Raffinement russe : la délicate Ouliana Lopatkina

 

La venue de l’étoile du Mariinski à Versailles était annoncée comme « exceptionnelle ». Le théâtre Montansier aurait pu faire quelques efforts pour l’occasion, comme éviter le très amateur « lecture » ou « pause » qui s’affiche lors de la projection des films, et surtout investir dans une vraie barre de danse mobile, plutôt que de refourguer la vieille barre incurvée qui moisi derrière la scène et sur laquelle on s’échauffait avant chaque examen du conservatoire. La soirée n’en demeure pas moins une exception, tant pour sa programmation dans un mois Molière très théâtral (Versailles, l’un des berceaux de la danse, n’en est pas resté un foyer, tant s’en faut), que pour la ballerine d’exception qui s’y produisait et dont la carte blanche a donné un spectacle bien éloigné de l’esprit de gala.

Nulle démonstration de virtuosité dans cet hommage aux trois grandes ballerines russes que sont Anna Pavlova, Galina Ulanova et Maya Plisetskaya, par ailleurs habile moyen de s’inscrire dans la lignée de ces figures de légende (et commodité pour des changements pas si rapides). Les cinq extraits présentés alternent avec la projection d’images d’archive sur les trois susnommées, petite musique de fond (qui assure la liaison entre les photos mais ne correspond donc pas aux extraits filmés) et commentaire assuré par le directeur du théâtre. Le contraste entre le lyrisme outrancier des aînées et la retenue de l’étoile risque de faire passer sa délicatesse pour de la fadeur, mais a le mérite d’écarter la question de la technique et de se situer dans un autre horizon, celui de l’ « âme » (russe) pour employer les grands mots – parti pris qui rend cohérent le choix des ballets présentés.

 

J’avais vu moult photos d’Anna Pavlova et Cecchetti, mais jamais le pas de deux lui-même. On a connu Neumeier plus inspiré que pour ce pas d’école où le maître et l’élève se donnent la réplique. C’est évidemment impeccable, des développés assurés à une barre pourtant trop petite, des promenades attitudes si sereines que j’en profite pour regarder la marque de ses pointes aux jumelles (d’après le dessin, je dirais des Bloch – je m’attendais à des Grishko – à moins que je ne confonde ?), des ports de bras léchés… mais ça ne m’enthousiasme pas. J’aimerais bien qu’elle lève les yeux, pour commencer. Le regard baissé fait peut-être belle russe humble et romantique, mais un siècle a passé depuis Pavlova, et je ne suis guère qu’au premier balcon, elle ne risque donc pas l’air ahuri de celle qui veut faire paraître son inspiration, le cou levé, jusqu’au poulailler.

Ma réserve commence à se lever avec le deuxième extrait (indiqué en troisième sur le programme, mais heureusement, l’annonce ne laisse aucun doute), la « danse russe » du Lac des cygnes, dans la chorégraphie de Fokine. Le mouchoir à la main et l’entre-choc des talons me rappellent mes cours de caractère quand j’étais petite ; le résultat n’est pas le même, nul besoin de le préciser, la grande simplicité dans le geste fait ici apparaître une sorte de pureté. Le costume est rutilant, mais la danse dépouillée, le raffinement se trouve à l’opposé de l’ornementation. Rien que le port de bras initial, mouchoir tombant, qui projette l’intention vers le public avant de l’écarter à la seconde, est émouvant.

La valse n°7 qui suit, de Chopiniana, me fait enfin comprendre le parti pris du programme et la valeur de la ballerine. Habituellement, je déteste ce mot, « ballerine », tout juste bon à désigner les figurines de boîtes à musique ou les photos de David Hamilton – Chopignagnagna gnan-gnan, quoi. Il n’y en a pourtant pas d’autre dans le contexte russe, ce qu’essayait de montrer le film Ballerina. La danseuse russe est autre chose qu’une interprète qui met son corps au service d’une chorégraphie. J’imagine aisément qu’Ouliana Lopatkina doit exceller dans Giselle : on a peine à croire que son corps soit de chair et de sang ; et il ne vient pas non plus à l’idée de ramener sa finesse à la maigreur d’une fille qui n’a que la peau sur les os. Ce qui est proprement fascinant, c’est qu’il n’y a absolument rien de musculaire dans sa sylphide. Il n’y a pour ainsi dire pas de pas de deux, elle se laisse soulever par son partenaire comme par une bourrasque. Marat Shemiunov n’est d’ailleurs pas beaucoup plus visible qu’un souffle de vent : l’homme porte-manteau est le corrélat de la femme ballerine, qu’on manipule avec précaution, comme un bel objet fragile. Aucun effort, et même, cela va au-delà : le mécanique du corps, des articulations, de l’antagonisme des muscles y est absente, insoupçonnable. Je ne suis pas en train de dire qu’elle est immatérielle ; cela, c’est le rôle qui le veut. Même si son essence se révèle le mieux dans le ballet romantique, c’est toute sa danse qui est ainsi, fluide, insaisissable – oubliable, alors ? L’ambivalence va jusque là, c’est le « presque trop parfait » de Palpatine, la perfection comme ce qui est achevé et déjà passé dans l’instant où on y assiste. Les images d’archive prennent alors tout leur sens, diffusent jusque sur scène leur parfum nostalgique, qui existe déjà dans l’instant de la représentation vivante, parce qu’il tient désormais moins au passé qu’au parfait.

