Two lovers, un film à géométrie variable

 

 

Jamais deux sans trois. Encore faudrait-il savoir qui sont les deux. Comme on ne sait pas, on commence à trois. Mais l’affiche n’est pas juste*, il n’y a pas de triangle : Leonard n’hésite pas entre deux femmes, il est amoureux de Michelle et aimé de Sandra. C’est justement le fait qu’il ait à choisir alors qu’il a déjà fait son choix qui fait toute l’épaisseur du film. Ce n’est pas vraiment une comédie romantique. Leonard fait sourire lorsque sur le quai de la gare il s’absorbe dans la contemplation pour feindre la surprise d’être abordé par Michelle, lorsqu’il se rajuste pour faire impression, lorsqu’il se met à danser comme un malade toujours pour la même cause, mais il agace tout autant, par son corps maladroit, par son chewing-gum qu’il mâchouille comme si cela devait lui donner un style de beau gosse, par son soin à ménager ses parents ou une sortie de secours à ses amours, on ne sait pas vraiment. Il fixe rendez-vous à Sandra tout en guettant Michelle à la fenêtre : son crush irrationnel pour celle-ci ne suffit pas à faire oublier qu’il n’est pas vraiment réglo avec celle-là – sans pour autant être salaud. Il a du respect pour cette femme qui l’aime et qui ne peut pas ne pas apprécier. Ils sont du même monde, et pas seulement parce que Sandra est passée par ses parents pour approcher Leonard ou que ceux de ce dernier font tout pour les pousser dans les bras l’un de l’autre. Sandra est d’emblée à sa place dans l’appartement de Léonard, dans sa chambre aussi qu’elle visite comme une adolescente entre le plat et le dessert (c’est pour elle aussi que Leonard fait disparaître le portrait de son ex-fiancée), tandis que Michelle y passe une seule fois et fait le tour du propriétaire comme pour un état des lieux, s’étonne d’objets qui pourraient caractériser Leonard –étonnement poli et relativement indifférent. La plupart du temps, elle évolue dans un autre espace (un autre monde), dans son appartement de l’autre côté de la cour. On la voit toujours à sa fenêtre comme dans un tableau et au fonds elle n’est pas autre chose que cela, le tableau d’elle-même peint (ou plutôt photographié) par Leonard. Michelle n’est réelle qu’un instant, lorsqu’on l’aperçoit dans un autre triangle qu’elle forme avec Leonard et son amant qui ne quitte pas sa femme pour elle ; on aperçoit alors sa vie, indépendamment de Leonard. Il n’y a donc pas un triangle, mais plusieurs, et encore, ils ne sont pas équilatéraux.

 

2+1, toujours :

Leonard et Michelle + Sandra, toujours poussée sur le devant de la scène par les parents.

Leonard et Michelle + l’amant de Michelle, qui la soustrait à Leonard = l’amant et Michelle + Leonard, visiblement pas à sa place dans le restaurant où il est invité à dîner avec le couple au titre de bon ami devant évaluer les chances (ou plutôt les risques pour lui) que l’amant quitte finalement sa femme. [Two lovers qui aiment également en vain]

Leonard et Sandra + l’obsession puis le souvenir de Michelle c’est un film à géométrie variable. [Two lovers qui aiment de façon différente, Leonard dans l’absolu de l’instant, Sandra dans la tendresse de la durée des macarons !]

 

Un film à géométrie variable : des triangles à foisons et peut-être même un quadrilatère – comment faire autrement quand on a two lovers et qu’ils ne le sont ni l’un de l’autre ni de deux personnes différentes ? La dissymétrie équilibre le film à merveille. C’est également ce qui fait que si l’on n’a pas une comédie romantique, on n’a pas pour autant une tragédie. Le tragique est refusé dès le début : on ne mettra pas de mot sur la tentative de suicide qui débute le film, Leonard lui-même refait surface. Pas de tragédie à la fin non plus. Michelle, comme on pouvait s’y attendre, repart avec son amant, qui a (on ne l’aurait peut-être pas espéré) quitté sa femme, tandis que Leonard passe la bague au doigt de Sandra. Pas de joyeuses équations de comédie romantiques où les compagnons délaissés par la formation d’un nouveau couple en forment un à leur tour, certes, mais la tragédie est laissée hors-champ (les prétendants éplorés de Sandra et la famille de l’amant de Michelle, qui restent à l’état de mot). Ou simplement évitée. La fin est bien définitive, et pourtant, elle ouvre sur un autre avenir (peut-être pas radieux, il est vrai). Pas de héros tragique abandonné, il y a toujours quelqu’un pour vous tendre la main, serait-ce sous la forme d’un gant échoué sur la plage. Un gant que Sandra a offert (enfin la paire, hein) à Leonard et qui tombe de sa poche alors qu’il balance la bague qu’il avait achetée pour Michelle vers la mer (on notera au passage que la plage est une approche plus pacifiée que le ponton d’où Leonard tente de se noyer au début). Un souvenir du geste de Sandra qui est autre chose qu’une roue de secours. La bague destinée à Michelle et passée au doigt de Sandra a un petit goût amer, mais Leonard a vraiment de la tendresse pour elle. Ils parviendraient presque à faire mentir Balavoine et son « aimer est plus fort que d’être aimé ». Si Leonard revient vers Sandra, c’est aussi parce qu’il ne peut s’empêcher d’être attiré par celle qu’il obsède. Son crush pour Leonard est peut-être tout aussi irrationnel que celui de ce dernier pour Michelle, mais Sandra saisit Leonard dans son individualité – elle fait véritablement attention à lui. (Comme si l’intérêt pour l’autre ne naissait que d’une certaine focalisation/fixation : après tout, cela expliquerait pourquoi dans les films les deux personnages qui se détestent et se retrouvent coincés en famille/ dans un ascenseur/ dans un magasin de jouet le jour de Noël etc. finissent toujours par tomber dans les bras l’un de l’autre).

