Au pays des étoiles s’élevant

De A.à Y, Y comme Youpi, je vais aller voir le gala des étoiles pour le Japon. Ni une ni deux, je rentre chez moi. Indeed, avec A. je redécouvre le plaisir de sortir, et pour cela il faut rentrer : se déshabiller prestement, courir sous la douche, passer mentalement en revue les cintres de son armoire pendant que les doigts passent entre les orteils pour tout bien savonner, et savoir en enfilant son peignoir que l’on se fera un maquillage bleu marine sur eye-liner turquoise pour aller avec les brillants marine quasi-invisibles dans la dentelle noire qu’on aperçoit dans l’ouverture échancrée de ma veste queue de pie noire. La soirée était en effet placée sous le signe de la dentelle : Pink Lady en avait sur les épaules, A. sur tout le dos de son décolleté bénitier. Autre signe de la soirée : le poisson. D’abord le sans-les-mains du pas classique, puis la version fan-les-dents mains-au-sol du Grand pas de deux comique et enfin, au café du Congrès, en soupe gruyèrée comme il se doit (elle a beau dire que j’ai vraiment un air de souris quand je suis contente, A. a montré à cette occasion qu’elle l’était au moins autant que moi). Autant dire que cette soirée se déguste dans tous les sens. Et quand je conclus « Mangez du danseur russe », sur quoi A. se récrimine, il ne faut rien y voir que ma tendance à ramener aux plaisirs de la table tout ce qui est bon. Non, vraiment, il faut importer des danseurs russes : c’est à eux que je dois les meilleurs ballets de l’année – avec la troupe de Boris Eifmann dans Anna Karénine, d’abord, découverte graalesque par excellence, puis avec le Don Quichotte du Bolchoï. Au cas où les Vassiliev de Noël seraient en rupture de stock, comme A. me l’a annoncé (mais je la soupçonne d’avoir réservé les derniers modèles) avant de me concéder Andrey Merkuriev (tu ne commences pas à regretter ?), j’ai désormais plein de jolies personnes à mettre sur ma liste. Vous allez au fur et à démesure…

Passons sur les amuse-gueules de l’école de l’Opéra de Paris, dont la démonstration n’a pas grand-chose à faire ici, à part une transition des bons sentiments (projection d’images du Japon, mode « l’eau qui dort était tellement belle », mais je ne suis pas certaine que l’usine qui respire la bonne odeur de poisson et les visages fermés comme des huîtres soient l’antithèse parfaite de la catastrophe à l’origine de la soirée) à l’artistique.

Commençons par un plat de résistance avec le sourire un peu figé de Maria Kochetkova qui résiste en effet à toutes les difficultés techniques de cette Belle au Bois Dormant de boîte à musique. Le petit côté baroque de ses bras suspendus et de sa tête inclinée me surprend, je retiens – pour le reste on connait et j’oublie la chanson.

Même prévenue par A., je me suis laissée surprendre par ce drôle d’oiseau qu’est Friedmann Vogel, capable de déployer de grandes ailes et de laisser pendre son poignet-plume sans que cela soit ridicule. Ce garçon est bondit de côté et d’autre dans son pantalon noir tout à fait seyant (justement parce que pas moulant, vous dirait A.), traverse la scène sous le coup des claques qu’il se donne (on l’entend – une des raisons pour lesquelles j’ai adoré être au premier rang, où l’on voit les visages et l’on entend les corps), hallucinant jusqu’au bout de ses doigts qui se promènent sur ses côtes. Mopey, la chorégraphie de Marco Goecke me rappelle un peu la gestuelle des Épousés de Kader Belarbi, en plus léger. Alors que le premier passage me confirmait que je ne suis décidément pas une balletomane, celui-ci me rappelle pourquoi j’aime la danse, par-delà le ballet – être fascinée par un corps et libérée par une chorégraphie. Ravie d’avoir découvert Friedmann Vogel et Marco Goecke à travers lui.
Après le drôle d’oiseau, la Chauve-Souris, Roman Lazik, que j’aurais aimé voir danser un peu plus et Olga Esina dont j’aurais aimé voir un peu moins le corps pourtant parfait, qui devient comme pesant sous son académique blanc.

Le pas de deux du cygne noir a signé la mort des volatiles et le sursis de ses deux interprètes : Fernanda Oliveira, modèle petit bolide (spécialité anglo-américaine, semblerait-il) au sourire un peu Colgate, que je préfère cependant à la rage de dents de son partenaire, Dmitry Gruzdev, un brin crispé de la mâchoire. Je ne devais pas être mieux, ceci dit, quand j’ai grimacé en espérant que la demoiselle ne se soit tordu le pied que visuellement.