Le plus beau moment de la soirée tient en grande partie à la chorégraphie de Roland Petit. La Rose malade, sur une musique de Mahler, constitue un parfait écrin pour notre ballerine ainsi que pour notre danseur, une fois n’est pas coutume. Contrairement au cyclo vert au goût douteux lors de la danse russe, l’éclairage futuriste rose solarisé possède quelque utilité sinon beauté, et nous emmène bien loin d’un quelconque spectre un peu fané. Pied en sixième, montée sur pointes, genoux pliés qui replacent les jambes en cinquième – pas qui propage une onde de choc dans le corps, et qui me rappelle un instant Abbagnatto dans l’Arlésienne. Rien à voir pourtant : chaque mouvement est une éclosion. Les jambes sont comme une extension du tutu, le geste est délié, les poignets, pour être souvent cassés, ne brisent pas pour autant la ligne souple des bras, à peine dirigés, qui retombent avec la légèreté et le retard d’un voile de soie – l’image même de la comparaison donnée par mon professeur de danse. C’est délicat. Jusqu’au doigt qui effleure l’atmosphère saturée de la scène.

Dégagé des contraintes du mouvement, le corps s’absente et pourtant l’érotisme qu’on associe souvent au ballet classique (mais que je perçois souvent davantage dans le ballet contemporain) est à l’évidence plus que jamais présent. Le corps ne s’exhibe pas volontairement par la puissance musculaire ou la nervosité de son énergie (à cet instant, c’est à se demander si la danseuse est capable du moindre mouvement incisif) ; la sensualité se trouve toute entière dans le regard, et plus qu’un objet fragile, la ballerine devient une pâte malléable que modèlent les fantasmes du spectateur. Elle file entre les doigts de son partenaire comme une coulée de lave (rose, certes). A chaque fois qu’il la saisit, c’est qu’elle est sous son emprise, pas entre ses mains ; les appuis des portés deviennent des caresses, l’évidence s’impose lorsqu’après l’avoir élevée toute droite, le danseur l’enserre d’une bras puis de l’autre à me
sure pour la ramener au sol et à lui – pas à elle, puisque la rose malade meurt.

Heureusement sur scène, on ressuscite rapidement, ce qui est très pratique lorsqu’il faut mourir à nouveau cinq minutes plus tard, le temps que la rose se soit métamorphosée en cygne. La Mort du cygne est loin de figurer parmi mes solos préférés, mais il faut reconnaître qu’Ouliana Lopatkina l’interprète admirablement (surtout après avoir vu les battements de bras de la Pavlova sur le point de se noyer). En mémoire, la main abandonnée sur le haut du tutu plateau au bout du bras replié dans le dos1 lorsqu’elle se détourne, ou plutôt essaye de se détourner d’une main invisible qui semble alors la contraindre. Le rond de jambe un genou à terre. Et les dernières secousses involontaires avant que le corps mort ne se détende. Les applaudissements n’en finissent pas, alors, comme pour illustrer l’affirmation que l’interprétation de la Mort du cygne n’est jamais identique, y compris pour une même danseuse, l’étoile accepte de mourir une nouvelle fois, dont je retiens l’affaissement du buste qui entraîne en avant la tête et les bras, alors qu’elle piétine (frémit) en quatrième. Pour le cou, c’est bien un cygne.

Son salut, alors… avant de plonger en révérence, elle fait ce même port de bras que dans la danse russe, morte de fatigue ou d’autre chose, incapable de sourire, épuisée vraiment par le spectateur, fragile, peut-être, belle. On ne sait pas encore à quoi s’en tenir tant qu’on n’a pas vu un danseur saluer. Là, c’est fait.

Mais. Il n’empêche, c’était court, on reste sur sa faim. On aurait gagné à des extraits plus longs, non pas tant en proportion durée du spectacle/prix de la place, que dans l’appréciation des extraits dans le style desquels il faut le temps de s’immerger (d’où les premières véritables acclamations après la Rose malade).

 

1 (si vous ne visualisez pas, une comparaison bien peu poétique : comme on immobilise un malfrat avant de lui passer les menottes)

 

Le mardi, c’est canari

 

Je savais qu’il fallait se méfier. Jan Fabre, pour moi, à l’époque où je lisais consciencieusement Danser, c’était des photos de carcasses d’animaux suspendues aux tringles et des coupes de mouvements non identifiés. Quand Palaptine et moi arrivons aux Abbesses mardi dernier, le décor est plus engageant, presque festif, s’il est vrai que toute les cages d’oiseaux sont suspendues en l’air comme des lampions. Pour ajouter à l’atmosphère onirique, on distingue des petits îlots faisant de la scène encore non éclairée mais au rideau levé un nouveau monde à explorer. On entend en continue un petit bruit qui, dans un paysage idyllique, aurait été la rumeur d’un cours d’eau. Mais en plissant les yeux, je découvre bientôt avec une joie enfantine qu’il provient en réalité des petits trains électriques dont chaque circuit constitue un îlot. C’est complètement improbable, j’adore. A l’avant-scène, côté cour, une femme, en robe jaune canari, justement, comme les oiseaux dans les cages, est affalée dans un rocking chair et reste ainsi le temps que tout le monde s’installe mollement.

