Ça me bouffe.

 

La Pâtisserie Valérie, en français dans le panneau, est une Pomme de pain anglaise. En plus cupcake. En plus crémeux. Pour tout dire, les gâteaux ont même l’air franchement dégueux dans la vitrine. Surtout quand on revient de chez Richoux, trois magasins plus loin. Mais Pink Lady ayant plaidé la cause de leurs scones (pas mauvais, il faut bien le dire, quoiqu’un peu gras une fois qu’on a englouti ce galet bourratif 1), j’ai bien voulu tenter un plat sur le pouce avant de les goûter. Ils ont un sandwich poulet- poivron rendu dément (à son échelle de sandwich mais ils sont maintenant si perfectionnés…) d’être tartiné non pas de margarine ou même de beurre mais… d’houmous !

Je suis donc revenue sur mon a priori. Cependant, si je fais volontiers un détour par la Brioche Dorée avant d’aller à Garnier, quand on me dit « salon de thé », je pense davantage à Dalloyau ou à Mariage Frères (leurs scones sont délicieux ; même allure que chez Valérie en plus digeste)… donc plus à Fortnum and Mason qu’à Valérie. Pourtant, quand mon quart d’heure tête de mule est passé et que j’ai goûté le thé qu’avait commandé Palpatine, force a été de reconnaître qu’il était délicieux, voire meilleur – mais aussi, quand je pense au thé, je pense d’abord aux gâteaux qui l’accompagnent : où est mon carrot cake ?.

Alors avec le souvenir d’un petit-déjeuner englouti sept heures auparavant et une attente qui commençait à s’éterniser, avec des trucs crémeux qui circulaient autour de nous et dont la simple vue commençait à m’écœurer, trucs crémeux qui allaient me faire grossir sans m’avoir auparavant fait plaisir (si c’est le cas, je ne regarde plus à la dépense -calorique), l’estomac sur pattes bourgeois que je suis, contrarié par ce qu’il avait rêvé et n’était pas, bien davantage que par ce qui était, a pété un câble et je suis partie feuilleter des bouquins dans la librairie la plus proche pour me calmer, après avoir planté mes acolytes sans autre forme de procès. Toutes mes excuses à Pink Lady (c’est tout aussi impoli envers Palpatine, me direz-vous et vous aurez raison, mais lui sait d’expérience que ce n’est pas dirigé contre lui). Cela fait un certain temps que je pense à un post sur les pensées d’un estomac sur pattes mais il faudrait vraiment que je le rédige pour qu’il y en ait un mode d’emploi et qu’on sache si et quand cette chose vorace va vous péter entre les doigts.

Blague à part, il faudrait que je trouve un moyen de résoudre l’antinomie ‘être contrarié dans ses désirs/ vouloir faire plaisir aux autres’, sans chercher à retourner le « non » qu’on pourrait leur opposer simplement (« non, je n’ai pas envie de danser dans ce numéro là », « non, je préférerais aller ailleurs que chez Valérie »…) en colère contre ma petite personne à la fois égoïste (ou despotique, comme on voudra) et incapable de le reconnaître en face à un moment donné (parce que les autres n’y sont pour rien si leurs envies ou décisions vont en sens contraire et contredisent les miennes, c’est normal ; c’est toute seule que je me contrarie). Ce qui finit au pire en crise de larmes, au mieux en petit être hargneux et désagréable. L’image de cocotte-minute de Palpatine n’était peut-être pas si mauvaise en fait. Sûr, c’est moins sex que la cocotte, mais là, c’est cuit.

– Hé, ma cocotte ! Minute !
– … ?
– T’es pas sur un divan rouge, là. L’est même orange ton layout.
– Justement. Out ! (c’est évident qu’une morfale est une chieuse en puissance, non ?)

1 Pas de mauvais esprit, pas de comparaison avec Richoux, mon choux. (Silence) Richouuuuuuux !

ABT 2 : le Sadler’s Wells au galop

Deux jours plus tard, les mêmes, plus Pink Lady. Le premier balcon est à moitié vide et comme les gens s’obstinent à ne pas se descendre sur deux rangs laissés entièrement vides, nous nous replaçons au milieu du milieu : tous les danseurs rien que pour moi.