Avec Sinatra Suite, on ne sait pas trop sur quel pied danser : en talons, certes, mais entre la comédie musicale américaine et le tango réinterprété par une Sibérienne loin d’être glaciale. Malgré la robe noire de Tatyana Gorokhova, très élégante avec son chignon banane, et le costume assorti pour Igor Zelensky, il y a de la violence conjugale dans leur danse de salon, distante des chansons de Sinatra qui sont enchaînées abruptement. Déconcertant, mais cela ne me déplaît pas. Avec Baryshnikov non plus.

J’ai retrouvé avec plaisir Julien Favreau du Béjart Ballet Lausanne, lumineux et donc parfaitement à son aise dans Light, duo tout en apesanteur avec Katya Shalkina qu’allongé, il tient à bout de bras à l’horizontale et descend peu à peu à lui. Doigts repliés aux lèvres et regards souvent tourné vers le public pour elle. J’aime cette épure de sensualité, blanche de toute séduction, ce pied qu’elle dépose en attitude devant dans sa main à lui.

J’ai retrouvé avec non moins de plaisir Jason Reilly dans Le Corsaire. Je n’ai pas boudé mon plaisir devant Ashley Bouder mais Polina Semionova reste mon Graal, celle qui fait dominer le féminin dans Le Corsaire. Ici, c’était dans l’ordre des choses (et des cheveux – faites quelque chose, par pitié, interdisez de les gominer) et le désordre de l’exaltation (la mienne ou celle du danseur, allez savoir) : Jason Reilly finit sa diagonale et jette à terre juste devant moi. « Celui-là, il était pour toi », me souffle A. Son tour vient à la diagonale suivante, et le dernier étalage faunesque est pour sa partenaire, tout de même. Je n’ai pas trop de l’entracte pour me remettre.

Une Dame aux camélias pour se remettre dans le bain, avec une Sue Jin Kang que sa maigreur identifie un peu trop à son héroïne, puis vient le solo de Malliphant pour Sylvie Guillem… avec Carlos Acosta. Two : deux versions, comme pour le Boléro, homme ou femme, mais surtout deux présences en scène, le danseur et la lumière. Je ne sais pas si c’était ma place loin d’être en surplomb comme au théâtre des Champs-Élysées ou la douche plus ronde que mon souvenir de double carré au sol, mais l’effet visuel n’était pas le même. Il n’empêche, la fascination est intacte : certes, la musculature de Carlos Accosta laisse s’introduire l’image du culturiste, mais c’est bien de danse dont il s’agit, et de danse archi-contrôlée lorsque le bras déplié devant lui remonte dans un ralenti accéléré de marche arrière, paume qui passe derrière la nuque tandis que la tête se détourne. Je ne vous raconte pas l’effet que ça fait, cette quasi-immobilité obtenue à force de précision et où toute la tension se trouve chez le spectateur.

On respire pour se calmer. Il y a comme une odeur de rose, d’ailleurs. A. me prévient que ce Spectre a intérêt à être bien dansé, sinon cela va lui coller le fou rire. Pas la peine, je la devance ; non pas à cause des danseurs, très bons (sauf dans le grand jeté final : c’est quoi ce saut ?) mais d’A. pendant le précipité : « Ah, oui, c’est bien le Spectre, je reconnais, c’est le fauteuil dans lequel la nana pionce et fait son rêve. » Deux gamines, oui. A posteriori, on a peut-être été très chiantes pour nos voisins.

Andrey Merkuriev et Bach nous font taire. Voilà que le matador fou de Don Quichotte est un jeune homme un peu désespéré. Lui, il est sur ma liste d’anniversaire, c’est urgent, j’ai besoin de lui faire faire des brisés battus à l’infini. Les brisés battus enchaînés sont décidément un pas de mec : non seulement parce que moi, j’ai l’air d’un bambi hippopotame quand je fais ça, mais parce que des danseurs qui font leur diagonale comme des cabris pendant la classe, c’est enivrant à regarder. Bon, j’arrête mes âneries, la chorégraphie d’Alexy Miroshnichenko (Dieu merci, je ne fais pas stage chez un éditeur de littérature russe) ne s’y prête pas .

En revanche, celle de Christian Spuck, tout à fait. Dans le noir, je lis à grand peine « Grand pas de deux », mais alors que les danseurs tardent, je commence à me poser des questions et à surveiller mes arrières dans le public. C’est seulement de côté qu’Elisa Camrrillo Cabrera lance l’offensive et les réjouissances en grimpant sur scène pour rejoindre Mikhail Kaniskin. « Je connais, je connais ! » Ce qui veut dire : tu vas voir, c’est dément. Après les ballerines-aspi et les poissons ventre à terre, voici la danseuse tortue, institutrice délurée, qui tient son sac à main par la peau de l’anse, avec à peu près autant de grâce qu’on peut en avoir à l’entracte en pinçant son programme entre les lèvres pour se laver les mains en sortant des toilettes. J’ai beau très bien savoir la prochaine ânerie que le couple va bien pouvoir
inventer, cela me fait toujours autant rire – si ce n’est plus, le comique de répétition s’accommodant très bien du rire par anticipation.