Alors que cela avait bien non-démarré, ça commence et ça se gâte. La femme-canari traverse la scène pour aller nous lire au micro, dans un anglais grec, la lettre qu’un homme a écrite avant de sauter d’un pont. Il choisit librement la mort pour ne pas qu’elle le saisisse malgré lui, pour ne pas souffrir – traduire : pour ne pas risquer de vivre. « Est-ce que je saute ? Parce que je ne veux pas être pris au dépourvu par la mort que l’on dit naturelle. » Il est tellement crédible, le suicidé enthousiaste, que sa lettre prend des allures de journal, où il fait état de ses pensées heure par heure, ce qui permet à la femme-canari de suspendre sa lecture pour se livrer à un tas d’activités qui, à défaut d’être toujours de la danse, formeront la performance. Elle ne sait visiblement pas trop quoi inventer pour tromper la mort : elle dansote, se balance dans le rocking chair, balance les cages, mais justement, on s’en balance ; elle boit de la bière, s’en rafraîchit les cuisses puis la fourre dans sa culotte afin d’achever de se sentir virile, et la déverse au-dessus d’un train, histoire de ne pas pisser dans un violon. La dégaine est telle que cela prête à rire, mais c’est quand même du grand n’importe quoi fabriqué en Belgique (« this is Belgium »). Dès fois qu’on n’aurait pas bien saisi, elle mène grand train, relève sa robe et écarte les cuisses au-dessus du chemin de fer, s’y allonge, puis pose sa joue, la bouche grande ouverte, parce que bon, elle est fêlée.

 

 

Autre moment amusant, après avoir répété des mouvements mécaniques, la grue camionneuse devient un bulldozer : tronc et jambes à angle droit, bras ballants et mains playmobil, marche saccadée, elle transporte du charbon d’un îlot à l’autre – oui, parce que les petits tas étaient en réalité des terrils. Pour achever de nous miner, elle a balancé rageusement des bouts de charbon d’un tas à l’autre, s’en est barbouillée tout le corps, seins compris, et a repris sa danse-transe de canari épileptique, sortant de temps à autre la lettre du joyeux suicidé pour en venir à lire un bout.

 

 

Cela ne réussit pas à être émouvant. Ou alors seulement la chanson finale, Ode to Billie Joe, davantage le fait de Bobbie Gentry que de Jan Fabre. C’est drôle, parfois – mais seulement parce que cela nous extirpe un temps de l’ennui qui menace. Les gesticulations sont surtout insignifiantes, à l’image de ce que la femme-canari s’écrit sur les bras au charbon de bois : on reconnaît aux traits droits qu’il s’agit de lettres majuscules, et on s’escrime ensuite à essayer de lire entre ses mouvements d’enlacements qui nous les dérobe volontairement, mais une fois qu’elle s’offre au public, les bras en croix, et les lettres à la lecture, celle-ci n’apporte rien : « Princess » sur l’intérieur du bras droit, comme le « sweet princess » de la lettre, et « I am hot » sur l’intérieur du bras gauche. On peut aimer à la fois les mots doux et les sexes durs. So what ? Entre l’horreur de Ralph Lemon et le canari, il ne faut pas chercher à sauver les princesses, je vous le dis, mais s’en méfier (Palpatine m’a piqué mon parallèle sans même l’expliquer, alors j’ai fait un titre à sa mode, non mais).

 

 

 

 

Dans l’article que j’ai lu à l’entrée du théâtre en attendant Palpatine et l’heure avec du pain aux raisins (le lendemain au petit-déj avec du Nutelle s’était terrible, mais je m’éloigne), on disait la pièce symbolique. Il a bon dos, le symbole : c’est bien beau d’avoir moult signifiants (la cage, les petits-trains phalliques, le canari…), encore faut-il un signifié. Aucune cohérence ne se dégage entre toutes les relations que l’on peut imaginer : la scène comme une cage, où la femme-canari évolue, enfermée dans la vie sans son amant mort ; cage à folle ; la femme-canari qui a « cru voir un gros minet » et, schizo, scrute une cage comme un chat, avec de petits mouvements de cou brusques et nets qui suivent le balancement de sa victime ; l’absence de l’homme pour une femme condamnée à le singer… Rien à faire, on tourne en rond comme les petits-trains dont le bruit aurait tendance à taper sur le système à la longue ; Palpatine est formel : les paillettes qui tombent du ciel à la fin de la pièce, c’est de la came.