Cela faisait longtemps que je voulais voir Thème et variations, qui figure parmi les premières images de danse que j’ai collectées et devant lequel j’ai rêvassé (pour ma défense, je tiens à préciser que les costumes étaient loin d’être aussi kitschounes que ceux que l’ABT nous a sortis) en les classant et reclassant dans un gros classeur vert et ses pochettes plastiques. C’était le début d’internet, quand on trouvait encore merveilleux qu’un simple texte et trois photos bien fixes apparaissent en cinq minutes de chargement, et quand j’ai découvert toutes les photos de danse auxquelles j’avais ainsi accès et qu’en plus je pouvais, ô joie, les imprimer, je ne me suis plus sentie… jusqu’à ce que la cartouche d’encre couleur meurt sous le coup des (déjà) nombreux sites de danse et entraîne une relative restriction – modération à tout le moins.
Effectivement, le ballet se prête bien à la photographie, surtout durant le long adage de la soliste au milieu d’un écrin froufrouteux (les tutus des danseuses en piétinés, bras emmêlés pour des formations à configuration multiple).

 

 

Le reste du temps, la rapidité doit certainement rendre la chose un peu plus difficile, mais les figures symétriques et les alignements militaires des tutus guimauves continuent à rendre photogénique ce ballet que Gillian Murphy et David Hallberg ont mené tambour battant. Avec sa ligne fine, élégamment musclée, terminée par un coup de pied à faire pâlir d’envie n’importe quelle fille, le danseur se glisse aisément dans le rôle du prince charmant, sans pour autant se fondre dans le décor cliché des chandeliers. Gillian Murphy s’en sort bien, surtout pour une rousse dans une meringue rose, et orchestre le feu d’artifice final, lorsque le corps de ballet masculin rejoint le féminin et que ça pirouette, tour en l’air et jette grandement. La musique me rappelle curieusement la danse espagnole (ou alentour) du Lac des cygnes ; Palpatine me dit que c’est normal, que Tchaïkovsky recyclait souvent ses fonds de tiroir. La grande diagonale des couples défilant me rappelle les Diamants des Joyaux ; je me dis que ce doit être normal, Balanchine chorégraphiait toujours à l’image de la musique…

À l’entracte, je profite de mon plat thaï tellement spicy (qu’il fallait donc traduire par « pimenté » plutôt qu’ « épicé ») que j’ai pris le piment pour du poivron pour enfin goûter les petits pots de glace des théâtres londoniens ; Toffee hazelnut, ma foi, je recommencerai bien. Léchant ma cuillère, je suis bêtement les deux zigotos qui se lancent dans une opération de replacement ninja au parterre, forcément sur le côté. J’ai ensuite regretté : je préfère être un peu plus loin mais bien centrée plutôt que proche et sur le côté, ai-je pu vérifier. Outre que les Américains ont un sens de l’espace qui s’apprécie mieux en hauteur (ils dévorent la scène- ce doit être l’habitude des grands espaces), je me sens laissée de côté lorsque les danseurs portent leur regard au loin, tandis qu’en haut, au centre, ils dansent pour moi. À cet accès d’égocentrisme s’ajoute le fait que j’ai l’impression de passer à côté ; la tête du bonhomme devant moi, quoiqu’elle ne me dérangeait pas à proprement parler pour voir me ramenait à la salle dès qu’elle bougeait et il est très désagréable d’être sans cesse sorti du ballet, surtout quand il est narratif et joue sur les émotions.

 

 

              Le jardin aux lilas d’Antony Tudor, en effet, est bâti sur une trame narrative simple : dans un jardin, à la veille de ses noces, une femme revoie une dernière fois son amant tandis que son futur mari écarte définitivement son ancienne maîtresse. Plus qu’une histoire (Palpatine et Pink Lady se sont plaint de perdre le fil narratif), c’est une situation : au milieu des invités, quatre personnes pour trois couples qui ne peuvent exister en même temps, celui qui subsiste encore (la femme et son amant) se diluant entre celui qui n’existe plus (le mari et le maîtresse) et celui qui n’existe pas encore (les futurs mariés), le seul auquel une quelconque réalité soit permise. Ces contradictions donnent lieu à des inventions chorégraphiques remarquables, quoique discrètes, tout en finesse. L’entrevue avec son amant sans cesse retardée puis interrompue par les invités, la future mariée (Melanie Hamrick, très expressive) se retrouve seule et désemparés, bras ballants le long du corps, les mains qui voudraient bien se tendre vers quelqu’un mais que le poignet décolle à peine de la robe et qui restent les doigts recroquevillés sur la paume tournée en suppination (muette supplication à peine esquissée) ; un pied repassé devant l’autre en cinquième change son épaulement et elle cherche de l’aide à droite et à gauche – en vain, et elle part en petites arabesques à la Willis, plus traînées que sautées, la jambe tendue derrière elle au ras du sol, longue : longing. Plus tard, comme Myrtha mais en avant-scène, elle traverse le plateau en menés et ses mains descendent en frémissant le long de son buste, mouvement de palpitation.

