussi vite si j’en avais compris les subtilités, pourvu que l’action soit intelligible, que les fuites soient trépidantes, les échappées ingénieuses, les retournements traîtres, et que l’on sache avec qui se réjouir d’un combat bien chorégraphié et avec qui grimacer lorsque le coup met la survie du non-pourri en danger. Gina Carano est une bad girl sexy à souhait, dont le visage, filmé de près, surtout au début, suscite rapidement l’empathie (d’où les grimaces et les abdos contractés pour encaisser les coups portés à l’écran). Le seul reproche qu’on pourrait lui faire, franchement, c’est de trop vite nous débarasser de Michael Fassbinder. 

 

Vendredi, en revanche, c’est moi qui me suis fait piégée dans la salle de cinéma. J’avais adoré les Amours imaginaires, je me suis imaginé adorer Laurence anyways. Le personnage de Xavier Dolan change de sexe, mais c’est le ton du réalisateur qu’il travestit. Tant que l’autodérision contrebalance la tendance à la démonstration, les secrets les plus lourds passent tout naturellement : c’est la réplique de la mère lorsque Laurence, lui ayant annoncé qu’il allait devenir une femme, lui demande si elle l’aimera encore : « Tu te transformes en femme ou en con ? » (pour ensuite lui dire que la porte de la maison restera toujours… fermée, parce que tu connais ton père) ; c’est la manucure très métaphorique que se fait Laurence… avec des trombones, qu’il triture en attendant que ses élèves aient fini de composer ; c’est la révélation à sa femme, qui éclate dans l’orage… du lavomatic. Les situations délicates sont pudiquement passées sous silence ; le réalisateur fait confiance au spectateur pour comprendre que Frédéric est enceinte puis qu’elle avorte, événement tu qui mine le couple au moins autant que le changement de sexe de Laurence, et par lequel l’histoire d’amour relègue le fait social au second plan. Le coup de gueule de Frédéric, qui invective toute la société à travers une serveuse sans tact (« T’as déjà acheté une perruque pour ton cheum, toi ? T’as tout le temps peur qu’il revienne pas parce qu’on lui aura cassé la gueule ? »), résonne comme une dernière déclaration d’amour à quelqu’un qui n’existe plus, des adieux à une presque inconnue. Après ce moment poignant, le spectateur peut lui aussi faire ses adieux à tout second degré. 

Cette légèreté bienvenue pour observer un fait qui peut déranger se laisse entraîner par la gravité que lui attribue le réalisateur. Rapidement, tout n’est plus que drame et pesanteur ; on s’enlise dans la pathétique : Frédéric tombe en dépression, tandis que Laurence, qui se rêvait normale, rejoint une bande de marginaux (l’étoile tatouée sur la gorge, je suis désolée, je ne peux pas) qui se donnent en spectacle comme des étudiants en lettre se proclament dandys décadents. Je savais que j’aurais dû me méfier : ce cours de littérature magistralement poseur, au début, l’affiche de la Joconde au-dessus du lit du couple, qui apparaît ensuite taguée liberté après que l’un a peint sur l’autre, pupitre sans volupté, « J’écris ton nom »…

Les joues bardées de blush, Laurence se bat pour devenir une femme et ne parvient qu’à en saisir la caricature. Il a réussi son coup : c’est assurément une chieuse. Qui s’accroche à sa femme puis à son ex-femme en refusant de voir que c’est fini depuis longtemps. Pas forcément parce qu’il est devenu une femme. Ou peut-être que si : parce qu’à ne vouloir que cela, il est devenu femme sans rien faire de sa vie – aussi épuisant qu’un paranoïaque persuadé d’être continuellement persécuté. Le film interroge les regards autour de lui, mais voilà, au bout d’un moment (largement inférieur aux deux heures quarante qu’il dure), on est comme la mère : on n’en pense plus rien. Il voulait mourir, il est mort en tant qu’homme, une femme a pris sa place : il n’y a finalement plus qu’elle, poétesse prétentieuse qui croit pouvoir ressusciter un passé qui n’est plus le sien, pour ne pas faire le deuil de celui qu’elle a été.

Voilà donc un film qui aurait pu être très, très bien et qui a surtout été très, très long. 