Cela me laisse dubitative, les bras m’en tombent et les applaudissements se perdent. Palpatine plaide pour l’interprète, et il est vrai qu’Artemis Stavridi a bien du mérite, elle est, dans tous les sens du terme, performante. Je fais alors des cymbales en m’en lavant les mains. La femme-canari désormais noiraude ferait bien d’en faire autant.

 

 

Kaguyahime, de Kylian

Lundi 14 juin à Bastille

 

Je vais finir par croire qu’être tchèque et avoir un nom en K prédispose au talent. Certes, le titre japonais du ballet s’éternue, mais vous êtes priés de ne rien en faire et de vous abstenir de toute autre manifestation bruyante, car cette seconde escapade contemporaine vers l’Orient dans la programmation de l’Opéra est encore plus réussie que la dernière. Beaucoup plus cohérente. Certes, l’histoire de la princesse lunaire qui descend sur terre pour que règne l’harmonie et repart dans les étoiles pour avoir mis les pieds dans la boue et vu les hommes le poignard à la main, ça m’émeut assez peu. Curieusement, la belle idole distante de Marie-Agnès Gillot, tout en attitude quatrième parallèle sur jambe pliés et bras d’aigles, me fascine assez peu. Ce qui m’hypnotise, c’est d’abord la lente marche des prétendants (comme Kaguyahime est resplendissante, tout le monde lui court après – lentement, faut pas déconner), où chaque pas, suspendu, devient un équilibre. Alignés, ils traversent la scène de jardin à cour, entre les barres qui assemblent les immenses tiges de fer qui représentent une forêt de bambous, et bruissent comme les gréements des bateaux dans un port. Avec la lumière jaune rasante, on dirait qu’ils tracent des sillons, qu’ils empruntent ensuite en sens inverse, chacun leur tour, dans des variations toutes plus formidables les uns que les autres, à l’énergie féroce. La lumière de biais, loin de créer un clair-obscur intime, souligne l’articulation de chaque geste, bombe un muscle, creuse son ombre, jusqu’à faire apparaître les dos noueux, puissants.

Kylian sait chorégraphier pour les hommes : il ne faut pas y aller pour ses rôles principaux (Stéphane Bullion, du reste, ne fait qu’une brève apparition – pas assez pour que mon a priori soit infirmé ou confirmé- en mikado, empereur aussi raide et intransigeant que le jeu éponyme dont je ne comprenais pas qu’il donne son titre à l’une scènes), mais pour son corps de ballet masculin. Lorsque j’ai vu la présence, la fluidité et la rapidité qu’exigeaient chaque variation, bien gratinée, j’ai cessé de m’étonner de ce qu’on trouvait justement tout le gratin dans l’ensemble masculin et notamment, outre Mathias Heymann, Alessio Carbone, aux tours virtuoses et à la démarche de toréador (« virile » irait mieux, mais l’adjectif est toujours pour moi parasité de son emploi ironique, versant vers l’homme des cavernes qui se la joue macho), et surtout Julien Meyzindi, dont l’interprétation pleine de maestria de Frollo au concours ne relevait donc pas du coup de chance. Vraiment, il est, ils sont fascinants. Puissants. Dégagent une espèce de force brute qui est le suprême raffinement de la technique classique. Et non, mon enthousiasme fasciné n’est pas dû à la parade mâle – sa danse, pas son visage, ai-je précisé à Palpatine qui semblait mitigé sur le compte de Meyzindi, qu’il examinait aux jumelles (et qu’il a par conséquent rapidement redirigées par la petite -mais costaud- percussionniste).

La suite me fait saisir ce qui justement m’a saisie dans cette scène : on y danse sous son meilleur de profil. Non seulement les déplacements sont latéraux, et resserrés en avant-scène, mais dans la mesure où la danse de chaque prétendant est adressée à Kaguyahime, le spectateur se trouve (les voir) de côté, quand ce n’est pas de dos – mais alors celui-ci, et c’est la force de la chorégraphie, devient un autre visage, qui cesse dans la danse d’être la synecdoque de tout le corps. Celui-ci est entièrement engagé par le mouvement, si engageant, aussi, que j’ai parfois, je crois, une épaule qui s’avance ou un a-coup qui me projette de quelques millimètres en avant (répercussion à l’échelle de la réduction, de la scène au fauteuil).

