La librairie sur la colline

Mon lecteur de flux RSS pourrait en témoigner, la forme du journal me plaît ; j’en lis régulièrement sous forme de blog. Le ressassement des jours dégage des préoccupations, des obsessions, des personnages qui créent une forme de familiarité — toujours incomplète, malgré les redondances parmi lesquelles on traque des indices supplémentaires pour reconstituer le puzzle de ce qui n’a jamais été pensé autrement que comme fragments, cassés assez adroitement pour que l’intime s’y livre sans le privé (ou inversement). J’ai retrouvé ça à la marge dans le journal d’Alba Donati, une histoire familiale sous formes de bribes qu’on agence pour qu’elles soient le moins incohérentes possibles, un père assis au bord du lit alors que le mari de la mère a été porté disparu à la guerre, un frère auquel on soustrait un demi pour que le compte tombe juste. On n’explique pas le passé, dans un journal, on s’en souvient seulement.

Le présent est occupé par la librairie ouverte dans un patelin italien de 180 habitants — un suicide économique, n’étaient la magie d’Instagram, du crowdfunding… et le réseau culturel de l’autrice, qui sait créer avec son journal un huis-clos paradisiaque en plein Covid. Au bonheur des lectrices idéales, les livres écrits par les femmes sont mis à l’honneur, comme tout ce qui parle de jardin (la librairie a le sien), on bouquine en terrasse, et on complète sa pile à lire par des confitures d’écrivaines, des thés littéraires ou des collants et des calendriers Emily Dickinson. Des noms se répètent au fil des jours, certains classiques et connus, d’autres qui le sont certainement pour les Italiens mais que je n’avais jamais ou rarement croisés.

Chaque entrée du journal se termine par les commandes du jour. Une simple liste sans commentaire qu’on pourrait sauter, mais qui a fait mes délices. Quand j’étais enfant, les listes de titres, suivies ou non de quelques lignes de résumé, à la fin des Castor Poche, faisaient partie intégrante de la lecture, la prolongeait comme on s’éternise à table devant une farandole de desserts ; c’était la bande-annonce de lectures à venir, à imaginer et savourer en avant-première. Il y a de ça ici, doublé d’un plaisir linguistique : les titres sont donnés dans leur langue originale quand ils n’ont pas été traduits en français. À la fin de chaque entrée, m’attendaient quelques mots d’italiens à déchiffrer, juste ce qu’il faut pour que l’effort n’entame jamais le plaisir de m’apercevoir que je comprenais.

Quelques commandes du jour, pour le plaisir : Nehmt mich bitte mit de Katharina von Arx, Il libro della gioia perpetua d’Emanuele Trevi, Tōkyō tutto l’anno de Laura Imai Messina (cette délicieuse incongruité géographique, Tokyo en italien), La scrittrice abita qui de Sandra Petrignani, Sembrava bellezza de Teresa Ciabatti (révision de l’imparfait), Niente caffè per Spinoza d’Alice Cappagli, Cosi allegre senza nessun motivo de Rossana Campo, La grammatica dei profumi de Giorgia Martone, Pourquoi l’enfant cuisait dans la polenta d’Aglaja Veteranyi (oui, pourquoi ?), La gioia di vagare senza. Piccoli esercizi di flânerie de Roberto Carvelli (des petits exercices de flânerie-en-français-dans-le-texte…), Il giardino che vorrei de Pia Pera, Il silenzio è cosa viva de Chandra Livia Candiani, Was man von hier aus sehen kann de Mariana Leky, Chi se non noi de Germana Urbani (pour le plaisir de l’allitération).

Quant au nom du village où se trouve la librairie, j’hésite à le considérer comme une plaie ou un plaisir linguistique. Lucignana. J’ai rarement lu ou mentalement prononcé cette espèce de Chopiniana italien de manière correcte au cours de ma lecture, me contentant comme souvent de photographier la graphie du mot.