La part des anges

Le téléphone dans une main, l’autre sur la souris pour scroller les films à l’affiche sur Allociné.
– Faut aller voir Ken Loach.
– Il est où ? Je ne le trouve pas…
– Ce n’est pas le nom du film, c’est le réalisateur.
– Mais, le film, il s’appelle comment ?
– Je ne sais pas.
– …
– Mais faut aller le voir, parce que c’est Ken Loach.
– *scroll, scroll*
– …
– Ah, La Part des anges, ça s’appelle… *lecture en diagonale* … Tu sais que c’est un film sur le whisky, là, ton Ken Loach ?
– Mais c’est un Ken Loach.

OK. Il y a des fois, comme ça, où on ne peut pas lutter. Où il ne faut pas lutter. Tu fais Gandhi et là… un ange passe. Naïvement, je croyais que les anges ne buvaient que les paroles de l’amour et de la sagesse. Que dalle. Les anges, ça boit du whisky, et ça invoque l’évaporation de l’alcool pour ne pas être soupçonnés d’avoir vidé le fût. Après avoir vu les anges sous cet angle, forcément on hésite : on aurait bien dit que la bande de bras cassés (casseurs de gueule), qui a écopé de travaux d’intérêts généraux, ne sont pas des anges, mais comme ce sont presque tous des alcooliques notoires…

 


Quand on est bourré, on a la tête dans l’cul, logique.

 

Le film, fidèle à son sujet, commence par un pas de côté : alors qu’un train est à l’approche, la voix du haut-parleur essaye de faire reculer un gus aussi bête que bourré. Il finit par reculer… sur les rails, dont il s’échappe juste à temps, sauvé par la grâce divine du haut-parleur : « C’est Dieu qui te parle… remonte sur le quai, putain d’abruti ! » Le ton est donné : pas de misérabilisme pour raconter le gâchis de jeunes à qui l’on ne cesse de répéter qu’ils sont de la merde, ni d’angélisme pour ce qui est d’endiguer la violence dont ils sont capables. Enfin si… enfin non… un ange, même bourré, même défoncé à la coke, ne tabasse pas un mec jusqu’à lui décoller la rétine. Ici, on rit jaune, ou ambré, selon qu’on tienne sa gueule de bois d’un fût en chêne américain ou d’un pin écossais.

Pour Robbie, presque beau-gosse balafré aux oreilles décollées, sortir de prison est une chose ; sortir de la violence dans laquelle il baigne en est une autre. Surtout quand la famille de celle qu’il a mise enceinte promet de lui faire la peau s’il s’approche de son fils. Quand Léonie, la jeune mère, rapporte à Robbie que la moitié du cerveau du bébé est développé et l’autre, « ça dépend de nous, ses parents », on a envie de dire : Luke, may the force be with you. Ce n’est pas gagné, et c’est même carrément mal barré, jusqu’au jour où Robbie, qui a toujours vécu sa vie au pif, découvre qu’il a un nez. C’est tout de même un beau pied-de-nez à l’alcoolisme ambiant que de se découvrir un don pour goûter le whisky. A l’image du breuvage à l’odeur de merde (la tourbe), qui a pour Robbie le goût du « gâteau de Noël » que sa grand-mère lui faisait quand il était enfant, le petit merdeux se révèle un papa-gâteau. Aidé et initié par un éducateur qui emmène ses ouailles visiter une raffinerie (on vous avait bien dit que les anges, gardiens ou pas, sont alcooliques), Robbie embarque ensuite ses amis bien imbibés (genre baba au rhum) ou kleptomanes (la nana s’est fait pincée en train de voler un perroquet, je vous prie) dans la quête du Malt Mill, le Graal des whiskies – l’occasion de tituber de rire.

 

La fine équipe : la kleptomane, le benoît bigleux, Robbie et un grand roux pour faire bonne mesure, parce qu’on est en Ecosse, Jésus-Christ ! (J’ai cru au début que les personnages étaient immigrés et imitaient l’accent roumain ou autre langue que je n’ai jamais entendue.)

 

Pour le plaisir, une petite dégustation, sans origine certifiée.