Au final (désolée, ce n’est pas la fin mais « su
ite et fin »), je ne sais pas si j’ai aimé. Vous me direz peut-être, comme nos profs, que ce n’est pas le propos, à moins de chercher à partir de là pourquoi on a ou non apprécié. Bah, j’ai fait l’inverse, d’abord cherché à comprendre pourquoi une impression bizarre, incomplète, qui m’empêchait d’être véritablement enthousiaste, mais aussi de ne pas aimer. A présent, je crois pouvoir dire que j’aime ce film – à défaut de l’avoir aimé. Je ne me suis pas ennuyée une seule seconde ; on a beau savoir ce qui va se passer (ou alors c’est parce que j’ai lu avant la note très juste de Melendili), il y a une certaine densité qui soutient l’attention. Le film a simplement le défaut de sa qualité : la dissymétrie qui fait sa richesse est aussi ce qui laisse une impression bancale. Ni comédie, ni tragédie ; une sorte de drame, qui fascine par son épaisseur psychologique, mais qui comme tout drame tombe dans l’entre-deux. Un absolu qui n’est pas idéal (Leonard a bien été un bref moment avec Michelle) mais qui n’est plus possible (et en devient presque impossible) ; une vie qu’il faut continuer par un effort incessant.

 

(deux astérisques, mais en fait, c’est la même)

* l’affiche n’est pas juste aussi avec Leonard en costard alors que, balourd, il se trimballe dans un anorak et n’a rien du séducteur ; avec Sandra, qui ne fait pas du tout vamp’ séductrice.

* cette photo (ci-dessous, comme on dit dans les légendes de magazines) que l’on retrouve souvent non plus. Il n’y a guère que l’escapade sur les toits (*résister à la tentation de faire une synthèse des lieux et une nième ou plutôt septième interprétation avec celui-ci*) qui ait un petit côté The Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Contente d’ailleurs de voir que je ne suis pas la seule à qui cette analogie est venue à l’esprit – autre note très juste, ce me semble, qui vaut le détour – rien que le nom de ce blog est miamesque.

 

 

Le Timide au Palais, de Tirso de Molina

Sortie khâgneuse mardi soir à Montansier. Aucun a priori, puisque je ne connaissais pas la pièce, ni même le nom de l’auteur – *inculte power*. Juste la curiosité d’être de l’autre côté de la rampe dans le théâtre où j’ai passé tous mes examens de danse. Montansier pour moi, c’est un vrai terrain de jeu, le jeu de la comédie et le jeu de se croire en spectacle. Un petit Palais Garnier en miniature où l’on allait tester tous les points de vue de la salle – mais surtout celui du parterre- habillées n’importe comment, en chaussons, une chauffe enfilée à la hâte, à observer les autres passer leur variation, dans l’odeur de la laque à cheveux. C’est aussi des loges lumineuses, aussi diurnes que les coulisses sont nocturnes –plus qu’un après-midi au cinéma- qui donnent sur les rires et les rumeurs des jardins du château, curieusement proches par rapport au retour de scène.
Mardi soir, des scolaires qui transforment le hall en cours de récréation, des courses poursuites dans les couloirs, une ouvreuse qui se laisse déborder avec professionnalisme et le poulailler à tous les étages. Je me serais bien passée des commentaires pleins de sébums et d’hormones qui surgissaient derrière moi, mais enfin…

 

Au début de la pièce, j’ai eu un peu peur : je ne comprenais pas grand-chose à la diction du comte, qui de plus se battait au fleuret, et les premières scènes se sont succédées sans qu’on puisse voir de liens entre elles, ni supposer lesquelles introduisaient l’intrigue principale. Et surtout, une certaine réticence dans la surenchère des effets de comique lourd – avec notamment une battue faite par des paysans bercés un peu trop près du mur, auprès desquels les visiteurs sont fins et subtils – bref, le genre de comique qui entraîne le rire de la salle comme une bande-son de rires préenregistrés – et qu’on vous rajoute une grimace !