Le temps fort du ballet est à cheval sur la fin de la première partie et le début de la seconde, soit respectivement « le combat » et « la guerre ». Hommes en noirs et les villageois en larges pantalons blancs et torses nus s’affrontent : il n’y a ni bien ni mal, mais les blancs gagnent quand même dans l’exultation de ces affrontements de ce qu’ils se détachent mieux du fonds noir. Celui-ci est d’ailleurs à plusieurs reprises brusquement déchiré pour laisser place à de nouveaux combattants, de nouveaux duels, et de nouvelles courses qui explosent en des sauts à couper le souffle – sans pour autant être époustouflants, car la virtuosité n’est jamais gratuite, elle est toujours démonstration de violence, mais si maîtrisée que la force devient pure énergie, et l’on en viendrait presque à oublier que c’est avec cette même énergie que les hommes s’entredéchirent. Et les femmes, s’il est vrai qu’elles participent à ce formidable feu d’artifice. Les tambours sont la seule musique de la guerre et leurs coups vous ébranlent de l’intérieur exactement comme à la détonation de chaque fusée. Un percussionniste à jardin dans la fosse, un autre à cour au fond de la scène, de surcroît habillés selon les codes des opposants : on dirait que les camps ennemis se répondent d’un bout à l’autre du champ de bataille. Les musiciens qui ne jouent plus prennent la fuite en passant par le plateau, la scène devient un espace perméable, effet de panique très réussi. Puis la fumée vient entourer deux chevaux sculpturaux, dont l’ombre immense est projetée sur le rideau, et qui sont bientôt soulevés dans les airs par le nuage de poussière et renversés, image du chaos bientôt mis en mouvement par les saccades du stroboscope (et c’est une horreur de danser là-dessous). Terrible !

Du coup, pour revenir à la sérénité de la princesse sans avoir l’impression de tomber de la lune, la scénographie grandiose n’est pas de trop : un drap d’or tombe des cintres et inonde la scène de ses plis, dans lesquels le mikado tente de retenir Kaguyahime (purée, ça fait un certain nombre de fois que je l’écris depuis le début de ce post, mais il faut à chaque fois que je copie l’orthographe sur la feuille des distributions), jusqu’à ce qu’elle l’aveugle, et nous aussi par la même occasion, par la lumière lunaire, pleins feux sur des panneaux réfléchissants, et achève ainsi son ascension.

C’était sensationnel, je pense y retourner – avec une autre distribution, je suis assez curieuse de voir ce que Letestu et Renavand feront de la princesse, même si je me régalerais encore de revoir le même ensemble masculin. Allez, pour le plaisir, finissons par la revue de troupe : Mathias Heymann, Alessio Carbone, Josua Hoffalt (grand aussi, miam – je sais, les danseurs ne sont pas des gâteaux), Julien Meyzindi 🙂 , Adrien Couvez, puis Florian Magnenet, Nicolas Paul, Simon Valastro :), Marc Moreau et Daniel Stokes – nous voilà équipés !

 

 

Fine équipe aussi de l’autre côté de la rampe. Dans la file d’attente des Pass jeunes, la désormais dénommée B#6 devine que je suis blogueuse. J’ai un ordinateur sur les genoux, certes, mais je ne fais que relire le mémoire de ma potesse de fac, alors je cherche à vérifier qu’il n’y a pas erreur, mais non : « D’après ton pseudo, je ne t’imagina
is pas si grande ». Je suis scotchée. Lorsque je préviens le suivant dans la file que « je suis deux », elle embraye : « J’ai vu ton copain la semaine dernière ». Et là, ça y est, j’enclenche la seconde, c’est la miss Sc. Po de Palpat’ – ce qui n’explique pas davantage comment elle m’a identifiée. Le soupçon de dons occultes n’est (sou)levé que lorsqu’elle se présente comme ancienne de La Bruyère. C’est quand même dingue qu’il faille attendre une improbable rencontre à Bastille pour connaître quelqu’un qui a passé deux ans de l’autre côté du couloir que vous avez emprunté quotidiennement.

Palpatine s’indigne de ce qu’on (moi) puisse passer à côté de ce charmant bout de fille. Je ne précise pas que la réciproque est valable, s’il est vrai que la grande asperge que je suis n’était pas spécialement discrète lorsqu’elle s’étirait dans le couloir en question ou se payait un concours improvisé de fouettés ratés avec B. dans le hall du bâtiment scientifique. Autre hypokhâgne, autre khâgne, cela ne m’étonne plus trop : déjà que j’avais quelques flottements dans les noms de mes 47 khâmarades (angoisse d’être désignée pour la distribution des copies)… Du coup, à l’Entracte (le restaurant en face de Bastille, pas la pause entre les deux parties), après s’être réjouis de la vaillance de nos danseurs, on a fait coïncider nos souvenirs d’anciens combattants. Très amusants – un peu moins pour Palpatine, mais davantage pour Miss Red que j’ai ensuite eue au téléphone et qui a assemblé quelques autres pièces du puzzle.

 

All that jazz

 

La répétition d’hier ayant été annulée, j’ai pu aller avec Palpatine à la dernière conférence d’histoire de la danse organisée par le Théâtre de la Ville. Sonia Schoonejans nous a conté la naissance puis le devenir du jazz, depuis les plantations du Sud de l’Amérique jusqu’aux scènes européennes, en passant par ses divers avatars, modern jazz au contact de la modern dance, comédies musicales ou encore claquettes, jusqu’au hip-hop. Outre le background historique américain (crise de 29, lent mouvement de déségrégation raciale, les Trente Piteuses… – une historienne de la danse est historienne), je retrouve des éléments connus, comme le cake walk, découvert dans un bouquin pour enfants (et expliqué à ma prof d’anglais de Terminale lors d’une version) ou encore le Minstrel show qui figurait dans les pages civilisation du livre d’anglais, mais la mise en perspective fait apercevoir les tours et détours d’une danse noire sans cesse reprise et codifiée par les Blancs. I hope ne pas raconter trop d’âneries dans la reprise de mes notes.

