L’Illusion comique

 

affiche illusion comique

 

Nous voilà repartis sur les mises en abymes – c’est un peu comme les parenthèses, je ne m’en lasse pas (peut-être que vous si, certes). Cet aspect de l’Illusion comique m’entraînerait presque à réhabiliter Corneille dans les rangs de ma bibliothèque. Mais n’est pas allé jusqu’à me pousser à y travailler sous forme de synthèse. Corneille a quand même commis Chimène. Modérons notre tiédeur, et attaquons le mille-feuille :

La croûte (toute connotation picturalement négative est ici absente^^) : la pièce elle-même, l’Illusion comique, que nous sommes allés voir en masse classe à la Comédie Française jeudi dernier.

1° feuilletage : le magicien Alcandre montre à Pridamant ce qu’est devenu son fils, Clindor, par un charme qui fait surgir des spectres devant lui. (acte I)

2° feuilletage : la vie passée de Clindor, jouée par les spectres. Illusion sue comme telle. (actes II, III, IV)

3° feuilletage : la vie présente de Clindor, mais qui semble être la continuation de sa vie passée. Il s’agit en réalité d’une représentation théâtrale où joue Clindor. Illusion non sue comme telle. (acte V)

 

« Le crème de le crème » (qui peut rendre le tour indigeste, mais en fait toute la saveur) n’est pas tant la mise en abyme que son redoublement qui n’est pas annoncé, puisque l’on ne peut faire de distinction entre le deuxième et troisième feuilletage qu’à la toute fin de la pièce. Cette absence de distinction possible entre ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas dans la représentation magique des spectres d’Alcandre revient à réduire la croûte en miettes : il n’y a pas plus de distinction entre notre réalité et la chose représentée sur la scène de théâtre – abandonnez le réel, il n’y a de vrai que ce qui est ressenti.

Les actes II, III et IV ressortent de la comédie, comme si la vie était essentiellement comique (cela correspond à la représentation de la vie de Clindor comme elle s’est passée), tandis que le dernier acte constitue une tragédie. Mettre cette dernière au cœur de la mise en abyme reviendrait à proclamer qu’elle est le modèle théâtral par excellence. Cependant, si noble que soit le genre tragique, l’essence du théâtre est bien l’illusion. Comique – au sens de théâtral. Si bien que dans ces disputes à la mort moi le nœud aristotélicienne, on retombe sur la tragi-comédie. Et paf, ça fait un chocapic.

Pour embrouiller les pistes (visez un peu le cirque), Corneille achève de faire exploser les règles qui n’existent pas encore. L’unité de temps n’est pas respectée dans la sainte trinité feuilletée (vie de Clindor), mais elle l’est pourtant bien au point de vue d’Alcandre et Pridamant : c’est dire si l’unité de temps est toujours celle de la représentation. Même chose pour les lieux, qui surgissent tous dans la grotte du magicien ou se déplient comme une monade. Extrême concentration, donc (mais non, ne froncez pas les sourcils). Dès lors, le plaidoyer pour le théâtre est bien moins la tirade finale qui vise à convaincre un père à l’image du spectateur, déjà persuadé du bien-fondé de la chose, que l’entreprise de persuasion qu’est la pièce entière (montée, ça oui).

 

J’en reviens donc à la croûte que vous avez laissée traîner au fonds de l’assiette après vous être baffré de crème et couches feuilletées. Ce n’est peut-être pas l’élément le plus raffiné, mais c’est sans conteste le plus solide, et qui vous a permis de goûter le reste. La mise en scène de Galin Stoev, s’il faut rétablir le comparé.

 

Pridamant et son ami Dorante peinent d’abord à me faire entrer dans la grotte d’Alcandre qui apparaît comme une sorte de directeur de cirque bedonnant, en pantalon en cuir et débraillé. Mais l’entrée de la grotte est bien définie lorsque des yeux ils font le tour du cadre de la scène. Arrivée un peu précipitamment, et pas vraiment encore dans l’ambiance feutrée de la salle de spectacle[1], j’en profite moi aussi pour faire le tour de la salle sombre et de ses aspérités en lustres, sculptures et têtes penchées (je n’ai pas vu de triton, ma foi). Le père, planté là bras ballants, avec sur le dos un pull dans lequel il s’est rabougri, ne m’enthousiasme pas, alors j’en ai profité pour regarder le décor.

La scène est aménagée en plusieurs espaces [2], avec au premier plan, la scène proprement dite sur le sol réfléchissant de laquelle les personnes se trouvent visuellement démultipliées. Comme des cartes à jouer, on nous donne d’un coup l’acteur et son personnage (qui le suit comme une ombre), le spectre et la chair, sans que l’on sache celui qu’il convient d’enterrer sous le marbre noir.

Ne croyez pas pour autant que vous pourrez avaler d’un coup le feuillatege number 1 avant de passer à la suite, on ne mange pas un mille-feuille horizontalement. Ce premier niveau ne cesse d’être rappelé par la suite. Alcandre et Pridamant ne sont pas assis dans un coin, on oublierait trop vite leur présence, qui serait cependant suffisante à faire manquer l’illusion en rappelant leur position de spectateur (une bonne illusion ne se donnant pas comme telle). Ils ne sont assis qu’un cours temps dans un espace intermédiaire, puis sortent, et rappelleront par la suite leur existence en passant derrière des vitres.

Ce premier niveau qui passe à l’arrière-plan survit également par le doublage de certains personnages. En effet, c’est un même acteur qui se dédouble en

Dorante et Clindor : il est celui qui mène (à) l’illusion (Dorante y conduit Pridamant, Clindor la poursuit)

< span dir="ltr">Alcandre et Géronte, le père d’Isabelle à figure du maître, qui est au-dessus, supervise et décide aussi bien de la conduite des spectres que du mariage de sa fille. Il commande et orchestre l’illusion de main de maître : c’est ainsi qu’à l’aide d’un interphone, la voix imposante de ce technicien (magicien moderne) se substitue à la présence d’un page, dont l’apparition se doit de maintenir un certain rythme dans l’action.

Le « truc » de ce tour de passe-passe : un détail vestimentaire permet de les distinguer.

 

matamore - clindor

 

Je suis véritablement entrée dans la pièce avec le duo Matamore-Clindor, tombant de bon gré dans l’illusion. Je m’attendais à ce que le Matamore soit une armoire à glace (qui fondrait ensuite de terreur), un bedonnant à la voix de stentor. A la place, j’ai vu débouler un petit accra tout fin tout fou qui, au-delà de sa ressemble avec la tortue(mon prof de philo), m’a bien fait rire. La Bacchante n’avait pas cessé de s’enthousiasmer de ce que Denis Podalydès endossait le rôle ; il n’a pas cessé de nous surprendre. Ce n’est pas que, comme Loïc Corbery en Clindor, l’accentuation ne soit jamais où on l’attend, mais qu’on ne l’entend pas. Les vers disparaissent dans son jeu, et l’on n’est pas moins suspendu à son doigt qu’à ses lèvres lorsqu’il nomme les parties de la maison que sa flamme courroucée détruirait. Là où on imaginait une énumération pompeuse se dessine une hésitation résolue dans l’observation d’un décor imaginaire. C’est par de telles lectures que Denis Podalydès construit un personnage peureux et vantard qui réussit en même temps à être un minimum attachant – ou peut-être davantage crédible, comme lorsqu’il envoie balader Clindor en un rouler-bouler qui a du causer quelques bleus en répétition, ou qu’il le prend au col (drôlement bien vu par rapport à la scène suivante où Adraste, alors qu’il passe le bras autour du cou de son rival Clindor, paraît bien plus menaçant que Matamore). Je trouve cette interprétation de «  lutin irrésistiblement vaniteux » géniale, qui évite le cliché sans pour autant dénaturer le personnage. Denis Podalydès sera ma Berma à moi.