Heureusement, j’ai trouvé mon comte, l’intrigue s’est ficelée et le comique a été plus éclaté. C’est une histoire relativement classique, avec un comte veuf qui cherche à marier ses filles, qui n’ont fait qu’à leur jolie tête, des prétendants trop sûrs d’eux et des amants indécis –le personnage éponyme de la pièce, qui vire schizophrène de timidité – ainsi que ce qu’il faut de retournements, de (dé)tours et de pirouettes incroyables à force de vraisemblance. Le parti pris de la mise en scène surtout était excellent. Pas de modernité à tout prix, mais un jeu très contemporain. Le metteur en scène n’a pas hésité à tailler dans le texte (plus de cinq heures en VO – merci pour la coupe !) et à rajouter tout un hors scène très drôle. Un homme vient la bouche en chœur vous expliquer ce qui va suivre, planter le décor en zigzaguant un treillage devant vos yeux de la paume de ses mains, ou annoncer l’acte suivant. Rires à la scène 2 de l’acte 2, quand le personnage assis à sa droite fait deux signes de la victoire à l’annonce de la scène. Et puis aussi lorsque le prologue (si, si, cela lui va bien comme nom) arrive ivre. Et plus encore lorsqu’il se fait le traducteur des didascalies espagnoles et qu’il reste à répéter « la nuit » jusqu’à ce que le technicien envoie un éclairage lunaire. Ce prologue est le pendant extérieur de la mise en abyme interne, l’une des filles jouant à l’actrice. Amusant clin d’œil qui déclenche de l’hilarité lorsqu’en professeur tout à fait conforme à la Bacchante, le prologue retourne le miroir et se met à nous exposer le schéma actantiel de l’acte manquant pour la vraisemblance d’un retournement tout à fait improbable – et oui, oui, le timide paysan est bien le fils d’un noble seigneur (pas Romulus, mais tout juste). Les personnages inconnus se déclinent en initiales sur le tableau, entourées, liées entre elles, croisées avec une lettre qui ne nous évoque plus le reste du nom ; l’adjuvant se retrouve au coin sous forme d’un smiley et l’hilarité fait salle comblée lorsque, mimant le si commode secret de famille du père prodigue, le prologue finit par agoniser et ses derniers tressaillements tracent à la craie un diagramme cardiaque agité. Il défaille en ligne droite et je suis morte de rire. Un acte en un éclat de rire, c’est ce qu’on appelle de l’efficacité.

C’est un univers de jeu ; le prologue (le vrai, pas le personnage) montrant un atelier de couture comme décor. Les robes invitent au costume, les étoffes au déguisements, tandis que derrière un rouleau de tisse au mètre, un piano accompagne ces histoires enfantines. Une chute de tissu sert d’interlocutrice pour renvoyer une fiancée, et même les accessoires sont parfaits pour embobiner Séraphina, la fille aînée du comte. Le prétendant lui mime son bobard avec des personnages en bobines de fil, le duc en bleu, l’enfant illégitime en canette du même acabit et les espions en noir qui volettent autour comme des corbeaux aux mains du prétendant. Cousu de fil blanc ! Et lors du prologue les mimes des machines à coudre… vraiment, le « jeu corporel » des acteurs en fait de véritables mimes. Mention particulière au héraut qui, alors qu’il raconte quelque histoire vraisemblable qu’il a attrapée à la volée, semble jouer au tennis, court de la cour au jardin, renvoie une réplique, attrape une réponse avant qu’un autre personnage saisisse toute l’affaire en attrapant la balle. Vraiment, toutes ces manières de traiter les digressions du récit sont réjouissantes, et quel rythme !

Il y a aussi, au fil de la mémoire, un lit dressé à la verticale et sur lequel le timide recroquevillé par terre semble assis, puis sous lequel il se cache au gré du rêve agité de son amante ; le héraut étranglé parce que sa voisine tire sur son cartable pour ne pas voir le duel qui a lieu ; un comte recroquevillé qui se croit le « roi des écrevisses » (applaudissements pour cette absurdité)… J’ai vraiment passé un bon moment, à rire sans arrière pensée.

 

Par la Compagnie du Catogan / Mise en scène Gwenhaël de Gouvello / Adaptation Robert Angebaud / Avec Gregori Baquet, Jean-Michel Canonne, Brigitte Damiens, Marie Grach, François Kergourlay, Marie Provence, Rainer Sievert, Stephen Szekely, Jean-Benoît Terral, Éric Wolfer.
Création musicale Damien Joëts, Christian Huet / Décors Éric den Hartog / Costumes Anaïs Sauterey / Lumières Stéphane Baquet / Maquillage Laurence Otteny

 

Voilà qui résume : Sur un ton un peu goguenard, dans un décor de carton-pâte, avec des costumes qui ne se prennent pas plus au sérieux que les comédiens qui les portent, tous conduisent avec une belle énergie et dans un véritable esprit de troupe cette comédie légère de cape et d’épée qui ne parle que d’amour.