 

Pas sur le front, la main, sur la bouche :
ce n’est pas un moment d’abandon, ou alors d’abandon angoissé ;
plus tard, plus tôt, en arabesque, elle se la mord presque.

              Tout n’est pas centré uniquement centré sur la future mariée et l’ancienne maîtresse (Veronika Part) , loin d’être une vamp’ sans pitié (quoique sa robe violet éclatant, parmi des invitées vêtues de couleur pâles ou sombres mais effacées, pourrait en faire une empoisonneuse d’existence) est une femme abandonnée pour son amant, plus seule encore que la future mariée qui doit se résoudre à abandonner le sien mais conserve toute son affection (quand bien même celle-ci ne sera bientôt plus qu’un souvenir). La violence avec laquelle elle se jette au-devant de son ancien amant rend presque fades les élans de passion de la future mariée (je préfère les moments contraints, soit qu’ils soient contenus par pudeur, soit qu’ils soient contrariés par un autre ou par un devoir envers soi-même – allez donc lire cette critique, et celle du premier programme aussi, pour l’humour british). Lorsque sa maîtresse se retrouve dans ses bras, le futur mari ne la retient pas : il l’arrête – dans les airs, raide. Il y a cette façon désespérée de vouloir recréer ce qui n’est plus, de forcer de la main la tête de l’homme à se tourner vers son visage alors que le bras qui la retient en pâmoison ne porte plus qu’un fardeau ; de chercher un appui qu’il n’offre plus et laisse tout au plus à disposition, indifférent, rendant le pas de deux caduque et ses tentatives maladroites, comme un élève qui cherche la barre dans son dos pour ne pas avoir à risquer l’équilibre en se retournant. Ou encore ce développé à la seconde, légèrement au-dessus de 90°, et qui, dans son équilibre, pointe l’aspiration du désir inassouvi.

 

               Tout cela et cent nuances encore s’entraperçoivent dans ce jardin aux lilas, éclairé par la lune qui filtre à travers le feuillage. Peu avant la fin, la scène se fige avec tous les protagonistes en train de se faire leurs adieux – courtois ou déchirants- et la jeune femme s’en détache pour aller donner un dernier baiser à son amant ; mais elle ne parvient pas à se glisser dans ses bras immobiles, à se rapprocher jusqu’au baiser, un obstacle invisible l’en empêche : le fantasme lui-même n’est pas assez malléable et résiste à lui accorder, ne serait-ce que l’instant d’un rêve, cette issue défendue. Le tableau se ranime, le mari referme la main que sa future femme a laissé s’attarder tendue vers son amant après avoir ainsi salué chacun des invités, et la rabat doucement contre elle pour lui prendre le bras, dignement.
              Donc, non, ce n’est pas une petite pièce mièvre et brouillonne. Tout juste à l’image du Poème de Chausson, délicatement articulé.


Tchaïkovsky pas de deux m’a un peu consolée d’être descendue, car un couple seul s’apprécie mieux de près, même si le petit sourire coincé de Daniil Simkin n’était pas indispensable. Avec Isabella Boylston , il a fait du pas de deux une miniature : c’est ciselé, bondissant malgré la rapidité prodigieuse mais, ce qui n’est certes pas sans aider, l’un et l’autre ne sont vraiment pas grand, et lui pas bien vieux. C’est un délicieux bonbon de gala mais ne me laissera pas grand souvenir.

Nouvel entracte, j’en profite pour remonter et m’asseoir toute seule en plein milieu de la rangée : à moi le plateau ! Bon, en fait, Company B, de Paul Taylor n’est pas ce que j’ai préféré de la soirée. La chorégraphie aux zestes de danses populaires des jeunes dans les années cinquante n’est pas sans me rappeler l’énergie du NYCB dans West Side Story mais ce n’est pas aussi emballant. Beaucoup d’humour, de l’intello qui roule des mécaniques ou beau gosse joyeux branleur en passant par les jeunes filles amoureuses nœuds dans les cheveux, jupes au genou et chemisiers blousants, et une métisse pour qui les garçons se roulent par terre, mettent en route cette « mauvaise troupe » ; un rythme uniformément endiablé sur des chansons à pulsation régulières qui ne le sont pas forcément aplatit un peu l’ensemble, pour un résultat qu’on voudrait éclatant mais qu’on trouve à regret en demi-teintes. Cela ne m’a pas empêchée de chantonner la dernière chanson (dont je devais tout de suite connaître quatre paroles – c’est le pire) sur tout le trajet retour jusqu’à la gare.