 

Les ring shouts revêtaient pour les esclaves noirs une fonction religieuse, ce dont se fichaient éperdument leurs maîtres qui les parodièrent vers 1820 en inventant le Minstrel show, où des Blancs, le visage grimé au charbon de bois et une perruque de laine noire sur le crâne, jouaient deux personnages noirs caricaturaux. Après la guerre de Sécession, ils furent repris par des Noirs, mais toujours avec le même déguisement, tant la chose avait été codifiée. Si la possible intériorisation du regard raciste peut laisser mal à l’aise, il n’en va pas de même avec le réjouissant cake-walk, né dans les plantations pour se moquer des grands airs des maîtres lorsque, très guindés, ils dansaient le quadrille ou autres danses de bonne société.

Minstrel show vs cake-walk : Blancs et Noirs se moquent les uns des autres et s’influencent bien plus qu’ils ne le croient, s’il est vrai que le Minstrel show popularise le cake-walk (qui prend son nom en raison du prix attribués aux vainqueurs des championnats qui sont désormais organisés) et que la bonne société s’encanaille en s’inspirant de ce dernier. Évidemment, les mouvements de hanche sont gommés et le dos perd davantage en rigidité qu’il ne gagne vraiment en souplesse. A force d’être obsédés par la décence, les coincés qui croient se lâcher frisent le ridicule. La sensualité animale a disparue au profit d’un véritable bestiaire : j’ai bien gloussé devant la « danse du dindon ». Les étymologies supposées du mot l’indiquent (jazz < fr. jaser ; < argot avec forte connotations sexuelles ; <mot je-ne-sais-plus-quoi qui désigne les prostituées), c’est pourtant bien dans le corps que réside l’âme du jazz, dans la sensualité qui horrifie et fascine les colons, puis enthousiasme la jeunesse lorsque la danse est importée en Europe dans les années folles, les soldats n’apportant pas que du chewing-gum et du coca à la Libération. Sur le modèle de la flapper, la garçonne s’épuise au charleston dans les dancings.

La codification n’entraîne pas le déclin du jazz dont le style réside pour une bonne part dans la spontanéité de l’improvisation, mais déplace ses foyers de création. Alors que le jazz, déménagé de la Nouvelle-Orléans puis de Chicago s’est installé dans les comédies musicales de Broadway et que Bill Robinson alias Bojangles en devient la première vedette noire ou presque, le jazz swing s’invente dans les clubs de Harlem où l’on conjugue humour, virtuosité et improvisation – de même que le ring shout des esclaves était une danse d’espoir, cet art reste un moyen de lutter contre la D/dépression et la misère. Lorsque le swing aura too much swung, et qu’une partie des jazzmen s’éloigneront de ce qu’ils jugent une musique et danse de compromis pour donner naissance à une nouvelle branche, le be-bop, plus difficile à danser, et plus difficilement récupérable par les Blancs. En effet, l’Amérique est toujours ségréguée et la défense d’une culture propre fait partie du mouvement de revendication d’une spécificité. Katherine Dunham créé une technique à elle, une curieuse synthèse d’éléments du ballets classique, de la modern dance avec ses contractions for example, et de danses de Jamaïque et Haïti, tandis que Jack Cole influencera Robbins ou encore Balanchine par son travail de chorégraphe. De la génération suivante se détache particulièrement Alvin Ailey : s’il monte sa première chorégraphie sur un morceau de Duke Ellington (Bamboo, c’est le moment de crier Viiiian !), l’univers de celui qui est venu à la danse après avoir vu les ballets russes de Monte-Carlo ne se limite pas au jazz, et emprunte à Graham, Humpfrey…

La fin de la conférence est en vitesse accélérée, histoire d’avoir le temps de visionner les vidéos d’archive : les yuppies succèdent aux hippies, Harlem s’efface devant le Bronx, et bientôt vient la break dance, la culture hip-hop…

 

Une heure de conférence, une heure d’extraits vidéo : celle-là permet de faire les liens entre ceux-ci qui eux-mêmes donnent un contenu concret à l’histoire entendue. La juxtaposition de cake-walk, tap dance par les Nicholas Brothers, comédie musicale avec West side story, clip d’Elvis Presley et moonwalk de Michael Jackson rejoue le dialogue jazz en black and white, et c’est parfois haut en couleurs ! Les Nicholas Brothers sont ahurissants, on se demande comment ils font pour avoir au niveau des adducteurs une telle force (remonter d’un écart) et une telle souplesse (sauter une marche et retomber en écart sans s’exploser l’entrejambe ni les genoux ). La vitesse n’est pas pour rien dans la virtuosité – on ne peut parfois pas suivre le mouvement des jambes, à se demander si l’enregistrement n’a pas quelque faiblesse technique. Je ne suis pas sûre qu’on trouverait quelque chose d’équivalent aujourd’hui, où les rares spectacle de tap dance dont j’ai pu avoir connaissance se font à un rythme certes rapide mais non tant – même chose pour le ballet, où les tempi se sont fortement ralentis (sauf qu’on y a gagné en technique, parce que question propreté, cela faisait un peu débutant de conservatoire) : il est curieux de constater que dans notre société hyperactive, nos arts ont pris le temps de vivre.