 

Prise de la Bastille par le New York City Ballet

J’ai avalé gloutonnement quatre soirées de ballets et n’ai pas même pondu un bref post. Cela vous a peut-être évité une indigestion suite à une omelette géante, mais tout de même, le New York City Ballet ne vient pas tous les quatre matins. Un mois déjà – les chorégraphies s’estompent pour laisser en souvenir des impressions et des flashs éblouis- mais je vous invite à faire le pique-assiette et à goûter à tous les plats.

 

 

Avant le spectacle…

 

 

… entendre ses talons claquer, apercevoir les gens en train de grignoter un sandwich, qui semblent habiter là, et entendre la sonnerie à l’entracte…

 

… l’odeur du programme, dont l’encre ou le papier, je ne sais pas, ne semble être utilisé que par l’opéra de Paris. Une splendide photo de Sérénade dessus – heureusement, ils ont cessé leurs essais de trucs conceptuels à tentative pluridisciplinaire.

 

… le réglage des jumelles, pour espionner en toute bonne conscience les musiciens déjà dans la fosse, les violonistes qui discutent ensemble avec enjouement, un jeune homme situé dans la région des instruments à vent et qui semblait s’ennuyer ferme, un moins jeune dont maman n’a pas réussi à voir s’il avait une alliance à la main…

 

… former une haie de déshonneur pour ceux qui arrivent un peu tard…

 

… saluer avant qu’il ait rien fait le chef d’orchestre, comme pour se dédouaner de n’y plus penser par la suite…

 

 

En pleine apnée…

 

 

Divertimento n°15

Chorégraphie de Balanchine sur du Mozart

Des costumes un brin vieillot avec des couleurs un brin violentes (même si je n’ai rien contre le turquoise fluo dans l’absolu), mais la chorégraphie est tout sauf poussiéreuse. Les photos peuvent être trompeuses parce qu’elles prennent toujours les instants structurés, les lignes harmonieuses et les symétries impeccables alors que tout l’intérêt est justement dans la déstructuration, le jeu sur les formations et reformations, les décalages, les groupes, duo, solo, trio où les partenaires se dédoublent pour qu’aucun duo ne soit en reste… Virtuose peut-être, mais avec goût.

[Et puis je ne sais où, un sourire comme je n’en avais jamais vu. Charme sûr de lui mais surpris d’être découvert.]

 

 

Episodes

Chorégraphie de Balanchine sur une symphonie de Webern

La musique est déconcertante, presque discordante de prime abord, mais la chorégraphie a tôt fait de nous la faire écouter – et plus seulement entendre. Justaucorps noirs et collants blancs, le plaisir des lignes cassées, une géométrie pour les yeux.

 

 

Tchaïkovsky Suite n°3

Chorégraphie de Balanchine sur… du Tchaïkovsky, vous vous en seriez douté.

Une première partie en robes roses et violettes cheveux détachés, une seconde en tutus plateaux. Entre deux le soulagement de ne pas en rester à un élan kitsch.

 

 

Sérénade

Chorégraphie de Balanchine sur Tchaïkovsky

Le rideau se lève sur une forêt de danseuse en sixième, face au public, la tête côté jardin qui regarde vers une main paume tendue dans la même direction, poignet cassé.

 

C’était le ballet que j’avais envie de voir. Celui dont on voit des photos partout, avec ces grandes jupes fluides et une vague auréole romantique. Même là, Balanchine ne réussit pas à faire du mièvre : il y a toujours une énergie folle – des réminiscences de danses guerrières géorgienne, m’apprend le programme.
Les danseuses semblent petites – du coup jamais de bras arachnéens mais un concentré d’énergie, bras et jambes qui tranchent l’air avec violence, sans pourtant altérer l’ambiance de douceur qui s’est installée sur le plateau.

 

 

Symphony in Three Movements

Balanchine sur une musique de Stravinsky

Une terrible joie et de la force. Ca éclate, déboule en tous sens, saute avec enthousiasme – les pieds en blancs des garçons en collants noirs sont autant de notes en négatifs qui viennent suspendre en l’air une partition exultante. Des duos en rose et noir. Et toujours d’immenses queues de cheval qui donnent un air d’amazones gymnastes à cette immense diagonale de filles, qui se dressent par le même mécanisme. Une grandeur imposante, renforcée par la perspective des tailles – lorsque la colonne se déroule, on découvre que les amazones du fonds font une tête de moins que celles du premier plan.

 

 

Brahms/Handel

Chorégraphie de Twyla Tharp et Jerome Robbins

Verts et bleus, les corps coulent, fluides. Des courants calmes mais à la vigueur sûre, aux nombreux revirements sans aucun débordement. Des portés ahurissants qui ne semblent même pas académique… assez insaisissable. Une des principals, Sara Means, d’une grande classe.

Première chorégraphie qui n’est pas de Balanchine et moyen d’observer ce qui relève de la chorégraphie et ce qui relève des danseurs… du moins, je le croyais. Parce que ces derniers son tellement imprégnés de Balanchine, qu’il est pratiquement impossible de faire la distinction. Autant chercher comment la Berma magnifie ses vers.