Loïc Corbery était chouette également, et pas uniquement parce que toutes les myopes ont eu le réflexe d’essuyer leurs verres et renfoncer leurs lunettes sur le nez. A l’unanimité générale (Le Vates compris, c’est dire) plus des voix renchérissantes, mignon, miamesque, gouleyant, séduisant, extrêmement beau (ne rayez pas les mentions, aucune n’est inutile). Très important les apparences et leur singulier avec l’illusion théâtrale, tout ça. Et surtout un jeu amusant (même s’il est difficile de savoir si cela vient davantage de l’acteur ou de la mise en scène) : la posture assis-en-tailleur-le-dos-bien-droit en élève attentif et narquois des exploits de Matamore était bien vu, de même que l’impertinence desdits exploits énumérés sur les doigts de la main, ou la malice à grossir leur importance en présence d’Isabelle, devant un Matamore qui préférerait que son secrétaire se taise de peur que cela ne devienne plus très crédible. Point trop n’en faut.

 

Autre duo, féminin cette fois, avec Isabelle et Lyse. Elles sont habillées à l’identique, d’une robe rouge et d’une étrange combinaison chaussettes-chaussures à talon que je n’arrive pas bien à m’expliquer – chez Lyse du moins, puisqu’on peut à la limite supposer que cela traduit le côté femme-enfant d’Isabelle. Sa perruque va dans le même sens : ces longs cheveux noirs lui font un visage de poupée et se substituent à cette dernière lorsque Isabelle la traîne comme un doudou. Très pratique au demeurant pour s’arracher les cheveux de la tête ou se les faire tirer. Cothurnes/chaussures à plateforme, on hésite donc entre tragédie et cour de récré. Les minauderies lascives attirent visiblement autant les hommes qu’elle les repousse, et le pauvre Alcandre tourne en bourrique. Il faut dire qu’Isabelle (Judith Chemla) tourne aussi pas mal autour des décors, histoire de mettre un peu de distance entre son interlocuteur et elle. Du coup, force est de reconnaître de l’importance aux frontières entre les différents espaces du décor, sans qu’aucun ne délimite un lieu particulier. Pas de symbolique assignée à un espace, l’interprétation est toujours fluctuante.

Et toujours Alcandre qui se promène derrière les vitres, d’abord obscurcies par du blanc d’Espagne, où l’on a tracé un cœur et des ziguiguis non figuratifs, ensuite lavées par Lyse – le rôle à l’emploi.

 

vitre

 

J’ai trouvé que la mise en scène donne du relief à ce personnage de servante que j’avais relégué aux oubliettes lors de ma lecture (à étudier les pièces de théâtre, on finirait par oublier qu’elles ont pour vocation premières d’être représentées, c’est-à-dire d’être vues sans nécessairement être lues au préalable). Cela vient sûrement de la comédienne, Julie Sicard, et du fait que plusieurs vers de Clindor adressés à Isabelle sont dirigés vers Lyse, soulignant le renoncement de cette dernière à Clindor qu’elle aimait. Naît alors chez celui-ci quelque chose comme de la reconnaissance (elle va quand même se marier à son gardien de prison pour ne pas profiter de ses beaux yeux), ou plus encore, la découverte étonnée d’une femme, jusque là uniquement considérée par sa fonction. Pas d’amour pour Lyse, et cependant un certain regret qui fait paraître Isabelle plus lisse. A l’acte V, Clindor et Isabelle sont un moment séparés par une vitre qui les empêche de se prodiguer de tendres caresses, qui échouent en salissures sur la surface vitrée. De ma place, je ne voyais qu’avec difficulté Clindor, presque entièrement masqué par le reflet d’Isabelle : elle semblait ne s’adresser qu’à ce reflet, n’aimer en Clindor que sa propre euphorie amoureuse. Peut-être l’illusion théâtrale fait-elle écho à l’illusion amoureuse [3]: après tout, qu’aime Clindor en Isabelle, à part son rôle conventionnel de jeune première indispensable pour former un couple tragique ? Lyse, par contrecoup, prend plus d’épaisseur, et l’on se surprend à se demander si la ruse de Clindor feignant d’être amoureux d’elle pour qu’elle ne contrarie pas ses plans envers sa maîtresse (le prétexte trouvé : c’est elle qu’il aime, mais il épouse l’autre car un rien ne s’additionne pas à un autre un – mathématique mon cher Watson) n’était que du cynisme. C’est d’autant plus troublant que la cinquième acte n’est qu’une illusion, et rien ne dit qu’en jouant l’amant de celle qu’incarne Isabelle, il n’est pas celui de Lyse. Tiré par les cheveux, j’en conviens, mais les postiches sont là pour ça. De
toute façon, le redoublement de l’illusion maintient l’ambiguïté.

 

La mise en scène ingénieuse n’a pas réussi à éviter quelques longueurs au dernier acte, dont je ne suis pas sûre qu’elles ont uniquement tenues à ma fatigue. En particulier le monologue de Clindor, juché (c’est un bien grand mot pour une si petite hauteur) sur une espèce de fer à cheval / briques. Je crois que c’est le moment où il essaye de se pendre, mais je dois avouer que c’est aussi le moment où je me suis aperçue qu’il y avait un chandelier juste en dessous de notre balcon, que les hublots dans les portes joints à l’interstice entre les deux battants donnaient un air d’insecte au balcon d’en face, et que le Vates se grattait la gorge d’un air sceptique. J’ai été sortie de ma stupeur par le bruit qu’ont fait ses chaussures lorsqu’il les a lâchées. Oui, il était juché sur un petit truc ridicule ses chaussures à la main – sûrement une grande idée pour montrer qu’il ne pouvait aller nulle part, et combien instable sa position était. En faisant le tour des blogs, je me suis aperçue que tout le monde trouvait cela bizarre mais saluait l’équilibre du comédien. Je dois avoir l’esprit tordu (ou une idée d’équilibre un peu différente à cause de la danse), mais je pensais qu’il faisait semblant d’être déséquilibré, et je trouvais ça pas mal de parvenir à feindre le déséquilibre sans se casser la figure ni que le monologue en pâtisse. Pour vous dire le niveau de mes divagations.

 

 

Les jeux d’espace sont accrus dans le dernier acte, d’autant plus que le panneau/paravent qui ne laissait qu’entrevoir l’arrière-scène a été complètement ouvert (genre écho au redoublement de l’illusion qui créé un nouvel espace sans pour autant changer la nature de l’illusion). Ils sont un peu plus embrouillés, aussi, (à se demander si ce n’est pas pour faire de l’animation en cette heure tardive), mais c’est amusant d’avoir tous les personnages rassemblés en arrière-scène comme des poissons dans un bocal. Le metteur en scène en fait cependant un usage ingénieux lorsque Isabelle raconte ce qui s’est passé dans l’ellipse (entre l’acte IV et V / en réalité une analepse de la mini-tragédie) : ses allers et retours en arrière et avant scène correspondent à sa navigation entre temps du souvenir (est montré ce qui est présenté par les paroles) et temps de l’énonciation. L’échelle en arrière-scène est un détail bien vu aussi (même s’il fallait que je me penche pour la voir), sorte de clin d’œil aux changements entre les différents niveaux.

