End of the (London) week-end

Parce qu’il faut bien en finir avec ces posts à retardement, un dernier pot pourri…

 

Smart ou snake.

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Fun, si vous aussi vous avez une connaissance sémantique assez restrictive de « relatives » :

 

À deux pas d’impasses que nous avons nommées le Londres de Dickens (des maisons en brique en série, noir comme si l’on s’y chauffait encore au charbon, une bicyclette qui traîne avec les poubelles), des immeubles en carton ondulé :

Claqués, deux heures avant de prendre le train, nous nous sommes posés chez Peyton and Byrne dans la galerie de King Cross. Comme Palpatine veut toujours faire ce-qu’il-faut-faire et que L. a bon goût, il a pris un fairycake (cupcake au nom duquel on a donné un coup de baguette magique) et, choix inopiné, en pensant fort à Inci pour ce nouvel usage du lemon curd, j’ai dégusté un délicieux lemon and poppy cake. C’était le met de la fin.

Je vois, je vois… un geek sous l’élégant, des identités avec lesquelles jongler

 

À Camden Market, ex-repère de punks devenu le refuge de toutes les bizarreries vestimentaires, j’ai vu Palpatine, celui-là même qui la veille essayait un haut-de-forme, à présent coiffé d’une casquette gavroche, portant un manteau bien coupé et un sac Dunhill à la main (avec un vrai sac Dunhill à l’intérieur, et j’ai dû le lui rappeler lorsqu’il se désolait que le sac en papier cartonné se soit abimé), je l’ai vu s’écarter du main stream de la foule, se diriger et entrer dans une boutique de jonglerie où le vendeur avait des écarteurs aux oreilles et un sweat avec une énorme poche kangourou pour loger plein de balles de toutes les couleurs. Mais celle qu’il avait en tête, c’était une boule transparente de madame Irma qui aurait rétréci au lavage de cerveau pour qu’on puisse jongler avec. Enfin jongler… la manipuler, plutôt. Entre les doigts agiles du vendeur, sa transparence la fait sembler en lévitation. Lorsque j’essaye, c’est tout de suite moins glorieux ; je suis surprise par le poids et vérifie un certain nombre de fois que la boule n’a rien de la fragilité de sa cousine de voyance. Palpatine hésite, on traîne un certain temps, je poursuis mon initiation avec une balle bleue plus légère qui ne risque pas de me briser les phalanges quand je tente de la faire sauter du bout des doigts sur le plat de la (même) main. Et puis une fois qu’on s’est bien amusé, qu’on a appris we’de better practice on a bed pour ne pas rayer la boule, qu’il ne faut pas la laisser traîner parce que l’effet loupe (« lens », je fais répéter au vendeur, je croyais que c’était réservé aux lentilles de contact) pourrait faire prendre feu, que j’ai failli tuer quelques clients de mes essais aventureux, que la chance du débutant refluait, et que je pensais qu’il était temps de libérer le vendeur pour d’autres clients, portés sur les massues, Palpatine qui semblait pourtant s’être résigné à l’indécision et observait mes essais une autre boule immobilisée entre ses mains timides, regrettant déjà un peu d’être raisonnable, a décrété qu’il la prenait. J’étais surprise et contente comme une gamine devant un adulte qui décide pour une fois de ne pas être sage. Je suis maintenant curieuse de voir quand il s’entraînera au maniement de la chose (et donc si il y touchera).

Audioguide palpatinois

 

Dans la gallerie des dinosaures du Natural history museum : « Non, mais y’a pas un seul bout d’os ici ! Que du plastique ! Ça n’a aucun intérêt et ça grouille de mioche. Des os en plastique ! ».

En croisant un nouveau groupe de dindes jeunes filles en talons haut et ceinture mini-jupe moulante au ras du cul : « C’est tellement court que ça en devient moche. Non mais, comment on peut porter ça ? Il doit y avoir une raison légale, je ne vois que ça. Ouais, ce doit être obligatoire. »

Ponctuellement, devant un homme à l’allure plutôt classe : « Ah! Ça fait du bien de voir des gens bien habillés. Les Anglaises sont moches mais alors au moins, ici, les mecs sont bien habillés, c’est reposant pour les yeux. »

Avant le métro, dans le métro, en sortant du métro, en pensant au métro : « Je déteste ce métro. Il est mal foutu, il est dangereux, ils ont creusé le strict minimum de galeries en découpant juste autour de la rame, y’a pas de place pour sortir en cas d’urgence, s’il y a le feu, on meurt tous, puis t’as vu cette poussière, là, toute cette poussière que ça déplace. Comment sait-on où on va ? Je ne comprends rien, je déteste ce métro. Il est encore bondé mais c’est normal, y’a pas de place à l’intérieur, on peut pas se tenir debout sur le côté, c’est trop bas et puis les portes sont trop petites. Je t’ai déjà dit que je détestais ce métro ? ». Inutile de faire remarquer qu’il ne pue pas, contrairement à Paris, ou qu’il est pratique que les deux directions se trouvent se part et d’autre du même quai : « C’est crétin. Je déteste ce métro ».

