Que miamer ?
Vous avez déjà voulu manger une salade dans un aéroport, et décidé en voyant le prix que vous n’aviez finalement pas si faim ? Bienvenue en Norvège : votre porte-monnaie et vous allez vivre dans un aéroport pendant toute la durée de votre séjour. Après avoir mangé des sandwich à 8 €, vous trouverez au retour que, même chez Paul, c’est donné. (Je parle en euros pour plus de facilité ; évidemment les prix sont en NOK, la couronne norvégienne.)
Certes, vous pouvez trouver de la junk-food qui coûte que dalle, hot-dogs à vous retourner le cœur dans le café des ferrys, frites en zigzag surgelées ranimées au micro-ondes, hamburgers semelles express à la station service, mais il faut avoir des enzymes spéciales pour digérer ce genre de choses ; seuls les Allemands habitués à la Wurst peuvent s’y risquer. Entre ces spécialités internationales tout juste comestibles et les bons plats hors de prix, il n’y a rien. Pas même dans les supermarchés, qui n’ont pas les rayons de produits transformés bobo qui fleurissent chez nous chez Carrefour ou Franprix. Une ou deux fois, dans les coins les plus touristiques, on a mis la main sur une petite salade avec de l’houmous, mais le reste du temps, nada, pas même des carottes râpées.
Comme la pizza végétarienne est à 18 €, le fish & chips dans une baraque qui pue le graillon à 20 € et le poisson dans un resto un peu sympa à 35€ (sans entrée ni dessert), on a vite adopté notre rythme de croisière : gavage au petit-déjeuner, de manière à tenir jusqu’au goûter, puis pique-nique à l’hôtel. Dîner type : soupe instantanée dans des mugs, carottes pré-épluchées quoi-de-neuf-docteur et fromage en tranches carrées avec du pain industriel. Parce qu’il y a des pains absolument délicieux en Norvège, mais très peu de boulangeries. Quant au tombe dessus, en revanche, c’est jackpot : pour les pains donc, sombres, savoureux, plein de graines, de croustillant et de moelleux, mais aussi les viennoiseries, surtout celles à la cannelle.
Spécialités et bizarreries
Nous n’avons mangé qu’une seule fois au restaurant en quinze jours, mais les buffets du petit-déjeuner nous ont permis de goûter aux spécialités locales (enfin surtout moi, parce que Mum ne mange pas de salé le matin).
- Les poissons : le saumon est évidemment une star, frais, fumé, gravlax, mais comme on l’importe de Norvège en France, pas de révélation majeure. J’en ai plutôt profité pour revoir mon a priori des harengs, même si je leur préfère définitivement le maquereau : grillé, froid, au poivre, le péché mignon des mes petits-déjeuners (quitte à puer un peu de la gueule après).
- Les pickles : clairement la révélation du séjour. Le pickle, je voyais ça comme un cornichon vinaigré ajouté pour donner un peu de croquant, un truc à peine moins dispensable que la feuille de salade sous un steak-frite. Pas du tout : c’est du concombre mariné dans tout un tas de saveurs qui chatoient en bouche. Les Norvégiens le servent avec le saumon, mais on les a boulottés tels quels et on a demandé en cuisine où ils venaient pour aller faire des provisions au supermarché.
- Le brunost : forcément, j’ai goûté à ce qu’on présentait comme la spécialité fromagère locale. Verdict : pas mauvais, mais pas savoureux non plus, et surtout, ce n’est pas vraiment du fromage, plutôt une sorte de confiture de lait compacte. C’est encore avec de la confiture que ça passait le mieux, façon peanut butter and jelly (de fait, ils en mettent dans leurs gaufres).
- Les tubes de dentifrice comestible aux œufs de poisson (kaviar mon cul) : drôle mais dégueulasse.
- Les fraises : Palpatine en avait un souvenir ému. Je ne suis pas une grande amatrice, mais Mum s’est régalée.
- Les gaufres : en forme de cœurs-fleur. C’est une religion en Norvège ; on en trouve même dans la buvette des ferrys. A l’hôtel d’Alesund, un pichet de pâte était à disposition pour s’en faire soi-même au petit-déjeuner : je ne m’en suis pas privée !
- Les cinammon buns / rolls : le goûter-qui-tue (et se conserve mieux qu’une gaufre, pour servir de dessert au pique-nique du dîner).
Bonnes adresses
Boulangeries
Flåm Bakery, à Flåm comme son nom l’indique : un petit miracle que cette boulangerie dans un endroit truffé de restaurants attrape-touristes. Non seulement vous pourrez y trouver un sandwich à la truite qui vous réconciliera avec la vie après avoir erré dans tout le complexe touristique en quête d’un plat qui fasse un minimum envie, mais vous aurez envie de revenir goûter toutes les propositions sucrées. Les cookies au chocolat et les biscottis sont pas mal, mais un cran en-dessous des brioches tressées à la cannelle, qui sont à tomber, et du cookie dit à la pistache (aux fruits secs, en réalité) qu’il faut à tout prix prendre en format géant : non seulement il y en a plus (obviously), mais il est juste de le bonne taille pour que l’intérieur reste moelleux tout en étant croustillant-émoustillant sur les bords. Et vous ai-je dit que les brioches tressées à la cannelle étaient à tomber ? D’accord. Vous pouvez zapper les boissons, en revanche ; elles sont à prendre à la machine.