Caravaggio réinstalle une atmosphère plus sombre ou plus sobre, faudrait-il dire. Mini-tresse et curieux justaucorps formé de deux pièces de tissus amassé en bandeau autour de la poitrine et des hanches, Shoko Nakamura, le pied sur la poitrine de Michael Banzhaf part dans un lent cambré en arrière. Le même mouvement, jambe plié en attitude parallèle cette fois, clôt le pas de deux. Je serais incapable de vous dire ce qu’il y avait entre les deux, sauf que cela prolongeait la tonalité de l’épanchement pudique du cambré initial. Sauf à en connaître la chorégraphie – par cœur – on ne se souvient pas de la danse ; la faute à notre mémoire photographique (d’où l’importance d’avoir de bons photographes de danse, qui fixent nos souvenirs – moins en les figeant qu’en les déterminant).

Thaïs. Ce nom me fait à peu près le même effet qu’ « Anaïs » quand j’étais petite. Dans nos jeux avec ma cousine, il y avait toujours une bonne élève, une jolie fille, une amie intelligente et c’était toujours Anaïs, non pas à cause du parfum (qui est certes responsable de la vulgarisation du prénom) mais d’une fille de la danse, de quelques années notre aînée, juste assez pour en faire une « grande », resplendissante. Je ne vous raconte pas le dernier gala auquel elle a participé… je vais revenir à celui qui nous occupe. Si je vous dis tout ça, c’est que Lucia Lacarra est d’une certaine manière une Anaïs de la danse. Pas vraiment une star, même si elle est l’icône du Gala des étoiles au TCE : d’abord une femme, ce qui est rare sur scène où la femme est toujours en retrait par rapport à la fille-danseuse. Une femme radieuse. Elle surnage durant tout ce pas de deux avec son partenaire-radeau, mais pas un seul instant elle n’est triomphante ; seulement comblée. On le sait à son sourire qui rayonne de ses jambes-bâtonnets. Et puis il y a ce moment où son partenaire, qui tourne, la tient à l’horizontale et on ne voit plus que ses bras, ses poignets qui peignent d’invisibles cheveux et brassent l’air ondulant.

Comme en prélude au Souffle de l’esprit. J’imagine que les frères Bubenicek n’en manquent pas, ni surtout Jiri, auteur de cette chorégraphie à la fois puissante (remontée de la scène, dos au public, face aux projecteurs) et légère (détourné tourbillonnants). Je ne sais pas qui est le troisième larron, mais ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas Roberto Bolle, et le trio ne s’en porte que mieux.

Les Enfants du paradis ne m’a pas vraiment enthousiasmée, j’espère l’être bientôt davantage par le spectacle en entier (parce que bon, l’Opéra présente ce qui est en répétition, dès fois que cela fasse travailler autre chose et constitue une récréation tout à fait appropriée à l’esprit du gala…). J’ai passé le solo-duo-solo à me demander pourquoi Mathieu Ganio ne me faisait strictement aucun effet chorégraphiquement parlant et à regarder Isabelle Ciaravola en coulisses bouger ses épaules pour rajuster sa magnifique robe rouge (doublée de noir).

Et puis, pour m’achever : Andrey Merkuriev dans Don Quichotte. Le toréador promu en Basile, c’est totalement jouissif. Moins bourrin qu’élégance fougueuse, en fait (ah, le cheveu fou, c’est ce qui manquait à Jason Reilly, définitivement). Je crois que je ne me suis toujours pas remise du regard en coin, insolent, joueur et provocateur à le réception d’une tripotée de pirouettes. À genoux. Moi juste devant. Et sa partenaire… Evgenia Obraztsova est peut-être la plus belle fille du monde. Tout simplement. Même avec des mèches en accroche-cœur autour du visage. Une bouche immense et un sourire à tomber à la renverse. Me voilà encore grisée pour plusieurs jours. Importez du russe, que je vous dis.

Minuit, pas de Cendrillon, juste la souris du carrosse qui continue de grignoter la nuit, en son creux, quelques heures encore d’intraordinaire, avec une nappe blanche, de la tapenade, des rencontres imaginaires, du pain de seigle tartiné de beurre du bout du couteau, des yeux bleus au milieu d’un visage marqué par la fatigue et la sérénité, des escargots, des histoires de collant et de plus-que-beau, plus-que-belle. Sur le retour, une voiture de policiers demande « il fait nuit, non ? » ; sûr, il n’a pas vu les étoiles.