 

 

ABT : Sadler’s without sadness

[et un understatement pour le 4 (février), un !]

C’est pour l’American Ballet Theater que Palpatine et moi sommes retournés à Londres. Officiellement, du moins, c’est ce que nous nous sommes dit et le prétexte initial ne nous a finalement pas fait mentir sur notre but. Un peu comme le New York City Ballet, l’American Ballet Theater déborde d’énergie et leur danse beaucoup plus straightforward que ce dont nous avons l’habitude est une belle récréation. Les alignements ne sont peut-être pas parfaits (et encore, c’est plus une question d’espacement à l’intérieur de lignes bien tenues – de haut, impossible de tricher) mais l’expressivité n’est pas l’exclusivité d’un ou deux solistes, et ce malgré des chorégraphies qui exigent une rapidité et un ciselé incroyables. Pas de lyrisme mais de la vivacité, des muscles mais pas en force, du nerf sans crise ; c’est l’American way of dance.

Seven Sonatas avertissait d’emblée que cette façon de danser n’a rien de superficiel et que l’absence d’abandon lyrique n’empêche pas l’expression de l’intimité. Au contraire : lorsque rien ne dégouline à l’extérieur, il est plus aisé d’accéder à l’intériorité. Ne vous méprenez pas, cependant : la chorégraphie d’Alexei Ratmansky n’a rien d’introspectif et les trois couples qui évoluent sur la musique de Domenico Scarlatti (jouée au piano en arrière-scène, et non pas à moitié en coulisse côté jardin comme il en va d’habitude) sont aussi vifs voire espiègles que passionnés. Il est amusant de constater que ce pas de six est composé un peu comme un pas de deux : il s’ouvre et se ferme sur une scène de groupe, et fait se succéder les couples, ensembles puis par variations féminine et masculine, avant de nous proposer une variation sur ces variations, avec filles et garçons en groupes distincts, qui doivent finalement les réunir. Les robes blanches cherchent toujours à mieux épouser les corps, c’est extrêmement fluide, on aurait parfois presque l’impression de voir du patinage artistique, comme lorsque, en manège, les garçons retiennent les filles de tomber en écart et les font tournoyer ainsi, en les tenant sous les épaules. De quoi balayer toute réticence.

Et comme les robes ne font pas tout, il faut que je vous fasse comprendre tout le bien que je pense d’Herman Cornejo (surnommé « col Danton » par Palpatine qui, à Londres, mate presque plus les mecs que les nanas), petit chose aux cheveux bouclés très émoustillant (les cheveux bouclés sont un fantasme – à distinguer des moutons frisés que nous pouvons avoir à l’opéra), surtout quand il attaque l’espace avec une sensualité féroce. Puissant (j’ai soudain comme un doute : si j’aime tant cet adjectif, serait-ce à cause de son contraire ?). C’aurait été un argument pour me faire prendre espagnol en LV2. Et comme mes hormones ne sont pas mon unique critère d’appréciation, je me dois d’ajouter que David Hallberg, aux cheveux non seulement plat mais blonds, m’a presque fait frissonner juste en écartant l’espace comme des rideaux, en écartant les bras avec les paumes flex, avant de se replier par un imperceptible sautillement en sixième pliée et épaulée.

David Halleberg, ses cheveux, son coup de pied.

Et Yriko Kajiya qui de ses bras enserre son genou contre sa poitrine alors que son partenaire la tient, légèrement désaxée, à la taille… On pourrait en dire autant de Xiiomara Reyes et Julie Kent, d’où vous devez conclure que ces effluves de Dame aux camélias à l’américaine étaient une petite tuerie.

 

 

Twyla Tharp mériterait d’être Known by heart, comme le titre de son duet qui déménage. Gillian Murphy, une bombe rousse qui aurait pu danser avec the mask, et Blaine Hoven, pour le mouvement d’épaule duquel on pourrait se damner, offrent avec un peu d’humour et beaucoup d’énergie un duo explosif, avec dérapages contrôlés – sur pointes et sur un bon mètre, s’il vous plaît. Ce type de danse par rebond (un mouvement arrivé à sa fin en déclenche un autre qui semble le contrecarrer) -une sorte de Trisha Brown survoltée– a un effet délirant sur moi ; c’est toujours bon signe lorsque, ayant intériorisé et suivi le mouvement sans m’en rendre compte, je fais un geste involontaire sur mon siège, qui le prolonge et lui donne la réplique. Le surnommé « Junk » duet n’est pas de la junk food, l’affaire mérite que je creuse cette histoire de pyjamas rouge dont Palpatine ne s’est visiblement toujours pas remis.

