Cinés de novembre

Papicha, de Mounia Meddour

C’est ce qu’on a pris l’habitude d’identifier comme un autre monde qui surgit au milieu du presque nôtre, l’intégrisme religieux dans l’Algérie des années 1990, où notre héroïne porte des jeans taille haute et un sweat fuschia lorsqu’elle n’est pas en train de faire essayer les robes qu’elle a dessinées dans les toilettes des boîtes de nuit d’Alger – le tout dans un mélange constant (un peu déroutant) d’arabe et de français. Il y a l’incompréhension, la dérision (des paires de seins dessinées sur les affiches prônant le voile intégrale), puis la peur tenue à distance par le déni, l’inconscience qui se confond avec le courage, avec l’envie de vivre sa vie, dans son pays, sans rien fuir sans rien abandonner, ni ses rêves ni ses amies. Force de vie et effronterie, Lyna Khoudri nous en met plein la vue ; on ne veut plus la quitter des yeux.

Mit Palpatine

J’ai perdu mon corps, de Jérémy Clapin

D’un côté, il y a une main, seule, coupée de tout corps, mais vivante, qui s’évade d’on ne sait trop où pour se lancer à la recherche de son corps ; de l’autre, il y a son propriétaire, pourtant pourvu des deux siennes qui, aussi gauches soient-elles, se mettent à la menuiserie pour avoir une chance de croiser la voix avec qui il a passé une soirée solitaire, pendu à l’interphone de la jeune fille à laquelle il devait livrer une pizza (scène aussi improbable que poétique, il faut le voir puis y entendre quelque chose). Entre ces deux fils narratifs, le film d’action fantastique et la romance adolescente, se glissent des souvenirs en noir et blanc de l’enfance du jeune homme et du trauma qui y a mis fin – le tout à hauteur non d’enfant mais de main, donnant une perspective nouvelle sur ce qui est (com)préhensible ou hors de portée.

Forcément, on attend la rencontre de cette main-chose Adams et du jeune homme ; on redoute la catastrophe qui d’abord devra lui faire perdre la sienne ; on se demande comment cette main peut être et n’être pas la sienne, absente et déjà là. Ce qu’elle risque, aussi : est-ce qu’une main peut mourir d’une chute de dix étages ? d’être attaquée par les rats ?

Sur le moment, la fin frustre, laisse un goût d’inachevé qui cependant n’efface pas la force poétique de ce qui précède. A distance de la séance, je devine maintenant que cette absence de clôture est précisément ce qui préserve et donne sa force à cette fable poétique : ce qui est perdu est perdu, en noir et blanc comme dans la neige où demeure la main esseulée, cependant que son propriétaire a sauté dans le vide (ou par-dessus) pour prendre sa vie en main – il n’y a pas d’autre expression, je crois.

Downton Abbey, de Michael Engler

Downton Abbey, le film, laissera sur sa faim qui n’a pas avalé le service en six plats et autant de saisons de le série. Pour les autres, c’est une friandise de Noël. À entendre le bruit de papillote que fait le générique, je frétille déjà de gourmandise ; ces quelques mesures ont sur moi un effet pavlovien. Je me régale ensuite de retrouver toute la galerie de personnage : Mr Carson, que l’on découvre à le retraite en train de jardiner (truly a shock), est promptement réintégré et toute la maison est au complet. Lady Mary a une coupe de cheveux affreuse ; Tom est plus prévisible que jamais dans ses crushs amoureux ; et last but not least, Isobel Crawley a aiguisé sa répartie pour forcer Lady Violet à se surpasser de mauvaise foi et de bons mots. Une friandise de Noël, vous dis-je.

(Dans la doublure de la papillote, une plaisanterie imprimée en filigrane : un cross-over Harry Potter avec le Hoghwarts Express en ouverture et Dolores Umbridge en confidente de la reine.)

(Sinon, mieux vaut tard que jamais, je viens de me rendre compte que c’est Downton Abbey, pas Downtown… Retrouvez-moi rouge de honte à Uptown Abbey pour de nouvelles confessions-révélations fracassantes.)

Les Éblouis, de Sarah Suco

La présence de Camille Cottin (aussi douée dans le drame que la comédie) m’a donné envie d’aller voir ce film, mais c’est par celle de Céleste Brunnquell que j’ai été happée : la jeune actrice porte et emporte le film. Les éblouis, c’est un pas de côté par rapport aux illuminés, un pas de côté discret mais suffisant, nécessaire pour comprendre la disparition d’une famille dans une secte qui ne se dit pas telle, simple communauté religieuse a priori. Disparition d’une famille : coupure implicite avec le reste de la famille ; repli de l’espace public à l’espace communautaire, délimité par des grilles ; mais aussi délitement de la structure familiale, diluée dans un collectif plus large, où le choix du « berger » prime sur celui du parents, qui bientôt abdiquent leurs responsabilités et ne voient plus le problème de laisser l’aînée, encore bien jeune, gérer ses petits frères et sœurs.