Comme au feu d’artifice

Les gens sont rassemblés dans le noir, lèvent la tête et poussent des oh ! et des ah ! émerveillés à chaque explosion. De virtuosité et de joie, s’il est vrai que le Don Quichotte du Bolchoï est un véritable feu d’artifice. Ah ! Ossipova s’est littéralement jetée à la renverse dans les bras de son partenaire. Oh ! Ivan Vassiliev la lance à bout de bras dans les portés en écart. Et quand il enchaîne des sauts qui ne doivent même pas avoir de nom tellement ils en combinent de différents, on ne peut retenir un petit rire. Ce pourrait être une démonstration de technique insolente, mais la virtuosité n’est que l’échappatoire d’une énergie folle. Fougueux, éclatant, magnifique, formidable… vous pouvez prendre tous vos adjectifs, bien les malaxer et en faire une petite boule que vous jetterez sur scène pour qu’elle soit à nouveau envie (en un mot comme en deux). Voyez-vous, je crois que je suis devenue un peu amoureuse de cet artiste. De son passage aux étés de la danse, j’avais gardé le souvenir d’un réjouissant bourrin au regard fou de Courbet et aux cuisses en ballon de rugby ; je n’avais pas remarqué à quel point il est BEAU (à prononcer « bo », avec une explosive, comme si c’était un juron – de fait, j’ai souvent tendance à en ajouter un à cette exclamation : « Il est beau, bordel !»). Ni qu’il pouvait faire paraître de la finesse, comme ses jambes en collant noir. Il s’amuse, sa partenaire le provoque, ils s’aiguillonnent l’un l’autre. Leur danse est exultation. Après sa première diagonale, A. me demande si Vassiliev est remboursé par la sécurité sociale. C’est vrai qu’il mettrait une dépression KO en deux temps levés trois mouvements. Ossipova est aussi une folle furieuse : elle attaque sa diagonale à coup de sauts de chats balanchines et ses glissades se transforment en sauts écarts. Pas étonnant qu’elle ouvre la bouche dans ses temps de flèches qui explosent, paumes ouvertes, vers le ciel : rien que de parfaitement jouissif. C’est toute sa danse qui est un cri, désir et joie à l’état pur. Et quand ils dansent au premier acte dans un cercle d’une foule enthousiaste, je pense aux cercles qui se forment autour des danseurs de hip-hop. Voilà de la danse, par-delà le « classique » dont on ne sait plus trop ce qu’il est quand il est si bon. J’ai retrouvé au centuple l’entente complice dans laquelle nous avions répété une version simplifiée de Don Quichotte lors de mon stage aux Etats-Unis, où l’on se sentait appartenir à un groupe (et les fous rires qu’on cachait sous les éventails lorsque l’un des matadores murmurait sous cape un juron français qui lui plaisait particulièrement, parfaitement incongru, sans raison autre que nous faire rire par son accent, fiiiis de pioouute).

Toute la troupe est incroyablement vivante. Si jamais on ne m’offre pas Vassiliev pour mon anniversaire, devant qui je pourrais m’assoir et battre des mains en criant « encore ! encore un tour de manège », je veux bien le toréro qui se déboitait le bras dans le maniement de la cape et glissait sa main le long du bras levé puis du buste de sa partenaire comme s’il dansait le tango. D’une manière générale, lorsque tous les toréros avancent à petites foulées, bras raide en métronome, je suis prête à comprendre l’attrait que je n’ai jamais trouvé aux uniformes. On en aura confirmation à la sortie des artistes : la beauté slave n’est pas un mythe. Même en jean de beach boy des années 1980, les garçons sont canons. Et les filles seraient presque toutes mannequins si elles savaient faire les potiches. Je me délecte à regarder la soliste en orange (*orange power*) et ne suis pas la seule : avec A. nous chaussons nos jumelles quasiment en même temps à chaque fois. Nouveau rire. Pour finir le tour des solistes, il faut la fascinante danseuse aux cambrés de contorsionniste-illusionniste et l’adorable Cupidon, qu’il faudrait nourrir de toute urgence si on veut avoir une chance de la revoir lors de la prochaine tournée du Bolchoï. Et oui, un Cupidon, parce qu’on a calé une apparition en songe de Dulcinée dans le deuxième acte. A. a raison de dire que « c’était une bonne idée de mettre un acte blanc ». Don Quichotte est un joyeux fourre-tout : de l’espagnolade, et avec ça ? Vous me mettrez un peu de Tsiganes et de créatures romantiques. Parce qu’il ne faudrait pas oublier complètement la couleur locale, l’acte blanc sera seulement délavé, avec des tutus pastels autrement plus assortis que ceux du théâtre de Saint-Pétersbourg. Kitsch, vous dites ? Je ne l’admets qu’au sens kundérien alors, comme négation de la mort, joyeusement jouée par Basile pour attendrir le père de Kitri. Lorsque je vois le couple à la sortie des artistes, sourire aux lèvres et alliance au doigt, je repense à la main baladeuse de Basile, égarée sur le sein de Kitri alors qu’elle l’avait étreint contre sa poitrine en signe d’éploration. On n’en finit pas de sourire. Alors qu’on se repassait le rapide face à face avec Vassiliev, A. et moi, en mode « il-m’a-souri-je-n’avais-pas-l’air-trop-cruche ? », et que je ne voyais pas ce que j’aurais pu dire à part ce pauvre « Thanks« , A. me rapporte que je le regardais (imparfait de durée, même pour vingt secondes, temporalité subjective) comme un arbre de Noël. Pourrais-je l’avoir dessous, maintenant ?