A la fin, les comédiens qui interprètent les comédiens (c’est pour vérifier que vous ayez bien suivi) se dévêtissent, mais se dépouiller des costumes n’est pas se mettre à nu, les spectres d’Alcandre ne sont pas plus vrais pour autant et l’illusion est sauve qui peut.

 

Au final, difficile de dire si j’ai aimé, mais comme le disait notre chère Mado, je me fiche de savoir si vous avez aimé, je veux savoir pourquoi. Depuis quelques temps, c’est un peu comme si l’intérêt avait remplacé le plaisir. C’est peut-être une évolution de ma perception, mais je crois que cela tient aussi dans ce cas précis à la pièce, qui offre davantage un plaisir intellectuel qu’une adhésion spontanée, immédiate car irréfléchie et enthousiaste. C’est, je crois, le principal reproche que je ferai à cette pièce. Ce qui me donne envie de retourner à l’Opéra, où la danse buttonholds me à coup bien plus sûr. Je préfère une grande claque salvatrice aux petits coups de marteau-piqueur dans le crâne pour essayer de creuser la signification de tel ou tel détail. (mais la longueur de ce post montre qu’il s’agit de préférence et non de simple goût).

 

Bla-bla never ends :

 

[1] la faute à la SNCF et aux manifestants dans les voies – inscrustés dans les rails avec des petits panneaux de toons, peut-être. Le direct Chantiers-Montparnasse s’est transformé en train pour la Défense, avec changement à Saint-Cloud car en dépit de l’affichage, le conducteur a décrété le terminus.

 

[2]Programme – « Corneille joue avec les perceptions des spectateurs, le regard manipulé, les évidences trompeuses, la nécessité de l’imagination. C’est cette ambiguïté que nous avons recherchée pour l’espace.

Un espace qui peut être concret, simple, et en même temps qui se déforme, révélant des doubles sens.

Un espace qui ne sépare pas le monde « réel » du monde « irréel », mais qui présente plutôt plusieurs faces, plusieurs visages, permettant à ces deux mondes de se toucher.

Un peu comme dans un rêve, où différents mondes, différents pays, différents espaces, différentes périodes, différentes personnes étrangères les unes aux autres se croisent ou se mélangent. Un sentiment troublant.

On ne verra pas un espace défini, mais des couloirs, des accès, des passages, comme dans un bâtiment public. Il y aura différentes profondeurs, des espaces restreints ou dégagés, partiellement visibles, pas forcément logiques, qui se modifieront selon la position des acteurs.

Nous utiliserons des matériaux réfléchissant, comme du verre, un sol noir brillant…. Nous construirons une vision du monde réel, direct, et une vision du monde réfléchi, indirect. Une troisième réalité sera le fruit d’images projetées, qui ne seront visibles que réfléchies sur le sol et dans les fenêtres. Les mêmes personnages, les mêmes espaces, mais sans qu’ils soient là, décalés dans le temps et dans la réalité… » Saskia Louwaard et Katrijn Baeten, octobre 2008

 

[3] Programme – « L’illusion est aussi dans notre vie et dans le monde. Elle peut détruire, vitaliser, tuer, faire rêver. C’est cette question de l’imaginaire et de l’illusion au-delà du théâtre qu’explore la pièce. » Joël Huthwohl

 

Vous pouvez aussi jeter un oeil ici ou « Cette inégalité dans la représentation est frustrante, car il y a beaucoup d’éléments fort bien trouvés « .

Robert Frank

Entraînée par ma cousine, je suis allée voir hier l’exposition des photos de Robert Frank au Jeu de Paume. C’est assez nouveau pour moi d’aller au musée pour des photographies – je suis habituée aux tableaux, aux sculptures, mais pas aux photos, reproductibles à l’infini et visibles dans les bouquins, sur internet… Mais je dois dire que des tirages d’une certaine taille, dans un lieu qui leur est dédié, et par conséquent auxquels vous avez décidé de consacrer du temps en vous y rendant, aide le regard à s’attarder puis s’immiscer dans l’univers du photographe.


L’ambiance des salles n’était pas le même qu’à l’expo Walker Evans à la fondation Cartier-Bresson (l’Amérique, aussi, avec ma cousine, également – l’expo photo va devenir un petit rituel, après un déjeuner au Vieux Colombier, un petit bistrot en bas de la rue de Rennes, à la même place, le même fondant dégoulinant de chocolat dégusté à quatre mains et deux cuillères) : beaucoup plus de monde, des salles plus claires, plus grandes (j’aime le Jeu de Paume pour cela – je m’en souvenais, alors que la dernière expo que j’ai vu là-bas était consacrée à Magritte… ça date.)

Il ne faut surtout pas se retourner, au risque d’être étourdi par le monde grouillant de gens qui discutent, commentent, dégagent une poussette du chemin, consultent le catalogue de l’exposition, migrent vers le début qu’ils n’ont pas vu, la faute à une éclaircie plus loin dans la salle, une brèche par où commencer, ou retraversent les deux salles pour sortir – il ne faut surtout pas se retourner mais s’insérer dans la foule, comme sur l’autoroute un jour de grand départ, et profiter du flot pour se laisser porter ou faire digue.

 

Je ne sais jamais trop comment regarder au début, j’oscille toujours entre le coup d’œil trop rapide et la mise en pièce de la photo à force de la détailler dans ses contrastes, son cadrage, sa composition, sans plus pouvoir l’embrasser d’un coup – à tel point qu’en me retournant pour vérifier si, à avancer dans le désordre, je n’aurais pas oublié un pan de mur, j’aperçois des images inédites que j’ai pourtant contemplées un certain temps. Puis le regard s’installe, et il n’y a plus tant besoin de détailler, parce que les cadrages deviennent familiers, les photos cessent d’être des clichés séparés pour former une image cohérente, une vision que l’on ne partage peut-être pas forcément entièrement, mais qui s’impose doucement, ou plutôt se propose à nous en toute complicité. C’était peut-être encore plus clair à la fondation Cartier-Bresson où ce dernier se trouvait exposé en même temps que Walker Evans : on finissait par savoir quasiment d’instinct lequel des deux photographes la légende nous indiquerait. Le repérage d’une manière en somme – j’évoquais quelque chose d’approchant avec Melendili, il y a quelques jours, et il m’apparaît de plus en plus clairement qu’elle a raison : toutes les explications de texte que nous avons faites nous ont donné des outils d’analyse et fait parallèlement progressé dans notre appréhension des films – ce qui vaut tout aussi bien pour les photos. Nous sommes devenues sensibles à la composition.