On parle sans cesse de livres, mais de littérature, en est-il question dans le journal de cette libraire ? À la marge. On trouve quelques pages qui m’ont rappelée que j’avais hésité à acheter La Porte de Magda Szabó un jour à la Fnac et m’ont donné envie de l’emprunter à la médiathèque. Quelques paragraphes sur Alberto Manguel et la manière dont certains passages l’émeuvent (à l’occasion desquels l’autrice note, j’ai bien aimé : “L’émotion est une altération de l’équilibre psychique, comme une mer sereine qui se ride soudain”). Et d’enchaîner sur le rôle de consolation que peut revêtir la lecture, notamment celle de la “bonne mauvaise littérature”. Il y a aussi ce passage sur Annie Ernaux :

Annie Ernaux est mon modèle. Je conçois la littérature comme de la non-fiction ; une histoire inventée ne me passionne pas, ne m’enrichit pas. D’une certaine façon, Ernaux a partagé sa vie en plusieurs pièces, elle a placé dans l’une son enfance, dans une autre encore sa mère […] et à chaque événement correspond un livre. […] bref, il y a de quoi fouiller toute la vie. / Ce sont des actions qui requièrent de l’attention, nous obligent à formuler le délictuel et en même temps à voir surgir le merveilleux à ses côtés. Il faut en faire grand cas. Le merveilleux est moins éclatant, il importe de le chercher, de l’attendre, de le débusquer, mais quand il se produit il nous domine.

Et c’est à peu près tout en terme de critique littéraire. La fréquentation des auteurs nous ramène à la fréquentation des lecteurs et des habitants du village, dans un kaléidoscope de portraits à peine ébauchés, mais souvent bien croqués. Voici pour la fin celui d’Alessandra :

Aujourd’hui, Alessandra, la fille de Maurilio, le berger de Lucignana, m’a embrassée. Un geste que je n’aurais jamais imaginé chez cette femme qui marche et fume comme un caïd. [… à propos de sa famille :] J’ai pensé à la chaleur qu’elle leur offre certainement entre un « va te faire foutre » et un « tu m’as cassé les couilles », comme un poêle toujours allumé.

Life in plastic, it’s fantastic

… I can brush your hairundress you everywhere
Imagination, life is your creation

Barbie au cinéma. Je ne sais pas trop quoi en penser sur le moment. Le rythme, calé sur la parodie de l’émerveillement de stereotypical-Barbie-qui-voit-la-vie-en-rose, empêche que ce soit vraiment drôle sur la durée, alors que ça a tout pour l’être. Cela me fait un peu le même effet que la seconde de trop du komisch allemand (dans un tout autre genre, oui). Et ça me fout dans l’incertitude : le kitsch ultime de la scène entre Barbie et sa créatrice vieillie est-il du premier ou du second degré ? On sort la carte de la créatrice comme un joker : si Barbie a été créée par une femme, alors tout va bien — exit le male gaze intériorisé. On peut fermer les yeux sur ses mensurations improbables ; d’ailleurs, vous avez vu, toutes les corpulences sont représentées au casting.

Il y a dans cette scène un effet de sourdine sur l’ironie, comme si le regard de Mattel se faisait pesant sur le film de Greta Gerwig. D’accord pour inclure toutes les dénonciations possible, l’autodérision est bonne pour la marque ; mais pas sur la fin, la fin c’est marketing. À la fin boys will be boys et Barbie will be Barbie. La réalisatrice ne peut plus se permettre d’être cinglante, et s’en remet au double-tranchant du kitsch, dont la force perdure même quand on l’expose pour le tourner en ridicule (big up Kundera). Le premier degré (qui doit faire kiffer Mattel) n’est donc pas annulé par le second (orchestré par Greta Gerwig). Oui, mais : la permanence du premier degré (en rassurant Mattel) permet aussi le second, et ça, c’est franchement bien joué, Greta Gerwig. Finement joué, in fine, même si j’aurais davantage ri sur plus cinglant (l’unique incursion extra-diététique d’une voix off  était savoureuse, et aurait pu être réutilisée plus fréquemment). La scène finale est une plaisanterie sans conséquence, mais avec mordant ; pas de demi-teinte, tout le monde repart léger — en rose, baby.

Je n’ai jamais été très Barbie, mais j’ai été ado dans les années 2000 : mon âme de trentenaire a kiffé les extraits de la chanson d’Aqua au générique… en citation dans un remix (toujours cette même distance mi-précautionneuse mi-ironique).

Comme beaucoup l’ont dit : Barbie n’est pas parfait, mais il a le mérite d’exister. C’est typiquement un film que je suis plus contente d’avoir vu que de voir : le casting de bons acteurs fait qu’à petites doses en reaction gif et autres références joyeusement martelées, ce sera tout à fait savoureux.

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Les gif font d’ailleurs manifestement partie du dossier de presse, à en croire le hashtag :

Barbie en mode disco, légende : Do you guys ever think about dying?Margot Robbie, parfaite en stereotypical Barbie. Ici dans une scène qui avait un petit goût de The Good Place (pas certaine que ce soit une référence voulue, contrairement à la scène d’introduction ?).