La religion est signifiée partout, dans les habits, les coiffes, les croix omniprésentes, mais ce n’est jamais d’elle dont il est question ; ce ne sont jamais les points d’achoppement qu’on attendrait (Darwin, la science, le sexe…). Par exemple, c’est la pratique du cirque de la jeune Camille qui pose problème à la communauté, pas son rapprochement avec un jeune homme plus âgé qu’elle, qu’on accepte sans problème pourvu qu’il passe un pull par-dessus son T-shirt « couleur du diable ». Tout élément extérieur doit être soluble dans la communauté ; l’essentiel est qu’il ne se constitue pas durablement comme altérité. La communauté doit rester le tout de leur vie et pour ce faire préfère phagocyter que rejeter – d’où d’abord, cette impression d’accueil et de bienveillance (le jeune homme est étonné par ce mode de vie qui n’est pas le sien, mais remarque que son père à lui, fascho, n’aurait pas été aussi accueillant envers Camille). Ce n’est que dans un second temps, un temps bien trop long, que le « pas normal » devient sujet d’inquiétude.

Par les dérives qui ne manquent pas d’arriver, on prend conscience de l’emprise de la communauté sur ses membres ; on comprend que la communauté mérite le nom de secte, mais aussi que Camille rejette le mot, incrédule : tout autant qu’elle encaisse puis dénonce la violence qui s’exerce sur eux, les enfants, elle sent le désarroi et le soutien qu’ont trouvé dans la communauté ses parents et notamment sa mère, soulagée d’abdiquer et sa volonté et ses traumas. Ambivalence de l’aide : il faut voir qu’aider autrui, ce n’est jamais faire à sa place, mais lui donner les moyens de s’en sortir – ce qu’aurait fait un professionnel de santé ; la communauté, elle, s’est rendue indispensable, et le soutien, d’étai s’est transformé en étau. Le psy qu’il aurait fallu pour la mère n’est plus à l’autre du jour ; ne reste plus que la brigade de protection des mineurs pour sauver ceux qui peuvent encore l’être.

Isadora

Elisabeth Schwartz, photographiée par Camille Blake

J’ai vu peu de spectacles en ce trimestre de rentrée, et j’ai ai encore moins chroniqué. Le spectacle de Jérôme Bel consacré à Isadora Duncan a pourtant été du genre à me faire pédaler sur un petit nuage au retour. Plus que de spectacle, il faudrait parler de conférence – avec démonstration. Et quelles démonstrations. Ce sont elles qui à leur tour transforment la conférence, avec introduction et entrefilets biographiques, en spectacle.

Le même procédé est répété tout au long de soirée : Elisabeth Schwartz danse un extrait ; la partition chorégraphique est ensuite reprise sans musique, Jérôme Bel énumérant au fil des pas les indications transmises par la chorégraphe à ses interprètes (vague, vague, tenir, embrasser, contenir…) ; l’extrait est à nouveau dansé en musique. C’est simple mais rudement efficace : loin de figer la danse en une sorte de pantomime qui nous aurait été déchiffrée*, les indications nous font tout à coup voir la danse, la voir plus précisément, avec ses phrases musicales, ses intentions, ses reprises. Plus la structure apparaît lisiblement, plus les images poétiques ont la place (sur scène), le temps (dans nos esprits) de s’épanouir. Un mouvement d’une simplicité extrême devient un geste qui contient un monde – d’intentions, d’interprétations, de sentiments. Une personne. Une vie.

L’interprète y est pour beaucoup** ; son âge aussi, un peu – un âge pas du tout canonique, mais ayant dépassé les canons jeunistes du monde de la danse : j’ai un choc en réalisant qu’elle est légèrement plus proche de ma mère que de ma grand-mère. Je crois que c’est la première fois que je vois si bien un corps de cet âge danser : la peau plissée qui s’étire et s’oublie dans le mouvement ; la bouche maquillée comme celle de ma grand-mère qui sourit sous une mèche de cheveux au carré ; la maladresse discrète de l’âge qui se mêle avec celle de l’enfance de l’art, le corps travaillé de manière à ne pas en émousser la rudesse. Il y a là quelque chose d’infiniment touchant, de bien plus vivant que bien des mouvements survoltés exécutés par des danseurs dans la force de l’âge. Il doit falloir une vie, une carrière entière, pour ôter au mouvement son apprêt, se refuser à le vernir et néanmoins le raffiner – faire de la maladresse une élégance folle.