 

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Même flous, ils sont beaux.

Mats Ekstravagant

 

La Carmen de Mats Ek découverte à Covent Garden m’avait enthousiasmée par son humour et son vocabulaire quasi-expressionniste, qui grossit chaque détail sans pour autant le rendre grossier. C’est donc bien volontiers que je me suis mise en quête d’une place pour la première de la soirée Mats Ek à Garnier.

La Maison de Bernarda est celle d’une veuve qui tient ses filles cloîtrées huit ans (!) pour porter le deuil de leur père. Hormis Marie-Agnès Gillot, servante haute en stature et en couleur, rien que du noir. Enfin presque, puisque la plus jeune sœur oppose une robe bleue ciel à l’oppression de la mère et finit par ravir le fiancé promis à l’aînée.

Plus qu’une histoire, le ballet excelle à faire sentir une situation. Les sœurs recroquevillées sur elles-mêmes, dans une position de grenouille mais félines, sont à la fois apeurées et menaçantes. L’entraide entre sœurs, face à la mère, le dispute à la haine de celle qui ne souffre pas autant que soi, si bien que les sœurs se rabaissent les unes et les autres et redoublent la violence maternelle. À la mère qui frappe du poing sur la table sous laquelle se sont réfugiées ses filles (qui s’en échappent comme une colonie d’araignées), répondent les coups de poings que les sœurs s’assènent sur le dos, pour enfoncer l’autre comme un clou et la clouer au sol. Le huis-clos exacerbe la violence de chacune et fait vivre à toutes un enfer, de sorte que la moindre personne venue de l’extérieur déclenche l’hystérie (sœurs qui reniflent animales le foulard offert à l’aînée par le fiancé). On n’en sort pas : avec l’homme promis à sa sœur, c’est le même univers étouffant que retrouve la petite dernière. Assise les deux pieds de chaque côté de son bassin à lui, allongé, elle revient dans l’amour à la position de prostration qui avait été la sienne jusqu’alors. Encore un de ces gestes qui, par imitation, propagent la violence dans tous les recoins de leur vie (que l’acte sexuel ne fait que condenser). Les hommes (au sens large, femmes comprises) sont ici trop violents pour que la tendresse occupe une quelconque place dans le désir – désir de vivre qui est pour eux toujours conçu comme violence contre. Le silence dans lequel se déroule comme au ralenti cette scène de désir (difficile de dire « d’amour ») empêche tout lyrisme et rappelle une autre absence de musique, lorsque les sœurs réunies autour de la table et de leur mère renversent la tête et hurlent les unes après les autres. La violence, c’est tout ce dont la mère les nourrit. Elle est si peu maternelle que son rôle est tenu par un homme : José Martinez rappelle un peu le Frollo de Roland Petit et assoie toute la pesanteur de cette société matriarcale, où la mère écrase ses enfants comme les hommes (qu’elle traite eux-mêmes comme des enfants, en témoigne le passage où elle valse avec un Jésus descendu de sa croix, tantôt amoureusement enlacé, tantôt bercé).

Mais si le huis-clos est insoutenable pour celles qui y sont cloîtrées au point que la jeune sœur finit par se pendre (ensevelie ensuite sous un lai de lino, comme de la poussière balayée sous un tapis), il n’en va pas ainsi pour le spectateur : ce qui est exacerbé pour le personnage est exagéré pour lui et les grands signes de croix ou les flopées d’injures hurlées par la servante (ou encore le grand lit molletonné en rouge façon tablette de chocolat, qui tombe du ciel) font sourire, autant que les ondulations caractéristiques du buste qui, vue de profil, donnent l’impression que les sœurs vont vomir à chaque pas. Pour autant, cette pièce pleine d’humour n’est pas comique et tout se passe comme si c’était précisément l’outrance des gestes qui les éloignaient de la parodie.

Les cinq sœurs se sont toutes admirablement fondues dans leur rôle commun, au point que je n’ai même pas reconnue Claire-Mari Osta ou Caroline Bance (c’est dans ce cas tout à leur honneur). La seule à se détacher, et cela renforce le sens de l’histoire est Charlotte Ranson, d’une beauté à couper le souffle, en particulier dans la scène de désir, avec l’aura dont l’entourent ses cheveux dénoués. À en juger par le choix d’Eleonora Abbagnatto dans l’autre distribution (je l’y vois très bien, différente de Charlotte Ranson, quoique tout aussi sensuelle), il doit s’agir d’un rôle de blonde : une présence radieuse, propre à introduire la luminosité méditerranéenne à l’intérieur du huis-clos.