 

 

Duo Concertant

Chorégraphie de Balanchine sur une musique de Stravinsky

Le piano est sur scène, le violoniste aussi. N’oublions pas le couple de danseurs, embusqué derrière le piano. Qui écoute rêveur et reviendra souvent tâcher de rêver – mais plus sûrement de reprendre son souffle. Avec cette mise en scène- à proprement parler-, le spectateur est obligé de sentir la musique et son lien avec ces pas joueurs et flex qui viennent en cascade.
Surtout dans une scène noyée dans l’obscurité, l’image d’un cercle de lumière où vient se créer une main, un mouvement, apparaître un visage et disparaître le corps en son entier. D’accord, Malliphant n’a pas tout inventé (mais sur ce coup-là, je préfère Malliphant).

 

Hallelujah Junction
Chorégraphie de Peter Martins sur une musique de John Adams

Avant toute chose, il y a, suspendus au fond de la scène, dans un arrière-plan onirique –mais noir- deux pianos face à face, deux pianistes éclairés par deux lumières qui sculptent le reste d’obscurité en deux diagonales croisées. Un voile noir a beau être interposé entre les pianistes et les danseurs, il se dégage tout de même une force folle de ce curieux orgue moderne.
La chorégraphie, en notes blanches et noires, mêle les décalages, contrepoints et canons. Tout est toujours en tension, même les huit tours de Daniel Ulbricht, même les dessins géométriques qui sont étirés comme s’il s’agissait d’élastiques tendus au maximum.

 

 

After the rain

Chorégraphie de Christopher Wheeldon sur Arvo Pärt

Comment donner le degré de mon engouement sans verser dans l’enthousiasme délirant ? Passé les trente premières seconde où il m’a fallu me défaire de la chorégraphie que j’avais dansé sur cette musique-là – de Dos Santos (ou quelque chose comme cela)- et m’accoutumer à la grande maigreur de Wendy Whelan (qui fait corps avec Sébastien Marcovici), c’est magnifique merveilleux magique poignant ? On oublie totalement qu’il s’agit de danse, qu’il y a une chorégraphie que les deux interprètes ont du apprendre et travailler, et on laisse se laisser hypnotiser par ce temps de vie. Corps noueux et cheveux détachés comme un feuillage – liane- attachement – duo racinien.
[Faites taire les deux imbéciles derrière qui assassinent déjà la chorégraphie la résonnance de la dernière note à peine évanouie.]

 

 

Dances at a Gathering

Chorégraphie de Jerome Robbins sur des Mazurkas, Valses, Etudes, Scherzo et Nocturne de Chopin

Au siècle dernier, celui, intemporel, de la nostalgie et du souvenir, une rêverie sur des rencontres amicales, espiègles, amoureuses, fraternelles, passionnées, attendues, retardées, déclinées, qui n’ont peut-être jamais eu lieu ou alors d’antan, déjouées mais rejouées sur scène… Apaisant mais pas lénifiant ; subtile, plein de vie et de finesse, cela glisse, fluide comme les robes des jeunes filles, jusqu’à la fin où les danseurs se tiennent immobile face aux spectateurs mais regardant bien plus loin, comme à travers eux.
[Dit comme ça, ça a l’air kitschissime, mais je vous assure que ce n’est pas le cas, que l’on s’amuse à retrouver tel danseur avec telle ou telle partenaire (je crois que c’était pour la danse d’Ashley Bouder que j’ai eu un faible, et pour Amar Ramasar), à voir les couples se reformer, et à surprendre des clins d’œil d
’humour]

 

Carousel (A dance)

Chorégraphie de Christopher Wheeldon sur « The Carousel Waltz » et « If I love you », Richard Rodgers

Ambiance foraine, guirlandes aux tringles et triangles rouge dans les fentes des jupes violettes. Benjamin Millepied (après Petipa, avouez que c’est un nom qui claque pour un danseur !), formidable forain. Et surtout ce manège qui n’a jamais si bien porté son nom, où les cavalières sont devenues chevaux de bois, et, une barre dorée à la verticale, galopent sagement par monts et par vaults.

 

 

Tarentella

Chorégraphie de Balanchine sur une musique de Louis Moreau Gottschalk

Pittoresque si l’on s’arrête aux costumes. Virtuose sans aucun doute. Feu d’artifice (et) d’artifices techniques. On ne compte plus les tours ni ne peut nommer les entrepas qui s’enfilent en un rien de temps – en moins de temps que cela encore- semblent devancer la musique. Megan Fairchild et Joaquin De Luz sont époustouflants et brillants. Pas un étalage technique comme raillent d’autres charmants voisins de derrière, mais une grande éclaboussure d’énergie riante.