Ce n’est pas la bonne danseuse, mais c’était pour vous donner une idée de jazzy.

Duo concertant aurait pu me faire manquer cette soirée si j’avais dû choisir entre les deux programmes. C’est je crois la chorégraphie de Balanchine qui m’avait le moins enthousiasmée lorsque le New York City était venu à Paris. Il faut dire que Stravinsky au piano et au violon ne met pas franchement à l’aise et comme Ronald Oakland, le violoniste, ne l’était pas non plus, il nous l’a massacré. Même avec mon oreille médiocre, les dissonances de la partition et le grincement qu’on pouvait supposer naturel à l’instrument, je n’ai pas pu ne pas entendre des couacs. Du côté des danseurs, en revanche, c’est virtuose, mais leur extrême technique tourne malgré eux dans le vide et mes considérations s’égarent sur les bonnets (pas de nuit, néanmoins). Les filles ont quelque chose que l’on ne voit jamais à l’opéra : de la poitrine. Je l’avais déjà remarqué avec Gillian Murphy qui devait faire un bon C (selon l’œil connaisseur de Palpatine, qui a davantage le compas dans l’oeil que pour les tailles – et quand je me suis rappelé que j’ai encore plus l’air d’une planche à pain sur scène, je n’ai pu que confirmer) et c’est devenu encore plus visible (D ?) chez Misty Copeland. Curieusement, c’est plus esthétique que chez la première – une question de doublure de tunique très certainement.

 

Alors qu’il danse, chorégraphie pour des films et fait un môme à l’actrice principale, Benjamin Millepied semblerait se moquer un tout petit peu de nous en annonçant que Everything doesn’t happen at once (heureusement, il est sauvé par la date de la création). Certes, une préparation de lino et un échauffement à rideau levé (qui me remettent dans l’ambiance de la répétition du Sacre) indiquent que le spectacle n’apparaît pas ex-nihilo à la seconde, mais par la suite, le chorégraphe prend un malin plaisir à tendre le regard du spectateur et retient à chaque fois in extremis l’éclatement : d’abord synchronisés et/ou exécutés par des danseurs peu nombreux sur le praticable blanc (les autres attendent autour) les enchaînements se dissolvent peu à peu en une simultanéité foisonnante et difficilement préhensible, bientôt rattrapée et ramenée à l’ordre par des lignes quasi militaires, martelées du bout des pointes.



On passe beaucoup son aspi-danseuse dans cette soirée.

Le temps d’échauffement a l’avantage de résoudre les petites fascinations personnelles indépendantes à la chorégraphie avant que celle-ci ne commence. Première remarque : quoique ce ne soit peut-être pas pour les mêmes raisons, Palpatine et moi aurions bien arraché leur robe aux filles (cette espèce de bretelle triangulaire qui fait un dos-nu asymétrique, c’est puissant). Ayant réussi à détacher Palpatine de Gemma Bond (je préfère ne pas imaginer ses fantasmes maintenant qu’il a ce nom) en lui montrant une (fort jolie) asiatique au téléphone (!), j’ai réussi à lui indiquer Daniil Simkin et à lui enjoindre de garder un œil sur ce jeunot pour le moment très nonchalant dans ses étirements (le dessus de la cuisse, quoi, faut réserver l’effet de surprise). Et cela ne loupe pas dans la suite lorsque le corps de ballet se divise : il y a les filles, les garçons – et Daniil Simkin, qui a plus de ballon qu’aucun autre danseur mais se jette dans leurs bras (se jette, je répète, le groupe d’homme l’arrête vraiment au vol, comme des groupies qui recevraient le corps de leur idole) avec moins d’hésitation que la danseuse la plus casse-cou.


Pigeon vole, Daniil Simkin vole !

Je savais déjà à quoi m’attendre ; Palpatine en a carrément oublié de regarder les filles (« mais il est aussi gringalet que moi »). Je me demande vraiment comment il va évoluer (Simkin, pas Palpatine- quoique), parce que, si l’on peut bien l’inclure au sein d’un groupe masculin (c’est déjà un progrès), on ne le remarque alors plus du tout (signe d’un équilibre qui reste à trouver entre des particularités à gommer et une personnalité à ne pas effacer), et lorsqu’il sort du groupe, c’est toujours sur le mode ironique du surdoué qui devient insolent d’aisance, comme à la fin lorsque sa ses pirouettes finales (elles se vendent en moyenne par lot de cinq) sont la force centrifuge qui fait éclater le groupe ramassé autour de lui.