Lustrabui, à Luster : certes, ce village qui se traverse comme un rien est un peu au milieu de nulle part, mais comme ce nulle part se trouve donner sur un fjord (pas dégueu, comme d’habitude), il n’est pas impossible que tu y passes, toi lecteur futur touriste en Norvège. Dans ce cas, un arrêt à la boulangerie de Lustrabui est tout indiqué pour faire un refill de cinammon rolls (moi, obsessionnelle ?).
Restaurant de poisson
Lokalt & Lekkert, dans la halle aux poissons de Bergen : notre unique dîner au restaurant du séjour, pour terminer en beauté. Après avoir fait le tour des étals où toute la mer semble exposée, fumée, grillée, marinée, assaisonnée de mille manière, nous avons choisi le restaurant du milieu parmi les trois abrités par la halle. Les nappes blanches et la carte épurée auguraient mieux que les zillions de plateaux de fruits de mer différents proposés par le concurrent plus populaire. Bien nous en a pris : Mum s’est régalée avec un saumon goûté in extremis (elle peut confirmer l’association bienheureuse avec les pickles, qui lui ouvre des horizons) ; je n’ai pas laissé au chat ma part conséquente de flétan (choisi il est vrai pour sa sauce au beurre et pour changer, ayant goûté tous les saumons de tous les buffets de petit-déjeuner pendant quinze jours). À la place du dessert inexistant, nous avons observé les cuisiniers travailler dans leur enclos ouvert : la chef qui s’active, un commis qui semble adolescent à dépasser tous ses collègues de deux têtes et ne chôme pas, tous en train de remuer, sortir, couper, essuyer un front,le bord d’une assiette bien dressée, toutes actions qui raffermissent a posteriori la saveur du repas et l’inscrivent en mémoire comme une bonne expérience.
Cafés / salons de thé
Godt Brød Fløyen, à Bergen : c’est le genre d’endroit où tout est oh my Godt, une boulangerie-café très bobo-compatible. J’y ai goûté un délicieux gâteau coco-noix de cajou et suis revenue pour leurs bouchées à la noisette grillée (ce n’est pas pour rien qu’ils font des prix dégressifs en fonction du nombre de bouchées ; ne faites pas comme moi, prenez-en plusieurs d’un coup). Le chocolat chaud maison de Mum était lui aussi délicieux, tout comme la ginger beer (en bouteille) qui me faisait fantasmer depuis plusieurs heures. Nous avons découvert ensuite en nous promenant dans la ville que c’était une chaîne – la nôtre était près du départ du funiculaire (que l’on n’a pas pris, pour pouvoir manger encore plus de viennoiseries à la cannelle).
Geiranger Sjokolade, à Geiranger donc : la chocolaterie fait à la fois boutique et café. Si vous n’êtes pas allergique au turquoise et que vous n’arrivez pas au moment où un paquebot débarque en ville, c’est un endroit sympathique pour goûter et papoter. Le chocolat est de qualité, même si la (non-)préparation du chocolat chaud nous a laissées perplexes : nous avons eu beau touiller, les pistoles ajoutées après coup au mug de lait ne se sont pas bien dissoutes, préférant coaguler en vermicelles. Il aurait fallu faire l’inverse et verser en cuisine le lait encore brûlant sur les pistoles, ou bien apporter un pot de chocolat déjà fondu. Qu’importe, nous étions trop occupées à goûter des alliances originales : notre curiosité a été récompensée avec le bonbon au chocolat à l’huile d’olive et au sel, et… hum… fouettée avec celui au bleu. Oui, oui, au fromage. J’ai découvert à cette occasion qu’on pouvait faire du bleu avec du lait de chèvre. Autant vous dire que l’enrobage au chocolat n’est pas détecté par les papilles. C’était amusant, mais m’a passé l’envie de poursuivre l’expérience avec la glace au même bleu.
Le café du Jugendstil Museum à Ålesund : contrairement à la collection du musée, le café n’a rien d’Art Nouveau, mais tout y est délicieux, les serveurs-serveuses sont adorables et on s’y sent comme chez soi (en imaginant avoir une déco bobo-green-cooconing-nordique chez soi – j’ai été un peu déçue en rentrant de me rappeler que l’aménagement de mon studio s’est fait par une sédimentation mobilière pragmatique et fainéante, sans plante-paravent ni mobilier design). Nous sommes restées là un temps infini à discuter, bien après avoir picoré de l’index les miettes du scone géant (aux écorces d’orange) et raclé avec la fourchette en biais les traces de chocolat d’une tarte cacaotée jusque dans sa pâte. Avec de la clotted cream et de la chantilly, parce qu’on n’allait pas dire non au serveur, qui nous l’a proposé si gentiment. Sa collègue, tout aussi aimable, m’a gracieusement rempli la théière pour une seconde tournée – c’est dire si on avait envie de s’en aller.