Ce n’est pas à dire qu’une dissection technique aurait remplacée l’appréciation novice, ni une compréhension intellectuelle, une approche sensible, mais la seconde se trouve relancée par la première. Je suis assez ignorante pour y trouver un plaisir naïf. Et sortir des remarques frôlant la stupidité (ou s’y enfonçant de plain-pied, c’est selon). Comme pour cette image,

qui n’a pas manqué de me faire penser à la publicité pour une voiture (la Twingo, peut-être, je ne sais plus) où les personnes ont des têtes de fleur (c’était assez gore, d’ailleurs). « Ca m’y faisait aussi penser, me rassure ma cousine puis, mais je n’osais pas le dire », assène-t-elle pour finir. Ou devant cette brochette de complets-veston-chapeaux,

m’amuser de l’expression du dernier, la bouche en cul-de-poule (on n’en voit que dans les cartoons d’habitude, comme lorsque le putois de service veut tomber la belle femelle blaireau), avant de remarquer l’intrusion du deuxième en partant de la droite, sorte d’inspecteur mal déguisé parmi les hauts-de-forme.

Les gens n’hésitent pas à s’amuser, à souligner une ressemblance avec telle de leur connaissance – ça change des messes basses dans le silence quasi-religieux des temples de la peinture. Le public n’est pas le même, d’ailleurs : plus homogène, avec peut-être un peu moins de jeunes, mais aussi moins de personnes âgées, plus d’adultes d’âge indéfini – plus branché, aussi et quelques mecs pas mal, bien fringués. Bref, je m’égare – c’est qu’il y a du monde, il faut se réinsérer dans le défilement.

 

J’ai davantage aimé la série américaine que la parisienne (on trouve d’ailleurs assez peu celle-ci sur internet). Les flous visant à embaumer un éternel Paris sépia m’ont moins enthousiasmée que le franc-photographier de l’Amérique. Ou alors, c’est que l’on est davantage capable de regarder ce que l’on ne connaît pas. Et pourtant, on ne connaît pas le Paris de l’après-guerre, avec ses fleurs à tous les coins de rue (sans rire, leur présence vire à la maniaquerie). Même si je les tolère dans cette p
hoto,

grâce à l’éblouissante silhouette de femme sur le côté, ou dans une autre que je n’ai pas pu trouver, où l’on voit un homme qui cache une rose derrière son dos et simultanément, de face, un vieil homme qui trifouille dans son porte-monnaie. Let’s be realistic, darling, il va falloir raquer.

 

 

Dans la série parisienne, il y a aussi une petite fille qui regarde un masque de Chaplin, et une autre, que je n’ai pas non plus trouvée, sur fonds de Notre-Dame brumeuse, d’un cycliste plus foncé, à mi-chemin de l’image, soutenu par un grand pan de sol. Même type de cadrage avec un joueur de je ne sais-plus-quoi, précédé d’une longue bande de trottoir, si bien qu’on a l’impression de marcher à sa rencontre. Et surtout, surtout, celle qui m’a le plus fascinée dans cette série, un homme et une femme sur la plateforme arrière d’un bus dont on n’arrive pas à savoir s’ils sont en couple, comme on en juge au premier coup d’œil, ou s’ils sont simplement juxtaposés, et aussi éloignés l’un de l’autre qu’est séparé d’eux par une barre de tôle le visage d’une femme, à la vitre.

 

Dans la série américaine, où les fleurs ont cédé la place à des croix (une présence plus pervasive de la mort, à y repenser, mais cependant, un sentiment de la vie plus fort), je retiendrai, entre autres, et en vrac, celle-ci

Douche de lumière comparable, quoiqu’horizontale, avec ce cliché d’une immense route – en la scrutant bien, on aperçoit une voiture à gauche, qui contribue à réduire l’espace et à conduire le regard vers le point de fuite.

 

Et le visage de cette femme se faisant chier à cent sous de l’heure, déjà morte, la tête coupée par le cadrage qui l’assimile au Père Noël suspendu derrière – violence de la médiocrité.

 

Violence également dans la juxtaposition de deux clichés, que les gens ne semblaient pas spécialement relever et qui pourtant doit être voulue, puisque l’exposition reproduit l’ordre voulu par la photographe pour la publication de son livre : juxtaposition de deux choses dérobées au regard par un drap, voiture –probablement un cadeau, quelque objet convoité en tout état de cause- dans le premier cas, et selon toute probabilité, des cadavres, dans le second. Comme si tout se photographiait, fusse en filigrane.

 

Cette image d’un coin de restaurant,

où tout, l’immobilité du ventilateur, la netteté du sel/poivre à côté du dévidoir à serviettes (seul véritable indice qui indique que nous sommes dans un restaurant et non pas dans un salon abandonné), le reflet sur la table et jusqu’à la figure dans la télévision, nous oriente vers le trouée de lumière qu’est la fenêtre, à la fois ouverture (sur une extériorité) et néant (où s’achève le regard -fermeture).

Et pour finir, car il faudra bien s’arrêter (estimez-vous heureux que je n’ai pas le catalogue, cela abrège votre lecture), l’instabilité de ces deux clichés :

une voiture, bancale, qui paraît devoir se renverser d’une seconde à l’autre,

 

et un couple allongé dans l’herbe, au bord du gouffre du cadrage, avec, au-dessus d’eux dans l’image, et en contrebas dans la réalité géographique, San Francisco de biais, comme si la ville glissait dans une révolution silencieuse ou était tranquillement engloutie dans un tremblement de terre.

 

Pour finir la promenade, allez donc voir rouge avec d’autres clichés délicieusement décortiqués.

 

Tuer Catherine

[Ceci est un trip, un très long trip, un trop long trip, sur un très bon roman. Si vous n’avez pas envie de (tout) lire, vous pouvez toujours sauter de paragraphe en paragraphe comme un cabri, ne lire que les passages en gras, aller trouver le lien vers le blog de l’auteur, ne pas lire du tout. Mais le mieux reste quand même d’acheter le bouquin.]

Par où commencer ?

Par où tu veux. Même in media res, un commencement sera toujours un début, alors commence donc par le début du livre, c’est un bon début pour débutant.

Mais ce livre est une suite de débuts sans fin.

Réalise le fantasme des anciennes éditions de folios junior « Et si c’était par la fin que tout commençait… ». Commence par la fin.

D’accord : Catherine meurt.

Bah ça commence bien.

Merci pour le spoiler.

En même temps, vu le titre, on pouvait s’en douter.

D’ailleurs, elle ne meurt pas vraiment.

Allons bon.

Je vous signale qu’on est en train de dévoiler le milieu, là.

Bon. Allons, procédons avec ordre.

Mais l’ordre de l’un est le désordre de l’autre.

Bouh, vile spinoziste !

Je ne comprends rien.

A Spinoza ?

Non, à ce qu’on dit. Filez-nous la quatrième de couv’ !

Laquelle ?

C’est malpoli d’embrouiller le lecteur, même numérique. Voici :

« Minable héroïne de seconde zone, Catherine est un personnage de fiction sans œuvre fixe qui a eu l’indécence d’élire domicile dans mon corps. Au départ, je m’étais faite à l’idée d’être deux : je suis partageuse, comme fille, moi. Mais le problème, c’est que la présence de Catherine est parfaitement incompatible avec la vie saine que je m’efforce de mener : elle est obsessionnelle, monomaniaque, hystérique, et j’en passe. Aussi ai-je décidé de l’éliminer. Définitivement. »

Qui est je ?

Révise tes conjugaisons !

Eh, l’autre ! Arrête Rimbaud !

Je persiste : qui est je ?

La narratrice.

Une cinglée.

Un personnage d’auteur.

Un imposteur.

Une logorrhée cérébrale.

Une voix.

Et nous ?

D’accord, des voix.