Ken qui se la pète ; en légende : "cool"

Ryan Gosling est impayable en Ken, tour à tour prétentieux, insecure (incel materiel), pathétique, ridicule et presque touchant.

Le CEO de Mattel tape avec ses baguettes roses : légende : catatstrophic !

J’espère qu’on aura plus de gif sur les cadres de Mattel (celui-ci n’est pas terrible) ; il y a des passages croquignolesques.

Vivre avec nos morts

Ce n’est pas tous les jours qu’on ouvre la porte d’un univers inconnu, et c’est l’effet que m’a fait l’essai de Delphine Horvilleur, Vivre avec nos morts — l’univers en question n’étant pas la mort, mais le judaïsme. J’y ai découvert des étymologies qui sont et ne sont pas de l’hébreu, des récits issus de textes sacrés, tout une tradition exégétique et humoristique de moi inconnue, accompagnée par le récit très personnel de l’autrice-rabbine.

Ses réflexions partent souvent des enterrements lors desquels elle a officié, et se ramifient, entrecroisent l’intime, le familial et l’historique. Éclairés par des récits de la tradition judaïque, on y trouve des souvenirs d’enfant, des expériences de jeune adulte, des secrets de famille qui sont ou ne sont pas la sienne, des effets de transmission et des lacunes… On y croise la psy de Charlie Hebdo ; Marceline et Simone (Veil), « les filles de Birkenau » ; des fantômes issus de linceuls décousus, attendant qu’on reprise leur histoire décousue ; un Dieu auquel on peut demander des comptes, de manière fort irrévérencieuse ; une femme obsédée par son propre enterrement et qu’une cérémonie factice a tiré de la dépression ; inévitablement aussi, l’histoire d’une génération pris entre la Shoah et le(s) sionisme(s)…

C’est un essai tout sauf morbide : sensible, lumineux ; tout sauf dogmatique : intime, psychologique, politique. La judéité constitue un point d’entrée pour aborder des questions qui dépassent toute confession, et Delphine Horvilleur prend garde à ce que son texte reste accessible quelques soient les croyance ou incroyances de ses lecteurs.

Merci à @krazykitty pour la recommandation de lecture !

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Ne jamais raconter la vie par la fin mais par tout ce qui, en elle, s’est cru « sans fin ».

En anecdote, une tirade de film, d’enfant qui déplore qu’on mette une plaque commémorative pour dire qu’ici des enfants ont été tués, alors qu’on pourrait les célébrer en disant : ici, des enfants ont mangé de la chantilly pour la première fois.

L’autrice évoque aussi le choix des photos sur les tombes, avec une réflexion que je m’étais déjà faite sur les portraits d’auteurs morts : une photo dans leurs dernières années, et on se dit qu’ils ne sont pas montrés à leur avantage ; une photo d’eux jeunes, et tout développement ultérieur, toute maturité est balayée. Moralité : au moins deux photos, deux points entre lesquels imaginer la trajectoire d’un être.

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Ainsi, les fantômes ne vous veulent pas forcément de mal. Parfois, ils vous racontent une histoire, la vôtre, et vous disent qu’elle est simplement une reprise de la leur.

En plein cœur des romans-fresques familiales sur plusieurs générations.

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Citation d’Elsa Cayat, la psy de Charlie Hebdo, qui répond à un homme racontant avoir été saisi par la panique à 10 ans, en prenant conscience de sa mortalité :

Un sentiment de panique c’est quoi ? C’est un sentiment d’abandon très puissant qui réactive quelque chose que l’on ne t’a pas dit sur TON histoire. Cette peur de mourir, c’est une envie de mourir, la peur d’être abandonné se traduisant par une envie de s’abandonner définitivement.

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Une prise de conscience à un enterrement où le fils n’a pas prévenu la rabbine qu’il viendrait seul :

Accompagner les endeuillés, non pas pour leur apprendre quelque chose qu’ils ne savaient déjà, mais pour leur traduire ce qu’ils vous ont dit, afin qu’ils puissent l’entendre à leur tour. Et s’assurer ainsi que le récit qui a quitté leur bouche reviennent à leurs oreilles par l’intermédiaire d’une vois qui n’est pas la louer, enfin pas tout à fait, une voix qui fait dialoguer leurs mots avec ces d’une tradition ancestrale, transmise de génération en génération, aux « bons » comme aux « mauvais » juifs, et surtout à ceux qui font comme ils peuvent.

