Une rose même pas dépiautée de son plastique, plantée dans une bouteille d’eau décrétée vase, et les cheveux laqués ; je sors d’un spectacle de danse, la première de ma/notre chorégraphie sur l’hiver de Vivaldi. Les lumières… changements de coulisses… grands jetés… bustiers blancs et mousselines en mouvement… Même essoufflée, je n’ai pas vu passer les dix minutes. Quelques secondes et une poignée de grandes gamines à se presser en cercle pour regarder sur caméra ce que ça donnait.
[Photos quand j’en récupère]Catégorie : Souris d’opéra
Ce n’est pas un Scoop
Pas un scoop que les romans Anglo-saxons peuvent avoir un humour plus décapant que les nôtres. Quand en français on essaye l’humour pince-sans-rire et bien justement, ça ne fait jamais rire. Cela devient même rapidement très agaçant, comme un disque rayé – répétition d’une recette dictée par une grand-mère mourante et qui n’avait plus toute sa tête quand à la proportion de farine – on est roulés dedans par les mêmes tics d’écriture, des sous-entendus et des antiphrases ironiques rarement cinglantes. Il n’y a guère qu’en anglais que l’understatement est un clin d’œil complice – et pas une grimace de garçon de café vaguement empreinte de gauloiserie. « Les Anglais sont plus drôles quand même », tranche en toute impartialité From-the-Bridge à la conclusion d’un commentaire de Tristam Shandy, which was seminal and whose influence could be found in the Nouveau Roman, for instance.
Pas un scoop véritable dans le roman éponyme d’Evelyn Waugh, que From-the-Bridge m’avait offert en juillet dernier. Entamé puis laissé de côté pour causes de lectures philosophiques (ou pire, pour mauvaise conscience de ne pas faire ces lectures philosophiques), je l’ai repris au début des vacances, reprise peut-être encouragée inconsciemment par la mention de l’auteur dans Lost in Translation (j’aurais également pensé, à tort, qu’il s’agissait d’une femme…). Difficile d’esquisser un résumé pour la simple et bonne raison qu’il ne se passe pour ainsi dire rien : à la suite d’une erreur, un journaliste de la rubrique pêche et chasse (pas vraiment cela, je n’ai toujours pas cherché ce qu’était une great crested grebe, mais c’est l’idée) est envoyé dans un pays d’Afrique couvrir une guerre, qui n’a pas lieu. C’est plein de cocasseries truculentes et de quiproquos occasionnés par le bon sens du personnage central, heureusement pour nous peu partagé de ses collègues journalistes. Je suppose que c’est ce qu’on doit entendre par « a romping comedy of errors ».
Tout à fait le genre de lecture pour retrouver le plaisir égoïste d’une lecture gratuite. Here are some that made me laugh (pour être honnête, il s’agit surtout de ceux que j’ai pu retrouver) :
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Mr Salter’s side of the conversation was limited to expressions of assent. When Lord Copper was right he said, ‘Definitely, Lord copper’; when he was wrong, “Up to a point’.
‘Let me see, what’s the name of the place I mean ? Capiral of Japan ? Yokohama, isn’t it ?’
‘Up to a point, Lord Copper”.
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(Présentation encyclopédique d’Ishmaelia) As there was no form of government common to the people thus segregated, nor tie of language, history, habit, or belief, they were called a Republic.
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(Sur place, au bureau de presse, pour obtenir des papiers d’identité). They were small orange documents, originally printed for the registration of prostitute. The space for thumb-print was now filled with a passport photograph, and at the head the word ‘journalist’ substituted in neat Ishmaelite characters.
Miroir, mon beau miroir…
… dis-moi si je suis bien placée.
Pour les danseurs, le miroir vous dit vos défauts en face et ne vous montre jamais sous votre meilleur profil (je hais cordialement les glaces latérales où je trouve toujours un superbe en-dedans). Il n’est pas simple reflet puisqu’il indique toujours ce qui manque – ou ce qui est en trop s’il s’agit d’épaules trop montées, par exemple. C’est de ce point de vue-là un traître. Doublement traître, car à vouloir s’attirer ses faveurs et vérifier qu’on ne lui déplaît pas, on finit par fausser une position jusqu’alors juste.