J’ai un avant-goût de cette difficulté lorsque Jérôme Bel propose au public de venir sur scène, pour apprendre un extrait ; je m’avance avec une petite dizaine de filles – qui pour beaucoup font déjà de la danse, à la déception manifeste du chorégraphe. Rien de très compliqué sur le papier, des pas marchés, une suspension, quelques ports de bras, et pourtant, on se trouve toujours précipité par la musique, à courir après l’intention-intensité qu’on voudrait mettre dans chaque pas, et qui nous ouvrent un monde de nuances, de gestes possibles au sein du même geste. La simplicité, c’est compliqué. Grisant, en même temps. De quoi vous fasciner tout une vie. Cela faisait des années, aussi, que je n’avais pas senti les lumières se rabattre autour de moi et me plonger dans l’obscurité de la scène, cet incroyable espace de liberté et d’intensité. C’est addictif. On s’y sent tellement vivant, sur la scène et dans la danse ; l’une décuple l’autre. Et Elisabeth Schwartz est si belle à regarder, de retour dans nos fauteuils.

Euphorisée par la découverte de ce que la danse d’Isadora Duncan ne se résume pas à des sautillements gentillets d’enfant-cabri-femme-fleur (les archives vidéos saccadées favorisent ce raccourci), euphorisée par la scène, par la danse simple-douce-âpre-juste, je suis sortie galvanisée. Pour poursuivre sur le même sentiment, j’ai cherché sur les quais un Vélib qui fonctionnait et je suis rentrée en pédalant, dans le froid, la sueur et l’exaltation, me jetant sous une douche chaude en arrivant.

Jérôme Bel, dans tout ça ? C’est la critique à même le spectacle, telle que je voudrais réussir à la pratiquer après : par des mots, réussir à faire voir plus précisément ce que la danse a à nous faire ressentir.

* Le seul moment où cela fonctionne moins bien, c’est lors d’une danse reprenant la gestuelle communiste : le poing levé fige l’interprétation dans une symbolique unique, a contrario des gestes qui précèdent et qui suivent.
** J’ai regardé quelques vidéos en ligne dans la jours qui ont suivis : d’un interprète à l’autre, le geste peut se rabougrir en mouvement, et la chorégraphie n’être plus qu’une mue désincarnée de la danse qui l’a habitée…

Carnet pour le temps présent

Il faudrait que je pense à vérifier la durée des œuvres que je vais voir, et le programme exact : malgré toute l’encre qu’elle a fait couler, la Messe pour le temps présent de Béjart ne dure qu’une dizaine de minutes. En compulsant le programme, je m’aperçois en outre qu’elle n’est pas interprétée par le Béjart Ballet Lausanne ou par les élèves de Rudra Béjart, mais par les étudiants du CNDC d’Angers. Que me suis-je donc précipitée d’aller voir ?

Lorsque les bruitages du Carnet de Venise de Pierre Henry sont lancés aux platines et que je me retrouve coincée à ma place pour une heure sans personne sur scène, les musiciens remplacés par d’innombrables caisses de sono, mon réflexe premier est de me maudire. Me voilà prise au piège, punie de m’être laissée attrapée au seul nom de Béjart. J’enrage. Brièvement : je ne sais si c’est le manque d’énergie, pompée par le second rhume de la saison (bonjour la respiration sous scaphandrier), ou un brusque accès de sagesse, mais je ne vais pas me gâcher la soirée davantage qu’elle ne l’est déjà ; je me résigne et, contrainte de l’entendre, me mets à écouter ce que je ne serais jamais venue écouter de mon propre chef. Il faut bien écouter, il n’y a personne à regarder, à part un ingénieur aux platines qui règle les variations de lumières aquatiques pour escamoter et faire surgir les caisses de sono, et qui a l’air à peu près aussi inspiré que moi quand je dois mettre à jour des fichiers Excel. Je quitte le bonhomme des yeux, et me renfonce, résignée, dans mon siège. Je peste encore intérieurement de temps à autres, mais les sursauts d’exaspération s’espacent et me laissent libre d’errer mentalement au milieu des lumières aquatiques, des caisses de sono, des têtes devant moi et des sons étranges qui oscillent entre la musique et le bruit.

C’est donc cela, la musique concrète ? Des grincements de poutres, de fondations, des sonars, des bruits de pas, de cloches, de vagues, de voix qui rebondissent comme des billes, s’estompent en rumeur, des envolées de pigeons sur la place Saint-Marc, des gondoles glougloutantes, des explorations des profondeurs : c’est officiel, Venise a été engloutie par les eaux, et c’est depuis les profondeurs que nous l’explorons, que nous la redécouvrons par l’imagination, une ville à mi-chemin entre l’Atlantide et le Titanic, un miracle-naufrage dont on s’approche dans un mélange de sonars technologiques et de souvenirs enchantés par la rouille, bribes monterverdiennes d’un glorieux passé qui surgit par instants au présent devant nous, derrière nous, dans nos oreilles.