Ce jour-là, j’ai dit à un homme ce qu’avait été sa mère, ne pouvant inventer autre chose que ce qu’il m’en avait livré. Et pourtant, je ne saurais l’expliquer, mais c’est comme si une autre histoire s’était devant nous énoncée.

La parole psy fonctionne-t-elle autrement ?

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Moïse a reçu la Thora au mont Sinaï mais, bien après lui, surgirent des hommes capables d’interpréter ce que lui ignorait. Ces érudits en savaient davantage mais continuaient à dire que ce qu’ils détenaient, ils le lui devaient.

L’avenir n’est pas devant nous mais derrière, dans les traces de nos pas sur le sol d’une montagne que l’on vient de gravir, des traces dans lesquelles ceux qui nous suivent et nous survivent liront ce qu’il ne nous est pas encore donné d’y voir.

Je trouve ce renversement très beau, fructueux.

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Pour décrire ce que j’ai ressenti dans ce cimetière, un mot me vient à l’esprit : celui de « solastalgie ». Ce concept, inventé au début des années 2000 par un philosophe australien, décrit une nostalgie d’un type particulier, celle d’un lieu où l’on se trouve mais dont on sait pourtant qu’il n’existe plus.

Une Ostalgie sans contexte, pour tous.

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Tout ce que nous construisons solidement finit par s’user ou par disparaître, tandis que ce qui est fragile, éphémère et faillible, laisse paradoxalement des traces indélébiles dans le monde.

Et un passage que je ne retrouve plus, où est dit en substance que l’on est marqué aussi bien par ce qui nous est dit que par ce qui nous est tu.

Esquisses chorégraphiques

Samedi 13 mai au Colisée de Roubaix

« Il y a les spectacles de fin d’année et LE spectacle de fin d’année de l’École du Ballet du Nord. Venez assister à une représentation inoubliable dans l’une des plus belles salles de la région. »

C’est ainsi que le Colisée vend ce spectacle gratuit. Inoubliable, rien que ça. On dirait un parent d’élève qui s’emballe. Je lui accorde que ce n’est pas le spectacle de fin d’année moyen. Il y a un sacré boulot derrière. Les ensembles sont très travaillés, à la fois dans l’espace (épatée par les alignements des plus jeunes Oo) et la synchronisation, ce qui fait que l’ensemble a de l’allure, indépendamment du niveau individuel des élèves. Je note, je note, dans mon carnet imaginaire de future prof.

Les grandes sur pointes, par exemple, interprètent une pièce très Jerome Robbins dans l’esprit, sur du Chopin, avec des robes et des ports de bras fluides, dans un kaléidoscope de formations : des trios, des duos, de nombreuses entrées et sorties, des diagonales en groupe en descendant, en solo en remontant la scène en déboulés… Les pas restent globalement simples (pratique pour être ensemble), mais ça respire, c’est plaisant à voir, très dansant. Avec un peu de recul (merci la place au balcon), on arrive à oublier les genoux et les pieds pas tendus, voire patauds, de certaines (à moins que ce ne soient des pointes trop neuves ?) — ça choque forcément un peu l’œil quand le reste est là. In fine, j’ai été aussi surprise par la disparité du niveau technique que par la présence et le sens artistique du groupe ; à une époque où l’on s’est un peu trop habitué à compter le nombre de tours et à relever le degré des arabesques, cela fait du bien de voir l’attention concentrée sur ce qui fait la beauté de la danse. J’espère réussir à pareillement mettre mes élèves en valeur le jour où j’en aurai.

Il faut attendre la première pièce contemporaine des plus âgés (chorégraphiée par Sabrina Del Gallo) pour oublier le contexte de spectacle de fin d’année, et voir une qualité de mouvement qui réveille votre empathie kinesthésique de spectateur.  J’ai souri intérieurement de retrouver une ambiance clubbing de groupe sur de la musique électro, soit le parti pris de notre promo pour la dernière carte blanche. Ça donnait envie de les rejoindre sur scène, en tous cas. Et certaines danseuses sont carrément wow.

