Fée d’hiver : un danseur écrasé par un molosse

 
Fée séchée - Brian Froud
 
Illustration : Les fées séchées, de Brian Froud * 
 

    Exceptionnellement, j’arrive en avance à la gare. Exceptionnellement, parce que plus vous êtes proches, plus vous courrez, ayant toujours l’impression que vous y serez en un saut de puce. En avance, donc, je vais faire un petit tour au Relais de la gare pour échapper aux effluves chimiques et alléchants des boulangeries pour voir les nouvelles parutions des journaux de danse. Cette espèce précise de magazines est particulièrement difficile à localiser, souvent à côté de la musique, mais pas toujours, toujours caché derrière d’autres revues, en revanche, de sorte qu’en deux millimètres de couverture, vous devez  deviner le D de Danser ou Danse ( noms d’une folle originalité, j’en conviens), à ne pas confondre avec le B de Ballet 2000 (qui me fait irrésistiblement penser à une vieille enseigne de produits surgelés Gel 2000 –vive Picard au passage- et qui paraît encore plus ridicule depuis que nous avons dépassé l’an 2000, un peu comme un film de science-fiction qui aurait mal vieilli).
    Je fouille donc du regard les étagères du relais à la recherche d’une trace de danse, puisque tel est mon dada (et mon sujet, ne l’oublions pas après une digression fort peu à propos – comme toute digression, me direz-vous, et vous aurez raison). Je recule de quelque pas pour avoir une vue d’ensemble de la mosaïque de titres. Encore un pas, puis je m’arrête, sentant une présence derrière moi. Une espèce de molosse trône immobile derrière mes mollets. S’il était en faïence, il ferait un presse-papier admirablement  proportionné au tas de journaux sur lesquels il siège. Mais il est bien en chair et en os (surtout en os dentaires, si vous voyez ce que je veux dire), et écartelé sous sa patte, le danseur en grande sissonne de la couverture de Ballet 2000 ressemble à un insecte écrasé. J’ai trouvé ce que je cherchais, mais comment dire… il est l’heure d’attraper mon train qui entre voie G comme Gérard (il faudrait d’ailleurs que la SNCF pense à une petite mise à jour – quoique déjà, on n’a pas voie C comme Françoise).

 * c’est à ça que m’a fait penser le danseur écrabouillé

Effeuillage

Personnages féminins préférés
La Bouvillon (this is a (private) joke)
Hermione
Catherine, dans Wuthering Heights
Antigone – ce doit être le petit côté adolescente rebelle que je n’ai jamais été
Anne dans la saga de Lucie Maud Montgomery
la Marquise de Merteuil

Personnages masculins préférés
Malaussène *boulet power*
Aurélien dans le roman éponyme d’Aragon
Heathcliff
Le Vicomte de  Valmont
Artemis Fowl Je veux lire le cinquième tome. Pourquoi diable WH. Smith l’a classé dans les lectures pour les 8-12 ans ? Je me suis sentie tellement idiote devant le rayon que je ne l’ai pas pris. Je récidiverai.

Personnages asexués
Dobby !
Malfoy, quand il fait « l’extraordinaire fouine bondissante »
Folly, le Centaure à l’humour grinçant dans Artemis Fowl

Personnages féminins détestés : le bal des chieuses
Le Princesse de Clèves
Emma

Personnages masculins détestés
Julien Sorel, au risque de m’attirer les foudres du Teckel
K.
Bardamu


Le plus bel ouvrage de ta bibliothèque ?
Ca veut dire quoi ça ? Celui avec les plus belles photos (un livre de danse, alors) ? Le mieux relié ? Ce serait alors sans conteste les deux tomes des Misérables que j’ai empruntés à mes grands-parents et oubliés de rendre. Un cuir souple et bien travaillé, un papier marbré pas vraiment assorti, mais une reliure qui au final tient bien en main et se lit avec plaisir.

Le plus volumineux ?
Le livre de Sylvie Guillem, qui fait au bas mot 4 kilos et à côté duquel les cartoons du New Yorker paraîssent avoir rétréci au feuilletage et les dictionnaires jouer dans la catégorie des poids plumes.

Le plus ancien ?
Sûrement celui de mes grands-parents. On est plutôt folio de poche, ma mère et moi.

Le plus petit ?
Un sur Van Gogh, plus petit qu’une allumette.

La bibliothèque brûle, les dix livres que tu sauves ?
Mes livres dédicacés par Daniel Pennac et les livres de danse épuisés que je ne retrouverai plus, comme celui sur Noureev.