C’est nous !

Des mots, des phrases, un rythme sans virgule un souffle garanti haleine fraîche avec tictac seulement 2 calories par bonbon.

* *

*

Les mises en abyme me fascinent, faire une synthèse non synthétique sur la Modification de Butor m’éclate, dévorer en miettes et reconstruire, les structures désossées, les legos littéraires, le roman dans le roman, le théâtre dans le théâtre et le comique de l’illusion… alors forcément, Tuer Catherine, avec ses mises en abymes de mise en abyme de mise – métatexte puissance innombrable– était destinée à me plaire.

C’est bon comme un millefeuille* de 250 pages (ou plus si vous aimez les croûtes). Et ça se mange pareil : à l’arrache. On ne distingue pas les couches de narration, méta texte, commentaire de commentaire de commentaire de machine enrayée, on enfourne tout et sans être écœuré, encore. L’humour est très digeste. Acide à souhait.

Lorsque la narratrice hésite à faire profession de bonne foi, c’est qu’on risquerait par là de suspecter qu’elle a quelque chose à cacher (agent secret), mais de le dire, c’est aussi prendre le risque de passer pour quelqu’un d’insignifiant voulant faire l’être mystérieux (dame pipi) ; mais alors, pourquoi ne serait-elle pas un agent secret se faisant passer pour une dame pipi se faisant passer pour un agent secret ? Elle ne sait plus quoi redouter, « être prise pour un agent secret triplement double ou pour une dame pipi polyaffabulatrice ? » Ca, c’est le délire paranoïaque de la voix simple.

Plus complexe s’avère celui de la composition florale chorale des voix. Une sorte de dialectique mentale pulvérisée en agora informe, comité de surveillance des intellectuels antifascistes de la rédaction du Roman de Catherine. Auquel vous n’aurez pas accès, parce que vous ne croyez tout de même pas que l’on va vous donner une base solide sur laquelle vous reposer. Le lecteur n’est pas fait pour cela, debout bande de badauds. L’infini de la mise en abyme se fait aussi en aval : est-ce que l’on donne la raison d’un prétexte (serait-ce celui d’un livre) ? Merci de ne pas répondre, cette question était rhétorique – navrée. Vous pouvez toujours vous en prendre aux voix boucs émissaires de discussions de sirènes. Rien ne sert de compter ces bestioles mythologiques et composées : elles sont le nombre qu’il faut pour se contredire. Après avoir essayé pendant approximativement 5,7 répliques d’établir une alternance binaire puis ternaire, j’ai laissé cela à la fonction de mon humeur – de ma marrer ensuite de voir mon intuition confirmée rassurée : [le chœur décide de prendre ses mesures par le vote] « – Un tiers d’entre nous avait tout de même voté pour, je te signale.

Et un tiers contre.

Taisez-vous, ils vont savoir qu’on est en nombre divisible par trois.

[…]

Vous n’avez rien compris. Le chiffre n’est pas secret. Il n’existe pas. C’est très différent. »

* pour les becs salés, nous vous proposons la « fiction-gruyère ». Et dans le gruyère, le meilleur, ce sont les trous. Les trous idiosyncrasiques du gruyère ont toujours été sous-estimés.

* *

*

C’est bien gentil de s’éclater sur sa dernière lecture, mais on ne comprend pas grand-chose, là.

Mais vous lisez toujours.

Qu’est-ce que tu en sais ?

On ne peut pas me contredire sinon.

C’est ça, joue au chat et à la souris, toute mimi que tu es.

En attendant, je donne ma langue au chat.

Ouais, et Catherine ? C’est qui ?

Pourquoi on la tuerait d’abord ? C’est peut-être une personne charmante.

C’est vrai, ça. Et puis si ce n’est pas vrai, ça l’est quand même un peu, puisqu’on cloue facilement le bec à un personnage fictif.

Mais si c’est un personnage, ce n’est pas une personne.

Chipote !

Pris comme un bleu à l’illusion référentielle.

« willing suspension of disbelief »

Plagieur !

Coleridge !

Shut up !

Mais c’est qu’on est polyglotte dans le coin.

Et alors, si ça se trouve Catherine est une tsarine russe.

Ils parlaient français à la cour du tsar.

Vous êtes un peu à l’est, là.

Y’a rien de nouveau.

Faut revenir à l’ouest. Cathe
rine n’est pas russe.

Si. Même que c’est une poupée.

Une mise au point s’impose.

* *

*

Niveau 1 : Catherine est un personnage de fiction qui squatte le cerveau de la narratrice.

Niveau 2 : Catherine est une part de la narratrice, puisqu’elle est dans son cerveau.

Niveau 3 : Catherine est celle que la narratrice veut zigouiller (2+3= la narratrice est maso)

Niveau 4 : Catherine est l’anti-héroïne du roman de la narratrice qui prévoit de la réifier dans ses mots.

Niveau 5 : Catherine est le sujet du Roman de Catherine, dont discutent les voix.

Niveau 6 : Catherine est l’auteur du Roman de Catherine (5+6= Catherine est égocentrique)

Niveau 7 : Catherine est le complément d’objet direct de Tuer Catherine.

Niveau 8 : Catherine est le prétexte de Tuer Catherine.

Niveau 9 : Catherine est suicidaire. (7,8,9 dans mon panier neuf)

Niveau 10 : Catherine est une emmerdeuse.

Niveau 267 : Catherine est insaisissable.

Niveau 268 : Catherine est comme Dieu, présente partout, présente nulle part.

Niveau 269 : Catherine est l’auteur. ( le syllogisme 268- 269 suppose Flaubert comme mineur(e) )

Niveau 342 : Catherine est un nom.

Niveau 343 : Catherine est des mots.

Niveau 467 : Catherine est vous.

Niveau 469 : Catherine est une vaste supercherie.

Niveau 1873546 : contribution de Valéry, le verbe être a fait une grande carrière dans le néant, Catherine n’est plus, félicitations, vous avez épuisé toutes ses vies, vous avez tué Catherine, (vous avez épuisé toutes vos vies, vous êtes Catherine).

GAME OVER.

* *

*

C’est long.

Va voir ailleurs si elle y est.

* *

*

Livres que l’auteur a lu ou du lire :

– Sterne

– des critiques littéraires.

Le Mythe de Sisyphe

Madame Bovary

Lady Chaterrlay

– des tragédies antiques

Anna Karénine. Capital.

– Tu ne l’as pas lu.

– Certes.

– Mais alors tu ne peux pas avoir tout saisit.

– Certes.

– Tu te fous de nous.

– Certes non. Ca montre que ces clins d’œil littéraires ne sont pas entièrement nécessaires pour apprécier Tuer Catherine.

* *

*

C’est long.

On est revenus.

Par pitié, de la synthèse.

* *

*

Tuer Catherine c’est tuer Catherine. La lecture même détruit le stéréotype du personnage romanesque. C’est pour cela que l’on assiste à son enterrement mais que l’on ne sait pas quand elle meurt : quand le roman s’est-il désagrégé pour devenir la narration de la genèse d’un roman qui n’existe pas ? quand le Roman de Catherine est-il devenu Tuer Catherine ? quand arrêteras-tu de nous saoule avec tes questions à la noix ?