Le spectacle se finissait par la pièce qui a motivé ma venue comme spectatrice et pas seulement en tant que future prof de danse : Cage of God de Fábio Lopez, ancien danseur de Thierry Malandain et chorégraphe de la compagnie Illicite Bayonne. C’est là qu’on voit la différence entre un professeur, même très bon, et un chorégraphe : on n’a plus des élèves face à soi, mais des danseurs. Les chignons banane et les mini-shorts blancs sur tunique chaire achèvent la métamorphose en danseurs néo (j’ai l’impression de redécouvrir les trois danseuses que je connais via la formation). Fumigènes, lumières aveuglantes, musique anxiogène à fond les ballons, on y est. Le groupe a totalement investi la gestuelle du chorégraphe, muscles puissants, doigts finement articulés, dos archi cambrés. Tous, solistes d’un instant ou corps de ballet, se lancent à corps et énergie perdus dans cette pièce de quasi 20 minutes, bluffants. C’était 🔥.

(C’est le genre de pièce qui me donne envie de me ré-essayer au contemporain. Mais il y a un gros travail de remise en forme physique à faire avant ne serait-ce que d’y penser.)

Ciné de mars-avril

Everything, everywhere, all at once (sur OCS)

Quand on ouvre les fenêtres en voiture alors qu’on roule vite, il me faut toujours un moment avant de trouver mon souffle, cinglée par l’air. C’est pareil pour Everything, everywhere, all at once, que j’avais lancé pour me détendre, sans me douter de l’exigence du rythme : j’ai interrompu deux fois le visionnage avant de me faire à l’afflux visuel et d’entrer vraiment dans le délire. Je ne suis pas certaine d’avoir retenu grand-chose de l’histoire mère-fille qui se joue, noyée dans une myriade d’univers avec des doigts-Knacki et un bagel-trou noir destructeur de l’humanité, mais j’ai passé un bon moment. Puis j’ai toujours une tendresse particulière envers les gens qui déploient des trésors d’imagination pour nous rassurer sur nos choix de vie, postulant pléthores de vies parallèles alternatives pour vérifier qu’on ne peut pas tout avoir, et que la plus éclatante n’est pas nécessairement la plus heureuse.

La contrôleuse des impôts comme ennemi terrifiant (on ne voit pas son presse-papier-plug sur la photo)
Everything bagel

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Je verrai toujours vos visages

L’essentiel du film consiste en séances de parole entre détenus et victimes d’infractions similaires, préparées en amont par des médiateurs. Comprendre, non pour pardonner à l’autre, mais pour se réparer soi : c’est tout l’intérêt de ce dispositif de justice restaurative. Je verrai toujours vos visages est optimiste sans être joyeux, un concentré d’humain trop humain porté par une pléiade de bons acteurs (notamment Leïla Bekhti, Élodie Bouchez et Gilles Lellouche).

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Dancing Pina

La danse de Pina Bausch se prête décidément bien au documentaire. Pour un peu, elle passerait mieux à la caméra que sur scène, lorsque le geste est explicité dans la transmission, et les émotions qu’il remue chez les interprètes, captées à fleur d’instant.

J’ai aimé qu’il n’y ait pas de voix off, seulement les artistes qui s’expriment, danseurs et passeurs. J’ai aimé qu’on suive à la fois une transmission tout ce qu’il y a de plus classique, à une compagnie classique européenne, et celle, plus ébouriffante, de l’École des sables, rassemblant des artistes de toute l’Afrique aux parcours plus divers, avec une performance finale du Sacre du printemps dansée non pas dans un théâtre, la scène préalablement recouverte de terre apportée par bennes, mais sur le sable, sur la plage, avec le vent et quelques badauds qui n’ont pas été contenus hors-champ, un simple sillon délimitant l’espace de représentation. C’est un peu dingue.

À la fin de la séance, un monsieur  se tourne vers moi (envie de parler) et me raconte qu’en je-ne-sais-plus-combien, il avait eu la chance (envie de parler de lui, bon), alors qu’il était à l’école normale de Lille (envie de faire l’important, va pas falloir que ça dure trop), d’assister à une masterclasse… de Béjart. J’avoue, je n’avais pas vu venir la chute. (Pour l’envie de faire celui qui s’y connaît, c’est un peu raté, mais c’est mignon.)

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Awakenings (sur Amazon prime)

Première heure de film : les bons sentiments, une belle histoire édifiante, bon, pourquoi pas.
Seconde heure de film : les bons sentiments sans rythme, avec enlisement dans le pathos, c’est non.

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Bonne conduite

Déjà évoqué dans le journal d’avril.

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Fantastic Mr. Fox (sur OCS)

Une histoire toonesque, but make it animation, make it Wes Anderson. À la fois décalé et attendu. Drôle.

Le boyfriend, avec son œil de graphiste, a remarqué que Wes Anderson adorait les plans symétriques, centrés. Impossible de ne plus le voir une fois qu’on l’a vu.