 

Une sorte de… est à l’image de son titre : indéfini. Il y a Nicolas Leriche en robe de chambre – tailleur rose et cheveux ras ; du ballon en danse et en caoutchouc ; une Nolwenn Daniel piquante comme je ne l’aurais pas imaginée ; des couleurs ; des ballons-seins, ballons-fesses et ballons-couilles qui explosent (sans même qu’on les ai remarqués, en raison du postérieur peu développé de ces dames) et des ballons-têtes qui se perdent, c’est qu’on s’éclate ; Benjamin Pech avec Miteki Kudo en affreuse jupe de laine jaune ; des commis voyageur-inspecteurs et des villageoises-secrétaires ; du burlesque et de l’énergie ; un savonnage-repassage de Leriche avec la chaussure de Nolwenn Daniel ; des roulés-boulés sur toute la scène, avec un Leriche-Bruce Willis qui passe in extremis sous le couperet du décor tombant ; un homme en chapeau melon très croustillant (Daniel Stokes ? Une balletomaniaque pour le confirmer ?) – bref, tout un arsenal de prestidigitateur auquel on ne comprend goutte mais qui étonne. À vous de décider si c’est un oh ! réjouit, perplexe ou lassé.

 

Voir aussi, en plus des photos d’Anne Deniau : Amélie, retrouvée dans la file des Pass et Fab‘, croisée à la sortie tandis que je saluais Klari, avec laquelle Joël, Palpatine (qui a cordialement détesté) et moi sommes allés dîner, pour une bonne soirée dans tous les sens du terme.

Soirée bien asSAISONnée

 

Présentation Arop de la saison prochaine hier soir : je me décide au dernier moment, comme d’habitude, et lorsque j’appelle pour réserver, on me répond que les listes sont déjà parties mais qu’il n’y a aucun problème, je n’aurai qu’à me présenter en arrivant. Ces pré-inscriptions, c’est vraiment pour donner à l’adhérent l’impression d’être VIPouille, et le plaisir de voir son nom stabiloté tandis qu’il en précise l’orthographe : mimylasouris, avec un y, comme Myriam (Ould-Braham).

C’est vrai que les mondanités font partie du plaisir, même si, dans ce cas précis, le monde se résume pour moi à un cercle de balletomanes-bloggueuses, qui ne s’élargit que pour lancer des offensives sur le buffet. Et je dois dire que la mini-tartelette au citron avec des éclats de pistache est si fondante qu’elle m’ôterait presque toute envie de faire ma langue de vipère, notamment sur notre Misérable préférée, dont on nous a abreuvé pendant les extraits vidéos, parce que bon, faut bien que la bande-annonce la vante un peu pour pouvoir la vendre (curieusement, quand c’est Aurélie Dupont, il n’y a pas besoin de légende).

Je découvre ainsi, après quelques minutes de Marie-Agnès Gillot en train de danser une gigue irlandaise avec son aspirateur (déjà dans le documentaire qui lui était consacré) qu’il faudra absolument que j’assiste à l’ Appartement de Mats Ek, même si j’ai déjà vu la première partie dansée par le NYCB. Et si dieu (enfin le système des Pass jeunes) le veut, je prendrais bien au rabais une place pour l’opéra de Debussy, qui a l’air beau bien que statique, ainsi que pour celui des Trois oranges, de Prokofiev, ne serait-ce que pour enfin capter l’allusion dans Cendrillon, qu’on aura d’ailleurs en opéra par Rossini et en danse dans la version de Noureev, après avoir vu celles de l’English National Ballet, de Matthew Bourne et de Massenet (plus de lac, c’est un signe). Autre doublon qui risque de me titiller le neurone si je vais voir les deux : Manon, Massenet versus Kenneth MacMillan. C’est assez amusant de voir comment est pensée une programmation, même si, opéra et danse, on ne se cause pas, Brigitte Lefèvre ouvre le bal et Christophe Ghristi tarde à la le fermer.

Quand l’évaporation des plateaux de mignardises n’est plus qu’un souvenir, on nous pousse vers la sortie : Amélie, le Petit rat, Palpatine et moi finissons en beauté au café d’en face, où le fromage se trouve sous la catégorie « entracte » et où la salade au saumon s’appelle « le Lac des cygnes ». Palpatine est tout content de commander une salade « Ivan le terrible » quand la balletoman(iaqu)e refuse de manger de la verdure. Entre rongeurs, nous sommes d’accord : on s’enfile un tartare parfaitement assaisonné, servi avec des frites délicieuses, croquantes et si peu lourdes qu’on commande des profiteroles dans la foulée, histoire de faire glisser les mille et un potins que les deux balletomaniaques nous content. Merveilleux.