Même si je suis déroutée par cette bande-son en mal d’images, cinématographiques ou chorégraphiques, même si je pense que c’est un peu l’arnaque et que ce serait infiniment mieux chorégraphié par Béatrice Massin (ce mélange de baroque et de contemporain, c’est tout elle ; c’est la musique de sa prochaine ou précédente épopée dansée de migration par-delà les mers, l’évidence même), les interprétations délirantes et poétiques qui clapotent dans mon cerveau m’empêchent de nier qu’il y a quelque chose, qu’une chimère émerge de ces collages sonores, moins collés que fondus, enchaînés, estompés. J’en conviens peut-être au moment où je me dis que je préférerais écouter Monteverdi seul, sans les bruits parasites qui le noient et l’obscurcissent en le citant, et que je me rends compte au même moment que ce n’est pas vrai, c’est exactement ce que raconte Michel Schneider dans son essai-roman sur Glenn Gloud, cette étrangeté selon laquelle le pianiste aimait s’écouter jouer quand on passait l’aspirateur autour de lui, quand il y avait assez de bruit pour qu’on ne puisse plus entendre la musique, seulement l’écouter – la deviner, l’inventer comme on reconstitue une discussion à partir de son contexte dans un milieu bruyant : c’est précisément parce que les extraits de Monteverdi sont les seules bribes de musique, harmoniques, identifiables de cet objet sonore, que je tends vers elle, que j’y tends l’oreille, l’attention, quand livrée de but en blanc, nue, exposée, elle serait peut-être moins désirable. Il faudrait non plus lutter contre ce voile sonore parfaitement ajusté pour la dissimuler-dévoiler, mais contre les distractions qui en détournent, le ventre qui gargouille, le voisin qui siffle du nez, la to-do list de la semaine. Que la musique de Monterverdi se devine avec le charme des ruines, c’est dire que Pierre Henri orchestre l’épaisseur du temps, sa destruction, et que ce Carnet de Venise n’est peut-être pas que le carnet de voyage d’un musicien et de son micro, mais aussi, peut-être, le souvenir-désir d’un voyage dans le temps. Quand j’ai regardé ma montre un quart d’heure avant la fin, j’ai été surprise : je ne m’étais pas ennuyée jusque là.

Quand mon imagination voit pieuvres, parasols, insectes et tchador dans les rayons lumineux projetés sur scène...
Concrètement, mon esprit a quand même divagué, en témoignent ces images inventées au milieu des lumières aquatiques doucement mouvantes…

Je n’ai néanmoins pas réussi à me retenir de bitcher à l’entracte : tout ceci avait été plus intéressant qu’agréable. La suite de la soirée a renversé les deux termes, peut-être pas dans une exacte mesure, vu qu’il était intéressant de découvrir à quoi ressemblait cette Messe pour le temps présent de Béjart, et de constater le temps parcouru depuis l’époque où il était considéré comme osé de danser en jeans-baskets des mouvements à référence sexuelle explicite – mais l’agrément dépassait de loin l’intérêt : j’ai été très occupée à kiffer.

Oh, surprise, je connais la musique ! Tout le monde, répliquera Palpatine à la sortie, toujours prompt à rembarrer l’enthousiasme et la fierté individuelle par la statistique collective. Mais si tout le monde l’a probablemenent entendue dans une pub, tout le monde ne l’associe pas à la présentation de fin d’année de la classe supérieure au conservatoire – quand les grandes déboulaient des coulisses en justaucorps de velours moirés turquoises et collants noirs (souvenirs, souvenirs, tout une époque).

Les étudiants du CNDC d’Angers en sont à des degrés divers de développement de leur personnalité artistique, certains (certaines surtout) déjà affirmés, d’autres encore un peu verts, un peu gringalets dépassés par le mouvement ; mais tous se donnent à fond, et leur énergie est communicative (comprendre : j’ai dansé sur mon siège). Mains explosives, culs en arrière, gestes outrés, on retrouve là Béjart, et les jeunes danseurs s’en amusent visiblement ; c’est un peu pas eux, pas leur époque, ça ne leur va pas vraiment, mais c’est comme de se déguiser, ça leur va parfaitement : les regards qui se croisent tête en bas déclenchent des sourires entre eux.