 

Bref, une danse très incarnée, arousing (enthousiasm – what else ?), pour une soirée pleinement appréciée de notre place conquise par replacement en plein milieu du premier balcon. Y’a bon.

Hooked on books

Balletomane et littéraire, je considère avoir été taguée par Amélie.

Le point de départ : Have you read more than 6 of these books? The BBC believes most people will have read only 6 of the 100 books listed here. Instructions: Bold those books you’ve read in their entirety. Italicize the ones you started but didn’t finish or read only an excerpt.
Alors, mes agneaux, comme je passe désormais mes journées à rétablir le code typographique dans les interprétations originales et variées qu’en font les universitaires, je ne peux pas laisser un titre en romain. Pour que ça ne me démange pas de les souligner rageusement et d’écrire it. en rouge dans la marge, je laisserai en italique tous les titres et je soulignerai ceux dont j’ai lu des extraits.

 

1 Pride and Prejudice – Jane Austen
J’ai eu envie de claquer Elizabeth mais comme j’ai parfois aimé ricaner avec le narrateur, j’en lirai certainement d’autres un jour.

2 The Lord of the Rings – JRR Tolkien
On m’a fait regarder l’intégrale des films en version longue en VO d’une traite (jusqu’à trois heures du matin : « mais, il n’était pas censé être mort, lui ? – il a une aussi une barbe blanche, mais ce n’est pas le même que tout à l’heure. – Ah. »), mais malgré les soupirs d’extase de Dre, je n’ai jamais ouvert les bouquins.

3 Jane Eyre – Charlotte Brontë
Je croyais l’avoir lu gamine mais j’ai découvert que c’était une version abrégée, chose que j’abhorrais déjà à l’époque ; je me suis sentie un peu flouée sur le moment mais du coup cela fait un titre de plus sur ma liste à lire virtuelle.

4 Harry Potter series – JK Rowling
Il faut mettre en gras ET souligner si on les a beaucoup relu, qu’on dit « accio dico » quand on ne veut pas se lever pour l’attraper et qu’on regrette de ne pas avoir de retourneur de temps ?

5 To Kill a Mockingbird – Harper Lee
A. me l’a offert, il attend son tour sous la table basse.

6 The Bible
Cela manque gravement à ma culture et je vais peut-être penser à programmer ce chantier pour cet été. En français, hein, mais si un jour j’en lis des passages en anglais, je prendrai la King James’ version (c’était pour mister From-the-Bridge si jamais il passait par ici).

7 Wuthering Heights – Emily Brontë
J’aimerais le relire en anglais, vu le bon souvenir que j’ai gardé de la traduction- bonifié encore par Kader Belarbi ^^

8 Nineteen Eighty Four – George Orwell
Doubleplusbon. Sa critique est un des rares points que je n’accorderais pas volontiers à Kundera.

9 His Dark Materials – Philip Pullman
Je ne connaissais même pas le titre original, ce qui ne m’a pas empêchée d’être fascinée par cette trilogie, à laquelle je ne reprocherai que la toute fin, un peu mièvre par rapport au reste. J’ai longtemps rêvé d’avoir cette espèce de boussole grâce à laquelle Lyra ne voit pas le futur mais la réalité telle quelle est, la vérité (et ce mélange d’érudition et d’intelligence innée avec lequel elle s’en sert me ravit – c’est un peu le syndrome Hermione Granger), je me suis demandé quel serait mon daemon et j’ai pensé à la poussière dès que j’en voyais voltiger dans un rayon de lumière. Ça y est, j’ai envie de le relire.

10 Great Expectations – Charles Dickens
Je n’ai lu qu’
Oliver Twist mais tellement aimé que j’en lirai d’autres. Avant d’en étudier des extraits en cours d’anglais, j’y voyais un Zola anglais mais aucun misérabilisme ne résiste à l’ironie british.

11 Little Women – Louisa May Alcott

12 Tess of the D’Urbervilles – Thomas Hardy

13 Catch 22 – Joseph Heller

14 Complete Works of Shakespeare
Not yet.

15 Rebecca – Daphné Du Maurier

16 The Hobbit – JRR Tolkien

17 Birdsong – Sebastian Faulks

18 Catcher in the Rye – JD Salinger

19 The Time Traveler’s Wife – Audrey Niffenegger

20 Middlemarch – George Eliot

21 Gone With The Wind – Margaret Mitchell
Lu sur la pelouse à la pause déjeuner, au soleil, à Châteauroux, lors de mon premier stage de danse.