Il s’agit de se concilier le regard critique qu’il nous renvoie en le réfléchissant : on peut voir dans cette démultiplication qui fait du cours un corps de ballet un moyen de mise en scène. C’est lui qui agrandit la salle et outre le professeur, qui est moins un spectateur qu’un acteur à part entière (dans une pièce, ce serait le confident, celui qui, toujours là, permet aux autres personnages de se révéler au public) nous procure un public : nous-mêmes. On me taxera sûrement d’égoïsme, mais j’ai toujours trouvé faux ceux qui déclarent ne danser que pour le public. On danse d’abord pour soi, pour ce miroir qui nous fait sortir de nous-mêmes et nous permet ensuite de passer la rampe. Car sur scène, il n’y a personne – pas de public, duquel on est séparé par un rideau de lumières – seulement le cercle des danseurs. Comment pourrait-on danser en scène pour les autres, invisibles, si on ne danse pas d’abord en studio pour (le) soi (visible du miroir) ?
C’est aussi le miroir qui en nous procurant notre public permet de faire du cours une réelle préparation à la scène et non une série d’exercices de gymnastique. Les contemporains nous rétorqueront qu’il est meilleur de travailler en aveugle pour véritablement sentir le mouvement. Ce qui, une fois de temps en temps, ne fait pas de mal. Mais d’une part, ce n’est pas nécessairement parce que le danseur ressentira mieux le mouvement que le spectateur le percevra mieux. La danse reste bien un art de la vue (et de l’ouïe, bien sûr) pour le spectateur et il y a nécessairement une distorsion entre le senti et le vu de même qu’un peintre déforme la réalité pour lui être semblable (les rails convergent pour avoir l’air de rester équidistants), et qu’un auteur n’a pas besoin de ressentir la même chose que son personnage au moment où il l’écrit. D’autre part, le bon usage du miroir n’empêche pas le danseur classique de sentir (même s’il y a évidemment là un piège) : il lui indique seulement quelle est la sensation à retenir. On se tortille face au miroir, les hanches un peu plus en avant, les bras moins hauts, non plus, et, une fois la position juste trouvée, il s’agit de la sentir pour l’intégrer à son répertoire de sensations. Ce n’est donc pas au miroir mais bien à nous de réfléchir un peu avant de renvoyer les images.
(En plus d’égoïsme, vous pourrez me taxer de narcissisme)
Two lovers, un film à géométrie variable
Jamais deux sans trois. Encore faudrait-il savoir qui sont les deux. Comme on ne sait pas, on commence à trois. Mais l’affiche n’est pas juste*, il n’y a pas de triangle : Leonard n’hésite pas entre deux femmes, il est amoureux de Michelle et aimé de Sandra. C’est justement le fait qu’il ait à choisir alors qu’il a déjà fait son choix qui fait toute l’épaisseur du film. Ce n’est pas vraiment une comédie romantique. Leonard fait sourire lorsque sur le quai de la gare il s’absorbe dans la contemplation pour feindre la surprise d’être abordé par Michelle, lorsqu’il se rajuste pour faire impression, lorsqu’il se met à danser comme un malade toujours pour la même cause, mais il agace tout autant, par son corps maladroit, par son chewing-gum qu’il mâchouille comme si cela devait lui donner un style de beau gosse, par son soin à ménager ses parents ou une sortie de secours à ses amours, on ne sait pas vraiment. Il fixe rendez-vous à Sandra tout en guettant Michelle à la fenêtre : son crush irrationnel pour celle-ci ne suffit pas à faire oublier qu’il n’est pas vraiment réglo avec celle-là – sans pour autant être salaud. Il a du respect pour cette femme qui l’aime et qui ne peut pas ne pas apprécier. Ils sont du même monde, et pas seulement parce que Sandra est passée par ses parents pour approcher Leonard ou que ceux de ce dernier font tout pour les pousser dans les bras l’un de l’autre. Sandra est d’emblée à sa place dans l’appartement de Léonard, dans sa chambre aussi qu’elle visite comme une adolescente entre le plat et le dessert (c’est pour elle aussi que Leonard fait disparaître le portrait de son ex-fiancée), tandis que Michelle y passe une seule fois et fait le tour du propriétaire comme pour un état des lieux, s’étonne d’objets qui pourraient caractériser Leonard –étonnement poli et relativement indifférent. La plupart du temps, elle évolue dans un autre espace (un autre monde), dans son appartement de l’autre côté de la cour. On la voit toujours à sa fenêtre comme dans un tableau et au fonds elle n’est pas autre chose que cela, le tableau d’elle-même peint (ou plutôt photographié) par Leonard. Michelle n’est réelle qu’un instant, lorsqu’on l’aperçoit dans un autre triangle qu’elle forme avec Leonard et son amant qui ne quitte pas sa femme pour elle ; on aperçoit alors sa vie, indépendamment de Leonard. Il n’y a donc pas un triangle, mais plusieurs, et encore, ils ne sont pas équilatéraux.