Douze minutes de joie et de bonheur, ce serait un peu trop court, alors on profite de ce que Pierre Henry a fait un grand remix de sa musique et de ce que Hervé Robbe, danseur béjartien, ait chorégraphiée une suite pour continuer de kiffer. La tenue jeans-baskets a été complétée par un sweat à capuche ; la manif soixante-huitarde s’est muée en rave party. C’est moins la joie à l’état pur, mais ça la prolonge bien – il faut les paradis artificiels qu’il faut. Les danseurs ne se sourient plus ; c’est la transe et l’effort, bouche ouverte et non plus étirée pour avaler assez d’air et tenir le rythme soutenu, stroboscopique, les rafales de danseurs qui défilent face à nous, en lignes invisibles qui s’escamotent à mesure qu’elles avancent et n’en finissent pas de déferler, défiler. J’adore l’air de provocation arboré par les filles, dont se dégage cette sensualité très particulière de qui n’y recourt pas – pas besoin, assez forte comme ça. Une des danseuses en particulier (pas réussi à l’identifier malgré les nom égrenés dans le programme) agrippe mon regard ; c’est à elle que je me raccroche quand les scènes d’ensemble me dépassent et que j’ai besoin de refaire la mise au point sur le mouvement individuel. En plus de sa beauté, elle a ce truc des meilleurs danseurs pro : une résistance innée dans le mouvement, qui crée une épaisseur, sculpte l’espace autour d’elle, tandis qu’elle semble en faire moins que ses camarades – pas besoin de s’agiter quand le mouvement s’offre d’emblée comme geste.

J’ai kiffé (et même pas twerké dans le métro, c’est dire si je sais me tenir).

Ciné d’octobre, 2019

Alice et le maire, de Nicolas Pariser

Ce film résume assez bien ma perplexité face au champ politique, perdu entre le politique (le domaine du vivre-ensemble) et la politique (l’ensemble des actions visant à acquérir et conserver le pouvoir, pour pouvoir mettre en œuvre votre vision du vivre-ensemble… au risque que les moyens deviennent une fin, et le but, un prétexte). C’est justement parce que ça patine dans la semoule que le film est réussi, divertissant sur le moment et déprimant a posteriori par l’impuissance à laquelle il renvoie – les bonnes âmes théoriciennes comme les hommes d’action de bonne volonté.

Le duo formé par Fabrice Luchini et Anaïs Demoustier est d’autant plus efficace qu’il est improbable. J’ai d’abord regretté que l’actrice soit une fois de plus employée dans le rôle de la perpétuelle étonnée qui débarque – avant de me rendre compte que c’est précisément cette fausse ingénuité qui lui permettait de s’affirmer aux côté de Luchini :

« Fabrice est évidemment un monstre sacré du verbe, il ne jure que par le texte. Alors que moi, pas du tout… C’était le choc des cultures. Il a été déstabilisé au début par ma manière de faire, et puis les choses se sont très bien passées. On m’avait dit : « Attention, il pulvérise ses partenaires », mais en réalité, il est gouverné par l’enthousiasme : si tu partages son envie de jouer, tout se passe dans la confiance et e respect. J’ai pris le parti d’assumer ma manière de faire, parce que j’avais déjà commis l’erreur de m’adapter à la méthode d’acteurs plus chevronnés. En fait, on finir par devenir leur élève… »

(Entretien avec Aaïs Demoustier paru dans l’Illimité d’octobre 2019)

Chambre 212, de Christophe Honoré

Christophe Honoré retrouve dans Chambre 212 le ton des Chansons d’amour, légèreté et gravité mêlées de manière impromptue, imprévisible – et si juste. Le décalage poétique n’est plus favorisé par l’irruption de chansons, mais par celle de personnages venus du passé, qu’ils soient morts, vivants dans l’immeuble d’en face ou oubliés. Extériorisant un théâtre intérieur, ils permettent aux absents d’avoir voix au chapitre, et aux amants au bord de la rupture d’exprimer leurs fatigues sans que cela vire au règlement de compte : quand Maria s’adresse à la version jeune de son mari, c’est lui et ce n’est pas lui ; elle peut déplorer ce qu’il est devenu sans lui reprocher quoi que ce soit, et encaisser le mal qu’elle lui a infligé sans qu’il lui soit retourné en détestation de soi. Lui, de son côté, peut tester une vie parallèle qu’il n’a jamais empruntée, et vérifier si son amour de jeunesse, revenant à l’âge de sa jeunesse, constitue un regret ou n’est qu’un regret de regret commode pour s’évader de la situation présente, de ce que son choix passé est devenu. C’est du boulevard de science-fiction, un mélodrame (dé)joué par la comédie, qui vient secouer le petit monde d’un couple comme une boule à neige pour retarder le moment où la tristesse se déposera à leurs pieds en les enveloppant de partout sans qu’ils puissent se secouer pour s’en défaire.

« Dans le cinéma de Christophe, il y a une petite musique de joie mais le fond est remuant, le sous-texte est noir. »

« Mais j’ai adoré cette légèreté de surface. Sur le plateau, avec Vincent lacoste, on avait deux ans d’âge mental. » – Chiara Mastroianni , interviewée dans l’Illimité d’octobre 2019.