 

[Faut que je fasse attention, mes comptes-rendus se palpatinisent… Lui, de son côté, se met à prendre des photos bizarres avec des reflets. Si, de surcroît, comme me le faisait remarquer Miss Red, mes posts se raccourissent (relativement, faut pas déconner non plus) tandis que les siens s’allongent, je vais finir par croire qu’on déteint l’un sur l’autre.]

Black Swan lake

 

On m’en avait beaucoup parlé, j’avais un peu peur d’y aller ; je n’ai pas eu peur : on m’en avait beaucoup parlé. Ah, là, elle va s’arracher la peau des ongles, là, elle va avoir une hallucination face au miroir… c’est très commode pour détourner les yeux au bon moment. Évidemment, on fait quand même des bonds d’un mètre sur son siège quand Nina, en plein délire, rentre dans une personne qui était hors champ. Bien plus que terrifiant, c’est assez éprouvant, cela m’a rappelé la projection de la Guerre des mondes, en Alabama, avec la fille de la famille qui poussait des hurlements (après, j’avais négligemment fait remarquer que les nuages et la lune faisaient un ciel très semblable à celui du film, juste avant le débarquement des envahisseurs). Au final, le seul truc vraiment traumatisant, c’est qu’on chante deux mesures de Tchaïkovsky en boucle pendant trois jours (et encore n’est-ce vraiment traumatisant que pour ceux qui vous entendent – d’où que tout le bureau des stagiaires chantait le Lac, c’est moins pénible quand on beugle soi-même). Parce qu’il ne faut pas croire, mais on rigole aussi ; la sonnerie du téléphone portable (rose dragée, maman au bout du fil) en particulier, m’a déclenché un véritable fou rire : c’est la goutte d’eau qui fait déborder le lac. Mais le cassant du coupe-ongle, qu’on retrouve dans le martèlement des pas ou dans les pointes que Nina brise, et qui rappelle sa manie de se gratter jusqu’au sang n’est pas mal non plus. Enfin, il ne faudrait pas oublier le doux frémissement qui rappelle l’invocation du Basilic en fourchelangue, à chaque fois que l’héroïne a la chaire de poule cygne : cygne noir, sors de ce corps !

Au début, lorsque la caméra tressaute derrière le chignon de Nina au rythme de ses pas, l’analyse s’est mis en marche toute seule : la caméra adopte un point de vue subjectif, mais extériorisé, de sorte qu’on voit à la manière de Nina mais en la voyant elle et non avec elle, habile artifice pour suggérer une seconde présence. Heureusement, cette schizophrénie du spectateur qui regarde et de celui qui analyse le film ne m’en a pas fait immédiatement sortir. On distingue nettement les ficelles, mais c’est, comme dans un bon gigot, pour que tout se tienne. On n’a peut-être pas la gorge nouée, mais c’est intelligent. À condition de bien voir qu’il ne s’agit en aucun cas d’un film de danse ou sur la danse1, mais d’un film sur le Lac des cygnes, sur ses thèmes et son histoire. Ce n’est pas dommage, si vous voulez mon avis, que l’on reconnaissance enfin qu’on puisse penser à travers la danse et qu’un ballet donne à réfléchir. Car le Lac qui nous intéresse n’est pas tant celui qui est dansé par l’héroïne que la version qu’en donne le film, depuis le bal devenu soirée où le chorégraphe présente la future étoile jusqu’à la chute finale de celle-ci. Les deux sont néanmoins habilement intriqués, et ce depuis le prologue, à la fois générique et début du ballet, rêvé par Nina dans une version inconnue « more like the Bolchoï’s ». La balletomane parisienne est prévenue, il n’y aura pas d’ambiguïté homosexuelle à la Noureev chez le prince, voici une autre interprétation (preuve de la richesse du ballet). La transfusion spectacle-vie quotidienne se poursuit ensuite face à la vitre du métro, dans laquelle on aperçoit le sombre reflet de Nina et les néons des stations qui passent comme l’éclair que lancent les yeux de Rothbart au début.