22 The Great Gatsby – F Scott Fitzgerald

23 Bleak House – Charles Dickens
Seulement l’incipit en khôlle. Palpatine, ne me la
isse pas entrer dans une librairie ce week-end à Londres.

24 War and Peace – Leo Tolstoy

25 The Hitch Hiker’s Guide to the Galaxy – Douglas Adams
Acheté lors de mon dernier week-end à Londres, lecture imminente.

26 Brideshead Revisited – Evelyn Waugh

27 Crime and Punishment – Fyodor Dostoyevsky

28 Grapes of Wrath – John Steinbeck

29 Alice in Wonderland – Lewis Carroll
Une version tricky m’a donné envie de le relire en VO.

30 The Wind in the Willows – Kenneth Grahame

31 Anna Karenina – Leo Tolstoy
Par un concours de circonstances (i.e. bouquins à lire pour les cours), je me suis trouvée interrompue après environ 50 pages, juste le temps de commencer à apprécier. S’il y a bien un livre que je ne renoncerai pas à lire, c’est celui-là <
L’Insoutenable Légèreté de l’être, Murakami, Boris Eifman.

32 David Copperfield – Charles Dickens

33 Chronicles of Narnia – CS Lewis

34 Emma -Jane Austen

35 Persuasion – Jane Austen
Là, je suis en train de m’attirer le mépris de toutes les blogueuses buveuses de thé.

36 The Lion, The Witch and the Wardrobe – CS Lewis

37 The Kite Runner – Khaled Hosseini

38 Captain Corelli’s Mandolin – Louis De Bernieres

39 Memoirs of a Geisha – Arthur Golden

40 Winnie the Pooh – A.A. Milne
Je préfère porcinet, d’abord.

41 Animal Farm – George Orwell
« All animals are equal but some are more equals than others. »

42 The Da Vinci Code – Dan Brown

43 One Hundred Years of Solitude – Gabriel Garcia Marquez

44 A Prayer for Owen Meany – John Irving

45 The Woman in White – Wilkie Collins

46 Anne of Green Gables – LM Montgomery
Et comment ! Toute la série achetée trimestre par trimestre chez France Loisirs, et galère pour compléter la série avec le premier tome qu’il me manquait et que j’ai fini par trouver en gros caractères pour malvoyants. J’avais alors un a priori négatif pour les romans courts et un amour démesuré pour ceux qui l’étaient aussi -démesurés (donc les séries). C’est l’époque où j’ai regretté de ne pas être rousse (aux yeux verts) avec des tâches de rousseur, et où j’ai admiré la grâce des peupliers.


47
Far From The Madding Crowd – Thomas Hardy

48 The Handmaid’s Tale – Margaret Atwood

49 Lord of the Flies – William Golding

50 Atonement – Ian McEwan
Je viens de finir
On Chesil Beach et ne compte pas en rester là.

51 Life of Pi – Yann Martel

52 Dune – Frank Herbert
Palpatine m’a fait regarder le film avec la chevauchée des vers de terre géants, ça compte ?

53 Cold Comfort Farm – Stella Gibbons

54 Sense and Sensibility – Jane Austen

55 A Suitable Boy – Vikram Seth

56 The Shadow of the Wind – Carlos Ruiz Zafon

57 A Tale Of Two Cities – Charles Dickens

58 Brave New World – Aldous Huxley
La première partie, en particulier, avec sa description des êtres programmés de l’alpha à l’epsilon, qui a ennuyé tant de mes camarades, m’a longtemps hanté, plus que l’histoire proprement dite qui suivait.


59
The Curious Incident of the Dog in the Night-time – Mark Haddon

60 Love In The Time Of Cholera – Gabriel Garcia Marquez

61 Of Mice and Men – John Steinbeck

62 Lolita – Vladimir Nabokov
One day. Une édition sans fourrure à poils roses, de préférence.


63
The Secret History – Donna Tartt

64 The Lovely Bones – Alice Sebold

65 Count of Monte Cristo – Alexandre Dumas
On me l’avait offert mais je déteste les Pléiades, je n’arrive pas à lire dessus et je l’ai revendu.


66
On The Road – Jack Kerouac
Ma cousine me honnirait si elle passait par ici.


67
Jude the Obscure – Thomas Hardy

68 Bridget Jones’s Diary – Helen Fielding
Ma mère riait tellement dans sa chaise longue que j’ai commencé par le deuxième tome.