Le meurtre est tout à fait épuisant. Le récit s’épuise, le lecteur aussi. Parce que cher lecteur, Tuer Catherine, tu es Catherine. Tu dois te tuer toi-même à la tâche de lecture. Tu t’appelles Claire, Marie, Paulette ? Tu es Catherine, tu es cette amoureuse romanesque qui s’attache au personnage de Catherine dans le roman éponyme. Ne nie pas, tu es Catherine, sinon tu ne rirais pas à un tel passage : « […] impossibiliser toutes mes histoires d’amour afin que Catherine puisse pleurer toutes les larmes de mon corps devant sa passion perdue avant de rater son énième suicide, parce que naturellement la SNCF est systématiquement en grève les jours où elle choisit de s’allonger sur les rails du TGV munie de son petit panier osier doublé carreaux vichy contenant son testament écrit au sang de hamster écrasé, n’est pas héroïne de seconde zone qui veut ». (précaution d’emploi : ne pas boire du thé en même temps – si la couverture de mon exemplaire est miraculée, elle n’a dû sa sauvegarde qu’à une heureuse synchronisation qui fait que j’avais quasi dégluti ma gorgée de thé au moment où j’ai explosé de rire) Lecteur, tu ris, tu es Catherine, et c’est pour ça que le livre peut parfois t’agacer : c’est très agaçant de devoir se tuer soi-même. Serait-ce pour les beaux yeux de Nina Yargekov.

* *

*

– Tu vas nous lâcher, maintenant, Anorak Yeving ?

– Surtout que tu n’es pas drôle. Nina Yargekov, elle, l’est. Son premier roman est plein de second degré.

– Second ? Y’en a au moins 90° : ça décape, ce roman.

On sent qu’elle s’est éclatée à l’écrire.

– Ca se voit, il y a des morceaux partout.

– Je n’ai pas trouvé l’orteil gauche, j’aurais peut-être dû regarder derrière le rayon.

– Arrêtez ce commentaire de roman autocommentaire, sinon on ne va pas s’en sortir.

– Je ressuscite Catherine.

– Mais elle est enfin morte !

– Pas pour ceux qui ne l’ont pas encore lu.

– On ne s’en débarrassera donc jamais ?

– Comment elle a fait Nina ?

– Comme ça.

[Le premier qui laisse un commentaire ressuscite Catherine et le fait à son péril.]

 

Revolutionary Road

 

Où l’on tourne en rond, ronde effrénée, jusqu’à prendre la tangente

 

Remarque préliminaire : Melendili a raison, la traduction est pourave (c’est un vrai mot, pourave ? l’ordi ne le souligne pas). A part ça, awesome.

 

 

Le couple de Titanic qui vieillit dans une banlieue américaine des fifties, je trouvais ça louche. Genre un 2 qui ne s’avoue pas comme tel, mais qui aurait un vague goût de sauce rallongée à l’eau. Darlings, il n’en est rien.

D’abord, la déploration couple-rongé-par-le-quotidien est un peu courte – c’est loin d’être aussi caricatural. Frank et April ne s’y sont jamais vraiment installés : il n’y a pas à proprement parler de dégradation effilochement ruine progressive, plutôt une inadaptation chronique qui devient aigüe au fil du temps. D’où l’on ne voit pas l’ « avant » installation, si ce n’est sous la forme d’une brève scène de rencontre, et de la visite avec l’agent immobilier, et encore, cette dernière est insérée en flash-back explicatif.

Inadaptation chronique, donc – à la vie, de façon générale, et l’un à l’autre en particulier.  April doit laisser de côté ses rêves de comédienne, non tant que l’ambiance familiale soit à la femme au foyer (lors de leur projet d’aller vivre à Paris, ce serait lui, l’homme entretenu), mais she’s not up to it. Elle n’en sait pas moins ce que c’est de vivre pour ce qu’on aime, et décide de secouer son mari pour qu’il trouve sa vocation, et à travers lui, sortir leur couple de l’image d’Epinal des perfect Wheelers, foyer en tous points conforme à l’American dream. Tout en apparences, ou plutôt en reflet, comme avec au départ, l’approche de Frank dans le rétroviseur rutilant de sa voiture ou, plus tard, le visage désespéré de la voisine dans la glace. 

 

 

Faire en sorte que ces reflets ne soient pas le seul brillant (dans toute sa dureté) de leur existence terne (malgré le soleil qui fige le tout dans un glaçage de pelouses tendres, de fleurs zet papillons, il fait bon ne pas vivre). Et donc, partir pour Paris, avec les enfants, et peur, mais sans reproche.

Which seemed a good idea. The point is: Frank hasn’t got the guts to do it. Bien sûr, il décide de partir, il l’annonce à tous ses voisins, mais une offre de promotion dans une boîte qu’il déteste vient à point nommer pour attraper une bonne excuse que lui fournit April bien malgré elle, enceinte d’un troisième. Rien ne sert de courir, il ne partira point. Lâcheté ? Yes… but no, would have said my English teacher, as it is his customs. April a le courage de l’optimisme du désespoir – s’accrocher à n’importe quoi pourvu que. Le projet est a bit irrealistic, comme ne cessent de le répéter les voisins, inquiets que l’on puisse avoir la force de partir en les laissant dépérir dans leur vie forcée – et sourire colgate qui ne va plus de soi.  Peut-être, après tout, April ne fait-elle que déplacer le problème : la période du changement euphorique passée, qui dit qu’une nouvelle routine ne s’installera pas ? Quand on lui demande ce qu’il fera de son temps, à Paris, Frank répète qu’il cherchera sa vocation, qu’il se cultivera, qu’il lira ; alors que la maison est pleine de livres jamais ouverts, parfaitement alignés dans la bibliothèque.

Il faut du courage pour changer de vie, mais il en faut également pour continuer vaille que vaille (quelque chose qui ne vaut pas grand-chose mais coûte beaucoup). Si April paraît d’abord beaucoup plus vigoureuse que son mari, son mari la rattrape ensuite peu à peu jusqu’à une égalité nulle. Il la trompe le premier, so does she. Elle a le courage d’essayer, de partir, lui de continuer, de rester. Il n’a pas celui de partir, elle n’a pas celui d’envisager une possible défaite, que the European dream soit aussi nightmarish que chez eux, simple renversement du point de vue car de l’autre côté de l’Atlantique. Rien à faire, il y a entre les deux quelque chose de brisé, un navire titanesque qui a sombré dans une vie antérieure – et la main du voisin sur la vitre quand ils font l’amour, la voiture garée au bord de l’eau (je me suis bâillonnée avec mon écharpe pour ne pas exploser de rire dans une salle alors silencieuse devant cet appel de phare à la légèreté de clin d’œil de garçon de café). La lâcheté de Frank, ce n’est peut-être que de ne pas prendre le risque de constater un nouvel échec, de préférer les regrets aux remords – il reste toujours le conditionnel, après tout, l’Europe ne s’envolera pas.