Dans cette variation sur le cygne blanc et le cygne noir, la symbolique des couleurs est évidemment utilisée de façon marquée, quoique intelligente, une fois encore (déjà, le rose est cantonné à la chambre de Nina, c’est assez reposant). Certes, notre danseuse, naturellement à l’aise dans le rôle du cygne blanc, porte une écharpe duveteuse de la même couleur, mais le noir, très aimé des danseuses, n’est pas réservé à sa seule rivale : sa mère est également habillée en corbeau, comme si elle avait absorbé tout ce qui, de cette couleur, aurait été nécessaire à Nina pour s’épanouir en dehors d’une pureté fantasmée qui n’est en réalité rien – page blanche. Car ici, le noir est moins noirceur que couleur complémentaire du blanc. Voici rétablie au passage la vérité : on admire le cygne blanc, mais c’est le noir, séducteur, qui réjouit. Le seul manichéisme qu’il y ait dans cette opposition, c’est justement de les dissocier : le noir n’est noirceur que dans la mesure où on l’interdit au blanc et, à la limite, c’est celui-ci qui devient mauvais, tandis que le noir figure l’horizon d’une libération et d’un accès à la maturité. Un question d’équilibre que n’a pas encore résolue notre danseuse. C’est ainsi que Nina, étouffée indistinctement par sa mère et sa volonté de perfection, est incapable de se lâcher, comme l’y encourage le chorégraphe, très porté sur la volaille (le cliché est néanmoins développé : elle ne passe pas à la casserole mais se voit donnée pour consigne de se toucher car elle ne connaît visiblement pas son corps – difficile à entendre pour une danseuse). Incapable de se lâcher, elle ne peut que s’abandonner et cesser d’être elle-même pour devenir une autre, copie de sa « rivale » qui l’emmène boire un coup (dans l’optique de s’en taper un) et lui propose un peu de drogue hallucinatoire (et une scène lesbienne pour le plus grand plaisir de Palpatine, une !). Et je mets rivale entre guillemets, car elle ne l’est que dans les fantasmes de Nina, étant d’aussi bonne composition que bonne vivante. Bien qu’elle l’espère, elle ne cherche pas à lui prendre le rôle ; les ailes du cygne, elle les a déjà, en bonne bad girl qui se respecte, tatouées dans le dos, comme une rockeuse.

La métamorphose tant attendue s’opère pendant la représentation, mais la mue est plus que douloureuse. C’est en effet en enfonçant une brisure de miroir dans le ventre de sa rivale, désignée pour prendre la relève après un premier acte catastrophique, que le cygne blanc calcine ses plumes, même si ces dernières ne lui poussent que lors de la coda du cygne noir (bel effet que la danseuse bras nus au premier plan et son ombre portée avec de grandes ailes déployées). Mais à l’entracte, sa rivale frappe à la porte de sa loge pour venir la féliciter et, après avoir vérifié que tout le sang du meurtre et le corps même de la victime se sont évaporés, Nina est obligée de constater qu’elle a halluciné. N’ayant pas compris que son cygne devait être un phénix, et mourir pour mieux renaître, elle avait besoin d’un tiers sur lequel projeter la personnalité dont elle devait se débarrasser. Seulement, comme la transformation ne s’est pas opérée en amont, elle découvre à la fin de l’acte blanc que c’est dans ses propres entrailles qu’elle a enfoncé la brisure de miroir. La plaie s’élargit et elle meurt, d’avoir tué le cygne blanc sans que le cygne noir ait été déjà là en germe (il était toujours ailleurs : dans les délires de Nina, chez sa rivale, et plus sûrement, inaccessible, chez sa mère). En somme, le cygne blanc n’est pas devenu le noir : le noir est apparu à la place du blanc, qui a disparu pour ne pouvoir être son contraire. Le cygne blanc s’est tué et dans la noirceur de ce crime ne peut ressusciter. Il s’est détruit lui-même, au lieu d’avoir été détruit par une interprète qui abrite en elle la possibilité du blanc comme du noir.  

C’est pour n’avoir pas su être double que Nina s’est dédoublée et cet éternel cygne blanc (image de la femme prisonnière d’un sort, qui n’accède jamais au statut de femme qui devrait être le sien, et qu’incarne notre danseuse, fille de sa mère) meurt de trop de pureté (il lui aurait fallu un peu de noir mélangé à son blanc pour ne pas basculer dans le néant, n’être rien pour avoir refusé d’être autre – et de pouvoir plaire aux autres, en étant aussi sensuelle que sa rivale). Juste avant de mourir, elle se réjouit d’avoir été parfaite. On n’aurait su mieux dire : un parfait de foies de volaille. Les spectateurs de Nina pourraient dire, comme dans Après vous…, à table : « – Tu l’as trouvé comment, le poulet ? – Mort. »

 

1Je veux bien qu’une danseuse soit un brin maso, mais pas maso, anorexique ET schizo. La danse n’est pas le seul domaine cinématographiquement propice au développement des névroses. Qu’on regarde le piano, par exemple, avec La Tourneuse de pages ou encore La Pianiste de Haneke… Ou n’importe quel autre domaine qui n’est pas pour rien une discipline. C’est comme si, dans l’inconscient collectif, on ne pouvait tolérer le bonheur que l’on peut atteindre par ses efforts – dès fois que l’on doive en faire aussi… se sentir responsable de son bonheur, quel malheur !