– …c’est un peu comme si t’avais Mona Lisa accrochée dans ta chambre.
– Mona qui ?
– Mona Lisa.
– …
– LA Mona Lisa.
– …
– ?
– Je demandais juste.
[…]– T’es Einstein !
– Qui ?
– Albert Einstein.
– …
– Laisse tomber, c’est un pote à Mona.

– On ne peut pas mettre un costume, on aurait l’air d’aller au tribunal.
Du coup, ils se retrouvent en kilt, et le sporran (l’espèce de gourde qui se porte dessus) de l’un lui casse les couilles au sens propre :
– Tu m’étonnes que les Highlands soient déserts…

Joss Whedon, mon super-héros

Il me reste encore quelques morceaux de danse à chroniquer, mais ayant peu de temps et tout de même envie de m’octroyer le plaisir d’une petite chroniquette, il s’agira du film de Joss Whedon, The Avengers. Dans la mesure où ma connaissance de l’univers de Marvel se limite à Spider-Man partant à la rescousse de Kirsten Dunst, et où Thor est pour moi un personnage d’Everworld, jamais je ne serais allée voir ce film à gros budget si Palpatine n’avait pas insisté sur son réalisateur : celui de Buffy the Vampire Slayer, la série la plus carton-pâte qui soit, qui est aussi la série la plus psychologiquement développée que je connaisse. Du coup, moi qui aime plutôt le maigrichon de comédie romantique, j’ai été curieuse d’aller voir les gros bras en action.

La séance elle-même a été épique. Après une demi-heure d’attente et autant de pub (cela dit, ça permet d’évacuer les pop-corn assez rapidement), le film démarre… en muet. Sous les huées du public, soudain dés-atomisé et fédéré par son exaspération, j’essaye de suivre avec les sous-titres le début de l’action, situation de crise dont un responsable demande si elle grave : « Bah, ouais, c’est grave », lance quelqu’un dans la salle, « un peu, ouais, on n’a pas le son ! » A ce stade, je ne sais pas encore si le film va me plaire, mais je ris déjà bien. La régie se prend des applaudissements ironiques lorsque le son rattrape l’image, mais alors qu’on commence enfin à rentrer dans le film : noir. Plus de son, plus d’image. Le supporters de Michel Gondry (Rembobinez ! – sans le Soyez sympa, faut pas déconner) ont, un peu tard, obtenu gain de cause. La manip’ prend un peu de temps, si bien que l’un de nos voisins apostrophe la régie : « Sans les pubs, hein, s’il-vous-plaît. Non, mais, je précise, hein, on sait jamais… sans les pubs. » Le film re-démarre enfin ; la situation de crise est claire, sinon sous contrôle, le fou rire guette.

Après moult explosions et effets spéciaux destructeurs (notamment pour les oreilles, j’en viens presque à regretter le muet) qui justifient le budget de blockbuster et l’arrivée des super-héros, on retrouve le ton de Joss Whedon. Tant mieux, parce que la bagarre, j’adore ça, pourvu qu’il n’y ait pas trop de sang et de cadavres, et surtout, surtout, qu’on n’oublie pas au milieu du chaos l’humour à la Bruce Willis dans Die hard. Les répliques négligemment cinglantes ne sont pas légions, mais elles sont très bonnes : « They have an army, but we have a Hulk. » Ma préférée, je crois, c’est lorsque Thor entend qu’on ne critique pas trop Loki, qui, bien que passé du côté obscur de la force, est tout de même son frère et vient de la même planète que lui, et qu’on lui objecte :

« – He murdered 80 people in 2 days.
– He was adopted. »

L’humour fait bien passer la pilule et le message qu’elle contient : les super-héros commencent à dater – non parce qu’ils vieillissent, mais, au contraire, parce qu’ils sont toujours ce qu’ils étaient (Captain America, pectoraux intacts, semble tout droit décongelé des Trente Glorieuses) alors que la société s’est complexifiée et disparaît derrière des entités anonymes. L’époque n’est plus aux grandes figures capables d’incarner à elles seules la nation. Situation inédite pour eux et difficile à accepter pour un Iron Man complètement mégalo, il leur faut unir leurs forces et passer dans le relatif anonymat du pluriel, devenir une série de super-héros qui avaient auparavant chacun la leur.