Frank se constitue prisonnier (magnifiques ombres des barreaux de la fenêtre ou des rideaux) et préfère vivre dans le mensonge, même lucidelet’s be spinozistes, nous ne sommes pas libres du seul fait que nous soyons consc
ients de nos actes. Je crois que c’est ce qui évite au film de tomber dans le cliché. La frontière entre courage, lâcheté, force et résignation s’en trouve brouillée. Cela me fait mieux comprendre rétrospectivement cette tension qu’il y avait dans le Parc de Duras (I know, j’ai les rapprochements élastiques). Je n’aurais jamais pensé qu’il puisse y avoir une forme de force à persévérer dans ce qui ne nous plaît pas, dans la reconnaissance que nous ne sommes pas géniaux, pas différents des autres, pas faits pour la vocation dont on rêvait. Et qu’au final, le rôle le plus difficile, ce n’est pas celui de la scène auquel April renonce, c’est celui qu’elle endosse après une dispute terrible (filmée caméra au poing, genre thriller April-Frank-cible-du-destin-dans- le viseur-d’un-fusil-muni-d’un-silencieux), celui d’épouse qui s’intéresse aux ordinateurs pour la vente desquels son mari est promu (pas encore totalement dans on rôle : la ménagère parfaite aurait hurlé en le voyant dessiner au bic sur une serviette en tissu, tu te crois au restaurant, peut-être ?). Le jeu de papa-maman-dans-une-belle-maison contre lequel s’insurge le fils fou des voisins, qui à la première visite dérange les parents mais comprend la tentative de révolte du couple (mise en place de sa crédibilité) et à la deuxième balance leur échec à la tête en gros plan d’April (tentative pour refouler tout ça, qu’il retourne dans son asile). Le philosophe (mathématicien, ça fait mieux de nos jours) est toujours pris un fou quand il dit la vérité – simple renversement de la caverne -des intestins humains- et du soleil -éternel du bonheur factice-. 

 

 

 

Il faut du talent pour éviter l’écueil de la médiocrité à la dénoncer (regardez la géniale maîtrise de Pérec dans les Choses – incomparable, mais le rapprochement s’opère de lui-même dans mon petit crâne de piaf vacancier). D’où je suis ressortie étrangement de bonne humeur de ce film que l’on n’a pas spécialement intérêt à voir si l’on se sent déprimé. Combien de personnes dans la salle repartent chez elles en se disant qu’elles ont vu un bon film, avec de bons acteurs, bien mis en scène, pour ne surtout pas y penser ? et étouffer les mêmes problèmes à coup de télé ? (impossible de situer un tel film à notre époque, la télévision offrant des possibilités de plans visuels beaucoup plus restreints que les cigarettes et l’alcool qui coule à flot). Comme l’impression que disséquer annoter commenter désosser désarticuler remonter reconstruite fragmenter analyser et paraphraser sont les seuls moyen d’éviter cela, quand bien même cela virerait à la maniaquerie.

p.s. Mes excuses pour l’abus d’italique – ne nuit cependant pas à la santé

p.p.s. L’affiche française est aussi peu représentative du film que le titre. Je préfère largement l’affiche que j’ai trouvé sur le net et qui suggère déjà l’incompatibilité entre deux tentatives différentes pour sauver la vie en train de se noyer dans le quotidien et sentir, vivre intensément. J’arrête l’interprétation délirante.

Suite en blanc/l’Arlésienne/le Boléro

Vendredi soir, histoire d’entrer de plein pied dans les vacances, sortie à l’opéra avec une amie-de-la-danse-élève-infirmière-future-presque-pilote-de-chasse (à côté de sa vie, la prépa est une petite promenade de santé), des discussions à la grande semaine, un tour à la Brioche Dorée avant le spectacle, et des tentatives pour retrouver certains mouvements dans le métro ensuite – merci de ne pas essayer de visualiser.

Au programme, une soirée en trois parties et trois sous-parties :

Suite en blanc, de Serge Lifar

Cela faisait plusieurs années que j’avais envie de le voir ; les photos de ce ballet sont si alléchantes… effectivement, il est chorégraphié de telle sorte que tous les mouvements présentent des architectures de poses, des symétries de groupe… bref, des compositions de tableaux qui doivent faire les délices faciles d’un bon photographe. Pas nécessairement des danseurs. Les ensembles du corps de ballet sont réglés comme du papier à musique, pas de fausses notes pour les hommes en croches noires ni pour les blanches ; en revanche, les solistes… Je sais que ce ballet est dur, extrêmement compliqué à danser, qu’il requiert une redoutable précision et une technique ciselé, je le sais. Mais justement, je ne veux pas le savoir. Il doit y avoir une bonne raison à ce que ce soient eux en scène. Je suis une spectatrice égoïste, enfoncée tranquillement dans le confort de son fauteuil de velours rouge, et je ne veux pas craindre pour l’équilibre de la soliste ou redouter avec elle un tour. Je ne veux pas le savoir. Je veux que l’on me donne l’impression que rien ne peut arriver – des pointes de fer, une énergie d’acier- quand bien même, à prendre des risques, on risque de ne pas tenir sur sa pointe : je préfère infiniment Myriam Ould-Braham, qui a certes eu un quart de seconde de défaillance dans le pas de cinq qu’elle a par ailleurs dansé avec brio, à la prestation extras non compris de Muriel Zusperreguy dans Sérénade (suspens pour savoir si elle va se décider à relever en attitude) ou de Mélanie Hurel dans la Flûte. (I know, je suis à peine partiale. Que voulez-vous, j’ai mes têtes dans les danseurs, au point de soutenir mordicus que Mathieu Ganio n’est vraiment pas top ou que Marie-Agnès Gillot n’a pas du tout l’air d’une grande gigue perdue dans un tutu et une chorégraphie archi-classique.)

Trêve de mauvaise foi : Agnès Letestu était classe, toute en volutes, dans la variation de la Cigarette (il y avait une espèce de détourné que j’adore – et qui lui arrachait à chaque fois un petit sourire, ce qui n’est pas du luxe chez elle) et nous avons pu constater avec Ombeline (ma copine-de-danse-future-presque-pilote etc.) que Jérémie Bélingard a une sacrée présence. Et j’adore la fresque des hommes en seconde décalée, au fonds au dessus des escaliers, ou des danseurs qui rentrent en avant-scène en sixième. Ou la soliste en pilier du manège des hommes ou la même qui déboule d’un duo d’homme en tour vers un autre en chat six (ou l’inverse, je ne sais plus), comme une bobine qui se déroule. Ou… je vais plutôt essayer de vous mettre une vidéo [ou pourquoi j’aurai passé la moitié de mon après-midi sur ce compte-rendu d’impressions].

A part Letestu dans la variation de la Cigarette, les vidéos de notre ami qui nous veut du bien youtube ne sont pas celles de la distribution que j’ai vue, et entre nous, vous ne perdez guère au change, et même, tout le contraire, puisque j’ai déniché Aurélie Dupont dans la Sérénade et Nicolas Leriche dans la Mazurka.

L’Arlésienne, de Roland Petit

J’avais déjà vu ce ballet il y a deux ans mais, soit que les interprètes n’aient pas été très bien choisis pour leur rôle, soit qu’ils aient été éclipsés par Abbagnatto/Leriche dans le Jeune Homme et la Mort (petit cri de groupie) ou Lucia Lacarra dans Carmen (petit soupir de groupie), le ballet ne m’avait pas laissé un souvenir impérissable. Limite à me dire, dommage qu’il soit dans la programmation. Ce qui aurait été dommage, c’est de ne pas voir cela. Eleonora Abbagnatto faisait tout sauf blonde cruche comme les blés, en jeune paysanne essayant de ramener à elle – ou à la vie, plus essentiellement- son fiancé, qui, loin de sombrer dans une folie gratuite, comme j’avais pu le penser à la première représentation, nous entraîne à sa suite dans une démence poignante. Vraiment, Manuel Legris était dément : son visage qui ne rencontre jamais celui de sa fiancée que par un désagréable hasard, le regard toujours fixé droit, au loin, abstrait de son entourage qui le repousse toujours vers la jeune fille, tournant le dos, au propre comme au figuré, à tout public, face au décor tourmenté à la Van Gogh, en proie à un invisible mais profond malaise qui culmine dans le solo de la fin, tension accumulée, manège de l’esprit comme un lion en cage, diagonale d’attaque ultime en grands jetés – fleuret, pas d’échappatoire sinon par la sortie finale, par la fenêtre, hors-scène du monde, suicide.