L’ouvrage le plus énigmatique jamais lu ?
Peut-être les Chroniques de l’oiseau à ressort, de Haruki Murakami. Mais j’ai beaucoup aimé.
Non, véritable énigme, qui pourrait aussi aller dans la catégorie des malsains : Piège pour Cendrillon de Japrisot, dont on ne connaît qu’Un long dimanche de fiançailles à cause de son adaptation cinématographique. Pourtant, Piège pour cendrillon, qui n’a rien d’un conte de fée, le surpasse largement. La narratrice se réveille défigurée et amnésique après avoir réchappé de sa maison en flamme. Sa sœur est morte dans l’affaire. Mais voilà, l’incendie est criminel et c’est nécessairement l’une des deux sœurs. La narratrice ne sachant plus qui elle est  ne sait pas si elle est la victime réchappée ou la meurtrière de sa sœur – une construction vertigineuse, tout l’entourage mentant pour diverses raisons, impossible de faire jour, renversements successifs, mais in fine, tout est possible. L’énigme absolue : aussi horrible que brillant. Machiavélique !

Le plus malsain ?
 « There is no such thing as a moral or an immoral book, books are well-written or badly written, that is all » Wilde avait raison – ou alors il lisait trop de choses malsaines mal écrites.

Le plus bouleversant ?
Le joueur d’échec
de Stefan Zweig. Ca vous met dans un état proche de celui du héros : une folie fiévreuse.

La plus belle histoire d’amour jamais lue ?
Malgré une fréquentation assidue des Cœurs grenadine et des Toi+moi dans ma prime jeunesse, rien de s’impose à mon cœur de pierre. Ou alors une histoire d’amour imaginaire d’un jeune homme qui collectionne les autographes d’une vieille actrice, The autograph man, de Zadie Smith. Ou alors celle de Mathilde dans Un long dimanche de fiançailles. Ou plutôt Wuthering Heights.

Les livres les plus difficiles à obtenir ?
La poésie de Brautigan en anglais. Toujours pas trouvé. D’ailleurs, appel à témoin…

Le plus inattendu ?
Aurélien
 ? (M’a donné à nouveau envie de lire) Du côté de chez Swann ?
Ah non, j’ai trouvé ! Le Nuage en pantalon de Maïakovski. Pour qu’une traduction soit si enthousiasmante, avec des images décalées, c’est que le texte russe doit être extraordinaire. 

 Le livre que tu n’arrives pas à finir ?
Si c’est une question de temps, Peter Pan, mais sinon je finis toujours mes livres, question de principe. Après je les critique en toute liberté ^^

Le livre le plus lu ?
Harry Potter ou Antigone (si on exclut Entorse à la patinoire)

Le livre arrivé de manière imprévisible ?
La bibliographie des bouquins de philo à lire pendant les vacances. Plus que je n’ai jamais lu de livres de philo de toute ma vie. Pendant les vacances. Les vacances, c’est ma vie (et de ne pas bosser, c’est mon choix ; ah oui, la prépa aussi, merdum) [Le correcteur orthographique me propose « merdre » à la place de « merdum ». Jarry a poussé la blague jusque sous Word ! De par ma chandelle verte !]

Le livre que tu feuillettes le plus ?
Les dictionnaires – ou la Physique d’Aristote, mais ce n’est pas à mes heures perdues.

 Livres lus en cachette ?
Pas que je me souvienne.

Le plus amusant ?
Daniel Pennac !
et pour les enfants, puisqu’il en est ainsi : Artemis Fowl !

 Qui voudrais-tu voir répondre à ce questionnaire ? 
– Melendili, on peut toujours croire au Père Noël. En même temps, tu pourrais crier ton amour pour Darcy et vilipender la Princesse. 
– Le Vates, bien que son blog ne se prête pas vraiment aux questionnaires. Y’a des gens qui savent écrire, merdre. (mais pas l’inventeur de « merdre »)
– Kebina !
– Oxymore
– Aleks, comme cela tu pourras nous reparler de la Nouvelle Héloïse ^^
– Miss Me, pour voir si les scientifiques lisent – bah quoi, sors ton quatrième degré. J’ai hâte de voir des trucs du genre Physique nucléaire en dix tomes et un appendice. XD

 

 

Conditions concours*

    Pour vous mettre aux conditions concours, nous vous demandons de ne pas sortir pendant la première heure, de mettre vos sacs sous le tableau et de ne pas garder votre portable sur la table.