L’interview entière serait à citer ; quelques autres extraits pour le plaisir : « Christophe voulait une femme qui se comporte comme le pire d’un certain archétype masculin, avec tout ce qu’on attribue comme cliché à ce type d’hommes. Maria est multi-conquêtes, consommatrice de partenaires plus jeunes et d’une mauvaise foi telle qu’elle raconte à son mari que son attitude n’a pas d’effet sur leur vie de couple. Jubilatoire à jouer ! L’énergie est différente de quand j’arrive pour jouer une fille qui se suicide ou qui pleure parce que son mec l’a larguée. »

Une pique pour la fin, au sujet de son ancien époux, avec qui elle joue : « On a gardé un lien très fort. On se voit beaucoup, c’est presque fraternel. Je vais vous décevoir mais l’histoire de Maria et Richard est tellement différente de ce qu’on a vécu que c’est presque de la science-fiction ce film. Surtout quand je vois Benjamin vider un lave-linge et étendre une lessive (rires) ! »

Chiara Mastroianni, Vincent Lacoste, Camille Cottin et Benjamin Biolay sont parfaits ; ils m’ont émue, m’ont doucement renversée – elle surtout avec son visage drap-pâte-à-modeler de femme-infidèle-enfant. J’ai vu le film seule, puis j’y suis retournée* (chose que je ne vais presque jamais) avec Palpatine, parce qu’il y a des choses que je ne sais pas dire, et que le film dit si bien, l’amour tout autant construction du passé que du présent, la perspective de la rupture qui n’est pas un procès mais un déchirement, et cette question finale, si parfaite : ça fait combien de temps que tu vis sur la pointe des pieds avec moi ? Parce que la question n’est pas, n’a jamais été : est-ce que tu m’aimes encore ? Elle est de savoir si et si oui comment vivre à nouveau de plain-pied ensemble. J’ai ainsi pu répondre à la question que Palpatine ne me poserait pas : même si l’infidélité n’est pas mon moyen de défoulement, cela fait plusieurs années, deux ou trois, que je vis sur la pointe des pieds avec toi ; pour ça c’est fini, je mets les pieds dans le plat.

*(C’est curieux comme, en revoyant le film, le comportement et les répliques insupportables de Maria m’ont parues moins violentes, presque acceptables au regard d’une tristesse qu’elle ne s’avoue pas ; et son mari, moins pitoyablement usé, lorsque son reflet surgit la première fois dans la glace de la salle de bain. Ayant déjà vécu avec eux la totalité de leur histoire, j’étais pour la seconde fois moins dans le jugement.)

Maleficient: Mistress of Evil, de Joachim Rønning

Maleficent I : est méchant celui ou celle qui a souffert et s’est laissé dépasser par sa colère.

Maleficent II : est méchant celui ou celle sur la souffrance duquel on ne se penche pas.

Peu importe que la reine (Michelle Pfeiffer) ait dans son enfance souffert des privations endurées par son peuple, sans que le royaume voisin ait eu la générosité de son abondance : sous ses airs avenants, elle est froide, calculatrice ; on ne peut plus rien pour elle. C’est la méchante de l’histoire, qui voudrait faire porter le chapeau à Maléfique (Angelina Jolie), méchante toute trouvée avec sa panoplie dark et ses pouvoirs potentiellement dévastateurs – une méchante pas si méchante, s’était pourtant intelligemment appliqué à montrer le premier opus, en revenant à la souffrance et la colère originelles. La souffrance retournée en méchanceté est manifestement moins excusable si elle prend les atours de la rationalité que de l’émotion (signe qu’on en est encore capable, peut-être, la haine étant plus facilement réversible en amour que l’indifférence et sa dureté ?). Ou alors, ce n’est ni le lieu ni le moment : le film dédié à Maléfique ne saurait se pencher sur l’histoire de la nouvelle belle-mère d’Aurore (Elle Fanning) – tiens, tiens, encore une belle-mère…

Dommage en tous cas que Disney renoue avec le manichéisme dont il s’était écarté, sans en assumer la violence : les êtres féériques de la forêt se mettent à fleurir quand ils sont touchés à mort ; ceux des airs manifestent leur pacifisme par une réelle inaptitude à toute stratégie militaire (non mais, éparpillez-vous les gars, là suffit de tirer dans le tas) et tout le monde arrête sur le champ de se trucider dès qu’il s’avère qu’on ne se tape pas dessus pour les raisons qu’on croyait, sans délai ni rancune. Oublié, l’Oradour-sur-Glane écologique (perpétré par une factotum *rousse*, kill me now sur le cliché) : la princesse ne pleure pas ses amis de la forêt ; l’église est végétalisée, voilà tout, et le mariage prêt à être célébré. Mouais. Pas certaine qu’il fallait tourner un second volet, même si c’est un plaisir d’y retrouver Angelina Jolie, hyper stylée avec ses pommettes rehaussées. Bref : un film pop-corn, parfait pour bitcher sur les robes de mariée qui vont de mal en pis. Et si vous voulez encore plus vous marrer, regardez le tutotal d’Arte.