Pourtant absent, il vient chercher chaque spectateur et l’entraîne à sa suite dans son destin, que l’on n’hésiterait pas à qualifier de tragique si ce mot n’était pas interdit aux paysans (un Dieu déguisé en berger, encore…) et ne traînait pas avec lui des restes de grandiloquence. Plutôt atrocement simple. Simplement grave. Quelque fêlure ou désaxé ou toute autre littérature qui vous viendra à l’esprit.

Pas étonnant donc que Manuel Legris ait récolté d’abondants applaudissement. Eleonora Abbagnatto reste un peu en arrière-plan, et son personnage, tout à fait en plan (I know, c’est nul, mais je ne peux pas m’en empêcher) ; non moins magnifique cependant (pourquoi n’a-t-elle toujours pas été nommée étoile, d’ailleurs ? alors que d’autres tout à fait incolores…). Tout de suit
e, la chorégraphie m’a bien davantage emballée que la première fois. Même, j’ai tout aimé, des ondulations champêtres de la ligne des paysans à la main figée de Vivette lorsque Frederi retire sa tête et s’éloigne. Parce que la pièce est tirée d’un drame de Daudet et que ruralisme et amour de nos campagnes éternelles oblige (à des noms pittoresques). En lisant dans le programme le nom de Mistral, j’ai eu une bouffée de poly, l’occitan littéraire, Mireille, Mauras, tout ça. Mais cela ne m’a pas dérangée une seule seconde, parce que, outre que le pittoresque est très épuré dans le ballet, je lis toujours le programmes après la représentation – sauf ballet explicitement narratif, avec moult reconnaissances, refus, trahisons et autres subtilités, que la pantomime ne me laisse pas toujours très bien comprendre (un peu comme lorsqu’on va voir une pièce de Shakespeare dans le texte, on essaye d’avoir une vague idée de l’intrigue pour suivre un minimum les travestissements divers et variés autrement qu’avec les yeux rivés sur le prompteur). Et, première découverte (les découvertes sont nombreuses pour les gens pas très finauds), si Frederi ne fait guère attention à Vivette, c’est que ses pensées sont toujours dirigées vers une Arlésienne – et tenez, voici un titre ! Gourde que je suis, je ne m’étais jamais posé la question, tout au plus postulant que ce devait être une musique particulière. Pas un seul instant je n’avais supposé que cet homme dégagé de la vie s’était simplement fait dégager par sa belle. Et, en narrant cette révélation au petit-déjeuner, seconde découverte (oui, vous pouvez dès à présent constater que je ferai mentir le proverbe) : l’arlésienne est la personnification même de l’Absente. Passé dans le langage familier en référence même à la pièce de Daudet (Larousse dit en référence à l’opéra de Bizet, mais comme la musique est venue après la pièce… si l’on doit en juger d’après ma nouvelle teinte de cheveux, il ne faut pas faire confiance aux rousses). Ce genre de découverte a toujours des allures de révélations ; un peu comme le jour où j’ai vu que le sigle de la SNCF a encerclé le tracé de la Seine car il reproduit un profil… on est certes loin de faire dans la révélation mystique. Il n’empêche que c’est très astucieux de ne définir qu’en creux l’Arlésienne : « Il n’y a pas d’Arlésienne dans ma pièce : il n’y a que son ombre. On en parle, on en meurt, mais on ne la voit pas. » Elle est cette fissure ouverte dans laquelle s’engouffre l’interprétation angoissée du spectateur.

Le ballet est intégralement visible, mit Manuel Legris (dont l’interprétation a cependant largement mûrie depuis cette vidéo un peu ancienne – ça veut dire allez donc le voir danser en chair et en os pendant qu’il en est encore temps ; il doit être proche de la retraite si je ne m’abuse).

Le Boléro, de Ravel/de Béjart (difficile ici de ne pas enchaîner le nom du compositeur)

 

Tout le monde connaît la musique. Beaucoup ont aperçue la chorégraphie de Béjart dansée par Jorge Donn dans les Uns et les Autres de Lelouche. Certains l’ont peut-être regardé interprété par Nicolas Leriche à Noël, sur la 3 (voire enregistré pour certaines^^). Une fille de la classe a été le voir et, quêtant une approbation/explication, m’a dit avec de grands yeux choqués « Mais, c’est sexuel ». Je veux bien admettre que, l’ayant vu dansée par une femme (si ça se trouve elle a eu la chance de voir ce que rendait Gillot dedans), la scène se charge d’encore plus d’érotisme et que cela ne soit pas dans l’horizon culturel d’une versaillaise type, mais enfin… quelle danse ! (vous avez le droit de remplacer cette banale exclamation par la suite de juron de votre choix, qui, dans votre vocabulaire personnel, exprime l’intensité de votre admiration) Oui, c’est de l’énergie à l’état pur, oui, on la dirait animal, oui, c’est sensuel, érotique, si vous voulez, mais c’est aussi une force pas possible, une joie lancinante, un charisme qui se déchaîne et s’offre sur une espèce de scène-estrade-trampoline rouge, entouré d’hommes toujours plus nombreux. Avec un danseur sans présence, ce doit être absolument vide de sens, ne provoquer aucune sensation. Sans parler du crescendo de la danse/musique et de l’endurance qu’il requiert, il faut avoir une présence de malade un regard pour soutenir les premières mesures où la lumière n’éclaire que les mains, qui peu à peu façonnent et laissent deviner le corps du danseur quasi-immobile.

Je n’aurais pas parié sur José Martinez – et j’aurais perdu. (Même si j’aurais aimé admirer Leriche ou faire monter sur l’estrade Karl Paquette qui dansait juste devant, pour voir ce qu’il donnait là-dedans, s’il aurait pu tenir la pièce. Oui, parce que, « en vrai », on remarque davantage les danseurs que dans toutes les prises de vue, forcément centrées sur le soliste – et cela lui donne encore plus de vigueur )

Pleins de versions différentes versions sur youtube : celle du film est peut-être la plus abordable pour des non-fans de danse, vue qu’elle est bien filmée, avec le décor grandiose fourni par la Tour Eiffel ; mais aussi avec les danseurs de Béjart, la version en noir et blanc, magnifique de Jorge Donn une qui est un habile montage des versions masculine et féminine avec dans cette dernière Elisabeth Ross (vous pouvez également ajouter un petit cri d’admiration pour cette géante dotée d’un charisme à sa taille) … et aussi Maya Plysestkaya (orthographe non garantie)

J’ai été un peu longue, je vous l’accorde, et encore, j’aurais pu m’extasier un peu plus sur Bizet ou vous faire part de mes récriminations concernant la façon dont est filmée la danse, mais je réchaufferai cela dans un autre post. En attendant, bon visionnage !