D’autres considérations plus prosaïques me traversent l’esprit, comme la parenté des tap dancers qui se mettent à faire des bonds, bras le long du corps, jambes serrées, avec les hurluberlus qu’on peut croiser en boîte, ou encore : l’absence de bras non-dissimulée par les mains portées dans le dos (comme c’est le cas dans la gigue irlandaise – ça claque, niveau diversité ethnique) fait ressortir leur côté manchot, et je me dis alors que les créateurs de Happy Feet ont du tomber sur ce genre de films.

Le dernier extrait est à l’image de notre vision désorientée : un break dancer est filmé par-dessous une plaque de verre, donnant tantôt l’impression, lorsque les zones d’appui sont étendues et originales, d’être écrasé, tantôt de flotter sans contrainte de pesanteur. Il faut en avoir du souffle. Coupez !

 

Les pieds me démangeai
ent déjà en entendant parler de shuffle – m’a donné envie de reprendre les claquettes, tiens.

Des oh! et des bah !

 

Début de Beach Birds, comme l’avant-spectacle: planant.

 

Hier, au débotté et avec du bol, soirée au Théâtre de la Ville ; quand j’arrive Palpatine (vous avez grillé qu’à chaque fois que je le link, il s’agit de la critique correspondante et non d’une lubie obsessionnelle, j’espère) a déjà trouvé des revendeurs à qui acheter deux places. Dans le hall, je crois reconnaître le danseur pain au chocolat du ballet de Lyon, ainsi surnommé lorsque la compagnie s’était produite à Pantin, il y a quelques années, parce que ma mère le regardait comme si elle allait en faire son quatre heure. Tout à fait à mon goût également. Du coup, j’ai réservé à Palpatine ses jumelles pour ses apparitions sur scène, mais j’ai beau eu scruter et l’attendre de pièce en pièce, personne. Le mystère s’est levé à la sortie : il s’agissait en réalité de l’ouvreur qui s’occupait du vestiaire. Il reste croustillant, mais cela lui a fait perdre un peu de son aura. Un danseur, quand même… venons-y, d’ailleurs. En trois partie, comme il se doit y invite la tripartition du programme.

 

Aux frais de la princesse, le chorégraphe nous a posé un lapin

 

sur le devant de la scène, côté jardin, allongé par terre, face tournée vers le public. Le lapin Kiss cool, à ceci près que le costume ne couvrait pas les pieds, qui frottés contre le sol produisaient un grincement dont j’ai mis un certain temps à identifier la provenance, croyant à un bande-son accompagnant une image flottante projetée derrière. Mais le temps ne m’a pas manqué ensuite pour analyser la chose et plaindre le pauvre gars qui, à moins d’avoir développé un centimètre de corne, ne devait plus avoir de voûte plantaire ; cette blague de mauvais goût a duré, quoi, je dirais un bon quart d’heure. Mais aussi, l’ennui dilate le temps.

De toutes manières, on se demande ensuite si le grincement, introduisant du moins une illusion de rythme n’était pas préférable au silence. Non que celui-ci devienne angoissant (pourquoi cette absence de musique ? La bande-son est-elle morte ? Quand vais-je pouvoir tousser ? Et autres interrogations existentielles), mais il est redondant : on n’entend pas plus qu’on ne voit, et Dieu sait pourtant que ça gesticule. On agite la tête en tous sens – che-veux que ça s’arrête ! – on se jette par terre, seul ou à plusieurs, on dansotte dégingandé mais pas désinvolte, parce que les danseurs sont en empathie avec leur public, ils souffrent. Une pensée émue pour la fille qui se tape une séance de gainage de malade : au sol, elle soulève son bassin et s’arque jusqu’à se trouver sur les demi-pointes et le sommet du crâne, bras en l’air qui demandent de l’aide sans y croire, parce que bon, comme le reste, cela n’a pas été chorégraphié. La vie n’est pas un conte de fée, ma bonne dame, la princesse de Rescuing the Princess (enfin les, parce que toutes les danseuses s’y sont collées) étant décrite par le programme comme une amie danseuse en fin de vie que le chorégraphe a accompagné jusqu’à la mort. Qui est, comme chacun le sait, une délivrance : réapparition de la musique et construction d’un ensemble, le seul de la pièce du coup monté, au lieu de la juxtaposition d’artistes autistes, on aurait bien une ébauche de danse. Peut-être même pas mal, mais on est soulagé de ne pas avoir à se poser la question.