2+1, toujours :
–Leonard et Michelle + Sandra, toujours poussée sur le devant de la scène par les parents.
–Leonard et Michelle + l’amant de Michelle, qui la soustrait à Leonard = l’amant et Michelle + Leonard, visiblement pas à sa place dans le restaurant où il est invité à dîner avec le couple au titre de bon ami devant évaluer les chances (ou plutôt les risques pour lui) que l’amant quitte finalement sa femme. [Two lovers qui aiment également en vain]
–Leonard et Sandra + l’obsession puis le souvenir de Michelle c’est un film à géométrie variable. [Two lovers qui aiment de façon différente, Leonard dans l’absolu de l’instant, Sandra dans la tendresse de la durée des macarons !]
Un film à géométrie variable : des triangles à foisons et peut-être même un quadrilatère – comment faire autrement quand on a two lovers et qu’ils ne le sont ni l’un de l’autre ni de deux personnes différentes ? La dissymétrie équilibre le film à merveille. C’est également ce qui fait que si l’on n’a pas une comédie romantique, on n’a pas pour autant une tragédie. Le tragique est refusé dès le début : on ne mettra pas de mot sur la tentative de suicide qui débute le film, Leonard lui-même refait surface. Pas de tragédie à la fin non plus. Michelle, comme on pouvait s’y attendre, repart avec son amant, qui a (on ne l’aurait peut-être pas espéré) quitté sa femme, tandis que Leonard passe la bague au doigt de Sandra. Pas de joyeuses équations de comédie romantiques où les compagnons délaissés par la formation d’un nouveau couple en forment un à leur tour, certes, mais la tragédie est laissée hors-champ (les prétendants éplorés de Sandra et la famille de l’amant de Michelle, qui restent à l’état de mot). Ou simplement évitée. La fin est bien définitive, et pourtant, elle ouvre sur un autre avenir (peut-être pas radieux, il est vrai). Pas de héros tragique abandonné, il y a toujours quelqu’un pour vous tendre la main, serait-ce sous la forme d’un gant échoué sur la plage. Un gant que Sandra a offert (enfin la paire, hein) à Leonard et qui tombe de sa poche alors qu’il balance la bague qu’il avait achetée pour Michelle vers la mer (on notera au passage que la plage est une approche plus pacifiée que le ponton d’où Leonard tente de se noyer au début). Un souvenir du geste de Sandra qui est autre chose qu’une roue de secours. La bague destinée à Michelle et passée au doigt de Sandra a un petit goût amer, mais Leonard a vraiment de la tendresse pour elle. Ils parviendraient presque à faire mentir Balavoine et son « aimer est plus fort que d’être aimé ». Si Leonard revient vers Sandra, c’est aussi parce qu’il ne peut s’empêcher d’être attiré par celle qu’il obsède. Son crush pour Leonard est peut-être tout aussi irrationnel que celui de ce dernier pour Michelle, mais Sandra saisit Leonard dans son individualité – elle fait véritablement attention à lui. (Comme si l’intérêt pour l’autre ne naissait que d’une certaine focalisation/fixation : après tout, cela expliquerait pourquoi dans les films les deux personnages qui se détestent et se retrouvent coincés en famille/ dans un ascenseur/ dans un magasin de jouet le jour de Noël etc. finissent toujours par tomber dans les bras l’un de l’autre).