     Cette bonne intention affichée de notre CPE a du faire sourire le premier à être sorti au bout de quarante-cinq minutes. Peut-être même l’a-t-il textoté à quelqu’un d’autre comme ceux qui se sont communiqué le sujet de philo à rendre après les vacances, que l’on devait récupérer après remise de notre copie. Un prêté pour un rendu. Mais qu’importe, je continue à farfouiller dans mon sac pour y trouver quelque chose comestible et euphorisant – du chocolat à tous hasards. Les conversations écrites fusent, les échanges de soupirs désespérés face au sujet aussi,  les brouillons noirâtres sont émaillés de questions (de) bleues, souvent à caractère orthographique. Le trafic de gâteaux bat son plein et le concert des estomacs offre de beaux solos au mien. Pain d’épice, pomme, clémentine, chocolat et polystyrène comestible** : pas question d’être à cours de munitions en pleine guerre froide. Même après avoir fait une indigestion de dates de Noël fourrées au communisme  vague impression d’avoir avalé les révisions du bac d’histoire en une journée – vague sensation d’être persécutée, lorsqu’en allant à ma répétition de danse, un monument en rajoute une couche, en rappelant à ma mémoire défaillante que la guerre de Corée, c’est le millésime 1950-53. Indigestion historique. Le café littéraire était encore plus orgiaque. Jugez plutôt du menu concocté par la Bacchante : Mikados, langues de chat, amandines au chocolat et Ferrero Rocher. A déguster à la fin, après avoir nourri sa pensée de façon toute mécanique, en engouffrant gâteau après gâteau et tendant la main pour attraper une autre pensée, s’apercevoir brutalement que le paquet est vide. Dissertation en miettes. On recolle les morceaux comme on peut. Un tissu d’âneries, cousues au fil blanc des transitions rhétoriques. Un jour, je vous ferai une méta-dissertation pour vous prouver en toute mauvaise foi que mes transitions coulent de source et pas seulement d’encre. Trop long pour ma patience présente. A la place, je vous propose la réponse dont on ne fait qu’une bouchée. Hors-d’œuvre totalement hors de question mais qu’on s’amuse à formuler avant de développer nos idées et de rabougrir notre dos – par un mécanisme que je ne m’explique pas, il me semble que l’on voit mieux l’intérêt du sujet quand on a le nez collé dessus (peut-être est-ce aussi pour cela que j’ai du mal à prendre de la hauteur).
Hors-d’œuvre hors sujet, donc :

« Toute œuvre d’art est un mensonge. »
         Toi aussi, Stendhal.
        
Alors ma copie doit être une très belle œuvre.

 « Pourquoi l’idée de Dieu nous vient-elle à l’esprit ? »
         Parce que nous sommes à Versailles.
        
Parce que l’on me pose la question.
        
Pourquoi l’idée de « Pourquoi l’idée de Dieu nous vient-elle à l’esprit ? » ne me vient-elle pas l’esprit ?
Mon esprit embrumé n’a même pas pu implorer l’aide divine du clocher de l’église Saint-Louis, drapé de son brouillard mystérieux.

     « Messianisme et géopolitique dans les relations internationales de la Russie puis de l’URSS »
J’aime quand les profs rivalisent de superbe pour nous dégoter de beaux sujets. Un sujet vu de loin, c’est toujours beau. Et tout le monde sait que la beauté laisse sans voix. 

Conditions concours. *sous conditions
Libération conditionnelle sous peu de jours.

** Copyright Melendili – mais si je dois rendre compte de toutes les expressions que je lui pique, on n’est pas sortis de l’auberge.  

Bulletin d’information météologiquement khâgneuse

    Une dépression khâgneuse s’abat sur tout le pays. De violents orages sont à prévoir à Versailles dès jeudi. Possibilité de pluies torrentielles qui inonderont à coup sûr les vallées de larmes. Prévoyez les bouées de sauvetage en cas d’inondation – il y a toujours moyen de ramer et de se noyer dans un verre d’eau. Après de nombreuses turbulences neuronales, les choses devraient s’arranger. On prévoit même une obscure éclaircie vendredi en quinze, suivi d’un week-end électriquement illuminé. Selon nos prévisions, les vacances devraient anticiper sur les giboulées de mars (ou mimésis des guirlandes clignotantes?), alternant grands éclats de rire, et nuages de contrariétés aristotéliciennes.

*prend le petit sourire niais et le petit mouvement de main satisfait qui s’impose, jusqu’à disparition de la page par un aimable clic de votre part*
-maniez-vous, j’ai une crampe à la mâchoire et vraiment l’air con-