Une décennie après le 11 septembre, ils sont obligés d’admettre une certaine vulnérabilité : on peut combattre le mal, mais rarement le prévenir. À défaut de protéger l’Amérique (je ne sais pas si vous avez remarqué, mais la fin du monde arrive toujours à New York – l’ethnocentrisme a parfois du bon, ça laisse le temps de voir venir), à défaut de la protéger donc, ils la vengeront. Le justicier compte désormais moins sur la justice que sur sa colère pour faire régner l’ordre le désordre le bien (notion floue, donc très pratique). Et pour ne pas se salir les mains, on exécutera la condamnation du criminel ailleurs, en renvoyant Loki sur la planète Asgard (ça va, le G est planqué au milieu du mot).

Joss Whedon, quoi.

 

Sidonie aside

N’allez pas voir Les Adieux de la reine si vous n’aimez pas vraiment ses actrices principales. Le film de Benoît Jacquot repose sur la fascination des visages : l’embrasement du peuple et de la reine se reflète sur le visage de Léa Seydoux comme les atermoiements d’un feu de cheminée. On y voit la passion de son personnage, Sidonie Laborde, pour Marie-Antoinette et la passion de celle-ci pour Gabrielle de Polignac (Virginie Ledoyen), qui lui fait perdre la tête avant même que les événements n’exécutent l’expression au pied de la lettre.

L’histoire est vue depuis ses marges, alors forcément, on reste entre femmes. On reste retranché au château de Versailles, curieuse forteresse assiégée, où l’impératif de Sidonie est de finir de broder le dahlia réclamé par la reine lors d’une fantaisie capricieuse dont elle ne se souvient pour ainsi dire plus. Il faut attendre que circule la liste des têtes réclamées par le peuple pour que l’inquiètude gagne cette campagne où le soleil ne cesse de briller. Cette nature indifférente, presque insolente, rend le danger improbable : les massacres ensoleillés, comme dans L’Espoir de Malraux ou la Commune peinte par Maximilien Luce, sont trop scandaleux pour qu’on puisse les concevoir. Ce décalage entre la mort imminente d’une société et la vitalité par laquelle elle se refuse à envisager sa propre fin est rendu plus sensible encore par le parti pris du réalisateur, de privilégier la proximité émotionnelle sur la distance historique.

Hormis un court instant où la reine et Sidonie, sa lectrice, se livrent à une conversation digne de monsieur Jourdain, le langage n’a rien de précieux, Sidonie trimballe un sac en tissu qui me fait tiquer chaque fois qu’elle le passe en bandoulière sur sa robe à l’anglaise, et selon le souhait du réalisateur, elle porte les coiffures d’époque comme une queue de cheval, pas plus déguisée que la mode l’exige à toute les époques. Cette liberté nous éloigne d’une altérité d’autant plus précieuse qu’elle nous échappe toujours, mais d’une certaine manière, en ne cherchant pas à tout prix à s’identifier à cette époque révolue, elle refuse de faire croire à l’abolition de la distance et la parcourt jusqu’à la frôler.

Ainsi la cavalcade des courtisans qui accourrent vers le roi ou la reine n’est peut-être pas en accord avec la pesanteur et la rigidité de l’étiquette, mais elle nous fait prendre conscience de l’espace dans lequel la cour évolue, de la distance qui sépare une pièce d’une autre et partant, un statut social d’un autre. La place de Sidonie et de son amie Honorine (Julie-Marie Parmentier, à qui le franc-parler des servantes convient décidemment bien, même s’il n’a rien à voir ici avec la violence des Blessures assassines) ressort alors dans toute son ambiguïté : habillée d’une robe simple mais élégante, la lectrice de la reine, qui côtoie la plus haute noblesse, prend son repas en cuisine avec les domestiques, dames de compagnie et femmes de chambres cependant servies par les cuisinières, et dort dans une chambre où la pendule qu’on lui a prêtée pour être ponctuelle auprès de la reine détonne. Et pour brouiller encore plus les rangs et faire valoir l’incommensurabilité qu’il y a des courtisans au roi plus encore que des domestiques aux courtisans, ces derniers ont délaissé leurs châteaux pour vivre dans des trous à rat insalubres.