Au final (désolée, ce n’est pas la fin mais « su
ite et fin »), je ne sais pas si j’ai aimé. Vous me direz peut-être, comme nos profs, que ce n’est pas le propos, à moins de chercher à partir de là pourquoi on a ou non apprécié. Bah, j’ai fait l’inverse, d’abord cherché à comprendre pourquoi une impression bizarre, incomplète, qui m’empêchait d’être véritablement enthousiaste, mais aussi de ne pas aimer. A présent, je crois pouvoir dire que j’aime ce film – à défaut de l’avoir aimé. Je ne me suis pas ennuyée une seule seconde ; on a beau savoir ce qui va se passer (ou alors c’est parce que j’ai lu avant la note très juste de Melendili), il y a une certaine densité qui soutient l’attention. Le film a simplement le défaut de sa qualité : la dissymétrie qui fait sa richesse est aussi ce qui laisse une impression bancale. Ni comédie, ni tragédie ; une sorte de drame, qui fascine par son épaisseur psychologique, mais qui comme tout drame tombe dans l’entre-deux. Un absolu qui n’est pas idéal (Leonard a bien été un bref moment avec Michelle) mais qui n’est plus possible (et en devient presque impossible) ; une vie qu’il faut continuer par un effort incessant.
(deux astérisques, mais en fait, c’est la même)
* l’affiche n’est pas juste aussi avec Leonard en costard alors que, balourd, il se trimballe dans un anorak et n’a rien du séducteur ; avec Sandra, qui ne fait pas du tout vamp’ séductrice.
* cette photo (ci-dessous, comme on dit dans les légendes de magazines) que l’on retrouve souvent non plus. Il n’y a guère que l’escapade sur les toits (*résister à la tentation de faire une synthèse des lieux et une nième ou plutôt septième interprétation avec celui-ci*) qui ait un petit côté The Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Contente d’ailleurs de voir que je ne suis pas la seule à qui cette analogie est venue à l’esprit – autre note très juste, ce me semble, qui vaut le détour – rien que le nom de ce blog est miamesque.
Le Timide au Palais, de Tirso de Molina
Sortie khâgneuse mardi soir à Montansier. Aucun a priori, puisque je ne connaissais pas la pièce, ni même le nom de l’auteur – *inculte power*. Juste la curiosité d’être de l’autre côté de la rampe dans le théâtre où j’ai passé tous mes examens de danse. Montansier pour moi, c’est un vrai terrain de jeu, le jeu de la comédie et le jeu de se croire en spectacle. Un petit Palais Garnier en miniature où l’on allait tester tous les points de vue de la salle – mais surtout celui du parterre- habillées n’importe comment, en chaussons, une chauffe enfilée à la hâte, à observer les autres passer leur variation, dans l’odeur de la laque à cheveux. C’est aussi des loges lumineuses, aussi diurnes que les coulisses sont nocturnes –plus qu’un après-midi au cinéma- qui donnent sur les rires et les rumeurs des jardins du château, curieusement proches par rapport au retour de scène.
Mardi soir, des scolaires qui transforment le hall en cours de récréation, des courses poursuites dans les couloirs, une ouvreuse qui se laisse déborder avec professionnalisme et le poulailler à tous les étages. Je me serais bien passée des commentaires pleins de sébums et d’hormones qui surgissaient derrière moi, mais enfin…
Au début de la pièce, j’ai eu un peu peur : je ne comprenais pas grand-chose à la diction du comte, qui de plus se battait au fleuret, et les premières scènes se sont succédées sans qu’on puisse voir de liens entre elles, ni supposer lesquelles introduisaient l’intrigue principale. Et surtout, une certaine réticence dans la surenchère des effets de comique lourd – avec notamment une battue faite par des paysans bercés un peu trop près du mur, auprès desquels les visiteurs sont fins et subtils – bref, le genre de comique qui entraîne le rire de la salle comme une bande-son de rires préenregistrés – et qu’on vous rajoute une grimace !