 

Barber Violon Concerto

Chorégraphie de Peter Martins

Deux couples qui se répondent : un classique pur, pointes, chignon banane, brillant à l’oreille pour elle, chemise bouffante pour lui, grande classe ; un plus contemporain, robe toute simple et queue de cheval pour elle, collants pour lui. Le classique qui par d’amples mouvements, nous donne un beau pas de deux (image du couple de dos, croisés en grande fente) ; le contemporain plus ancré dans le sol. Puis classique et contemporain dans une drôle de juxtaposition où les couples dansent côte à côte sans se voir, se croisent en des trajectoires qui s’évitent… on voit où la chorégraphe veut en venir mais la mayonnaise met du temps à prendre (et ce n’est pourtant pas faute d’ingrédients alléchants). Enfin, les deux pas de deux de la dernière partie ou les couples se sont dissociés : tout d’abord celui passionné du contemporain (Albert Evans) et de la classique (Sara Means – cette fille est la classe incarnée) à qui l’on semble d’abord faire violence, dont la retenue résiste, et qui finit, les cheveux dénoués, par s’abandonner totalement à son nouvel amant. Quant au classique (Charles Askegard), que l’on pouvait penser être resté seul aux prises du désespoir d’avoir perdu son élégante moitié, il est surtout aux prises de la contemporaine (Ashley Bouder), véritable petit morpion qui a résolu de ne pas lui ficher la paix. Un drôle de combat s’engage alors, où tous les coups sont permis – et hop, que je te file entre les jambes- y compris les attaques par derrière – le petit morpion collé au dos de sa proie et la déséquilibrant, c’est un nouvel Janus que l’on voit traverser la scène. Inégal mais finalement réjouissant.

 

West Side Story

Chorégraphie de Jerome Robbins, musique de Bernstein

La comédie musicale condensée à ses passages dansés. Mention particulière à Gretchen Smith (si je ne me trompe pas) véritablement endiablée. Et dans les scènes de rue entre les deux gangs (les sauts, gosh !) c’est du pur délire… comme dans le public en fait.

No doubt, « I like to be in Amer-i-ca ! »

 

 

 

 

La Jeune Fille à la perle

        Celle de Vermeer, évidemment. Celle du film, comme une évidence. L’évidence du mystère. Le film nous présente en effet une genèse du tableau, mais une genèse imaginée à parti du tableau lui-même, si bien qu’il est moins une explicitation du tableau que la mise en scène de son mystère.
 

 

            Jamais l’histoire ne tombe dans la minutie fastidieuse d’une reconstitution historique, ni dans le cliché romanesque. Griet, entrée comme bonne au service de la famille Vermeer est bientôt remarquée par le peintre pour la sensibilité qui perce sous son effacement presque mutique. Il y a la vieille bonne qui la rabroue un peu mais discute avec elle et la met peu à peu au courant des affaires de la maison ; la maîtresse de maison un peu sèche et sa sale gosse, mais aussi le peintre qui la prend sous son grenier d’atelier sinon sous sa protection ; le mécène pervers qui souhaiterait être peint avec Griet pour lui en faire voir de toutes les couleurs, mais aussi Vermeer qui s’y oppose, sans pour autant que ce maître d’œuvre soit maître en toute choses. Il n’est pas vraiment libre de faire ce qu’il veut, ligoté qu’il est par les commandes que lui passe son mécène et qui doivent lui permettre de faire vivre sa famille.

            Dans cette palette en demi-teintes, une étrange relation se tisse entre Vermeer et Griet. Le premier devine par instinct l’intelligence et la sensibilité de a seconde qui, émerveillée, demeure en admiration devant les tableaux. Pourtant la confiance tacite qui s’instaure (Griet se place sous sa protection, Vermeer lui confie le soin de la préparation des couleurs, tout aussi précieuses que difficiles à obtenir) n’est pas entièrement dépourvue de défiance. Pas de méfiance que le qui-vive. Une défiance latente qui fait parfois sursauter Griet lorsque le sensible glisse vers le sensuel. Lorsque Vermeer applique ses mains sur les siennes afin de leur imprimer le mouvement juste pour broyer le pigment. Lorsque appliquées tous deux, côte à côte, à la préparation des couleurs, Vermeer suspend son mélange et le gros plan de la caméra sur sa main fait ressentir l’absence d’un mouvement qui aurait pu se produire – tressaillement désireux de couvrir la main figée de Griet.

Vermeer a bien des gestes tendres et sensuels pour celle qu’il choisit secrètement pour modèle, se met dans une rage folle (mais froide) lorsqu’elle est accusée à tort d’avoir dérobé un peigne en corne, et lui fait don à la fin des perles qu’elle a portées pour poser, mais jamais le désir n’est entièrement contenu dans le registre physique. Il y a pour cela les taquineries de la vieille bonne sur les rêveries de Griet qu’elle suppute orientées vers le jeune boucher, amoureux puis bientôt amant de la petite bonne. Il y a pour cela le mécène lubrique. Il y a pour cela les pleurs de sa femme jalouse qui ne peut pas comprendre et que Vermeer doit néanmoins accepter. Il y a pour cela d’ingénieux contrepoints. Le désir (longing)  qui baigne Griet et Vermeer est aussi dense et nuancé que la lumière de ses tableaux – aussi délicat et réel. Le désir de l’art, peut-être.