Mais tout cela n’est que l’arrière-plan révélé par le triangle amoureux central (pour rappel : Sidonie Laborde –> Marie-Antoinette –> Gabrielle de Polignac). Contrairement au film de Soffia Coppola, Marie-Antoinette n’est pas le personnage principal : vue à travers le regard de Sidonie, elle reste la reine, mystère cristallin. Même si elle prend le bras de sa lectrice pour passer un onguent sur ses piqûres de moustiques, celle-ci se tient ensuite à une distance respectueuse et plonge à chaque entrevue en révérences réitérées, jusqu’à ce que sa majesté veuille bien remarquer sa présence. De fait, si Marie-Antoinette aime Gabrielle de Polignac, qui l’a fascinée justement parce qu’elle n’était pas « un de ces êtres dont un dispose comme d’un chou à la crème », Sidonie ne peut qu’adorer la reine. Sa dévotion outrepasse les limites de l’amour, et contrairement à Gabrielle de Polignac qui fuit la reine pour échapper à son destin, Sidonie va jusqu’à se mettre en danger pour elle, en suivant sur sa demande la comtesse, dont elle prend les habits (verts, comme le cyanure) — travestissement dramatique aux antipodes de la légèreté du marivaudage. C’est ainsi qu’elle s’offre à elle : la scène où on déshabille devant Marie-Antoinette sa servante fait écho à la seule autre scène de nu du film, où l’on découvrait le corps endormi de l’amante désirée par la reine.

Au final, c’est bien mademoiselle de Laborde qui porte la vraie noblesse : blessée, elle reste digne, au point de ne pas éveiller le moindre soupçon lors de la substitution. Et je reviens à ma première impression, qui m’avait fait prendre Sidonie pour Marie-Antoinette, sûrement parce que la rondeur de Kirsten Dunst se retrouve davantage dans le visage de Léa Seydoux que dans les traits d’une extrême finesse de Diane Kruger.

La Dame de fer

Tout se passe comme si l’on avait voulu faire de La Dame de fer un de ces films de facture classiques à succès, un de ces films fermes comme des rôtis bien ficelés, qui semblent tenir tout seuls tant les ficelles sont à leur place, invisibles. La recette a visiblement été bien copiée, jusqu’à la touche d’assaisonnement : on retrouve une scène de travail de l’élocution, comme dans Le Discours d’un roi.
 

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[Au détour d’un plan ressurgit parfois Cruella.]
[Et il y a ce mouvement des lèvres qui me rappelle mon ancienne prof de danse… anglaise. Coïncidence ou logique mécanico-linguistique ?] 

La performance de Meryl Streep n’a rien à envier à celle de Marion Cotillard, et ce nouveau biopic emprunte même à La Môme un ressort narratif qu’il utilise comme trame : tout comme l’amant de Piaf, le mari de Margaret Thatcher est filmé comme si de rien n’était, comme s’il n’était pas sorti de sa vie, de la vie. Le coup de folie ponctuel face au deuil impossible devient le signe chronique de la sénilité. C’est à partir des confusions de la mémoire que le film se permet des allers et retours dans le temps, retrouvant tout de même par les associations de situations le sens de la chronologie. Cela se découpe bien et c’est aussi tendre sous la dent que les temps sont durs.

A une bonne recette et de bons ingrédients, il faut pourtant le tour de main. Il y a bien le fer et le gant de velours, mais la main ? On voudrait être dirigé avec plus de poigne dans un parcours politique qui n’en a pas manqué. Là où J. Edgar montrait un personnage complexe, La Dame de fer ne fait pas dans la dentelle et l’on a parfois l’impression que cette fille d’épicier doit davantage son ascension politique à son entêtement qu’à sa volonté. La certitude d’être dans son bon droit, qui lui confère, comme à J. Edgar, un aplomb étonnant, se teinte de naïveté, et ses convictions n’ont alors pas grand mal à devenir dans la vieillesse des dogmes dont elle ne démord pas. Ceux-si sont tout de même l’occasion de quelques vérités bien frappées, comme lorsqu’elle déplore : people nowadays want to be someone, whereas we wanted to do something & they do not think, they feel.

Pour le reste… on se régalera du jeu de Meryl Streep, d’œufs à la coque et du délicieux Harry Lloyd dont je suis serais moi aussi tombée amoureuse.
 

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