Heureusement, j’ai trouvé mon comte, l’intrigue s’est ficelée et le comique a été plus éclaté. C’est une histoire relativement classique, avec un comte veuf qui cherche à marier ses filles, qui n’ont fait qu’à leur jolie tête, des prétendants trop sûrs d’eux et des amants indécis –le personnage éponyme de la pièce, qui vire schizophrène de timidité – ainsi que ce qu’il faut de retournements, de (dé)tours et de pirouettes incroyables à force de vraisemblance. Le parti pris de la mise en scène surtout était excellent. Pas de modernité à tout prix, mais un jeu très contemporain. Le metteur en scène n’a pas hésité à tailler dans le texte (plus de cinq heures en VO – merci pour la coupe !) et à rajouter tout un hors scène très drôle. Un homme vient la bouche en chœur vous expliquer ce qui va suivre, planter le décor en zigzaguant un treillage devant vos yeux de la paume de ses mains, ou annoncer l’acte suivant. Rires à la scène 2 de l’acte 2, quand le personnage assis à sa droite fait deux signes de la victoire à l’annonce de la scène. Et puis aussi lorsque le prologue (si, si, cela lui va bien comme nom) arrive ivre. Et plus encore lorsqu’il se fait le traducteur des didascalies espagnoles et qu’il reste à répéter « la nuit » jusqu’à ce que le technicien envoie un éclairage lunaire. Ce prologue est le pendant extérieur de la mise en abyme interne, l’une des filles jouant à l’actrice. Amusant clin d’œil qui déclenche de l’hilarité lorsqu’en professeur tout à fait conforme à la Bacchante, le prologue retourne le miroir et se met à nous exposer le schéma actantiel de l’acte manquant pour la vraisemblance d’un retournement tout à fait improbable – et oui, oui, le timide paysan est bien le fils d’un noble seigneur (pas Romulus, mais tout juste). Les personnages inconnus se déclinent en initiales sur le tableau, entourées, liées entre elles, croisées avec une lettre qui ne nous évoque plus le reste du nom ; l’adjuvant se retrouve au coin sous forme d’un smiley et l’hilarité fait salle comblée lorsque, mimant le si commode secret de famille du père prodigue, le prologue finit par agoniser et ses derniers tressaillements tracent à la craie un diagramme cardiaque agité. Il défaille en ligne droite et je suis morte de rire. Un acte en un éclat de rire, c’est ce qu’on appelle de l’efficacité.
C’est un univers de jeu ; le prologue (le vrai, pas le personnage) montrant un atelier de couture comme décor. Les robes invitent au costume, les étoffes au déguisements, tandis que derrière un rouleau de tisse au mètre, un piano accompagne ces histoires enfantines. Une chute de tissu sert d’interlocutrice pour renvoyer une fiancée, et même les accessoires sont parfaits pour embobiner Séraphina, la fille aînée du comte. Le prétendant lui mime son bobard avec des personnages en bobines de fil, le duc en bleu, l’enfant illégitime en canette du même acabit et les espions en noir qui volettent autour comme des corbeaux aux mains du prétendant. Cousu de fil blanc ! Et lors du prologue les mimes des machines à coudre… vraiment, le « jeu corporel » des acteurs en fait de véritables mimes. Mention particulière au héraut qui, alors qu’il raconte quelque histoire vraisemblable qu’il a attrapée à la volée, semble jouer au tennis, court de la cour au jardin, renvoie une réplique, attrape une réponse avant qu’un autre personnage saisisse toute l’affaire en attrapant la balle. Vraiment, toutes ces manières de traiter les digressions du récit sont réjouissantes, et quel rythme !
Il y a aussi, au fil de la mémoire, un lit dressé à la verticale et sur lequel le timide recroquevillé par terre semble assis, puis sous lequel il se cache au gré du rêve agité de son amante ; le héraut étranglé parce que sa voisine tire sur son cartable pour ne pas voir le duel qui a lieu ; un comte recroquevillé qui se croit le « roi des écrevisses » (applaudissements pour cette absurdité)… J’ai vraiment passé un bon moment, à rire sans arrière pensée.
Par la Compagnie du Catogan / Mise en scène Gwenhaël de Gouvello / Adaptation Robert Angebaud / Avec Gregori Baquet, Jean-Michel Canonne, Brigitte Damiens, Marie Grach, François Kergourlay, Marie Provence, Rainer Sievert, Stephen Szekely, Jean-Benoît Terral, Éric Wolfer.
Création musicale Damien Joëts, Christian Huet / Décors Éric den Hartog / Costumes Anaïs Sauterey / Lumières Stéphane Baquet / Maquillage Laurence Otteny
Voilà qui résume : Sur un ton un peu goguenard, dans un décor de carton-pâte, avec des costumes qui ne se prennent pas plus au sérieux que les comédiens qui les portent, tous conduisent avec une belle énergie et dans un véritable esprit de troupe cette comédie légère de cape et d’épée qui ne parle que d’amour.