 

 Tout le film est là pour nous y rendre sensible. A travers sa propre mises en scène, ses éclairages étudiés, son cadrage, son montage. A travers également des indices égrainés comme les cailloux du petit poucet. On ne cherche pas en effet à entrer par effraction dans l’esprit du peintre (et tout juste l’ose-t-on dans son atelier) : celui-là est toujours en retrait, comme pour signaler que l’on a affaire au personnage social et que l’artiste doit être cherché autre part, dans ses tableaux. On nous fait bien plus entrer dans le monde de Vermeer, suivant le point de vue émerveillé de Griet. Le spectateur ré-apprend l’étonnement et la surprise devant des toiles qui ont finit par s’incruster aux décors publicitaires. Comme Griet, on découvre sans jamais apprendre la couleur des nuages (blanc ? du jaune, du bleu et du gris), l’élaboration d’un tableau (par aplats successifs de couleurs, comme des calques sous Photoshop), la matière des couleur (le préciosité du bleu en lapis-lazuli), la composition et l’importance que peut prendre une chaise ou le reflet essentiel qu’introduit une perle dans le coup d’un portrait.

           

        La perle : cet élément indispensable dans la composition du maître l’est tout autant dans celle de l’intrigue. Entre l’esthétique et le social, elle réunit dans sa boucle le portrait et le bijou (appartenant à la femme du peintre, qui ne doit rien savoir de cet emprunt) et murmure à l’oreille du spectateur des vagues inaudibles mais cependant assez nombreuses pour composer peu à peu l’arrière-plan de tout une époque. Et au-delà de leur dédoublement réel-représenté dans le moment de la peinture, ces perles sont également, lorsque, renvoyée, Griet les reçoit néanmoins en souvenir, le trait de (dés)union entre la simple bonne qu’elle demeure et l’univers bourgeois qu’elle a côtoyé, à qui semblait réservé le privilège de la peinture, lors même que d’autres auraient été plus à même de l’apprécier comme œuvre d’art.
            La perle, enfin, nous sort de cette merveilleuse fiction en redevenant une note distante mais aiguë dans le tableau de Vermeer que nous pouvons contempler aujourd’hui au Rijskmuseum (transcription phonétique des plus approximatives). Ouvert sur un titre de légende, le film se referme sur le tableau puisque, si stimulante soit-elle pour l’imagination, l’œuvre est indépassable. Laissant l’histoire derrière lui, prête à être oubliée, le spectateur peut alors entrer dans l’univers d’un artiste. 

 

Figuration narrative

               En cherchant des reproductions de tableaux pour dire quelques mots sur cette exposition, je suis tombée sur tout un tas d’articles qui rabâchent les mêmes étiquettes incertaines. Cousin européen du pop art, mais non pas tourné vers la glorification de la société de consommation, une volonté de raconter quelque chose en réaction à l’art si abstrait qu’il en est devenu conceptuel, un non-mouvement méconnu exposé à bouts de bras et dont on ne sait pas très bien quoi faire. Balancez, balancez, cela évite de regarder.

  La première salle m’a fait quelque frayeur, parce que quasiment aucun des tableaux ne me parlait (Jeanne d’Arc laisse le soin aux agrégatifs de philosophie de se demander si les images nous parlent).  A part un, dont je n’ai évidemment pas retenu le nom de l’artiste, et qui était une impression de corps à même la toile – une sorte de présence radiographiée.

             Mais l’intérêt est allé crescendo (soit que cela soit voulu par les commissaires d’exposition, soit que j’aie mis un peu de temps à prendre le rythme – ralentir après les derniers jours chaotiques). La scénographie était plutôt pas mal faite du tout, avec les petits pictogrammes autour du panneau principal à l’entrée de chaque salle. Le Grand Palais pour une fois nous a épargné les murs oranges assez peu flatteurs pour les tableaux (et pourtant, je n’ai pas l’habitude de mégoter sur cette couleur). Il ne leur reste plus qu’à comprendre que n’ayant pas organisé l’exposition nous-même, nous ne connaissons pas les textes par cœur, et qu’il serait par conséquent judicieux que la taille de la police dépasse le 18. Le zoom avant, zoom arrière, cela allait bien parce qu’il n’y avait quasiment personne. Séquence récrimination terminée. Suite de la visite.

            Les détournements de toiles célèbres m’ont beaucoup amusée. Je n’ai pu retrouver qu’une toile d’Arroyo, Le Premier Consul franchissant les Alpes au col du Grand-Saint-Bernard, où Napoléon a (in)visiblement perdu la tête, noyé dans l’apparat de sa cape rouge et où l’espèce d’hippogriffe mi-saint-bernard mi-cheval a fait perdre quelque peu de panache à ce dernier.