Sorry we missed you, de Ken Loach

Ne vous laissez pas avoir par les auréoles rousses et le soleil d’automne de l’affiche : la scène dont elle est tirée est à peu près la seule respiration du film, très beau mais très dur. Ken Loach filme une famille qui a du mal à joindre les deux bouts et, de décisions peu judicieuses en coups du sort, voit sa vie se transformer en survie. Les dettes, les cernes et les liens se creusent, et on ne sait plus ce qui est le plus violent, de l’exploitation déguisée en auto-entreprenariat ou de sa dénonciation. La fin m’a complètement sonnée : le réalisateur ne tend vers aucune résolution, aucun espoir, pas plus qu’il ne coupe à l’arrivée du pire. L’écran noir arrive in media res : prends-toi ça dans la gueule, on ne s’en sort pas.

Hors normes, d’Eric Toledano et Olivier Nakache

Duo de réalisateurs au top ; duo d’acteurs aussi : Reda Kateb avec sa gueule d’ange froissée et Vincent Cassel, parfait à contre-emploi, la nervosité de l’abonné-aux-rôles-de-méchant évidant le bon sentiment – un saint homme, mais un homme, qui comme son collègue éducateur se démène pour venir en aide aux enfants autistes et à leurs familles lorsque les institutions traditionnelles ont jeté l’éponge. Hors normes, c’est à la fois l’a-normalité de la maladie et l’absence de cadre juridique dans lequel œuvre l’association, à laquelle on vient chercher des noises – pour (heureusement) conclure à l’évidence : il font un boulot de dingue que personne ne veut assumer ; la moindre des choses serait de ne pas les emmerder. Le truc le plus incroyable, là-dedans, c’est qu’on ne cesse jamais de rire sans jamais se moquer – un rire d’humanité, à dézinguer le découragement.

Ciné de septembre, 2019

Les Hirondelles de Kaboul, de Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec

Les aquarelles étaient trop belles pour que je n’aille pas voir ce film d’animation. Dommage que le scénario soit téléphoné bien avant la fin, et que les visages ne soient pas assez mobiles, pas assez expressifs, pour troquer le suspens évidé contre la catharsis. Cela reste beau, néanmoins.

Deux moi, de Cédric Klapisch

Le signe que j’ai aimé cette comédie ? J’ai spontanément moins envie d’en dépiauter les ressorts que d’enfiler pour m’en souvenir les perles qui m’ont pliée en deux sur mon siège.

Mais si, c’est dans la rue, là, après le massage thaïlandais tenu par des Chinois, à côté du magasin des téléphones cassés et les Antillais du Mali…

L’histoire d’amour reste un horizon de réussite et les acteurs sont tout beaux tout blancs tout lisses (Ana Girardot & François Civil en digne successeur éberlué en Romain Duris), mais il y a une foule de seconds rôles hauts en couleur (Simon Abkarian en gérant d’épicerie, Eye Haïdara impayable avec sa théorie des hommes-burgers, Camille Cottin en psy-Pythie) et le parallélisme résiste jusqu’à la fin, si bien que la comédie tient en joue son épithète homérique – non, ce n’est pas une comédie romantique. Mais drôle, ça oui, et fin : en même temps qu’elle sert de ressort comique diablement efficace, la stricte juxtaposition des deux protagonistes réaffirme mine de rien que, même si elle prend sens au contact des autres, chaque existence vaut d’abord pour elle-même. Deux moi avant de penser au nous.

Maintenant j’attends le DVD et la scène bonus où les deux tourtereaux débarqueront chez la demoiselle pour la bagatelle, l’atmosphère sensuelle déballonnée par un cri de surprise : « nugget ! »

Ad Astra, de James Gray

Je n’y avais pas pensé avant de lire l’article de Trois couleurs à ce sujet, mais il est vrai que les fils sont assez vampirisés par l’image de leur père dans les deux derniers James Gray. Cette fois-ci, le tréfonds de la jungle est remplacé par les confins de l’univers – autant dire l’origine de toute chose. Plus notre héros avance aux limites de l’espace connu (pour neutraliser un vaisseau explorateur dirigé par son père, disparu depuis des lustres, qui s’est soudain mis à émettre des rayonnements dangereux pour le reste de l’humanité), plus il s’enfonce en lui-même et remonte à la source de sa carrière, son héritage, son existence même. Il devient rapidement clair que les péripéties empruntées au récit d’aventure spatiale sont essentiellement métaphoriques : des barrières psychologiques à affronter pour faire face à la vérité nue et tuer le père (le mythe du héros comme figure tutélaire américaine en prend un coup au passage ; le père ne s’est pas comporté en salaud seulement avec sa famille abandonnée). Ad astra per angusta.