Du coup, on a pas mal marché et comme Palpatine a intégré qu’il se trimballait avec un estomac sur pattes à nourrir à heures fixes, je n’ai presque pas râlé – sauf dans les bourrasques, à 22h10 à vingt minutes de l’hôtel, sur une place hostile aux piétons.

Les week-ends sont des crash tests pour apprendre à s’entendre. On progresse. Après le premier week-end ensemble, à Berlin, on avait décidé d’un commun accord, soulagés, de ne pas se voir de la semaine. Là, j’aurais bien assisté à sa conférence le lundi soir et n’ai laissé tombé qu’à l’idée de traverser tout Paris avec mon gros sac et de manger à des heures indues. Le Mogwaï essaye de ne pas évoluer en Gremlin.

007 et sa maîtresse incestueuse

La souris :  » […] bout de gruyère […] après avoir mis la table […] ».

Palpatine :  » Mettre la table, ah ! mon Dieu, tu fais encore ça ; j’oublie, c’est vrai que tu as une double vie : une vie normale et une vie familiale. »

Mon amant régulier est encore plus croyant que moi dans la barquette Picard et à ce niveau-là, ça relève du traumatisme.

Haut-de-forme, chapeau bas

 

J’ai toujours quelques scrupules pour les vendeurs lorsque Palpatine s’embarque dans de grandes conversations où il raconte sa vie d’aspirant élégant1, mais c’est oublier qu’on ne se retrouve pas dans ces échoppes de luxe par hasard et que les vendeurs sont souvent eux-mêmes des passionnés, amoureux des souliers (différent du fétichiste et de ses chaussures) ou ici, en l’occurrence, des chapeaux.

Avec ses lunettes à grands verres ronds finement cerclés d’un matériau cuivré qui me laisse le souvenir de cheveux presque roux alors qu’ils étaient peut-être blonds (une moustache, aussi ?) et son air de vigoureux berger écossais, le vendeur paraissait en total décalage avec son âge, relativement jeune, et partant, il n’était plus du tout si étrange de l’entendre parler des chapeaux qui encombraient son appartement – jusqu’à la cuisine, si j’ai bien compris, puisqu’il choisit au gré de son humeur lequel porter pour prendre son petit-déjeuner.

Entre anecdotes personnelles et prix exorbitant de la marchandise, il nous a raconté que les chapeaux haut-de-forme ne se font plus, qu’il faudrait une manufacture entière pour reproduire les conditions de fabrication nécessaire, avec la colle particulière, la bonne aération, etc. alors que cela ne représente plus qu’un marché de niche, maintenu par les chapeaux qui restent en circulation depuis la fermeture de la manufacture, en 1900 et des poussière. Quoiqu’il s’agissait d’un haut-de-forme et non d’un chapeau melon (ça, c’est dans deux semaines), cela a été le moment surréaliste : lorsqu’on s’est rendu compte, Palpatine et moi, que le chapeau qu’il avait sur la tête avait un siècle. Le vendeur nous a désigné une vitrine où se trouvaient des antiquités ; les chapeaux qui y étaient exposés pour avoir appartenu à des sommités n’étaient guère plus vieux, seulement dans un état déplorable. Palpatine n’osait plus toucher à celui qu’il avait sur la tête et, pour l’enlever, l’a saisi du bout de ses doigts fins et l’a précautionneusement ôté de son chef, le ramenant au ralenti devant lui comme s’il allait tomber en poussière au contact de la peau. Un siècle. D’un coup, le prix exorbitant du chapeau, même pour de la soie, s’expliquait par sa valeur d’objet de collection (peu sont restés dans un si bon état de conservation). On s’est regardés avec Palpatine, mi-ahuris mi-émerveillés, lui surtout.

Le plus excitant, dans ce voyage dans le temps, c’est que le haut-de-forme lui va fichtrement bien et qu’il n’a même pas l’air déguisé comme je le craignais (ou alors je suis tombée amoureuse de ses lubies). For nothing special, s’est-il vu forcé d’avouer au vendeur lorsqu’il lui a demandé à quelle occasion il comptait en porter. Né un siècle trop tard.

 

1Il vous expliquerait, comme il l’a fait en sortant de l’ échoppe, que l’élégant n’a rien à voir avec le dandy. Tandis que celui-ci fait de son apparence son œuvre, qui est à elle-même sa propre fin (art for art’s sake, here we are), celui-là en ferait le moyen de son ascension sociale (exit la fascination wildienne). D’où que Palpatine met dans une paire de souliers la somme dépensée pour toutes vos chaussures et qu’il en parle néanmoins comme de (vulgaires) « godasses ». CQFD.