 

Arroyo

 

Dénonciation du franquisme, s’empresse-t-on d’ajouter. Plus explicite, il y a cette toile-ci,

amusant inventaire d’une assez horrible réalité. Superbe illustration de nos polys d’histoire regorgeant d’ « homme à la moustache ».

    Toujours dans la série des détournements, il y avait la métamorphose d’une laitue dans lequel apparaissait progressivement un visage, un couteau en guise de pinceau en bas de la toile. Voyons, Arcimboldo, ne nous racontez pas de salade !

 

            La dernière salle du rez-de-chaussée est occupée par tout une série qui met en scène le meurtre de Duchamp et marque la réinstallation de son urinoir en bonne et due place (4). Certains ne se sentent plus (pisser), c’est la mort de l’art conceptuel blabla. Je suis peut-être un peu simplette, mais j’aime bien juste regarder, me faire avoir par l’irréalité (2) qui se dégage de cette représentation si « réelle », un peu effrayante (et l’ombre sur le mur glaçant – 7). 

 

            Mais, témoin d’un meurtre, on cherche à vous supprimer. Une roue gigantesque, suspendue à l’entresol, s’apprête à dévaler les escaliers pour vous écrabouiller comme un toon débutant. Je pensais que c’était fait exprès. Je suis naïve, vous disais-je. Que nenni. Tant pis, on se raconte les films qu’on veut – c’est le droit le plus strict du spectateur et sa roue de secours. En haut de l’escalier, nous revoilà sur les rails, ou plutôt sur la route. Je mets un peu de temps à distinguer ce qui est projeté sur le mur. La ligne continue déroule pendant un quart d’heure les lignes de « marquages au sol » (une pensée émue pour tous les amoureux du code) filmées à vive allure. Ligne blanche qui avance franchement, carrefours complexes qui dérivent à l’écran, ligne blanche un peu fantomatique qui ralentit en pointillés (restez à votre place, spectateurs, ne doublez pas, un peu de patience), ligne jaune, blanche, ligne jaune encore qui glisse sur le côté pour laisser apparaître le sillon noir qui sépare les voies – on croirait voir un vieux disque noir faire tourner ses sillons. La bande-son est particulièrement adaptée, les percussions scandent le défilement du macadam, ma-ca-dam, ma-ca-dam-ma-ca-dam-ma… Idée bizarre ainsi décrite, mais au final, une belle hypnose graphique.
 

            Après avoir fait route, on arrive dans le « politisé » et, tout de suite, on sent la critique plus à son aise. Mai 68, c’est son rayon – particulièrement dévalisé en cette année de consommation commémoration. Rouge sang, rouge communiste, voire les deux à la fois. C’est une belle couverture le rouge. Celle qui borde Marx, Freud et Mao est plutôt amusante : tous dans le même lit, tous dans la même galère. Sur des ruines Tétris (si, si regardez à droite, c’est typiquement une forme de Tétris).

Marx, Freud, Mao

    Je préfère les rouges de Fromanger. Toute une série de tableaux a priori monochromes sur lesquels les gens sont réduits à des formes rouges. J’en ai retrouvé deux dont Tout doit disparaître et sa velleité de table rase soldée. Pouvoir de la masse mais aussi dissolution de l’individu dans la masse, comme l’indique le commenataire miniature – sans être pour autant une idée capillotractée. On peut voir que le policier se fond dans le décor ; le rouge est contre lui.

Tout doit disparaitre

           

    Tant de rouge… J’allais oublier Monory, dont les toiles bleues sont parfaitement glaçantes. Couvertes de glace aussi, comme dans deux tableaux de meurtre où le miroir est criblé de traces de balles qui vous passent au travers du corps (je suis évidemment la seule idiote à m’amuser à trouver une position cambrée pour éviter les balles)– de toute façon, avec les miroirs coupés, vous finissez décapité voire tronçonné au niveau du bassin. C’est chouette ce macabre sans sang.

Velvet Jungle n13

   

   
    Monochrome bleu également pour la Velvet Jungle. Les fines lignes qui cataloguent les différents protagonistes les font apparaître comme des cibles – un doigt qui se promène sur la droite n’a plus qu’à appuyer sur un bouton pour éliminer les différents numéros. Pas que du bleu – aussi une toile où le bleu se noie dans un coucher de soleil, un paysage allongé que viennent barrer en diagonale des lampadaires tous retournés. Un sujet retourné par la photo souvenir d’un visage, sur la droite ? Si quelqu’un réussit à mettre la main dessus… je n’arrive pas à retrouver ne serait-ce que le titre de ce tableau.  

            J’ai passé sur plein de choses (en même temps, je n’ai pas vocation à remplacer un catalogue d’exposition). Juste pour garder une petite trace. Ca m’a fait du bien cette expo, ça faisait longtemps. Réapprendre à regarder sans chercher à retenir ou décortiquer (une praxis ? oui, oui, Aristote, si ça peut te faire plaisir), un rythme de contemplation, c’est reposant sauf pour le dos.