La transsubtantation du mystère en évidence est patiemment accomplie, rendant le périple comme le film aussi nécessaire que vain (le seul mystère qui demeure, c’est qu’il y ait pu en avoir un). Cela travaille sur soi – entre soi ? Pour tout dire, j’ai eu l’impression de refaire le voyage métaphorique-initiatique de Gravity, dans une version intellectualisée qui perd en hommages cinéphiles et en péripéties distanciées le vertige que Gravity m’avait fait éprouver, à suivre au plus près les astronautes en détresse, sans musique ou presque, à nous perdre nous aussi dans une étendue hostile, confrontés à nos pulsions de mort, de vie, à notre solitude infinie

Portrait de la jeune fille en feu, de Céline Sciamma

Le film d’époque est posé par Céline Sciamma comme une expérience de pensée, un cadre abstrait où les tenues datées sont filmées pour avoir lieu ici et maintenant. La pensée met d’ailleurs rapidement le hola à la sensualité, ainsi que le déplore Krotchka, remarquant très justement que le film, qui a tout pour plaire (une histoire de passion lesbienne baignant dans l’art, that’s the pitch, bitch), fait tout pour ne pas se rendre aimable – à l’image du personnage du titre.

Héloïse n’a pas du tout envie de faciliter le portrait qui doit sceller son mariage avec un homme dont elle ne sait rien – exit Abélard. Adèle Haenel fait tout pour la rendre ingrate : pas de gestuelle délicate, des yeux rouges qu’on ne peut pas même dire rougis par les larmes, un parler rogue d’enfant déterminé à perdurer au-delà de sa puberté. Il y a en elle quelque chose d’Adèle Exarchopoulos dans La Vie d’Adèle, une morve métaphorique, un âge qui ne coïncide pas, ni avec celui de l’actrice, ni avec celui qu’on attendrait de son héroïne sortie du couvent pour être mariée (à la place de sa sœur suicidée, certes). Elle serait déjà presque trop vieille avec ses premières rides sur le front, effrontément enfant pourtant. Pendant une bonne partie du film, je n’ai cessé de l’intervertir en pensée avec sa partenaire, plus frêle, plus lisse, trop jeune semble-t-il pour fumer la pipe, pour que fumer la pipe ne soit pas une posture destinée à affirmer son expérience, elle qui paraît si inexpérimentée, et qui pourtant a déjà de la bouteille, une pratique qui relève moins du don que du métier.

Entre ces deux personnages, on cherchera en vain la passion enflammée et destructrice que nous suggère le titre, celle qui consumerait la fleur avant son épanouissement. Le feu n’est pas intérieur ; on ne lui sent pas une violence qui viendrait d’être réprimé, son expression limitée aux détours et glacis de la littérature du XVIIe siècle. Le feu est sur le bûcher d’une fête populaire, dans l’âtre de la cheminée, sur la pupille où il se reflète – non pas regard mais visage amoureux, qui se défait sous le regard qui le scrute, se défait de ses défiances, de son moi carapacé et, sondé, se livre pour n’avoir pas à être dévoilé. Littéralement, Héloïse est la jeune fille en feu ; c’est elle que Marianne peint ainsi, sur une lande, en souvenir du soir où sa robe a pris feu. C’est pourtant Marianne qui brûle, ce sont ses pupilles noires qu’on peut dire fiévreuses, et c’est celle qui surprend par une beauté qu’on n’avait pas soupçonnée, occupé que l’on était à scruter avec elle Héloïse. Ses cheveux, son visage défaits dans l’amour la font radieuse (combien sont tombées là amoureuses de Noémie Merlant ?) ; c’est son reflet qui donne à son sujet, son objet, son titre romanesque.

Sujet, objet… Il y a là un drôle de renversement : tant que Marianne regarde Héloïse pour la peindre, celle-ci demeure son sujet ; lorsque l’amour entre elles est déclaré, comme on déclare une guerre, Héloïse devient l’objet de son amour. J’ai été saisie par l’étrangeté, la justesse de cette remarque d’Héloïse reprochant à son Marianne, désormais son amante, de ne plus être de son côté. La peintre qui lui faisait face communiait avec son modèle ; à ses côtés, la distance ne saurait plus être mise sur le compte de la position, physico-spatiale, sociale… L’enjeu du nous est venu perturber le toi à moi.

Ce sont des évidences de cet ordre-là que la sensualité tenue en joue permet d’énoncer. Porté par des voix sans affectation, le verbe se fait précieux – dans tous les sens du terme : riche et irritant, irritant mais riche ; on n’aura pas l’un sans l’autre, alors autant accueillir cette richesse ostensible, cette rudesse, autant aimer ce film mal aimable, pour lequel la cinéaste a fait, comme Orphée se retournant vers Eurydice, un choix de poète, et non d’amoureux. Jamais je n’avais pensé à cette interprétation du mythe, et j’ai là encore été frappée de sa justesse – cela fait beaucoup plus sens, soudain, et beaucoup plus de souvenirs, aussi, d’images qui s’attardent et fascinent dans le feu qui les détruit.