Noir à nouveau, personne n’ose espérer la fin, mais quelqu’un tente d’applaudir pour mettre fin à ses souffrances et c’est finalement ce que l’on attendait de nous. J’ai été rassurée que se mêlent aux applaudissements des huées. Prise entre mon accord profond avec ces dernières et mon envie de témoigner aux danseurs, qui réussissent à laisser deviner une belle qualité de mouvement (en particulier le grand Black, que j’aurais bien aimé voir ailleurs) toute ma compassion, je ne bouge pas. C’était la première fois, je crois, que je n’applaudissais pas à un spectacle. Cela m’est déjà arrivé de ne pas être emballée et d’applaudir par convention, mais là cela aurait été de l’hypocrisie pure et simple.

Ralph Lemon, retenez bien ce nom pour être sûre de ne jamais croiser son chemin.

 

 

Pingouins pas manchots


 

A défaut d’être esthétique, la première pièce a tout de même été utile, en me faisant par contrepoint apprécié une pièce sur laquelle je ne me serais pas forcément attardée en temps normal. Après avoir écouté les mouches voler, nous avons vu les oiseaux danser. Pas n’importe lesquels, précisément ceux qui vous font trépigner un ingénieur Linux embarqué : des Beach birds, des pingouins. On oublie pour une fois que l’académique n’est pas flatteur (d’autant que pinguis désigne tout de même le gras en latin – la seul entrée des Mots latins dont je me souvienne…) ; la démarcation qui le fait passer du noir au blanc juste au-dessus de la poitrine, associée à l’inclination de celle-ci, donne un port de reine d’empereur. J’adore la poésie de cette danse anti-lyrique qui flirte avec le figuratif (j’allais mettre « danse abstraite », mais je viens de relire les essais de Kundera).

A cause du titre, ou plutôt grâce à sa légende (ce qui doit être lu, rappelons nos cours de latin), on voit dans une main/aile qui tremble le pingouin qui frissonne ; dans la tête posée d’une joue puis d’une autre sur le dos d’un partenaire, la tendresse d’une caresse ;   dans les sauts en retiré première (je ne sais pas le terme technique, j’appelle ça les sauts « grenouille ») bras bas, le déséquilibre du pingouin qui plonge. Ou comment Bournonville se retrouve sur la banquise.


 

Si l’émotion e/affleure, elle n’est jamais sentimentale, mais toujours graphique :

 

 

Dans le registre de la référence classique poles apart, le frémissement d’un pied en équilibre en attitude parallèle devant (got it ?) m’a fait penser aux petits battements sur le coup de pied dans l’adage du Lac des cygnesécho volatile. Quand j’en ai fait part à Palpatine, il m’a proposé d’aller voir des vrais oiseaux, sous prétexte qu’il n’y a pas que les pigeons dans la vie, et j’ai eu un court instant la sensation d’en être un.

 

La Beach Bird attitude

 

Comme il est récemment mort et déterré, j’avais lu pas mal de choses sur Cunningham, et j’étais vraiment curieuse de voir ce que donnait une danse aux lignes fortes voire épurées, comme des poses successives (je me souviens de V. qui m’avait résumé le style du chorégraphe à quelque position – et effectivement, on pourrait analyser la chose à l’aide de quelques pas où domineraient l’attitude et le demi-plié en première position), très exigeante physiquement (l’équilibre en attitude derrière penchée et plié, avec port de bras… le genre de chose qui vous développe le mollet pois chiche), entretenant un rapport assez lâche avec la musique (le bâton de pluie a un effet apaisant lorsqu’il n’est pas agité frénétiquement par un gamin chez Nature et découverte), et où l’émotion a dégagé du visage. Ce dernier demeure effectivement de glace, sans pour autant qu’il ait des airs de froideur ; l’ensemble est lisse mais pas superficiel. Cette pièce est vraiment un drôle d’oiseau.


Ne pas avoir l’air d’un albatros – seulement manchot.

 

 

Re- Set and Reset

 

Déjà vue avec Palpatine à Chaillot, la pièce de Trisha Brown me plaît toujours autant. J’ai pourtant eu l’occasion de la re-découvrir s’il est vrai qu’est difficilement mémorisable la fluidité du mouvement avec ses faux rebonds et sa vraie dynamique. Alors que j’arrête toujours Palpatine lorsque l’incessante agitation du neurone descend jusque dans sa jambe et la fait tressauter, j’ai senti des a-coups dans mes épaules et mon dos : un peu comme, lorsqu’on cherche vainement le sommeil, le corps est parfois secoué d’un sursaut involontaire, la réplique des mouvements de la scène traversait le mien. J’ai alors sentis, j’imagine, ce que ma prof de danse appelle entrer en sympathie (musculaire) avec le danseur – et qui chez elle, va jusqu’à lui laisser des courbatures. C’était particulièrement flagrant lorsque je fixais mon attention sur un danseur en particulier, le seul qui semblait vraiment s’amuser, et dont la qualité de mouvement était telle qu’on aurait presque dit que son dos ondulait.

 

Inversement proportionnel prolixe à l’enthousiasme – bof post.