69
Midnight’s Children – Salman Rushdie
En cours, en khôlle, et cette année à nouveau : avec une telle insistance, je ne vois pas pourquoi je résisterais à l’humour présent dès l’incipit.


70
Moby Dick – Herman Melville

71 Oliver Twist – Charles Dickens
Cf. 10

72 Dracula – Bram Stoker

73 The Secret Garden – Frances Hodgson Burnett
Un de mes premiers bouquins en anglais.

74 Notes From A Small Island – Bill Bryson
Only an excerpt from
Notes from a big country.

75 Ulysses – James Joyce
Lu une cinquantaine de pages à la BU pour voir. Quand j’aurai fini la
Recherche, vielleicht.

76 The Inferno – Dante

77 Swallows and Amazons – Arthur Ransome

78 Germinal – Emile Zola
Au nom du cours d’histoire et des dissertations à rendre vivantes, j’avais essayé de m’y remettre nonobstant ma détestation féroce de la Bête humaine, mais je n’ai même pas eu le temps d’avoir envie d’aligner tous les personnages pour les tuer et abréger mes souffrances.

79 Vanity Fair – William Makepeace Thackeray
I had such fun, commenting it in class… je devrais créer une vraie PAL pour ne pas l’oublier.


80
Possession – AS Byatt

81 A Christmas Carol – Charles Dickens

82 Cloud Atlas – David Mitchell

83 The Color Purple – Alice Walker

84 The Remains of the Day – Kazuo Ishiguro
Il me fait régulièrement de l’œil à Gibert…

85 Madame Bovary – Gustave Flaubert
J’ai de loin préféré
L’Éducation sentimentale.

86 A Fine Balance – Rohinton Mistry

87 Charlotte’s Web – E.B. White

88 The Five People You Meet In Heaven – Mitch Albom

89 Adventures of Sherlock Holmes – Sir Arthur Conan Doyle

90 The Faraway Tree Collection – Enid Blyton
Mais j’ai lu plein de Fantômettes.

91 Heart of Darkness – Joseph Conrad

92 The Little Prince – Antoine De Saint-Exupery
Le chapeau-boa ; la planète lampadaire ; le comptable d’étoiles, et la première fois que j’ai rencontré la formule « je bois – pourquoi ? -pour oublier – pour oublier quoi ? – pour oublier que je bois ».

93 The Wasp Factory – Iain Banks

94 Watership Down – Richard Adams

95 A Confederacy of Dunces – John Kennedy Toole

96 A Town Like Alice – Nevil Shute

97 The Three Musketeers – Alexandre Dumas
Athos, Portos, Aramais et d’Artagnan ! Je croyais que les romans de cape et d’épées n’étaient pas pour moi, et j’ai enchaîné sur
Vingt ans après et le Collier de la reine.

98 Hamlet – William Shakespeare

99 Charlie and the Chocolate Factory – Roald Dahl
Mouais. Y’a du chocolat, quoi.

100 Les Misérables – Victor Hugo
Il était dans le programme de khôlle et en bonne psychokhâgneuse, je l’ai lu pendant des vacances de deux semaines, dans l’ordre, juste après Polyeucte de Corneille : checked ! Bein c’est passé beaucoup plus vite, une valse sur du rythme ternaire bien martelé ; j’ai dévoré, me suis baladé dans les égouts et ai gardé une fascination particulière pour le passage du couvent.

 

À l’arrivée : more than once, it dates back ; j’ai plus lu que je ne lis. Et remarque qu’on est très chauvin dans nos lectures : une majorité de bouquins anglophones dans cette liste de la BBC et quasiment que des œuvres françaises dans l’ouvrage sur le roman, que je suis en train de relire. La Weltliteratur est une bonne raison de se kundériser.

Et comme je ne suis pas une gentille journaliste, j’accuse : Inci et Bambou (je serais curieuse de voir ça chez Mo aussi mais on se connaît moins, je propose seulement).

(au) sortir de sa/la coquille

Je ne sais pas si c’est d’exercer mon regard à dénicher dans les textes guillemets mal fermés, majuscules non accentuées ou colocations néologisantes et à repérer l’intrus qui fait que les choses ne sont pas comme elles devraient être, mais aujourd’hui j’ai sauvé une carte de cantine sur le couloir tapis roulant de la mort poubelle et par conséquent sa propriétaire de son rachat, ainsi qu’un sac en plastique contenant du tulle rose fushia, et par conséquent la gamine à qui on allait faire un costume.